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L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE.

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Modération

du nouveau gouvernement. Les cardinaux s'assemblent à Venise. Election de Pie VII. Sa première encyclique. — Irritation du clergé constitutionnel contre le Pape, au sujet de cette encyclique. - Bonaparte protége les prêtres catholiques et rouvre les églises encore fermées.

Le 22 frimaire vit paraître la nouvelle constitution. C'était la quatrième enfantée par la révolution française.

D'après cette constitution de l'an VIII, le gouvernement se composait de trois consuls, nommés pour dix ans. Le citoyen Bonaparte, déjà consul provisoire, était nommé premier consul, avec Cambacérès et Lebrun pour collègues. Le premier consul concentrait tout le pouvoir entre ses mains. La constitution créait en outre un sénat conservateur, un tribunat, un corps législatif.

Le sénat, composé de quatre-vingts membres inamovibles, était chargé de maintenir ou d'annuler tous les actes qui lui étaient déférés par le tribunat ou par le gouvernement. Le tribunat, composé de cent membres, devait discuter les projets de loi proposés par le gouvernement. Trois orateurs, pris dans son sein, étaient envoyés au corps législatif pour y exposer les motifs de son vœu et défendre ses délibérations. Le corps législatif, composé de trois cents membres, ne devait point discuter, mais écouter en silence les trois orateurs du tribunat. Il faisait la loi en statuant par scrutin secret.

Voir le dernier article au no précédent, ci-dessus, p. 293.
XXXVI VOL. 2 SÉRIE. TOME XVI.·

N° 95. 1853.

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Voici comment ces trois assemblées se formèrent. L'abbé Sieyes et Roger-Ducos, consuls sortants, nommèrent trente-neuf inembres, qui, réunis à eux, composèrent la majorité du sénat. Le lendemain, cette majorité, par une nouvelle nomination, compléta le nombre des sénateurs. Le sénat, ainsi nommé, fit ensuite l'élection de trois cents citoyens pour former le corps législatif, puis celle des cent autres citoyens qui devaient composer le tribunat.

Telle fut l'organisation du gouvernement issu de la révolution du 18 brumaire; c'était une monarchie, tempérée par quelques institutions aristocratiques et démocratiques.

Le nouveau gouvernement, qui savait très-bien que c'était surtout pour conserver leur religion que les insurgés de l'Oues! avaient pris les armes, se hâta d'entrer dans d'autres voies que celles du Directoire, et montra pour la liberté de conscience autant de modération que celui-ci avait montré d'intolérance. Une amnistie pleine et entière fut accordée à la Vendée, et à cette amnistie, les trois consuls joignirent la proclamation suivante :

« Une guerre impie menace d'embraser une seconde fois » les départements de l'Ouest. Le devoir des premiers magis» trats de la république est d'en arrêter les progrès et de » l'éteindre dans son foyer; mais ils ne veulent déployer la » force qu'après avoir épuisé les voies de la persuasion et de » la justice. Les artisans de ces troubles sont des partisans » insensés de deux hommes qui n'ont su honorer ni leur rang » par des vertus, ni leur malheur par des exploits, méprisés de l'étranger, dont ils ont armé la haine, sans avoir pu lui inspirer de l'intérêt. Ce sont encore des traîtres vendus à l'An» gleterre et instruments de ses fureurs, ou des brigands, qui » ne cherchent dans les discordes civiles, que l'aliment et l'im» punité de leurs forfaits. A de tels hommes, le gouvernement » ne doit ni ménagement, ni déclaration de ses principes.

