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étaient précisément l'antipode. On nous prédisait un grand surcroît de dépenses, et, à la place, nous n'avons trouvé qu'une grande économie. Le côté spirituel de la question était inattaquable; le côté financier, que l'on croyait vulnérable, n'a pas été moins satisfaisant pour nous. La bonne théologie s'est trouvée être le meilleur des calculs; les chiffres ont été du parti des principes. Je suis entré dans ces détails, Messieurs, pour que vous puissiez, dans l'occasion, bien expliquer à vos paroissiens, à vos conseils de fabrique, tous les avantages de cette mesure à tant d'autres égards si salutaire. Dites-leur que si nous avons cherché avant tout, dans cette réforme liturgique, le royaume de Dieu, c'est-à-dire le plus grand bien des âmes, le reste nous a été accordé par surcroit. Dites-leur que cette parole de saint Paul, la piété est utile à tout, parole qui ne se vêrifie souvent qu'à la longue, s'est accomplie pour eux sans retard. Dites-leur que nous avons soigné à la fois leurs prières et leurs budgets; qu'en revenant à cette liturgie, qui est celle de toute l'Eglise, qui fut pendant tant de siècles celles de nos pères, on priera mieux, qu'on chantera aussi bien, qu'on chantera et qu'on priera

à meilleur marché.

3. De quelques différences dans les rubriques.

Pour terminer ce que nous avons à dire sur cette matière, il nous resterait à vous parler des difficultés de rubrique que peut soulever la substitution du rit romain au rit amiennois; mais nous nous proposons de les examiner dans une des séances de ce Synode. Notre secrétatre-général, M. l'abbé Duval, a préparé à ce sujet un travail dont il vous donnera lecture, et qui ne peut manquer de nous être fort utile. Nous résoudrons sans retard les questions les plus urgentes. Nous instituerons de plus une commission permanente, qui sera près de nous comme une petite congrégation des rits. Vous la consulterez dans vos doutes, et, lorsqu'il y aura lieu, nous demanderons à Rome une décision. Ne vous laissez pas troubler par quelques embarras qui peuvent encore se présenter. Ils ne tarderont pas à disparaître, et il ne nous reste, à vous comme à moi, que la consolation d'avoir accompli un grand devoir, d'avoir rattaché notre Eglise d'Amiens au centre de l'unité catholique par un lien plus fort, qui est à la fois un besoin du temps présent et une garantie contre les dangers de l'avenir.

4. Améliorations qui ont eu lieu dans le séminaire de Saint-Riquier; cours de phi osophie ajouté; influence plus grande donnée aux auteurs chrétiens.

Voilà, Messieurs, ce que nous avons fait pour exécuter le décret

du Concile de Soissons sur la liturgie: parlons maintenant de celui qui se rapporte aux études ecclésiastiques. Ces deux décrets correspondent aux deux principaux besoins de la vie sacerdotale. L'étude est l'aliment de l'esprit, comme la prière est l'aliment du cœur. Le prêtre, suivant un mot de la Bible, doit être un flambeau ardent et luisant. L'ardeur dont il doit être animé s'allume et s'entretient au feu sacré de la prière : la lumière qu'il doit répandre autour de lui a son foyer dans l'étude. Nous sentons tous vivement que dans ce siècle où règne l'idolâtrie des sens, il faut prier beaucoup; dans ce siècle tant ravagé par cette fausse philosophie, qui n'est que l'idolatrie de la pensée humaine, nous devons aussi beaucoup étudier. Nous le devons d'autant plus que le niveau de l'instruction requise pour chaque profession, ponr chaque métier, s'étant généralement élevé, la masse du clergé resterait en arrière des autres classes, si elle ne faisait pas des progrès analogues dans l'instruction que demande notre saint ministère, qui est l'art des arts, et, si je puis parler ainsi, le métier divin où se fait l'œuvre de l'éternité.

