Page images
PDF
EPUB

quence la propriété de ces mêmes biens, les droits et revenus y attachés demeureront incommutables entre leurs mains ou » celles de leurs ayants cause.

[ocr errors]

» ART. 14. Le gouvernement assurera un traitement conve»nable aux évêques et aux curés dont les diocèses et les cures » seront compris dans la circonscription nouvelle.

» ART. 15. — Le gouvernement prendra également des me»sures pour que les catholiques français puissent, s'ils le veulent, faire, en faveur des Eglises, des fondations.

[ocr errors]

» ART. 16. Sa Sainteté reconnaît, dans le premier consul de

» la république française,'les mêmes droits et prérogatives dont jouissait près d'elle l'ancien gouvernement.

[ocr errors]

» ART. 17.

Il est convenu entre les parties contractantes » que, dans le cas où quelqu'un des successeurs du premier con» sul actuel ne serait pas catholique, les droits et prérogatives » mentionnés dans l'article ci-dessus, et la nomination aux évè» chés seront réglés, par rapport à lui, par une nouvelle conven» tion. Les ratifications seront échangées à Paris dans l'espace » de quarante jours.

» Fait à Paris, le 26 messidor de l'an Ix de la république » française (16 juillet 1801). »

Le 15 août, fête de l'Assomption de la sainte Vierge, patronne de la France, ce Concordat fut ratifié à Rome, et le Pape donna à ce sujet la bulle Ecclesia Christi. Le même jour Pie VII adressa aux évêques de France un bref dans lequel il leur déclarait que la conservation de l'unité et le rétablissement de la religion catholique en France demandaient qu'ils donnassent la démission de leurs siéges :

« Nous sommes forcés, disait-il, par la nécessité des temps qui » exerce aussi sur nous sa violence, de vous annoncer que votre réponse doit nous être envoyée dans dix jours, et que cette ré»ponse doit être absolue et non dilatoire, de manière que si »> nous ne la recevions pas telle que nous la souhaitons, nous » serions forcés de vous regarder comme si vous aviez refusé » d'acquiescer à notre demande. » Le même bref fut adressé aux évêques étrangers dont les diocèses se trouvaient réunis à la France par les nouvelles conquêtes. Les évêques constitutionnels eux-mêmes furent exhortés « à revenir promptement à l'unité, » à donner chacun par écrit leur profession d'obéissance et de >> soumission au Pontife romain, à manifester leur acquiesce» ment sincère et entier aux jugements émanés du Saint-Siége

» sur les affaires ecclésiastiques de France, et à renoncer aussitôt » aux siéges épiscopaux dont ils s'étaient emparés sans l'institu» tion du Siége apostolique. »

Les évêques étrangers furent les premiers à donner leur démission, et ce bel exemple de soumission fut imité par quarantecinq évêques français. Les autres, au nombre de trente-six, refusèrent d'obtempérer à la demande du Pape, et de leur opposition naquit cette espèce de schisme éphémère qui fut appelé la Petite Eglise. Il y avait cinquante-quatre siéges vacants sur les cent trente-cinq que comprenait l'Eglise de France en 1789.

Quant aux intrus, moitié de bonne grâce, moitié de force, ils donnèrent tous leur renonciation entre les mains du gouvernement.

Le Pape, en conséquence, procéda à la mise en vigueur du Concordat en envoyant à Paris le cardinal Caprara, qui fut chargé d'en diriger l'exécution. Les trente-six évêques opposants furent interdits de l'exercice de leur juridiction, dont tous les actes furent déclarés nuls pour l'avenir, et soixante-dix siéges nouveaux remplacèrent ceux qui venaient d'être supprimés dans toute l'étendue du territoire français.

