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l'illustre traducteur. Aussi peut-on dire désormais que les Lettres de saint Clément sur la virginité ont trouvé un traducteur digne d'elles.

Mais cette version syriaque est-elle bien authentique, c'est-àdire reproduit-elle, au moins pour le fond et l'ensemble, ces Deux Epitres aux vierges de saint Clément qu'on lisait dans les églises, et dont parlent d'une manière si précise saint Jérôme et saint Epiphane? Cette question, on le comprend, est de la plus haute importance. Aussi Mgr l'évêque de la Rochelle, dans une épître dédicatoire et dans une dissertation préliminaire écrites également en français et en latin, l'a-t-il longuement traitée et habilement résolue. Dans ces deux pièces remarquables, le savant prélat établit, d'une manière aussi solide que satisfaisante, l'authenticité du manuscrit découvert par Wetstein, et détruil une à une les allégations si visiblement fausses et si souvent puériles de M. de Prémagny.

Mgr Clément Villecourt, à qui tout catholique doit un juste tribut de reconnaissance et d'éloges pour le service qu'il vient de rendre à l'Eglise, peut donc dire, dans un autre sens, c'est-àdire avec moins d'humilité et de modestie, et en s'attribuant très-légitimement tout le mérite de sa bonne action, ce qu'il dit exclusivement à la gloire de saint Clément, son illustre patron, dans le paragraphe qui termine sa dissertation, et qui peint si bien la pureté de son âme d'évêque.

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« Désormais donc, ô divin Clément, levez-vous et sortez en quelque sorte de vos ténèbres; que l'on entende encore le son » de votre voix si douce, qui se plaisait à embellir autrefois d'une splendeur inviolable et sans tache les premiers lis de la virgi» nité. Que les parfums du jardin de l'Eglise s'exhalent encore >> au souffle de vos saintes inspirations; que des fleurs nouvelles >> apparaissent dans notre terre. Protégez-les, ces fleurs précieu» ses; que jamais elles ne manquent; que jamais elles ne se flé» trissent! Pontife sacré, prêtre vierge, par la rosée de votre cé>> leste doctrine, paissez les clercs, paissez les prêtres, paissez » les évêques, paissez les blanches épouses de Jésus-Christ, à qui, >> ainsi qu'au Père et au Saint-Esprit, soit l'honneur et la gloire » dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. >>

En effet, si saint Clément peut aujourd'hui apparaître dans sa gloire et faire entendre ces accents séraphiques qui enchantaient les vierges de son temps, s'il peut encore répandre'sur les âmes ce parfum délicieux de la virginité qu'exhalait sa parole angé

lique, et encourager, fortifier, guider dans leurs voies ceux qui ont pris le Seigneur pour leur héritage, c'est au dévouement, à la piété, au zèle et au talent de celui qui se montre un disciple si fidèle de ce docteur des vierges, qu'il le doit.

L'abbé ANDRÉ d'Avallon, chanoine.

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DES CONVENTIONS DES LOIS HUMAINES (suile 1).

Que l'on me permette encore une question. Puisque ce sont les lois humaines qui ont établi la distinction du bien et du mal, et qu'il n'existait ni l'un ni l'autre avant cette disposition des lois, je demande: Est-ce un bien d'obéir aux lois, est-ce un mal ¡de leur désobéir, ou bien est-ce une chose indifférente? Si c'est une chose indifférente, alors comment les lois, dont l'observation et la transgression sont une chose indifférente et laissée au libre arbitre de chacun, peuvent-elles être la source du bien et du mal, du juste et de l'injuste? Telle est l'objection que Cudworth fit à Hobbes2; et Hobbes fut forcé de dire que c'était un article de la loi naturelle d'obéir aux lois civiles3. Nos légistes ne peuvent éviter de le suivre dans cette concession. Mais, si c'est un bien d'obéir aux lois, et un mal de les enfreindre, d'où viennent et ce bien et ce mal? Voilà donc un bien et un mal antérieurs aux lois humaines, et qui ne peuvent s'expliquer par elles. Que l'on rai

' Voir au numéro précédent, ci-dessus p. 268.

