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Telles sont les conclusions de M. d'Arbois, sur la décroissance des revenus et l'augmentation des charges du clergé il ne m'appartient pas de porter un jugement sur ces assertions, je manque du temps, des connaissances, des matériaux et de la patience nécessaires pour vérifier les données sur lesquelles il se base, les calculs qu'il a faits : je laisse aux savants qui réunissent les conditions que je viens d'énumérer, le soin de contrôler le travail de M. d'Arbois, et de prononcer. Je fais un appel à toutes les personnes à qui l'absence de fonctions publiques permet de suivre leur goût pour les recherches et les études scientifiques et archéologiques.

M. d'Arbois présume que dans d'autres diocèses, quelque chose d'analogue a eu lieu.

Il serait à désirer que sur tous les points de la France, ou du moins sur plusieurs, on se livrât à des recherches et à des études sur le même sujet.

Si je ne puis pas juger le fonds de la question qu'a soulevée M. d'Arbois, il me sera permis de dire mon avis sur la manière dont il l'a traitée, de rendre justice à la persévérance qu'a dù exiger la recherche des documents produits, à la sagacité qu'a demandée la comparaison de ces vieux monuments, et à la clarté qui règne dans la dissertation; je suis sûr d'être approuvé par toutes les personnes qui la liront.

Toutes engageront l'auteur à continuer ses études et à faire part au public du fruit de ses travaux.

DELAHAYE,

Juge au tribunal de première instance de la Seine.

Sectes hétérodoxes.

ORIGINE, PROGRÈS ET ÉTAT PRÉSENT

DE LA SECTE DES MORMONS.

L'Université catholique a promis à ses lecteurs de leur faire connaître les diverses revues qui se publient à l'étranger, pour la défense de l'Église et de ses divins enseignements; elle a déjà fait connaître plusieurs travaux publies par la Revue catholique de Louvain, rédigés par les savants professeurs de l'université catholique belge. Elle doit aujourd'hui leur faire connaître une autre Revue belge, qui se publie à Liége, et qui a pour titre Revue des

revues, Annales catholiques de Liège'. Elle vient de publier le cahier d'octobre, qui forme le premier numéro du tome . Parmi ses articles, nous choisissons celui qui a rapport à celte secte célèbre en Amérique, et qui s'efforce même de s'établir parmi nous. Nos lecteurs seront bien aises de la connaître avec quelques détails. A. B.

PREMIER ARTICLE.

On a remarqué souvent, et avec beaucoup de raison, que les annales de toutes les hérésies, quelques différences qu'elles présentent d'ailleurs aux yeux du lecteur vulgaire, ont cependant entre elles une uniformité d'apparences et de caractères, qui frappe nécessairement l'observateur plus profond et plus attentif; mais s'il est vrai qu'il y a beaucoup de ressemblances, il est vrai aussi qu'il y a des différences notables entre les histoires de chacun de ces mouvements religieux, qui ont successivement ébréché l'unité de l'Eglise, éloigné les hommes de ses doctrines, et soustrait les peuples à son obéissance. L'hérésie consiste moins dans la négation, que dans la mutilation ou l'exagération de l'une ou de l'autre des vérités révélées. La plupart de ceux qui, de temps à autre, ont donné leur nom à des corporations religieuses, condamnées par l'Eglise, n'ont pas agi avec le dessein prémédité de rejeter un article de foi universellement admis; mais un zèle ardent et jaloux, pour la défense de tel ou tel dogme particulier, Jes a poussés à négliger ou à contester d'autres vérités, tout aussi nécessaires que la première dans l'admirable économie de la foi. L'esprit humain est malheureusement trop enclin à se flatter d'une apparence de soumission à l'autorité, alors qu'il ne fait que suivre les fantaisies et les caprices de sa volonté propre. Fallit, specie virtutis et umbra.