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» Mais il est des citoyens chers à la patrie, qui ont été séduits » par leurs artifices; c'est à ces citoyens que sont dues les » lumières de la vérité. Des lois injustes ont été promulguées » et exécutées; des actes arbitraires ont alarmé la sécurité des » citoyens et la liberté des consciences.... C'est pour réparer >> ces injustices et ces erreurs, qu'un gouvernement, fondé sur » les bases sacrées de la liberté, de l'égalité, du système repré» sentatif, a été proclamé et reconnu par la nation. La volonté

>> constante, comme l'intérêt et la gloire des premiers magis»trats qu'elle s'est donnés, sera de fermer toutes les plaies de » la France.... Les consuls déclarent que la liberté des cultes » est garantie par la constitution; qu'aucun magistrat ne peut » y porter atteinte; qu'aucun homme ne peut dire à un >> autre homme: Tu exerceras un tel culte; tu ne l'exerceras que » tel jour!...

» Si, malgré toutes les mesures que vient de prendre le gou» vernement, il était encore des hommes qui osassent provoquer >> la guerre civile, il ne resterait aux premiers magistrats » qu'un devoir triste, mais nécessaire à remplir, celui de les » subjuguer par la force. Mais non, tous ne connaîtront plus » qu'un sentiment, l'amour de la patrie. Les ministres d'un >> Dieu de paix seront les premiers moteurs de la réconciliation >> et de la concorde: qu'ils parlent au cœur le langage qu'ils » apprirent à l'école de leur maître; qu'ils aillent dans les tem>> ples, qui se rouvrent pour eux, offrir avec leurs concitoyens » le sacrifice qui expiera les crimes de la guerre et le sang » qu'elle a fait verser! »

Les deux hommes que la proclamation consulaire accusait de n'avoir pas su honorer ni leur rang par des vertus, ni leur malheur par des exploits, étaient le comte de Provence et le comte d'Artois, depuis Louis XVIII et Charles X. Il était assurément de la politique des consuls de jeter le blâme sur les frères de Louis XVI, osant revendiquer leurs droits. Les princes détrônés ont toujours tort aux yeux de ceux qui ont usurpé leur place, lorsqu'ils veulent se faire un parti dans le pays dont la révolte les a chassés. Il est facile de les trouver dépourvus de vertus quand on sonde, avec le regard de la défiance ou de la haine, jusqu'aux moindres actions de leur vie privée. Assurément les deux augustes exilés dont nous parlons ici, n'étaient pas sans défauts, leurs mœurs ne se trouvaient pas à l'abri de la médisance comme celles du roi-martyr, mais, sans vouloir les excuser, nous pouvons dire hardiment à leurs accusateurs ce que le Sauveur du monde disait aux Juifs qui voulaient lapider la femme adultère : Que ceux d'entre vous qui sont sans péché leur jettent la première pierre!

Pour ce qui est du reproche de n'avoir point honoré leur malheur par des exploits, la cause en doit être attribuée à l'Angleterre et aux autres puissances étrangères qui s'opposèrent toujours à la réunion de ces princes avec les armées vendéennes.

L'occasion n'a point servi leur bravoure; ils avaient les mains liées par ceux qui avaient lâchément laissé assassiner Louis XVI, comment pouvaient-ils guerroyer contre l'anarchie? Après tout, le doigt de Dieu était là, et l'heure de la délivrance ne devait pas encore sonner pour eux?

Cependant les cardinaux, chassés de Rome par l'armée française, s'étaient, grâce à la tolérance de l'Autriche, réunis en conclave à Venise, quelque temps après la mort de Pie VI. Ils y entrèrent au nombre de trente-cinq, le 1er décembre 1799, et n'en sortirent que le 14 mars 1800. Le conclave dura ainsi cent-quatre jours. Pendant près de deux mois, les voix se partagèrent entre le cardinal Bellisomi, évêque de Césène, et le cardinal Mattéi, archevêque de Ferrare; le premier en eut vingt-deux et le second treize; or, la majorité voulue était vingt-quatre. L'influence autrichienne empêcha le cardinal Bellisomi d'être élu. Après un temps considérable perdu en votes inutiles, Consalvi, secrétaire du conclave, mit en avant le cardinal Chiaramonti, évêque d'Imola, homme d'un caractère doux, affable et modéré, à la voix paternelle, indépendant et dont le Sacré-Collége devait espérer de diriger les projets et les travaux pour le bien de la religion. Le cardinal Chiaramonti, était un moine de l'ordre de Saint-Benoît qui devait son élévation à Pie VI dont il était parent. Il fallut quinze jours de prières et d'instances, pour le faire consentir à la candidature; enfin il se résigna à l'acceptation de la tiare et fut élu pape, sous le nom de PIE VII, le 14 mars 1800.