C'est dans cette pensée que le Concile de Soissons a rendu un décret qui embrasse toute la suite des études cléricales. Pour entrer dans ses vues, nous nous sommes d'abord occupé de notre petit séminaire. Cet établissement n'est pas notre œuvre, elle est celle de notre vénérable prédécesseur. C'est Mgr Mioland qui a relevé les ruines de cette abbaye de Saint-Riquier, qui était déjà debout dans le siècle de Charlemagne, et qui fait lire, dans quelques unes de ses inscriptions, le grand nom du cardinal de Richelieu. C'est lui qui a formé, dans l'enceinte de ces vieux murs, en partie rebâtis par lui, une jeune et florissante pépinière du clergé. C'est lui qui l'a confiée à une réunion de prêtres, pleins d'instruction et de dévouement, que tout le diocèse entoure de son respect et de sa reconnaissance. En regardant la demeure qu'ils habitent, on peut dire : videte quales lapides, en les montrant eux-mêmes on doit y ajouter :videte quales homines. Mais cet établissement, déjà si bien organisé, était susceptible d'améliorations importantes. Je vais vous indiquer celles qui ont déjà eu lieu.

Précédemment, le cours d'études de Saint-Riquier se terminait par la rhétorique. J'ai cru devoir y établir le cours de philosophie. Je crois qu'il est très important qu'un petit séminaire renferme tous les degrés de l'enseignement classique. S'il en était autrement, ceux des élèves en qui la vocation ecclésiastique ne se serait pas déve

loppée de bonne heure, seraient obligés d'aller achever leurs études dans d'autres établissements, pour se préparer aux épreuves académiques placées à l'entrée des carrières libérales. Beaucoup de familles hésiteraient dès lors à nous confier leurs enfants: bien des vocations seraient perdues. Je suis de plus très persuadé que l'esprit général d'un collège dépend en partie de la classe qui forme la tête, et pour ainsi parler, l'aristocratie intellectuelle de cette petite société. Le caractère plus ou moins sérieux de cette classe influe sur toutes les autres. Les rhétoriciens laissent, à cet égard, quelque chose à désirer; ils sont plus préoccupés des mots que des idées, de la forme que du fonds. Leur pensée ne creuse pas, pour ainsi dire, le sol de l'intelligence; leur imagination court après les fleurs qu'il offre à sa surface. C'est tout le contraire pour la classe de philosophie. Elle a donc un caractère plus sérieux, plus grave. Elle communique aux élèves des autres classes, avec lesquels elle se trouve mêlée, quelque chose qui élève leur esprit à un certain degré, et qui se communique de proche en proche jusqu'aux derniers rangs. Il faut avoir étudié bien attentivement l'essence intime d'un collége, pour avoir pu y remarquer les effets de cette espèce de fluide intellectuel qui part de la tête. Mais je me suis trouvé à portée de les observer, pendant les dix ans que j'ai consacrés à la direction de la maison de Juilly, et je suis demeuré convaincu qu'un collège privé de cours de philosophie n'est pas seulement incomplet, mais qu'il est de plus affaibli par l'absence d'un élément de force et de succès destiné à exercer une heureuse influence sur les autres.

Je me suis occupé aussi de développer l'élément chrétien dans l'enseignement des lettres, et j'ai cru que cette amélioration, si importante sous d'autres rapports, ne pouvait être que favorable aux études profanes elles-mêmes. L'expérience faite à Saint-Riquier est bien significative. Ceux de nos élèves, et ce ne sont point les plus distingués, qui se sont présentés pour le baccalauréat, ont été reçus dans une proportion plus forte que celle qu'on obtient dans d'autres colléges. Ce résultat ne m'a pas étonné. Le commerce journalier avec les auteurs chrétiens fortifie la raison des élèves, parce qu'il la nourrit de notions plus saines, et aussi parce que ces notions touchent à toutes les réalités de la société au milieu de laquelle ils doivent vivre, tandis qu'ils rencontrent dans les auteurs païens une foule de choses qui ne sont pour eux que des abstractions stériles, des idées mortes, tout à fait étrangères au monde social créé par le christianisme. Leur esprit acquiert plus de sève, parce qu'il plonge

ses racines dans un sol plus fécond, et il s'opère en eux, sous ce rapport, une plus grande végétation intellectuelle, qui se fait sentir à toutes les autres branches de leurs études.

5. Améliorations dans les études du grand séminaire.-Etudes portées à cinq ans. Enseignement de l'histoire de la philosophie et des hérésies. Examens pour les jeunes prêtres.

