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La Pater noster est aussi cité. Le prêtre le disait, comme aujourd'hui, les mains étendues 2. Après le Pater les fidèles s'approchaient de l'autel, se donnaient de baiser de paix et recevaient la cène sous les deux espèces. Le prêtre leur donnait l'hostie dans la main ; ils en mangeaient une partie, et ils emportaient l'autre avec eux à la maison où ils la prenaient avant le repas. Mais c'est à l'église qu'ils buvaient au calice, et ils étaient très-prudents pour que rien du pain et du vin consacrés ne tombât par terre 3.

Le baiser de paix et la communion étaient deux actes nécessairement liés l'un à l'autre ; celui qui n'était pas en paix avec l'église n'osait pas recevoir la cène. Des pénitents se faisaient souvent rédiquia innocuis, capite nudo, quia non erubescimus, precantes sumus onines semper pro omuibus imperatoribus, vitam illis prolixam, imperium securum, domum tutam, exercitus fores, senatum fidelem, populum probum, obem quietam, et quæcumque hominis et Cæsaris vota sunt, » On trouve des passages analogues, c. 31, 32, 39: ■ Oramus etiam pro imperatoribus, pro ministris eorum ac potestatibus seculi, pro rerum quiete, pro mora finis, » Ce mot se rapporte au jour dernier qui, d'après l'opinion des anciens chrétiens, doit arriver à la chute de l'empire romain ; c'est pourquoi ils priaient pour la conservation de l'empire, afin de prolonger le temps de la pénitence.

De fuga, c. 2, il l'appelle legitima oratio. Ceci s'accorde avec les paroles qui servent encore aujourd'hui d'introduction au Pater à la Messe. De orat. 9, il la nomme legitima et ordinaria oratio.

2 De orat. 14: Nos manus non attollimus tantum, sed etiam expandimus, et dominica passione modulantes et orantes confitemur Christo. » Ibid, 13: ■ Cum modestia et humilitate adorantes magis commendamus Deo preces nostras, ne ipsis quidem manibus sublimius elatis, sed temperate et probe elatis.» 3 De orat, 14: « Jejunantes habita oratione (scil. dominica) cum fatribus subtrahunt osculum pacis, quad est signaculum orationis ; » parce que le baiser de paix se rapporte à la demande du Pater: sicut et nos dimittimus debitoribus nostris. Il dit au même endroit sur le ton du blâme : « Quale sacrificium est, a quo sine pace receditur ? Quæ oratio cum divertio pacis integra? » Le jour de Pâques, on ne donnait pas le baiser de paix.-De idololat, 7, Tertullien blâme les chrétiens qui, en qualité d'artistes ou d'ouvriers, faisaient des idoles pour ies païens, et il dit à ce sujet, par rapport à la cène : « eas manus admovere corpori Domini, quæ dæmoniis corpora conferunt. » Oa voit par là que les chrétiens prenaient le pain consacré dans la main. De cor, milit. 3: « Eucharistiæ sacramentum et in tempore victus (avant le repas) et omnibus mandatum a Domino etiam antelucanis cœtibus, nec de aliorum manu quam præsidentiunt sumimus (c'est-à-dire, à l'église). Calicis (c'est l'expression ecclésiastique pour désigner le vin consacré) aut panis nostri aliquid decuti in terram anxie pa

timur. »

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ger, par les prisonniers destinés au martyre, des prières écrites à l'église, afin d'être par là reçus de nouveau dans la paix et la communion des fidèles, et cette coutume se prolongea pendant longtemps. Tertullien appelle la cène eucharistia sacramentum; il la désigne aussi par le seul mot de pain .

Vis-à-vis des païens on ne prononçait pas le nom de la cène, on la nommait mysterium; ce qui donna occasion aux païens de persécuter les chrétiens sous prétexte de se livrer à de grands vices. C'est pour cette raison que Tertullien, en décrivant l'office divin des chrétiens, passe sur la consécration (Apolog. 39); mais comme il cite plusieurs fois les mysteria christiana et les arcana congregationes (Ad nationes, 1, 7), on ne peut rapporter ces expressions qu'au sacrement des autels, puisque celui-ci est le mystère capital du chrẻtien, et que dans la Messe de S. Chrysostome on prie encore après la consécration: je ne veux pas dire votre mystère à vos ennemis. » Cette réticence date du temps des apôtres ; c'est aussi pourquoi tous les anciens apologistes du christianisme ne touchaient ce point visà-vis des païens qu'en l'indiquant.