Le couronnement se fit le 21 du même mois, dans l'église de Saint-Georges, par le cardinal Antoine Doria, doyen de l'ordre des cardinaux-diacres. Le nouveau Pontife destiné par la Provi dence à rendre la paix à l'Église, fit son entrée à Rome, le 3 juillet, au milieu d'indicibles transports de joie de la part du peuple romain.

Dès le 15 mai, il avait adressé à tous les évêques de la chrétienté une lettre encyclique dans laquelle il exprimait la peine que lui causait la situation affligeante de l'Église en France :

» Nous éprouvons une profonde tristesse et une vive douleur, y » disait-il, en considérant ceux de nos enfants qui habitent la >> France; nous sacrifierions notre vie pour eux, si notre mort » pouvait opérer leur salut. Une circonstance diminue et adoucit » l'amertume de notre deuil. C'est la force et la constance qu'ont » montrées plusieurs d'entre vous, et qui ont été imitées par tant » de personnes de tout âge, de tout sexe et de tout rang;

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» leur courage à ne pas se souiller du serment illicite et cou»pable, pour continuer d'obéir aux décrets et aux sentences du Saint-Siége apostolique, restera éternellement gravé dans notre » mémoire, autant que la cruauté renouvelée des temps anciens » avec laquelle on a poursuivi ces chrétiens fidèles. »

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Un des premiers soins de Pie VII fut donc de tenir, relativement au serment des prêtres constitutionnels, le même langage que son vénérable et saint prédécesseur. Les évêques intrus ne furent nullement flattés de voir le nouveau pape manifester ainsi ouvertement l'horreur qu'il avait pour ce serment sacrilége; mais ils dissimulèrent leur dépit et se gardèrent bien de publier l'encyclique, qui fut néanmoins traitée de pièce infâme par les rédacteurs d'une feuille constitutionnelle, appelée les Annales de la Religion. Pour montrer aux catholiques que leur société schismatique n'était pas sans principe de vie et sans espoir d'avenir, ils multiplièrent leurs synodes, en attendant la réunion du second conciliabule national qu'ils annonçaient comme prochain.

Audrein, évêque constitutionnel du Finistère, adressa à ses ouailles une lettre pastorale, dans laquelle il attribuait modestement à lui et à ses confrères la pacification religieuse dont le pays commençait à goûter les bienfaits:

« L'Église de France, disait-il, que d'immondes cannibales, » aidés de l'absurde alhéisme, s'étaient vantés d'avoir anéantie » dans son sang, recouvrera son ancien lustre et reprendra son » premier rang dans les fastes catholiques... »

Dans un autre inandement du même pasteur, on lit ce curieux passage:

O les bien aimés de mon cœur, ma gloire et ma joie en » Jésus-Christ! voici les actes de notre synode, fruits précieux de »> notre zèle. Vont-ils devenir des règles de conduite pour vous » et pour les fidèles que vous dirigez? Déjà les malveillants et » les imposteurs s'agitent et se disent dans leur cœur plein de » rage: C'en est fait de nous, s'ils font tout ce qu'ils ont arrêté dans » leur synode. »

De son côté, Jacob, intrus de Saint-Brieux, déclamait avec non moins de fiel contre le clergé catholique.

« Jusqu'à quand, s'écriait-il, dans une circulaire adressée à » ses prétendus diocésains, jusqu'à quand les évêques émigrés serviront-ils la cause des ennemis de la France? Jusqu'à >> quand ceux qui devraient conserver dans toute sa pureté l'enseignement public et particulier, de la religion, cherche

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