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longtemps le docte président Jones, de la Société de Calcutta, que lorsqu'on aurait traduit les anciens livres hieroglyphiques conservés en Chine, et qui suivant moi, n'y ont pas été composés, mais ont été écrits en Assyrie et en Égypte.

Il est déplorable de voir l'Allemagne et l'Italie s'occuper seulement des monstrueux poëmes conservés dans l'Inde, et qui ne peuvent en rien éclaircir l'histoire de l'homme et celle de la religion, dont les lois lui furent imposées dès l'origine, par le Dieu qui l'avait créé.

Cette double histoire serait éclaircie si l'on publiait enfin dans un français clair et intelligible l' Y-king', ou le premier de tous les livres moraux, composé par Fohy, où je vois le juste Abel; le Chy-king' dont plusieurs odes sont analogues aux psaumes sublimes de David et respirent une religieuse mélancolie; et le Ly-ky 3, ou livre des Rites, dont un seul chapitre traduit par moi, et que je vous ai communiqué, en dit plus sur l'origine des idolâtries, que ne le fait le Rig-Véda, récemment traduit, et si bien analysé dans la Revue Orientale, par M. Schoebel, jeune et docte orientaliste, qui n'est pas assez encouragé.

Joindre à la traduction française et claire de ces livres celle du Dictionnaire Kang-Hy, serait aussi, comme vous le dites très bien, une chose fort utile et fort convenable, et la société des Indes à Londres, comme les académies catholiques d'Italie et de France y auraient un grand intérêt; car alors on pourrait espérer de voir l'immense empire de la Chine revenir au christianisme et à la religion de Daniel, chef des Mages, dont tous les livres de Confucius / portent l'empreinte.

Le docte P. Ricci, l'un des premiers missionnaires qui ont péné tré en Chine, avait bien senti, en effet, qu'on ne pouvait obliger tout un peuple de Lettrés, possesseur d'une immense quantité de

Une partie seulement de l'Y-king, traduite par le P. Régis, a été publiée en deux vol., en 1834 et 1839; mais le traducteur a supprimé les explications de Confucius, les seules importantes et intelligibles; un chapitre, le s", celui de l'humilité, a été traduit en français par le P. Visdelou, et inséré dans le Chou-King français, p. 419, et en latin par le P. Couplet, dans Confucius Sinarum philosophus. Prœmial, declar. p. 4. A. B.

2 Le Chy king a été traduit en latin par le P. Lacharme, et publié en 1830. 3 On annonce en ce moment une traduction française du Ly-Ky, par M. Callery, avec des notes et des éclaircissements, accompagné du texte original ; mais elle n'a pas encore paru; le chapitre traduit par M. de Paravey n'a jamais été publié, c'est le 6o, ou Youe-Ling, traitant des mois.

livres, à les abandonner entièrement pour n'adopter que ceux des Européens, regardés en ce pays comme des barbares.

Étant devenu aussi habile que les plus habiles Lettrés du céleste empire, non-seulement il réussit à convertir à la cour plusieurs princes de la dynastie Ming; mais encore il composa en chinois des livres admirablement écrits, traduits pour nous dans les Lettres édifiantes, et qui chaque jour se réimpriment encore en Chine.

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Par ces livres déjà anciens, par cette prédication durable, on peut donc s'expliquer, aussi bien que par la présence d'anciens Juifs, dont j'ai montré ailleurs les antiques voyages en Chine, et par celle des Musulmans nombreux qui existent dans toutes les villes de l'empire, on peut s'expliquer, dis-je, ces étranges proclamation de l'empereur Thien-té, c'est-à-dire vertu du ciel, où il invoque le Dieu puissant et unique par qui le ciel et la terre furent créés en six jours; par qui le déluge fut envoyé pour détruire la race humaine, trop tôt pervertie; et à la voix duquel on vit les villes criminelles de Sodôme et de Gomorrhe s'engloutir!!!

L'Europe, dans son goût futile pour les romans et les pièces de théâtre, se moque de ces grandes vérités consignées dans la Bible, et ses prétendus savants méprisant les preuves apportées par l'illustre Cuvier, de l'époque moderne de l'homme sur la terre, et du dernier déluge, non-seulement nient ce déluge mentionné dans les livres chinois, mais encore donnent aux Pyramides de l'Égypte une absurde antiquité, inconciliable avec ce qu'en dit Hérodote, et avec l'état où se trouvait la terre il y a 4 à 5,000 ans.