La résistance que le Corps législatif apportait à la publication et à l'exécution du Concordat avait forcé Bonaparte à dissoudre cette assemblée et à en convoquer une autre qui fût plus favorable à ses idées de restauration religieuse. En effet, le 5 avril 1802 le Concordat fut définitivement adopté comme loi de l'Etat par le nouveau Corps législatif, et le jour de Pâques, 18 du même mois, l'Eglise de France célébra, à Notre-Dame de Paris, sa propre résurrection avec celle du Sauveur. Le cardinal Caprara y chanta, en présence des consuls et des principaux corps de l'Etat, une messe solennelle qui fut suivie du serment de vingt évêques nouvellement institués. Un Te Deum d'actions de grâces termina cette imposante cérémonie, et un jubilé, accordé par le souverain Pontife, vint, quelque temps après, consacrer et affermir la résurrection miraculeuse de l'Eglise de France qui, nous l'espérons, est vraiment ressuscitée, cette fois, pour ne plus mourir.

Nous terminons ici le tableau historique des luttes de l'Eglise contre l'impiété révolutionnaire de la fin du 18 siècle. La persécution générale commencée en 1790 se termine véritablement au Concordat de 1801. Celles qui avaient précédé et celles qui suivirent ne furent que partielles.

Beaucoup d'autres, avant nous, avaient raconté les scènes sanglantes du régime de la Terreur, mais tout en montrant la palience des victimes et la férocité des bourreaux, nul n'avait osé dire Cette incalculable série de forfaits et de meurtres est le fruit d'un Rationalisme impie, d'une Philosophie qui, mettant de côté toutę Tradition, toute Révélation catholique, s'était follement basée sur LA RAISON ET LA CONSCIENCE NATURELLES!

FIN.

L'abbé Alphonse CORDIER.

Sciences législatives.

HISTOIRE DU DROIT CRIMINEL

DES PEUPLES MODERNES,

CONSIDÉRÉ DANS SES RAPPORTS AVEC LES PROGRÈS DE LA CIVILISATION DEPUIS LA CHUTE DE L'EMPIRE ROMAIN JUSQU'AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

CHAPITRE XXV 1.

1. — De la juridiction de l'Eglise sur les clercs et sur tous les membres du corps sacerdotal.

Nous avons laissé en arrière tout un côté très-important de l'histoire du droit criminel au moyen âge c'est l'élément ecclésiastique. Il faut maintenant que nous remontions jusqu'aux premiers siècles de l'Église et à son établissement dans l'Europe germanique nous la suivrons ensuite jusqu'après le temps des croisades dans son gouvernement intérieur et dans les vicissitudes de ses rapports avec l'État.

« Les évêques, dit un auteur moderne, exerçaient dès la nais»sance de l'Église la censure des mœurs parmi les ecclésiasti» ques et les fidèles. Ils veillaient avec soin au maintien de » l'ordre et de la discipline..... On sait que Rome avait confié » autrefois à des censeurs, magistri morum, le pouvoir de répri» mer certains actes que la morale condamne et que les lois ne pouvaient atteindre. Cette belle institution était tombée à me» sure précisément que le relâchement des mœurs publiques

[ocr errors]

'Voir le chap. XXIV au no précédent ci-dessus, p. 398.

» l'avait rendu plus nécessaire. Il n'en existait plus de traces » sous les empereurs. Les évêques la firent renaître dans les Églises chrétiennes....

[ocr errors]

>> Ils exerçaient leur surveillance, dit Tertullien, par des ex>> hortations, des peines et des censures sprituelles, exhorta» tiones, castigationes et censuræ divinæ....

» L'Église avait donc, avant toute intervention de la puissance » publique dans ses affaires, comme trois tribunaux élevés dans » son sein.

ע

» 1° Un tribunal de la pénitence pour les fautes cachées;

» 2o Un tribunal disciplinaire et correctionnel pour les fautes publiques et les scandales;

» 3° Un tribunal d'arbitrage pour le règlement à l'amiable des » intérêts temporels entre les fidèles. »>