* Cudworth: The immutable morality. Et Adam Smith: Théorie des sentiments moraux, 7° part., 3° sect., ch. 2, p. 214.

' De Cive, ch. 3, part. 1, et ch. 14, part. 10.

sonne tant que l'on voudra, l'on ne pourra jamais se soustraire aux conséquences de ce dilemme: si c'est un bien d'obéir aux lois, d'où vient ce bien? et si ce n'est pas un bien, d'où vient tout le bien qu'il y a dans le monde?

Mais si les lois humaines ne peuvent être considérées comme les auteurs de la distinction du bien et du mal, ne pourrait-on point les regarder comme la règle morale, comme un critérium qui nous fasse démêler l'un d'avec l'autre, et nous empêche de les confondre?

La loi humaine est une excellente règle morale pour le droit positif bumain; et quoiqu'elle ne laisse pas d'avoir aussi ses ténèbres et ses obscurités; elle est la seule sûre et la seule légitime en pareille matière1. Mais vouloir en faire une règle universelle, c'est dépasser les bornes de la saine raison, et tomber dans l'absurde. La loi humaine, en effet, n'a aucun des caractères d'une véritable règle de morale. Elle est restreinte et incomplète, tandis qu'elle devrait être universelle; elle ne satisfait nullement à toutes les exigences de la conscience, ne peut expliquer tous les faits moraux, se tait sur la plupart des actions de l'homme, et ne peut le diriger dans sa vie intime sans dégénérer en une tyrannie monstrueuse. Elle est essentiellement variable, selon les lieux, les temps et les personnes, selon les caprices, les passions et les intérêts, selon les tempéraments, les dispositions et la santé. Elle est contingente et libre, et par conséquent n'est pas à la portée de tous; elle ne peut donc tenir lieu de règle morale, laquelle doit être fixe et immuable comme le bien, et être connue de tous, sans que personne ne puisse la soustraire à qui que ce puisse être. Elle est essentiellement faillible, et toute règle morale doit être, comme toute règle de vérité, essentiellement infaillible, quoique dans l'application l'homme puisse se tromper; mais ici l'erreur est dans la règle elle-même, et nécessairement. La loi, en effet, si elle ne constitue pas ses ordres et ses défenses, le bien et le mal, n'a qu'un pouvoir déclaratoire en dehors du domaine politique; comme expression du jugement d'hommes faillibles, elle est éminemment faillible elle-même. Elle manque d'autorité, parce que l'on ne peut donner pleine confiance à une décision dont la valeur est suspecte.

On comprendra bien que je ne veux pas par là exclure la loi morale que doit consulter avant tout le législateur.

Et de bonne foi, peut-on prétendre que l'homme ne peut connaître le bien et le mal sans la loi; qu'il est forcé d'attendre, pour savoir ce qu'il doit faire, ce qu'il doit éviter, que le législateur humain, homme comme lui, faillible comme lui, et peutêtre moins éclairé que lui, vienne lui dire : Ceci est bien, cela est mal? Si le bien n'est que ce qui est utile à la société, je conçois le droit du législateur; il est la conséquence logique du principe; mais, en vérité, est-ce que la conséquence ne vous éclaire pas sur la valeur du principe? Est-ce que la conscience peut envisager une pareille théorie sans sourire de pitié d'une prétention si ridicule? Comment! je ne saurai qu'il est mal d'assassiner un père qu'après que la loi civile aura défendu le parricide! Cela n'est pas soutenable.

C'est donc une prétention absurde de tout point de fonder la morale sur la loi humaine. Il n'est point de morale sans sanction, et sans une sanction inévitable, à laquelle aucun coupable ne puisse échapper. Le bien, en effet, est essentiellement méritoire, et le mal essentiellement digne de réprobation et de châtiment. Si la récompense manque au juste, si le châtiment n'atteint pas le coupable, nous sommes les jouets de l'erreur, la conscience est un mensonge, la morale une dérision, et la justice une ombre. Une seule exception, et tout l'ordre moral s'évanouit. Voilà la rigueur de la sanction morale. Mais la loi a-t-elle une sanction qu'aucun coupable ne puisse éviter, qu'aucune manœuvre ne puisse détourner, qu'aucun moyen ne puisse corrompre, qu'aucune limite ne puisse arrêter, qu'aucun obstacle ne puisse retenir, qu'aucune force ne puisse désarmer? Le coupable n'échappe-t-il jamais aux coups de la justice? L'innocent ne paie-t-il jamais pour le coupable? La justice n'est-elle jamais impuissante à découvrir, à convaincre, à punir le crime? A-t-elle un œil qui pénètre toutes les ténèbres? Scrute-t-elle les cœurs et les reins? Arrêtons-nous, de peur de paraître vouloir livrer au mépris ce qui, malgré toutes les imperfections inséparables de tout ce qui est humain, mérite, au contraire, l'hommage de tous nos respects.

