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beau et consolant, il est surtout glorieux pour le sacerdoce de l'entendre nous dire que jamais les prêtres de Jésus-Christ, soit chez eux, soit hors de leur demeure, ne reçoivent de services de la main des femmes vierges ou mariées; « qu'ils n'avaient pour >> les servir aucune femme ou jeune personne, soit mariée, soit » nubile, soit riche, soit servante, soit chrétienne, soit païenne; » qu'ils n'habitaient pas une maison habitée par des femmes, qu'ils ne les admettaient point à leur table et ne prenaient pas eur repos, même en voyage, dans une maison où il s'en trouvait durant la nuit. « Nous prenons garde, ajoute-t-il, qu'on » n'ait jamais un motif légitime de nous accuser. C'est la raison » qui nous fait prendre tant de précautions afin que personne » n'ait lieu de s'offenser ou de se scandaliser sur notre compte. » Il était donc hautement proclamé dès celte époque que les prêtres de Jésus-Christ devaient observer une continence perpétuelle et n'avoir aucun commerce charnel avec les femmes. Autrement, quel sens auraient eu ces précautions et surtout cette sévérité, cette austérité de conduite que révèlent les lignes suivantes; «Mais si nous arrivons en un lieu où il ne se trouve » qu'une femme fidèle, sans aucun homme, nous n'y demeu>> rons pas, nous n'y prions pas, nous n'y lisons pas les Écri» tures; mais nous nous en éloignons comme on fuit la présence » d'un serpent ou la rencontre d'un piége dangereux. Ce n'est » pas que nous méprisions pour cela la femme fidèle: loin de »> nous un tel sentiment à l'égard de celles qui sont nos sœurs » en Jésus-Christ; mais nous ne voulons pas, quand une femme » est seule, prêter matière à des interrogations que de fâcheuses » suspicions font naître, ou même à des impostures. Car les esprits » se portent naturellement à des jugements sinistres et même » s'y fortifient. Nous devons donc prendre garde de fournir l'oc» casion de mal parler de nous et de choquer qui que ce soit. » C'est pour cela que nous évitons avec soin tout ce qui peut >> nous faire accuser par ceux qui inspectent avec curiosité notre » conduite pour nous surprendre en faute, et nous tâchons de » ne blesser ni les juifs, ni les gentils, ni l'Eglise de Dieu. »

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Nous voudrions pouvoir citer les douze ou quinze pages que saint Clément a consacrées à ce récit ou à cette exposition de la conduite des ministres sacrés dans leurs rapports avec les personnes du sexe, car c'est seulement par la vue de ce tableau qu'on peut se faire une juste idée des précautions que prenaient alors les ecclésiastiques pour éloigner d'eux tout danger et tout

soupçon, et pour convaincre jusqu'aux ennemis de la foi, de la pureté et de la sincérité du célibat qu'ils avaient choisi, et dont ils faisaient, sans doute, l'une des conditions essentielles du sacerdoce chrétien. C'est dans ces mêmes pages que se trouve le passage où il est question de la confession individuelle, et où il est dit de quelle manière cette confession avait lieu pour les femmes et les vierges.

Voilà donc trois points niés et rejetés par l'hérésie formellement établis par les Lettres de saint Clément aux vierges: le célibat primitif des prêtres, l'excellence du célibat ou sa supériorité sur l'état du mariage et la confession auriculaire. Sans doute il ne viendra à l'idée de personne de nous demander pourquoi il n'est question dans ces lettres que de ces trois points de doctrine et de discipline; car chacun comprendra que les Deux Epitres aux vierges, n'ayant été écrites que pour servir de conseils et de guides aux personnes vouées à la virginité, elles n'avaient pas pour but de faire une exposition des vérités de la foi et des institutions chrétiennes, et que ce n'est même qu'à l'occasion du sujet qu'elles traitent, qu'il y est question des trois points importants que repousse l'hérésie, et qui reçoivent de ces Lettres une confirmation dont ils pourraient assurément se passer, mais qui est pour l'erreur et pour la mauvaise foi une condamnation des plus accablantes.

