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LA FAMILLE LESIEUR ET LES PREMIERS

COLONS D'YAMACHICHE

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NE connaissance plus intime des conditions dans lesquelles se trouvait la famille LeSieur au temps de la vente, par M. de Boucherville, de la dernière part de son fief de Grosbois à Charles et Julien LeSieur, pourra faire mieux juger de la suite des faits.

La souche connue de cette famille était le premier Le Sieur, nommé Charles LeSieur, venu de France en Canada. Un de ses descendants, très distingué par sa science et son érudition, M. François LeSieur Desaulniers, mon ancien professeur de philosophie, à Nicolet, avait fait dans nos archives beaucoup de recherches pour se bien renseigner sur la vie de son ancêtre et sur sa postérité. Voici les notes qu'il me communiquait familièrement en 1856, sur le résultat de son travail; rien n'est plus digne de confiance. Après plusieurs pages de généalogie, il ajoutait sous forme de note:

"Marie Gélinas, épouse d'Alexis Carbonneau, était fille d'Etienne Gélinas, petite-fille de Jean Gélinas et de Françoise de Charménil, arrière-petite-fille d'Etienne Gélinas (Gélineau), venu de France,, avec son fils Jean, est ma grand'mère bisaïeule du côté paternel, car Alexis Carbonneau son époux était le père de ma grand'mère Desaul niers. Ainsi donc, nous descendons par elle du premier Gélinas venu dans le pays, comme vous autres vous descendez aussi par votre grand'mère bisaïeule, Marie-Fran

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çoise LeSieur Desaulniers, du premier LeSieur venu en Canada."

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"Ce premier LeSieur dont le nom était Charles a vécu et est mort à Batiscan. Il s'était marié vers 1672, à Marie-Françoise Lafond, fille du Sr Etienne de Lafond et de Marie Boucher. Comme je le vois par le recensement de 1681 et les registres de Batiscan, cette Marie Boucher était la sœur de M. Boucher, gouverneur des Trois-Rivières. le vois aussi par les notes de M. Ferland, page 46.” "Ce premier LeSieur était donc, par son mariage, le neveu du gouverneur des Trois-Rivières. C'est probablement à cette cause qu'il devait la charge de Procureur Fiscal pour la seigneurie de Batiscan, titre qui accompagne son nom chaque fois qu'il est cité dans les registres de cette paroisse."

"C'est aussi probablement à cette parenté que sa famille dut de venir en possession de la seigneurie de Yamachiche qui avait été concédée en 1672 à son oncle, M. Boucher."

"Cette seigneurie passa à deux de ses fils, Charles LeSieur dont descendent tous ceux qui portent le nom de LeSieur seul, et Julien dont descendent tous les Duchesne. Les descendants ont conservé cette seigneurie à venir jusqu'à notre temps. Maintenant, elle est dans d'autres mains."

"Un autre des fils du premier LeSieur, savoir, Pierre, lui succéda à Batiscan dans sa charge de Procureur Fiscal; mais son nom disparaît bientôt et on ne sait ce qu'il devint. Un autre de ses fils, Jean-Baptiste, prend le surnom de Desaulniers, se marie à Elisabeth Rivard Laglanderie en 1707, et devient la souche de tous les Desaulniers -Un autre, Antoine est surnommé Lapierre, se marie à une Rivard Loranger et est la souche de tous les Lapierre. - Enfin il y en a encore un autre, Joseph, qui est la souche des LeSieur Coulombe."

AVRIL. 1904.

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Vous verrez par ceci qu'il y a, chez vous comme chez nous, une parenté bien petite, il est vrai, et en ligne collatérale, avec Mr Boucher, gouverneur des Trois-Rivières, et par suite avec ses descendants les Boucherville, les Niverville, les Montizambert, les Labruière, les Labroquerie, les Boucher de Grosbois, etc."

Ces renseignements de mon estimable professeur et savant ami d'autrefois sont précieux et à peu près tout ce qu'on peut tirer des archives publiques sur le premier ancêtre de nos seigneurs d'Yamachiche, Charles LeSieur, Procureur Fiscal de Batiscan.