La prière est appelée par Tertullien spiritus refrigerium (De orat. 23); et comme dans un autre endroit (Ad uxor., 11, 6) il cite la Scripturarum lectio, le Spiritus refrigerium et la divina benedictio les uns après les autres, on est autorisé à les prendre pour des parties de la Messe et d'entendre par le refrigerium spiritus le

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4 Sur le baiser de paix, voyez Tertullien, Ad uxor. 11. 4. Il dit, ibid, 11, 3: Stupri reos arcendos esse ab omui communicatione fraternitatis. » La succession du Pater, du baiser de paix et de la cène se démontre par ce passage (De orat. 10) : « Memoria præceptorum viam orationibus sternit ad cœlum, quorum præcipuum est, ne prius ascendamus ad Dei altare quam, si quid discordiæ vel offensæ cum fratribus contraxerimus, resolvamus. Quid est enim ad pacem Dei accedere sine pace? ad remissionem delictorum cum retentione?» Ad martyr. 1: « Pacem quidam in ecclesia non habentes à martyribus in carcere exorare consueverunt. » De pudicit. 3.

2 De orat, 6: « Corpus Christi in pane censetur; panem enim peti mandat : » Ce quod solum fidelibus necessarium est, cætera enim nationes requirunt. passage se rapporte sans aucun doute à la cène, qui ne reçoit ici que le nom de panis. « Christus pane ipsum corpus suum repræsentat. Adv. Marcion.

1, 14.

3 Apolog. 7, il dit, par rapport aux agapes et à la cène : « Ex forma omnium mysteriorum silentii fides debetur. Ces mots se trouvent aussi dans son écrit Ad nation. 1, 7, où sont répétées beaucoup de choses qui se rencontrent dans son Apologie.

Pater noster; d'où il suit qu'à la Messe, après le Pater et la communion qui s'y liait, on donnait la bénédiction.

Dans les Messes votives et pour les défunts, Tertullien mentionne plus clairement certaines parties de l'office divin, qui peuvent servir à compléter les données antérieures.

La Messe pour les âmes (sacrificium pro spiritu ou pro anima) était souvent une commémoraison annuelle ou anniversaire, qui se célébrait au retour du jour de la mort du défunt. L'offrande était fournie par celui qui faisait célébrer la Messe, et qui en même temps nommait le défunt ou les défunts, que le prêtre recommandait ensuite dans sa prière à la grâce de Dieu. La connexion de ces actions se déduit des auteurs postérieurs, et avec elles commençait la seconde partie de la Messe après l'Évangile. On plaçait les offrandes sur une table ou dans un endroit près de l'autel, et on prononçait en même temps les noms de ceux qui les offraient ou de ceux pour qui elles étaient offertes. Ensuite le prêtre priait pour les vivants et pour les morts, ce qu'on appelait dans la liturgie gallicane oratio post nomina. Alors seulement commençait l'offertoire pour la Messe. Que dans les Messes votives on agit de la même manière, cela suit déjà de leur notion; mais on ne peut pas dire s'il en était de même de la Messe du dimanche, parce que Tertullien ne nous apprend pas si les collectes périodiques des offrandes pour les pauvres se faisaient les dimanches et jours de fêtes, ou les autres jours de la semaine.

Le but des Messes pour les âmes, c'était la prière des vivants pour le défunt, afin de soulager et d'abréger ses peines dans le purgatoire. Ces Messes servaient, par conséquent, de refrigerium, comme on l'appelle expressément, de rafraîchissement, ce qui suppose une chaleur, c'est-à-dire un feu purifiànt. Ce rafraîchissement était un interim, un état intermédiaire, c'est-à-dire un état entre la mort corporelle et la résurrection de la chair, puisque la récompense ou la punition éternelle ne commençait qu'avec celle-ci. De ces relations que Tertullien rapporte lui-même, on peut reconnaître sans peine

De exhortat. castit. 14, il dit d'un homme marié qui fait célébrer une Messe de mort pour sa première femme défunte; « Pro cujus spiritu postulas. pro qua oblationes annuas reddis..... in oratione commemora, offeres... et commendabis per sacerdotem, et ascendet sacrificium tuum, etc, »>

2 Ces dons étaient aussi destinés aux captifs et aux agapes. Ad martyr, 1, 2.. Oblationes pro defunctis, pro natalitiis, annua die facimus ». De corona mil. 3. Unusquisque stipem menstrua die, vel quum velit et si modo velit et si modo possit, apponit, Apolog. 59.

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que les Messes des morts étaient destinées à un état intermédiaire des défunts, auquel nous donnons le nom de purgatoire 1.

Les fidèles qui, outre le carême ordinaire, s'imposaient encore des jeûnes particuliers, qu'on appelait stationes, avaient la coutume pendant ces jours librement choisis de recevoir la cène, mais de ne pas assister au reste de l'office divin. Tertullien blâme cette coutume; d'où l'on peut de nouveau conclure que l'eucharistie ou la communion était une partie de l'office divin ou de la Messe; c'est pourquoi il désirait que ces fidèles assistassent aussi à tout l'office divin.

