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de Robespierre avec beaucoup de modération, et accueillit très froidement les accusations portées contre le sanguinaire tyran : «La mort de Robespierre, dit-il, est un grand événement pour « la France, et pour tout le monde : il dérange beaucoup de <«< choses. Il faut voir ce qui va se passer; je ne crois pas que.... » Pitt s'arrêta court et se refusa à ramener la conversation sur le terrain du 9 thermidor. En rapprochant ces faits, il était démontré que le chef des jacobins entretenait des intelligences secrètes avec les cabinets de Vienne et de Londres, et avec Louis XVIII à Ham.

Un poète ancien a dit que « la peur créa les Dieux! » C'est la peur qui prosterna les Français aux pieds de Pétion, de Marat, de Robespierre. C'est encore la peur qui, se mêlant à la forfanterie, à la vanité publiques, contribua à amener la plus humble, la plus docile soumission à Bonaparte, après que la nation se vit déçue dans son espoir de conserver sous la domination de ce chef la liberté conquise au prix de tant de calamités. Le pays trompé n'hésita pas cependant à se courber sous le sceptre impérial, et ce fut bien alors qu'on put se rappeler avec amertume ce mot du ministre anglais : « Qu'espérer d'une nation qui franchit les intermédiaires avec cette fougueuse rapidité? » car tel personnage qu'on vit en 1789 s'élever violemment contre l'esprit de réformation, sera successivement ardent fauteur de la Convention, du Directoire, du régime consulaire, de la République impériale et de l'Empire. Dans les grandes circonstances, l'intérêt ne fut, quoi qu'on en puisse dire, qu'un mobile secondaire pour les individus; le premier mobile fut toujours cet égoïsme, effet de la crainte, de la peur : à aucune époque, on ne sut résister à l'oppression avec énergie, avec persévérance. L'oppresseur se nommât-il représentant du peuple, directeur, consul, empereur, commissaire extraordinaire, ministre, chef de police, préfet de département, accusateur public, général ou gendarme! Jamais l'axiome : « Ce sont les esclaves qui font les tyrans », ne fut si bien justifié qu'en France, depuis 1789 jusqu'en 1830.

A la journée de Thermidor est attaché le nom de Tallien qui

évoque le souvenir des plus sanglantes époques de la Révolution. La Commune du 10 août 1792, les massacres des 2 et 3 septembre, l'égorgement des émigrés de Quiberon (1795), déposeront éternellement contre lui; mais il fut l'un des principaux auteurs du 9 thermidor, journée qui sauva des milliers de personnes, et il mérite, dira-t-on, sous ce rapport, de la reconnaissance publique? Non, le féroce proconsul dont tous les actes pendant le règne de la Terreur, signalèrent la cruauté, les rapines, la débauche, Tallien, ne s'éleva contre Robespierre le 9 thermidor, que pour sauver sa tête et celle de sa maîtresse, Mule Cabarrus (femme divorcée de M. de Fontenay, depuis Mme de Caraman, princesse de Chimay), que le dictateur avait résolu de faire tomber sur l'échafaud; l'humanité, la justice n'eurent aucune part à ce grand acte de conservation nationale. Le vertueux et patriote. Carnot fut le véritable auteur de la chute de Robespierre. Tallien était un homme sans générosité, sans vertus, sans principes, livré aux plus basses passions, incapable d'énergie, de courage ou de dévouement.

CHAPITRE TROISIÈME

DIRECTOIRE.

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I. Louis XVIII pendant l'émigration. Le comte de Lille prend le nom de Louis XVIII. Il est expulsé des États vénitiens; mot du bailli de Crussol. -Projet de descente en Poitou. - Louis XVIII à l'armée de Condé; il passe en revue les émigrés; banquet de Riegel. Le prétendant est expulsé par l'Autriche; attentat de Dillingen. Séjour à Blankembourg. Lettres de grâce accordées aux conventionnels régicides. — Opinion de Louis XVIII sur Robespierre.