Cette proclamation du prétendant actuel au trône de la Chine, qui se dit descendant des Ming, à la 9 génération, doit done étonner beaucoup les hommes frivoles et moqueurs qui ne connaissent de la Chine que ses magots et son thé, et qui, ignorant la haute importance attachée par le célèbre Leibnitz, aux livres conservés dans le céleste empire, croient avoir tué un érudit, quand ils disent de lui en ricanant, qu'il est un chinois.

Les ames fortement trempées sont heureusement au-dessus de ce mépris des ignorants, et vous en avez donné la preuve, Monsieur, quand, dans les recueils que vous dirigez, et malgré de sourdes attaques que la cupidité souvent inspire, vous avez essayé d'appeler

▲ Voir Dissertation sur le Ta-stin ou sur le nom antique et hieroglyphique de la Judée, dans les Annales de philosophie chrétienne, t. xw, p. 245, (1 série), et tirée aussi à part et se trouvant à la librairie orientale de Duprat.

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l'attention de l'Europe sur les traces de la Bible, conservées dans les livres sacrés et historiques de la Chine.

Les doctes P. Prémare, Bouvet, Parennin et Visdelou, avaient en Chine, reconnu ces traces incontestables; mais ne voulant faire des antiques patriarches Fo-hy, Chin-nong, Hoang-ty, Ty ko, Héou tsy, où je vois Abel, Seth, Adam, Noé et Sem, que des figures abstraites du Messie, ils niaient ainsi toutes les bases réelles et bibliques conservées dans ces histoires précieuses et hieroglyphiques, que la Chine seule nous présente en ce jour, sous leur forme primitive.

En Égypte, la tradition est morte, et le copte qu'on applique aux hieroglyphes, est un copte imaginaire et de convention, me disait encore hier M. Quatremere, auteur d'un savant dictionnaire Copte, dont l'impression devrait être ordonnée.

En Chine, au contraire, la tradition des hieroglyphes est vivante, et de nombreux commentaires permettent d'entendre les livres les plus anciens, avec certitude.

Il est donc grandement temps que des souverains éclairės, ordonnent la traduction de ces livres. Il s'agit ici de la conversion d'un immense empire, où germent enfin les semences déposées par nos doctes missionnaires à l'époque où ils y allaient comme membres de l'Académie des sciences, et non pas seulement comme de pieux théologiens.

Puisque la littérature chinoise ancienne et moderne se professe avec succès, à Paris, il faudrait que nul missionnaire n'arrivât en Chine sans avoir été mis à même de lire tous les livres sacrés et historiques de cet empire; il faudrait que comme le Père Picci et ses doctes émules, ces missionnaires actuels pussent montrer aux mandarins et aux lettrés, que nos livres européens et bibliques peuvent servir à expliquer les Kings et les traditions du céleste empire.

La proclamation de Thien-té, ce prince des Mings, refugié chez les Miao-tse, dans les monts escarpés du Kouang-sy, et issu peutêtre des princes convertis par le P. Ricci, démontre que les grands faits de la Bible sont déjà admis chez les Chinois éclairés.

Thien-té, aux faits qu'il cite, aurait pu ajouter encore celui des sept années de famine, arrivée à l'époque de Y-yn, nom hieroglyphique de Joseph, fils de Jacob; celui de la visite d'une reine mystėrieuse, faite à un prétendu empereur de la Chine, constructeur de

temples et de palais célèbres, et auteur d'un code de morale, et qui ne peut être que Salomon, car il vit à la même date.

Il eût pu citer enfin la Pénitence publique faite par un de ces empereurs, à l'époque même où Jonas va prêcher la pénitence aux Ninivites, et il est remarquable que sous ce même empereur, de nouvelles écritures sont inventées; écritures qui ne peuvent être que celle des Briques, de Babylone et des rochers célèbres du mont Bisutoun. Voir le Chou-king, p. 303 et autres livres sur l'empereur Siuen-vang, et livres alors écrits, p. 385.