Il ne faut pas s'en étonner sachant qu'à son époque beaucoup d'hommes de mérite passaient sans bruit de vie à trépas, comme le commun des mortels. On enregistrait leur décès dans des registres officiels, mais on n'avait pas de journaux pour chanter leurs vertus, leur courage, les traits saillants de leur valeur personnelle, les services rendus à la société qui les avaient distingués des autres citoyens. On ne peut les juger aujourd'hui que par leur postérité.

Ainsi, Charles LeSieur et Françoise de Lafond revivent honorablement dans le district de Trois-Rivières, à Yamachiche, à la Rivière-du-Loup et ailleurs, par leurs descendants, les LeSieur, les Desaulniers, les Duchesne et les alliés de ces familles, les Gélinas, les Lacerte, les Loranger, les Bellemare, les Héroux qui doivent tous les compter au nombre de leurs ancêtres. Ceux de leur nom surtout sont les monuments vivants restés debout pour perpétuer leur souvenir et faire honorer leur mémoire. Toutes les générations de ces familles ont été robustes, vigoureuses, remarquables par leur esprit, leur intelligence et leur grande vigueur.

Charles LeSieur, souche de ces familles, était donc le père de nos deux seigneurs d'Yamachiche, Charles et Julien.

Son titre de Procureur Fiscal ou de préposé par les

Jésuites à l'administration de leurs propriétés seigneuriales de Batiscan et du Cap, suppose un bon degré d'éducation pratique et des connaissances légales, en droit civil et en droit féodal.

Durant son administration, il a paru que ces seigneu ries avaient fait des progrès remarquables en population et en défrichement. Elles ont fourni plus tard des colons à plusieurs seigneuries, entre autres, à Yamachiche, à Bécancour, à la Baie-du-Febvre, à Boucherville, à la Prairie de la Madeleine, cette dernière seigneurie appartenant aux Jésuites.

Ce premier Charles LeSieur, nommé sieur de Lapierre dans un acte de baptême au Cap-de-la-Madeleine, n'avait pas la renommée d'être en possession de grands biens, mais il était évidemment considéré comme homme de bien.

Sa vie n'a pas été assez longue pour donner de l'éclat à sa valeur personnelle; il est mort en 1697, âgé seulement de 50 ans, laissant à sa veuve Françoise de Lafond, une famille de huit enfants non encore établis. D'après la généalogie publiée par M. F. L.-Desaulniers, ils avaient les âges suivants, en 1697:

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D'après le recensement de 1681, cette famille paraît avoir eu deux établissements, l'un au Cap-de-la-Madeleine et l'autre à Batiscan. Voici les deux extraits qui le prouvent, tirés de l'Histoire des Canadiens-Français, par M. B. Sulte, pp. 61 et 63.

AU CAP

"Charles LeSieur, 32 ans; Françoise de Lafond, sa "femme, 23; enfants: Charles, 7; Pierre, 4; Françoise, 1; "1 fusil, 6 arpents en valeur."

A BATISCAN

"Charles LeSieur, 34 ans; Françoise Lafond, sa femme, "21; enfants: Charles, 7; Pierre, 4; Julien, 18 mois; 5 "bêtes à cornes, 8 arpents en valeur.”

Les erreurs dans les chiffres des âges ne sont pas de

nous.

Je souligne le nom de Pierre, omis dans la généalogie citée plus haut, pour faire remarquer que s'il avait 4 ans en 1681, il avait 21 ans à la mort de son père, en 1697. C'est celui-là même, sans doute, que mentionnait dans la note publiée plus haut, M. le professeur François Desaulniers en ces termes:

"Un autre des fils du premier LeSieur, savoir, Pierre, lui succéda à Batiscan dans sa charge de Procureur Fiscal; mais son nom disparaît bientôt et on ne sait ce qu'il devint."

En effet, il n'a pas suivi les autres frères à Yamachiche. Dans le dénombrement du seigneur Charles, en 1723, nous y retrouvons tous les frères LeSieur, excepté celui-là et le dernier, Pierre, qui n'avait qu'un an à la mort de son père.

On a 'it que le premier LeSieur venu en Canada, était originaire de La Rochelle, en France. C'est peut-être vrai, mais la preuve positive de ce fait nous manque, ayant été perdue avec les anciens registres du Cap-de-laMadeleine, contenant son acte de mariage avec Françoise de Lafond. Beaucoup d'autres familles ont à regretter la même perte pour la même raison.

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