:

Nous avons fait aussi. conformément à la pensée du décret du Concile de Soissons, des améliorations importantes dans l'organisation des études du grand séminaire. Elles embrassaient quatre années, lorsqu'elles renfermaient le cours de philosophie. Mais nous n'avons pas supprimé ce cours pour abréger leur durée ; nous avons cru, au contraire, que le moment était venu de le prolonger. A l'époque où il existait de grands vides dans les rangs du clergé, on a dû presser les études, afin de pourvoir, sans trop de retard, aux besoins spirituels des populations. Grâce à Dieu, nous sommes aujourd'hui dans une position bien meilleure les études du grand séminaire peuvent être fortifiées, sans que le service des paroisses en soit affaibli. Nous avons réglé qu'elles dureraient cinq ans. La première année est comme une transition de la philosophie à la théologie. Après avoir fait leur philosophie en français au petit seminaire, les élèves repassent la logique en latin, et s'exercent à l'argumentation scholastique. Ils étudient l'histoire de la philosophie dans ses rapports avec celle des hérésies, et ils abordent ainsi la théologie par un de ses côtés les plus accessibles, par le côté historique. Ils voient ensuite le traité des lieux théologiques, que nous considérons comme une introduction nécessaire à tous les autres traités. Les trois années suivantes comprennent les matières ordinaires de l'enseignement. La cinquième année est, d'une manière toute spéciale, une initiation aux travaux du saint ministère. Les diaconales sont plus complètes qu'elles ne l'avaient pu être jusqu'ici. On fait aux élèves une espèce de cours sur l'administration temporelle des paroisses. Ils sont exercés à la prédication, et un bon nombre d'entre eux sont employés dans les catéchismes.

J'ai exécuté une autre prescription du Concile de Soissons. C'est celle qui établit des examens quinquennaux pour les jeunes prêtres. J'ai institué à cet effet une commission qui siégera au grand-séminaire, où seront réunis chaque année, pendant quelques jours, les sujets qui devront être examinés. Ils subiront deux épreuves: l'une orale, l'autre écrite. Les vingt premiers seront classés. Les études auxquelles ils devront se livrer pour se préparer à cet examen in

troduiront un nouvel élément de vie dans les conférences cantonales, sur lesquelles je vous donnerai quelques avis dans une des séances suivantes. Je ne vous dirai ici qu'un mot sur la conférence centrale que j'ai établie à Amiens et qui se réunit à l'évêché. Elle est suivie non-seulement par les ecclésiastiques de la ville et des lieux voisins, mais aussi par beaucoup d'autres, empressés de s'y rendre par les chemins de fer qui sillonnent notre département. A en juger d'après ce qu'elle a produit, tout me porte à croire que cette nouvelle institution sera un foyer d'activité intellectuelle pour le clergé du diocèse.

6. Statuts diocésains.

Maisons religieuses. Enfants de St-François. - Collége de la Providence.

Voilà, Messieurs, un ensemble de choses bien consolant, et j'aimerais mieux à en faire ressortir ici tous les avantages, si je n'avais encore à vous entretenir sur plusieurs points. Diverses prescriptions du Concile de Soissons entraînaient quelques changemens dans plusieurs articles de nos statuts diocésains. Nous les avons faits dans le dernier Synode, ainsi que quelques autres modifications qui paraissaient urgentes. et nous laissons au temps et à l'expérience le soin de nous signaler celles qui pourraient encore devenir nécessaires. En attendant, nous pouvons dire que l'administration de ce diocèse est déjà toute pénétrée de l'esprit du Concile, qui a donné une si heureuse impulsion à tous les diocèses de la province.

Ce Concile s'est placé encore dans un autre point de vue. Outre ses prescriptions formelles, il renferme des exhortations et des encouragemens. Il a témoigné un intérêt tout particulier pour les maisons religieuses et pour les colléges chrétiens. Sous ce rapport, nous sommes aussi dans une bonne voie. Une institution nouvelle est venue prendre place parmi nos communautés déjà si nombreuses et si florissantes. Nous avons eu la consolation de fonder à Amiens un couvent de ces humbles enfants de Saint-François, qui sont des apôtres pour toutes les classes de la société, et qui, dans leur vie d'abnégation et de dévouement, se trouvent être les protecteurs des riches, par cela même qu'ils sont éminemment les amis des pauvres. L'œuvre des colléges chrétiens est aussi dans un état satisfaisant. Saint-Acheul est ressuscité dans le collège de la Providence. Je me félicite d'avoir concouru de tout mon pouvoir à cette nouvelle création. Ce diocèse doit à Saint-Acheul une grande reconnaissance. C'est là que se sont formées des générations de jeunes chrétiens appartenant aux premiers rangs de la société, et qui plus tard sont

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