Nous croyons qu'une analyse exacte de chacune des hérésies qui se sont produites dans le sein de l'Eglise, prouverait à l'évidence ce que nous venons d'avancer. Par exemple, l'Arianisme était-il autre chose que l'exagération de la doctrine de l'Eglise sur la véritable humanité de Notre Seigneur, au détriment de ce qu'elle nous enseigne sur sa divinité? Et le Nestorianisme n'étaitil pas une exagération du dogme de la divinité réelle du Sauveur, enseigné par des hommes qui oubliaient que Jésus est aussi véritablement homme de la substance de sa mère? Ce que

'Elle paraît tous les mois par livraison de 72 pages, prix: 7 fr. 80 c., pour la Belgique ; à Liége, chez Lardinois, libraire-éditeur.

nous disons avec raison de ces vieilles hérésies, nous pouvons le dire aussi, mutatis mutandis, de celles des temps modernes. Le Lutheranisme et le Calvinisme, le Wesleyanisme et le Mormonisme, toutes les hérésies, en un mot, prouvent la vérité de notre observation, ainsi que le montrerait sans peine un examen détaillé de la question. Elles sont toutes des corruptions de vérités, distinctes sans doute et séparables peut-être par la pensée, mais cependant intimement liées les unes aux autres. Toutes ces hérésies, comme chacune d'elles en particulier, saisissent une vérité, en exagèrent l'importance, amoindrissent d'autres vérités qui les gênent, ruinent des parties également importantes de la religion, et détruisent l'ensemble du système grandiose de la foi catholique. Dans les pages suivantes, nous tâcherons de montrer jusqu'à quel point cette observation s'applique au Mormonisme.

Avant le 16 siècle, le monde chrétien croyait universellement que l'Eglise catholique n'est pas une pure abstraction, un fantôme sans réalité, une simple aggrégation d'individus croyant en une doctrine commune; il était persuadé que c'est un corps vivant, rempli des grâces d'en haut, doué de pouvoirs spirituels, et par la vertu de cette vie et de cette énergie célestes, unissant les hommes dans une même fraternité, d'une manière surnaturelle et sacramentelle, comme étant tous rachetés par le précieux sang du Sauveur, et consacrés pour être les temples vivants de son Esprit-Saint. C'était là, disons-nous, la croyance universelle et spontanée de la chrétienté avant les jours de ce qu'on appelle la glorieuse réforme. Et ce n'était pas là une croyance purement spéculative : c'était la réalisation pratique de cet article du symbole de la foi chrétienne je crois en une Eglise catholique, la communion des Saints. Mais le temps marcha, et le monstre à cent têtes du Protestantisme apparut dans la chrétienté occidentale. Il s'avança, en prenant des allures timides et mystérieuses, parlant avec hésitation et doute, et semant dans l'ombre des théories rationalistes; ses discours étaient ambigus et pleins de défiance, et cependant il était rempli d'orgueil et de présomption. Il suggérait des doutes et ne les résolvait point; il attaquait l'autorité séculaire de réalités objectives, et prêchait un système beaucoup plus subjecturiste que celui qui avait prévalu jusqu'alors. Puis, pour montrer la réalité de son zèle pour l'honneur de Dieu, il se fit un jeu de son Eglise, et, pour manifester son caractère purement spirituel, il mit en

question, et finit même par nier l'existence de tout ce qui est spirituel et surnaturel.

Il mit de l'orgueil à abaisser toutes choses au niveau du naturel, du visible, du sensible. Élevant la chair au-dessus de l'esprit, et la certitude des sens au-dessus de celle de la foi, il se servit du sarcasme pour ridiculiser cette antique croyance : que l'Église de Dieu est en quelque sorte un magasin de grâces et de dons spirituels, établi par le Seigneur à l'usage des fidèles. Dans les contrées septentrionales de l'Europe, ce système de doute, si flatteur pour l'orgueil du cœur humain, parvint à dominer, et dans ces pays surtout, qui par leur situation ou d'autres circonstances étaient moins intimement liés au Saint-Siége, il devint, sinon la forme unique, du moins la forme principale de la foi populaire. On y eût dit, depuis lors, que les hommes avaient oublié l'existence de choses distinctes du sensible et supérieures à la perception des sens; et c'est ainsi que le Protestantisme a frayé la route à ces nombreuses hérésies qui ont pris racine sur son sol froid et stérile. L'ivraie empoisonnée fut portée bientôt au delà des mers, et se développa en Amérique avec une fatale rapidité. Là, rien n'arrêtait l'essor de l'hérésie, à laquelle le vieux monde opposait ses vieilles lois, son système de gouvernement enraciné dans ses mœurs et ses traditions populaires, barrières fortes et puissantes qui entravaient l'entier développement de l'erreur, et contrôlaient ses tendances naturelles.