Au reste, si les Lettres de saint Clément aux vierges ne doivent avoir pour l'hérésie aucun résultat utile, il n'en sera pas de même pour les catholiques. Ils trouveront en effet dans ces Lettres admirables une nouvelle preuve de la vérité de l'Église à laquelle ils ont le bonheur d'appartenir, de la légitimité du sacerdoce qui les dirige et de la sainteté, de la divinité de l'esprit qu'il leur inculque. Ils y trouveront de plus une nourriture vraiment céleste, qui les fortifiera pour la vertu et qui, par le charme et l'édification que leur procureront ces paroles virginales, leur rendra cette même vertu aimable et facile, les confirmera davantage, s'il est possible, dans la foi, et leur donnera l'intelligence de cette pureté et de cette chasteté qui, dans un sens, ne sont pas moins obligatoires pour les fidèles que pour leurs pasteurs.

Mais c'est surtout aux personnes consacrées à la continence, à tous ceux qui, de leur plein gré et pour le royaume des cieux, ont embrassé le célibat chrétien, aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, que les Deux Épitres aux vierges seront utiles.

Ils y puiseront l'idée de l'excellence et de la sublimité de cette vie des vierges à laquelle ils ont été appelés par une vocation spéciale, et qui, dans le monde spirituel, leur assigne le premier rang, le rang des héros de la foi, comme dans le ciel elle leur assure une place distinguée parmi les saints anges. Ils y apprendront surtout, ce qui est pour eux de la plus haute importance, qu'il ne suffit pas, pour répondre à cette vocation d'une élection toute spéciale, de se préserver de toute souillure extérieure et intérieure, et de se maintenir dans l'observance rigoureuse d'une exacte continence; mais que ce sacrifice hérofque n'est que la condition essentielle de cette vie plus parfaite à laquelle ils se sont consacrés; que cette vie plus parfaite ne consiste pas précisément dans la pratique de la virginité, mais dans l'abondance ou dans la constante production des œuvres spirituelles pour lesquelles ils l'ont embrassée; qu'ils n'ont renoncé à l'état du mariage, aux sollicitudes de la famille et aux embarras du siècle, que pour être tout entiers à Dieu et plus librement adonnés aux choses du ciel; que par conséquent, ils doivent être consommés dans la charité et riches en œuvres de salut; que la virginité n'est à proprement parler que l'arbre, et les bonnes œuvres les fruits qu'il doit produire; que, sans la charité et ses œuvres, leur virginité serait moins que rien, et que, s'ils n'avaient devant Dieu que le seul mérite de cette virginité, ils ne seraient que des arbres stériles, des serviteurs inutiles et des vierges souillées; que l'orgueil, l'intempérance et l'oisiveté sont autant d'infractions aux obligations strictes de la virginité, et que, s'ils doivent offrir l'exemple d'une humilité, d'une douceur et d'une tempérance parfaite, ils ne doivent jamais donner le hideux scandale d'une vie inutile et désœuvrée. Ils trouveront enfin dans ces mêmes Lettres, particulièrement écrites pour eux, des conseils de la plus haute sagesse sur les obligations qui pèsent sur eux, sur ce qu'ils doivent faire et sur ce qu'ils doivent éviter pour les accomplir, sur les écueils et les dangers qui menacent la vertu des vierges et l'exposent à un naufrage inévitable; conseils d'autant plus précieux et qui auront d'autant plus d'empire sur ceux à qui ils s'adressent, qu'ils partent, on le sent, d'une âme angélique et ornée de tous les dons d'une virginité féconde et exempte de toute souillure.

Aussi les Deux Épitres de saint Clément aux vierges, devraientelles être entre les mains de toutes les personnes vouées à la

virginité, hommes et femmes, prêtres et religieux; elles de vraient être leur manuel, l'objet habituel de leur méditation et de leurs lectures favorites, car elles seraient pour eux d'un puissant secours, et nous ne doutons pas qu'elles ne fissent les plus chères délices des âmes véritablement chastes et amies de la perfection. C'est pourquoi, nous qui n'avons pas la prétention de vouloir donner des conseils à ceux-là même que l'Église a préposés au gouvernement spirituel des peuples, nous prendrons cependant la liberté de dire, que nous verrions avec bonheur les premiers pasteurs de nos diocèses introduire d'autorité, dans leurs séminaires et dans toutes les communautés religieuses, les Épitres aux vierges de saint Clément et les y introduire de manière à ce que cet écrit devint classique pour ces établissements, c'est-à-dire, à ce que chaque élève du sanctuaire et tout membre des communautés religieuses en eussent un exemplaire. Il serait facile de faire, pour les séminaires, une édition commode et peu coûteuse et, pour les communautés religieuses, il suffirait de donner la traduction française de Mgr de la Rochelle, ce qui diminuerait considérablement les frais d'édition.