(La suite au prochain cahier.)

L'abbé BIDArd.

Bibliographie.

INSTITUTIONES LOGICÆ REALIS, sive theoria certitudinis, ad eos potissimum, qui ad studia theologica præparantur, in scientia et defensione veritatis dirigendos, cura J. Peemans, presby. in sem. archiep. Mechlini. philosophiæ professore, avec cette épigraphe: Nova et vetera (Math. XII, 52), editio altera, recognita et multum aucta; vol. in-8°. Mechliniæ apud van Velsen, 1850.

INSTITUTIONES ANTHROPOLOGIE PSYCHOLOGICÆ, ad úsum eorum potissimum qui ad studia theologica præparantur, cura J. Peemans, presby. in sem. archiep. Mechl. philosophiæ professore. Vol. in-12; Mechliniæ, apud van Velsen, 1853.

Nous réunissons ici tout exprès ces deux volumes de M. le professeur de philosophie du séminaire archiepiscopal de Malines, parce qu'ils renferment différentes thèses d'un intérêt tout actuel et tout palpitant, comme on dit, en philosophie. Des questions immenses sur l'origine des idées, sur la parole, sur le cartesianisme, sur le rationalisme, sur le panthéisme, ont été récemment soulevées, en grande partie, par M. Bonnetty et ses collaborateurs, dans Tes Annales de philosophie chrétienne, et les philosophies imprimées en France ne les ont pas encore abordées de front; quelques journaux et quelques livres s'efforcent même de les dénaturer complétement, mais elles sont abordées franchement par M. Peemans, et traitées, dans cette même Revue, avec science et gravité. Nous ne disons pas que nous adhérons à toutes ses conclusions, mais nous disons qu'il en a compris la gravité et a essayé plusieurs fois de les résoudre. Les professeurs de philosophie trouveront donc ample matière à examen et à discussion, dans ces deux livres. Nous essayeronsune autre fois d'en parler plus au long.

HISTOIRE UNIVERSELLE, ou tableau de l'histoire des croyances religieuses et des institutions sociales des peuples anciens et modernes, destiné à servir de complément à l'étude des preuves qui établissent la divinité du christianisme, Ère ancienne, par P. Claessens, professeur d'histoire et de philosophie. Vol. in-8°, de 450 pages; à Louvain, chez Fonseyn; 1853.

L'auteur a mis pour épigraphe à son livre ces paro'es de l'Ecclésiastique : « Le sage recherchera la sagesse de tous les anciens (xxxix, 1), et cellesci de saint Augustin: : Celle même chose qui est appelée maintenant religion chretienne existait chez les anciens, et n'a pas cessé d'exister depuis le commencement du genre humain (Retract. i, c. 13). » Ces deux textes renferment deus points de vues nouveaux et presque entièrement négligés dans les siècles passés. Ces propositions constituent la méthode nouvelle d'après laquelle il faut étudier l'histoire et faire un cours de philosophie. L'auteur remplit très-bien son titre et son but. C'est donc un manuel à consulter par tous les professeurs d'histoire qui y trouveront tous quelques documents et quelques points de vue nouveaux. L'auteur a analysé toutes les découvertes qui ont été faites dans l'histoire et tout ce qui a été écrit depuis vingt-trois ans dans les Annales de philosophie et dans l'Université catho lique, et, plus loyal que beaucoup d'autres écrivains, il cite fidèlement les revues auxquelles il a fait des emprunts. L'abbé F.

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