S'il en est ainsi du Protestantisme, comment s'étonner de ce que le Mormonisme, ou la religion des « Saints des derniers jours,» soit né et se soit développé avec une telle rapidité en Angleterre et en Amérique, pendant ces vingt-cinq dernières années?... Pour nous, nous ne pouvons que nous étonner de ce que l'hérésie protestante ait pu exister pendant trois siècles, avant l'apparition du Mormonisme dans le monde. Le Mormonisme est un témoignage explicite contre le Protestantisme, qui cependant lui a donné naissance, et une preuve de son impuissance absolue à satisfaire aux besoins moraux et spirituels du cœur humain. Sans doute, le Mormonisme descend en ligne directe du Protestantisme; mais aux yeux du vulgaire, il n'a avec lui que bien peu de traits de ressemblance. Son caractère principal est une protestation violente contre l'idée de la cessation de tout rapport surnaturel entre Dieu et l'humanité. Le Protestantisme, en effet, enseigne que Dieu a voulu que cet ordre de

choses surnaturel cessât à la mort du dernier membre survivant du college apostolique, pour ne jamais être continué ou recommencé. Joseph Smith, l'auteur habile, quoique illettré, de la nouvelle révélation mormonique, ne tarda pas à découvrir ce côté faible de la doctrine protestante, et osa concevoir, il y a vingt-huit ans à peine, l'idée de fonder une nouvelle secte religieuse, ayant pour fondement la croyance aux grâces et aux dons surnaturels. Il avait dû voir, il est vrai, que la sainte Bible ne parle pas d'une restauration future de ces communications spirituelles, après dix-huit siècles d'interruption, mais, de leur continuation non interrompue. Quoi qu'il en soit, il vit et sentit que si la Bible dit vrai et que Dieu n'ait pas cessé de veiller sur l'humanité, les grâces spirituelles et surnaturelles, preuves de la révélation, doivent réellement exister quelque part, aussi bien au 19e siècle qu'aux premiers jours de l'Église. « Si la révélation, se dit-il, vient de Dieu, il faut que Dieu la prouve aujourd'hui, comme anciennement. Le Protestantisme a méconnu cette grande vérité. Je me mettrai résolument à l'œuvre, je me créerai une fortune et un nom, en ravivant cette doctrine oubliée de nos jours. Je veux fonder une nouvelle secte et je la nommerai Église. » C'est ainsi que dut parler le père du Mormonisme.

« Des hommes, que le monde a honorés du nom de philo»sophes, dit l'auteur d'une histoire des Mormons, ont travaillé » à remplir le vide qu'ils sentaient exister dans le christianisme » moderne. La réforme de Luther était directement opposée à » cet esprit de mysticisme, caché dans le sein de toutes les com» munions religieuses, esprit que le grand réformateur ne put » étouffer et qui exerça même une large part d'influence sur » ses propres opérations intellectuelles. La doctrine de Chillingworth, que la Bible, et la Bible seule, est la religion des >> protestants, tendait à substituer à l'idolâtrie du prêtre, l'idolâ» trie du livre.

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>> Le temps des communications miraculeuses du ciel avec les >> hommes était passé à jamais. L'illustre sage de l'Amérique, » M. Emerson, sentait la pesanteur du joug protestant en cette matière; son enseignement, dit-il dans une de ses leçons, » équivaut à admettre que Dieu est mort par rapport à l'huma

The Mormons or Latter Day-Saints; a contemporary History. London. Office of the National illustrated library (pp. 292-3).

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