Une seule question se présente maintenant relativement aux Deux Épitres aux vierges, car nous ne pensons pas que personne conteste la valeur et l'importance que nous y attachons, cette question est celle de l'authenticité de ce document vénérable. Ces Lettres, attribuées à saint Clément viennent-elles réellement de lui? Comment ont-elles été retrouvées et par qui l'ont-elles été? Voilà sans doute ce que chacun se demandera. Les Épitres aux vierges ont été écrites par saint Clément, cela est incontestable. Ces Épîtres étaient bien connues jusqu'au 5 siècle, comme le prouve ce qu'en ont dit plusieurs Pères de l'Église, et notamment ce passage de saint Epiphane, dans son livre contre les Ébionites : « Saint Clément lui-même les réfute en >> tout point, dans les lettres circulaires qu'on lit dans les saintes » assemblées.... Saint Clément a enseigné la virginité, et ceux» ci la répudient; il rappelle l'exemple de David, de Samson et » de tous les prophètes que les Ébionites détestent. »>

Saint Jérôme a également parlé de ces Lettres dans son premier livre contre Jovinien. « Il y a, dit-il, des hommes qui se. » sont fait violence à eux-mêmes, non par nécessité, mais vo » lontairement, en se dévouant à la continence, en vue du.. >> royaume des cieux. C'est à eux que saint Clément, successeur

» de l'apôtre saint Pierre, a écrit des Lettres dont le contenu ♦ roule presque entièrement sur la pureté et la virginité. »

Il est donc très-certain que saint Clément a écrit des Lettres pour servir à l'édification et à la direction des personnes consacrées à la continence. Ces Lettres, comme tant d'autres monuments précieux des premiers siècles, se sont perdues. Elles avaient été écrites en grec, et nulle copie écrite en cette langue n'a encore été retrouvée. Seulement, au siècle dernier, JeanJacques Wetstein, protestant, découvrit une version de ces lettres en syriaque, à la fin d'un ancien manuscrit du NouveauTestament, écrit dans la même langue, et envoyé d'Alep. II fit et publia une traduction latine de ces Lettres, dont il reconnut et soutint l'authenticité. Cette traduction latine de Wetstein était bien défectueuse, en assez mauvais latin, et de plus accompagnée d'outrages aussi ridicules qu'injustes envers l'Église catholique, outrages qui ne préservèrent pas leur auteur de la haine et de la persécution de ses coreligionnaires, lesquels ne lui pardonnèrent pas d'avoir remis en lumière un monument qui les condamne, et qu'ils auraient béni, s'ils eussent été sincères et amis de la vérité.

M. de Prémagny, membre de l'académie de Rouen et partisan de la philosophie moderne, traduisit en français la traduction latine de Wetstein, et accompagna sa traduction, nécessairement aussi défectueuse, aussi obscure et aussi peu fidèle que celle du traducteur protestant, de notes dans lesquelles il fait preuve d'un assez mauvais esprit, et cherche à infirmer l'authenticité des Lettres attribuées à saint Clément. Une nouvelle traduction, plus exacte et plus digne du grand et saint pontife qui avait voulu communiquer aux vierges de tous les siècles l'amour de cette pureté dont sa belle âme était éprise, devenait donc nécessaire. Mgr l'évêque de la Rochelle a entrepris cette tâche difficile, et il a parfaitement réussi. Voulant que son travail pût profiter aux chrétiens de toutes les nations, il a publié non-seulement une traduction française de la version en syriaque, mais encore une traduction latine, et ces deux traductions, mises en regard, sont d'un style aussi élégant que grave.

Pour rendre, dans ces deux langues, la pensée de saint Clément sur un sujet tel que celui des Deux Epitres aux vierges, le talent ne suffisait pas; il fallait encore l'intelligence de cette virginité si chère à tous les prêtres véritablement dignes de ce nom, et une âme aussi belle, aussi virginale et aussi pieuse que celle de

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