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vibles, fussent réputés démissionnaires de gré ou de force. Quant au mariage des prêtres, Rome le repoussait avec énergie; elle voulait conserver au clergé cette chasteté qui le rehausse et qui est l'une des plus nobles parures de l'Eglise. Le cardinal Consalvi, le conseiller et l'ami de Pie VII, avait été envoyé à Paris, pour hâter la solution de certaines difficultés : ce prélat ne consentit à aucune concession sur un point aussi grave, d'où dépendait le maintien de la discipline ecclésiastique dans le monde. Il déclara, en ce qui concernait les prêtres déjà mariés, qu'on pourrait absoudre ceux qui avaient manqué aux conciles; mais qu'on ne voudrait en aucun cas, ériger l'infraction en principe. Le premier consul se vit contraint de céder. En revanche, Pie VII accorda des bulles de sécularisation aux prêtres mariés. Il y en eut de spéciales délivrées au ministre Talleyrand, ancien évêque d'Autun; et cet homme d'État, réconcilié par cette grâce avec l'Église catholique, dont il avait autrefois déserté la cause, ne tarda pas à prêter ses talents diplomatiques à la conclusion du Concordat.

Le Pape, le cardinal Consalvi, Mgr Spina et tous les négociateurs qui stipulaient au nom de Rome, hésitèrent longtemps avant d'accepter, devant Dieu et devant l'Église, la responsabilité d'une nouvelle circonscription diocésaine, qui, en réduisant des deux tiers le nombre des évêchés, portait atteinte aux droits imprescriptibles des évêques. Jamais Rome n'avait osé frapper un pareil coup; mais toutes les considérations ne devaient-elles pas céder, s'il était possible, devant la nécessité de faire rentrer la France dans le giron de l'Église catholique? Entre deux dangers, Rome ne devait-elle pas choisir le moindre? Et lorsqu'il était démontré qu'une résistance prolongée de la part des évèques qu'il s'agissait de déposséder, plongerait le monde dans la désolation, le Pape ne pouvait-il pas proclamer ces évêques démissionnaires? Il y avait beaucoup de hardiesse dans ce raisonnement, mais il prévalut : les évêques réfugiés à Londres, eurent beau protester, on les menaça de se passer de leur adhésion; plusieurs d'entre eux n'en persistèrent pas moins dans leur opposition aux volontés du Saint-Siége, et de cette résistance naquit un schisme obscur, dirigé par un clergé non concordataire, et qui s'est prolongé de nos jours sous le nom de Petite Eglise. Au moment où nous écrivons cette histoire, ce schisme semble prêt à s'éteindre; la raison ou le temps a fait son

œuvre.

Sur le mode d'institution des évêques, il y eut de longs débats. Bonaparte tenait à sortir des termes du concordat de 1516, et à ne point laisser à la cour de Rome la faculté d'ajourner indéfiniment l'approbation canonique demandée par le gouvernement français, en faveur des évêques par lui désignés. Toute concession en pareille matière était impossible; l'institution libre et volontaire des évêques a toujours été considérée, par le SaintSiége, comme un droit inhérent à sa prépotence spirituelle. Le premier consul réduit à céder, ne s'en montra que plus ferme à exiger des concessions sur d'autres points fort délicats, tels que l'admission des évêques constitutionnels dans la nouvelle organisation du clergé, et la garantie par la cour de Rome, des droits de tout acquéreur de biens nationaux appartenant autrefois à l'Église. Rome se disposa à pardonner aux prêtres constitutionnels qui abjureraient leur erreur passée et se soumettraient à l'Église : en conséquence, quatre évêques qui avaient eu le malheur de tremper dans le schisme, furent confirmés dans leur siége. Après cette concession douloureuse, Rome ne fit pas difficulté pour se résigner à déclarer irrévocables la vente et l'aliénation des biens du clergé elle se contenta de l'engagement pris par le gouvernement consulaire d'assurer aux évêques et aux curés un traitement convenable.