Il faut donc de deux choses l'une, ou que Moïse ait écrit ses livres en se servant des livres hiéroglyphiques, mais mêlés déjà de fables qu'il en élagua, étant inspiré de Dieu, et étant, on le sait, versé dans toute la science des doctes de l'Égypte ; ou bien que les Samaritains et les Juifs ayant porté les livres bibliques, en Chine, avec le corail de l'Afrique, les perles du golfe Persique, les étoffes précieuses de Damas, l'ivoire et la soie des Indes, ces barbares de l'Orient extrême, les Sères à demi sauvages que nous décrit Pline, mais où se fixèrent des colonies d'Égypte, d'Arabie, et d'Assyrie, aient traduit en écriture hieroglyphiques, ces livres sacrés des Hébreux.

Cette vaste question est à résoudre encore; mais quand je vois dans le nom hieroglyphique du patriarche célèbre en Chine, Tan-fou, les deux sens que donne la Bible aux noms successifs d'Abram et d'Abraham, je serais tenté de croire que l'antique histoire refaite et consacrée par Moïse, a d'abord été écrite en hiéroglyphes; ce que je voudrais voir discuter par les professeurs de nos séminaires, trop peu convaincus de l'importance de l'étude de l'antiquité.

Quant à ce que vous dites, Monsieur, du Chan-hai-king, il est certain qu'on y trouve toutes les traces des fables grecques, sur les Amazones, les Centaures, les Griffons, les Pygmées, les Blemmyes à œil sur la poitrine et non les Arimaspes', ou Cyclopes qui y figurent aussi, avec l'œil unique au front.

J'en ai donné dans votre recueil des Annales, plusieurs preuves positives pour les Amazones et les Centaures, et que je pourrais

4 La remarque est très exacte: il fallait dire Blemmyes; voir Pomponius Mela ", c. 4, et sur leur existence réelle, les Mœurs des sauvages, du P. Laffiteau, t. 1, p. 60.

2 Nous avons indiqué nous-mêmes ces dissertations de M. de Paravey, dans l'article auquel il répond. Voir dans les Annales, les tomes xix, pag. 96 (se série), et t. I, p. 30 (3o série).

augmenter encore; mais je ne sache pas que ce livre mythologique soit dû au célèbre Fo-hy, où je vois Abel, passage où vous me citez1. Fohy, auteur des kouas, écrivait sur l'humilité et la charité, et ne donnait pas l'histoire des races humaines, histoire postérieure, très certainement et de fort longtemps, à son existence, et d'où les Grecs et les Latins ont tiré leurs fables.

Le docte P. Visdelou a donné la traduction française et claire de l'un des chapitres de l' Y-king, livre composé par ce juste Abel, type du Messie. La morale la plus pure, et la plus élevée y règne, et je le répète, il a fallu toute la frivolité des esprits actuels, pour que des hommes comme MM. les académiciens Cousin et Villemain, n'aient pas été frappés de cette haute morale, et n'aient pas cherché à se rendre compte de la composition et de l'existence de ces antiques monuments, antérieurs même au déluge de Ty-ko, ou de Noé.

Vous avez publié en 1858 un opuscule où j'essaye d'éclaircir ces origines 3, mais en ce jour on ne lit que des romans, on dispute à perte de vue sur la prétendue loi naturelle, et l'on néglige les livres faits avec conscience, mais trop sérieux pour des esprits légers et frivoles !!

Recevez, Monsieur, etc.

20 juillet 1853.

Ch. DE PARAVEY.

1 C'est en effet à l'empereur Yu, ou à Pe-y ministre de Chun, et vi. vant 2255 avant notre ère, que les auteurs chinois attribuent ce livre tout symbolique. (Voir le P. Premare disc. prél. du Chou-king, p. LXXIV); mais la mention que nous en avons faite n'emporte pas l'idée que nous croyions à cette haute antiquité. Voir sur ce livre et sur l'auteur, à qui il est attribué un travail de M. Biot fils, dans le journal asiatique, t. viu, p. 355 (3o série).

2 Voir ci-dessus, note 4, p. 88.

3 C'est celui cité ci-dessus.

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