Lorsque Constantin reconnut légalement l'existence de l'Église, il trouva donc en présence de l'État une nouvelle société debout et toute formée : cette société avait ses lois et sa juridiction propre et spéciale. Les empereurs chrétiens ne pouvaient pas combattre, comme institution temporelle, ce qu'ils recommandaient aux respects des peuples comme institution divine. Ils dounèrent en général à l'administration de l'Église la sanction de la loi, et en compensation de la force qu'ils prêtaient par l'appui de leur autorité à une partie de la juridiction ecclésiastique, ils en revendiquaient une autre partie pour les tribunaux de l'État. C'est ainsi que, tout en attribuant à la décision de l'évêque non-seulement les questions de dogmes, mais les questions de discipline ecclésiastique, des lois de Théodose le Jeune et de Valentinien III, réservent expressément à la juridiction séculière la connaissance des actions criminelles où des clercs se trouvaient impliqués '. Une novelle de ce même Valentinien, limite plus encore le pouvoir juridictionnel de l'Église, en statuant d'abord que les évêques ne peuvent connaître que des causes ecclésiastiques, à moins que les plaideurs ne consentent de part et d'autre à s'en rapporter à eux dans les affaires civiles; et, en second lieu, que toute action criminelle intentée à un évêque ou un prêtre, ne pourra être portée devant le magistrat civil 2.

Pendant les 6, 7, 8° et 9° siècles, au milieu de l'immense dés

Cod. Théodos., XVI, tit. 2. 1. 23. 41. 47. Exceptis quæ actio criminalis, ab ordinariis extraordinariisque, judiciis aut illustribus potestatibus audientia constituit.

? Valentin., A. Novell. De episcopali judicio. Ann. 452.

ordre qui règne en Europe, l'Église regagne toute la puissance qu'elle avait eue pour le gouvernement de ses propres affaires; et appelée en quelque sorte au secours de la société temporelle qui ne peut plus se soutenir et se défendre elle-même, elle finit par la régir presque tout entière. C'est elle principalement qui inspire ou qui fait les lois et qui les applique; elle rend des arrêts civils et criminels en toute matière et à l'égard de toute personne; c'est elle qui fait dans l'État une grande partie de la police matérielle, comme elle fait la police morale dans la sphère des consciences. Elle devient alors la tutrice légale, pour ainsi dire, des peuples envahis par la barbarie, et retombés dans une véritable enfance sociale.

Pour suivre les progrès de la juridiction de l'Église pendant cette période du moyen âge, citons d'abord un édit de Clotaire II.

« Si un clerc, de quelque dignité qu'il soit revêtu, laissant de côté son évêque ou méprisant son autorité, vient trouver le prince ou d'autres personnes puissantes pour se placer sous leur patronage, qu'il ne soit pas admis, à moins que ce ne soit pour demander grâce.

Qu'aucun juge, de quelque rang qu'il soit, ne prenne sur lui d'exercer de contrainte sur des clercs, en matière civile, mais seulement en matière criminelle et lorsque leur culpabilité est évidemment démontrée. Que s'ils sont convaincus, que l'on sévisse contre eux suivant les canons et que leur affaire soit instruite par les Pontifes 1. »>

Ainsi le juge séculier peut faire arrêter le clerc qui a commis un crime, mais il doit le remettre au juge ecclésiastique pour l'enquête et la suite du procès jusqu'à la condamnation.

La loi des Bavarois autorisait un laïque à mener un clerc ou même un évêque au plaid royal ou ducal, ou devant le mâhl public 2; mais « si le clerc ne pouvait démontrer sur-le-champ la fausseté du fait qui lui était imputé, l'affaire devait être renvoyée au tribunal ecclésiastique et jugée suivant les.canons 3. >>

Qui convicti fuerint de crimine capitali, juxtà canones distringantur, et cum pontificibus examinentur. Ed. Clot. II, ann. 615, art. 4. — D. Bouquet, tom. iv, p. 118.

....

2 Non præsumat eum occidere, sed mallet eum ante regem vel ducem vel antè plebem suam. On voit que le plaid royal ou ducal est soigneusement distingué du mallum plebis. (Lex Bajuvarior., tit. 1, 99 et 100; cap. 1, art. 3 et cap. xm, art. 3.)

[ocr errors]

'Si negare non possit, secundum canones judicetur.... id., ibid.

« PreviousContinue »