Les négociateurs romains insistaient pour que la religion catholique fût proclamée religion d'État, pour que les catholiques seuls pussent être appelés à la dignité consulaire. Le gouvernement de Bonaparte ne crut pas devoir accepter de semblables prétentions. On se borna à déclarer que la religion catholique, apostolique et romaine, était celle de la majorité des Français : en d'autres termes, c'était la reconnaître comme religion nationale; de plus, on stipula que si, dans l'avenir, on nommait un premier consul qui ne professât pas la religion catholique, de nouvelles conventions interviendraient pour régler le mode de nomination et de présentation des évêques. On était d'accord sur l'institution des curés. L'évêque devait les nommer et soumettre ses choix à l'approbation de l'autorité civile. Quatre fêtes de l'Église furent consacrées, savoir la fête de Noël et celles de l'Ascension, de l'Assomption et de la Toussaint les solennités de Pâques et de la Pentecôte ayant lieu le dimanche, étaient placées en dehors de la question. Déclarer fètes légales l'Assomption et la Toussaint, c'était rendre hommage au dogme catholique et accorder à la religion de la ma

jorité des Français, un privilége en dehors de l'égalité et du droit commun.

Les autres cultes admis en France n'obtinrent aucun privilége pour leurs jours de repos. Quant aux monastères et aux abbayes, le Concordat ne mentionna rien en leur faveur; ce qui fit considérer leur abolition comme définitive, sauf retour à des règlements ultérieurs.

La religion catholique devait être librement exercée. On stipula que son culte serait public, en se conformant aux règles de police que le gouvernement jugerait nécessaires pour la tranquillité extéricure. On convint, de part et d'autre, que les évêques, avant d'entrer en fonctions, prêteraient directement, entre les mains du premier consul, le serment dont voici la teneur : « Je jure et promets à Dieu, sur les saints Evangiles, de garder » obéissance et fidélité au gouvernement établi par la constitu» tion de la république française. Je promets aussi de n'avoir >> aucune intelligence, de n'assister à aucun conseil, de n'entre» tenir aucune ligue, soit au dedans, soit au dehors, qui soit con» traire à la tranquillité publique; et si, dans mon diocèse out » ailleurs, j'apprends qu'il se trame quelque chose au préju» dice de l'Etat, je le ferai savoir au gouvernement. »

On détermina la prière qui serait récitée pour la république et les consuls; on décida que les évêques pourraient avoir, chacun dans son diocèse, un chapitre et un séminaire; on remit à la disposition des évêques toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres, nécessaires au culte. Le gouvernement s'engagea à prendre des mesures pour autoriser les fondations que les fidèles voudraient faire en faveur des Eglises, et le Pape, de son côté, reconnut au premier consul les droits et les prérogatives dont l'ancien gouvernement jouissait auprès du souverain Pontife.

Nous citerons ici en son entier le texte de cette pièce officielle, l'un des documents les plus importants de l'histoire de l'Eglise sous le Consulat.

« Sa Sainteté le souverain Pontife, Pie VII, et le premier con» sul de la république française ont nommé pour leurs plénipo>> tentiaires respectifs : Sa Sainteté, Son Eminence Mgr Hercule » Consalvi, cardinal de la sainte Eglise romaine, diacre de » Sainte-Agathe ad suburram, son secrétaire d'Etat; Joseph Spina, archevêque de Corinthe, prélat domestique de Sa Sain»teté et assistant au trône pontifical; et le père Caselli, théolo

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gien consultant de Sa Sainteté, pareillement munis de pleins >> pouvoirs en bonne et due forme. Le premier consul, les » citoyens Joseph Bonaparte, conseiller d'Etat; Cretet, conseil»ler d'Etat; Bernier, docteur en théologie, curé de Saint-Laud » d'Angers, munis de pleins pouvoirs. Lesquels, après l'échange de pleins pouvoirs respectifs, sont convenus de ce qui » suit :

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» Convention entre Sa Sainteté Pie VII et le gouvernement français.