De ce qu'il dit concernant les jours de station ou d'abstinence, on apprend encore relativement à la Messe ce qui suit : d'abord, comme à de tels jours le jeûne ne cessait qu'après nônes vers le soir, il s'ensuit que l'observance des heures canoniales était en usage ces jours de jeûne. Puis, comme les jours de station tombaient les jeudis ou les samedis, il en résulte qu'on célébrait aussi la Messe ces jours ouvriers, et que par conséquent on faisait probablement l'office divin déjà tous les jours. Enfin, comme le jeudi s'appelait quarta et le samedi sexta sabbati, la désignation de la semaine chrétienne était celle-ci dimanche dies dominica; de lundi à jeudi feria prima, secunda, tertia, quarta; vendredi parasceve, паρɑσxevń, préparation pour le samedi ; samedi feria sexta sabbati. D'où il suit que les chrétiens avaient déjà au 2o siècle renoncé pour l'usage ecclésiastique à la dénomination païenne des jours de la semaine, et que la division ecclésiastique de la semaine en feria, qui existe encore aujourd'hui, est très-ancienne '.

↑ De monogam, 10: « Pro anima ejus ora et refrigerium interim adpostulat, et in prima resurrectione consortium, et offert annuis diebus dormitionis ejus. » Ce passage important n'a été remarqué ni par Ernesti, qui niait la prière des ancien chrétiens pour les âmes du purgatoire, ni par Zaccaria Bibliot. ritual. I, p. LXXVII, qui le réfute par des témoignages postérieurs.

2 De orat. 14: Stationum diebus non putant plerique sacrificiorum orationibus interveniendum, quod statio solvenda sit accepto corpore Domini. Ergo devotum Deo obsequium eucharistia resolvit, an magis Deo obligat? Nonne solennior erit statio tua, si et ad aram Dei steteris? (si vous restez debout au près de l'autel, jeu de mots qui signifie, si vous assistez à la Messe jusqu'à la fin) Accepto corpore Domini et reservato, utrumque salvum est, et participatio sacrificit et executio officii. » Les mots accipere et reservare signifient qu'une partie du pain consacré se prenait immédiatement et que le reste était réservé pour être pris à la maison. Par officium, on entend la seconde partie de la Messe, puisque sacrificium précède.

3 Ad psych. x, 14 : « Stationibus quartam et sextam sabbati dicamus, et

On ne trouve point de mention particulière d'un chant d'église pour la Messe, mais bien en général pour d'autres circonstances; on connaît, par exemple, des psaumes et des hymnes pour la prière privée, l'alleluia, qu'on chantait après le Pater, un chant d'action de grâces après l'agape, où l'on faisait aussi une prière, comme la lecture pendant le repas, qui a lieu encore aujourd'hui dans les couvents. C'était surtout à cause des agapes, qu'ils faisaient le soir et qu'ils appelaient cœnæ ou convivia dominica, que les chrétiens étaient le plus haïs des païens ; ceux-ci n'avaient de la cène, à ce qu'il paraît, qu'une connaissance fausse, qu'on s'abstenait à dessein de rectifier. Il en résultait que les chrétiens étaient pour eux des anthropophages qui tuaient de petits enfants, dans le sang desquels ils trempaient leur pain avant de le manger. Il y a longtemps qu'on a montré, ce qui ne saurait être nié, qu'on trouve en cela une preuve que les plus anciens chrétiens ont cru à la conversion du pain et du vin dans la chair et le sang de Jésus-Christ. Car du temps de Tacite, cette fausse opinion des païens sur les chrétiens existait déjà. Tertullien s'en plaint encore cent ans après lui, parce qu'elle produisait cette haine aveugle et mortelle des païens contre les chrétiens, qui était souvent la cause unique des persécutions 1.

(Revue catholique de Louvain).

(La suite au prochain cahier).

jejuniis parasceven. » Ibid. c. 2: « Stationes suos quidem dies habent, quartæ feria et sexta. »

pas

7.

4 Les passages concernant ce sujet sont nombreux dans Tertullien; je ne les citerai textuellement, parce qu'ils n'ont pas de rapport direct avec la Messe. Sur la haine et les calomnies des payens il dit (Apolog. 2, 4, 7, 8, 39): Cœnulas nostras præterquam sceleris infames ut rodigas quoque sugillatis. Cœna. nostra id vocatur quod dilectio (чάπ) penes græcos est.» Ad nation. 1, 2, De cultu fem. : « Scelerata illa in nos opinio gentium. » De orat. 27, 28. Tacite ne connaissait vraisemblablement pas encore d'autres chrétiens des chrétiens juifs, au point du vuc romain cela suffisait pour les traiter avec beancoup de mépris comme les juifs eux-mêmes. Les renseignements erronés que Tacite suivait sur l'histoire des juifs et sa propre ignorance en fait de religion, expliquent ses expressions injurieuses contre les chrétiens. Ce n'est psa icile lieu de nous étendre sur ce sujet,

que

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