» Le gouvernement de la république reconnaît que la religion catholique, apostolique, romaine, est la religion de la grande » majorité des citoyens français. Sa Sainteté reconnaît égale»ment que cette religion a retiré et attend encore en ce mo»ment le plus grand bien et le plus grand éclat du rétablissement » du culte catholique en France, et de la profession particulière » qu'en font les consuls de la république. En conséquence, d'après cette reconnaissance mutuelle, tant pour le bien de la >> religion que pour le maintien de la tranquillité intérieure, ils » sont convenus de ce qui suit:

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» ARTICLE PREMIER. — La religion catholique, apostolique, romaine, sera librement exercée en France. Son culte sera public, en se conformant aux règlements de police que le gouver»> nement jugera nécessaires pour la tranquillité publique.

» ART. 2. — Il sera fait par le Saint-Siége, de concert avec le » gouvernement, une nouvelle circonscription des diocèses fran» çais.

» ART. 3. Sa Sainteté déclarera aux titulaires des évêchés » français, qu'elle attend d'eux avec une ferme confiance, pour » le bien de la paix et de l'unité, toute espèce de sacrifices, » même la résignation de leurs siéges. D'après cette exhortation » s'ils se refusaient à ce sacrifice, commandé pour le bien de » l'Eglise (refus néanmoins auquel Sa Sainteté ne s'attend pas), » il sera pourvu, par de nouveaux titulaires, au gouvernement » des évêchés de la circonscription nouvelle, de la manière >> suivante.

» ART. 4. Le premier consul de la république nommera, » dans les trois mois qui suivront la publication de la bulle de » Sa Sainteté, aux archevêchés et évêchés de la circonscription nouvelle. Sa Sainteté conférera l'institution canonique suivant

» les formes établies par rapport à la France, avant le change»ment de gouvernement.

-

» ART. 5. Les nominations aux évêchés qui vaqueront dans » la suite, seront également faites par le premier consul, et l'ins>>titution canonique sera donnée par le Saint-Siége, en confor» mité de l'article précédent.

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» ART. 6. Les évêques, avant d'entrer en fonctions, prête>> ront directement, entre les mains du premier consul, le ser<«< ment de fidélité qui était en usage avant le changement de >> gouvernement, exprimé dans les termes suivants : « Je jure et promets, sur les saints Evangiles, de garder obéissance et fidé»lité au gouvernement établi par la constitution de la république française. Je promets aussi de n'avoir aucune intelli» gence, de n'assister à aucun conseil, de n'entretenir aucune ligue, soit au dedans, soit au dehors, qui soit contraire à la >>> tranquillité publique, et si, dans mon diocèse ou ailleurs, j'apprends qu'il se trame quelque chose au préjudice de l'Etat, je » le ferai savoir au gouvernement.

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» ART. 7.-Les ecclésiastiques du second ordre prêteront le » même serment entre les mains des autorités civiles désignées » par le gouvernement.

» ART. 8. La formule de prière suivante sera récitée, à la » fin de l'office divin, dans toutes les églises catholiques de » France, Domine salvam fac rempublicam, Domine salvos fac con» sules.

» ART. 9.—Les évêques feront une nouvelle circonscription » des paroisses de leurs diocèses, qui n'aura d'effet qu'après le » consentement du gouvernement.

» ART. 10.-Les évêques nommeront aux cures. Leur choix ne » pourra tomber que sur des personnes agréées par le gouverne» ment.

» ART. 11,-Les évêques pourront avoir un chapitre dans leur cathédrale, et un séminaire pour leur diocèse, sans que le » gouvernement s'oblige à les doter.

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» ART. 12. Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres non aliénées, nécessaires au culte, se»ront mises à la disposition des évêques.

» ART. 13. Sa Sainteté, pour le bien de la paix et l'heureux >> rétablissement de la religion catholique, déclare que ni elle »ni ses successeurs ne troubleront, en aucune manière, les acquéreurs des biens ecclésiastiques aliénés, et qu'en consé

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