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II. Hoche, Barras Talleyrand.

avec Joséphine; il est envoyé en Irlande.

Caractère de Hoche, sa liaison Barras est accusé de l'avoir fait empoisonner. Circulaire de Talleyrand aux agents diplomatiques. Influence de Mme de Staël. - Épigramme de Lebrun sur Talleyrand. - Lettre de Talleyrand à Bonaparte. Connivence de Talleyrand avec Louis XVI; son départ pour Londres. III. Le 18 fructidor et le 18 brumaire. Moreau. Mort du Le peuple de Paris au 18 fructidor. - Bonaparte revient d'Égypte. Le Directoire lui offre un banquet. Fouché au 18 brumaire; ses précautions en cas d'échec. Bonaparte manque d'argent; Fouché lui en procure. Moreau au Luxembourg; son caractère; ses projets ambitieux. Appréhensions de Bonaparte. Arrestation du duc d'Enghien. — Opinion de Cambacérès sur l'attentat de Vincennes. - Duplicité de Talleyrand; il conseille l'exécution.

duc d'Enghien. — Augereau.

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IV. Bonaparte aux Tuileries. - Bonaparte conserve ses sympathies aux jacobins. Il recrute les préfets parmi les conventionnels. Apostrophe de Bonaparte à Sieyès. -Les inscriptions républicaines disparaissent des monuments publics. Fêtes données par Joseph et Lucien Bonaparte. Cérémonie du sacre. Circulaires envoyées aux fonctionnaires à cette occasion. V. Cambacérés, Lannes, Soult, Junot, Masséna. Origines de Cambacérès; sa carrière, son égoïsme; il exerce une grande influence sur Napoléon; il fait nommer M. Pasquier, préfet de police. — Le cardinal Maury, le plus grand athée de l'Empire. - Rapacité et orgueil de Cambacérès. Lannes en Espagne; originalité de caractère ;

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anecdote. Lannes et Talleyrand. Soult et les oranges de Portugal. Junot. - Patriotisme et vertus de Masséna.

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VI. Chute de l'Empire. Tentative d'assassinat contre Napoléon.— Cambacérès spécule sur les fonds pubiics. Fuite de Marie-Louise. - Trahison des généraux. La cour à Blois. La statue de la place Vendôme est renversée. Napoléon à Fontainebleau. Entrée de Louis XVIII à Paris; retour aux Tuileries. Mort de l'impératrice Joséphine; sa jeunesse; sa vie. Motifs qui ont fait croire à son empoisonnement. Confidences de Louis XVIII et de Talleyrand.

I

LOUIS XVIII PENDANT L'ÉMIGRATION.

Si la Révolution a causé d'immenses infortunes, si elle a bouleversé l'État, provoqué des guerres, ruiné des provinces, sacrifié des existences, elle a réalisé les ambitions de quelques hommes, et parmi eux il faut citer Monsieur, comte de Lille. Dès l'exécution de Louis XVI, ce prince prend le titre de régent et aussitôt qu'il connaît la mort de Louis XVII, il se proclame roi de France et de Navarre sous le nom de Louis XVIII, dans un message daté de Vérone :

23 juin 1795.

Français, dit-il, votre roi va vous parler avec toute la sincérité de son cœur; écoutez sa voix : c'est celle d'un père à ses enfants. Français, vous fûtes infidèles au Dieu de vos pères, et ce Dieu justement irrité vous a fait subir tout le poids de sa colère. Vous fûtes rebelles à l'autorité qu'il avait établie pour vous gouverner, et un despotisme sanglant, une anarchie non moins cruelle et la plus épouvantable des servitudes se succédant tour à tour, vous ont sans cesse déchirés avec une fureur toujours croissante: mon cœur a profondément gémi sur vous, pour vous! Français, il faut revenir à cette religion sainte qui avait attiré sur la France les bénédictions du ciel. Il faut rétablir ce gouvernement qui fut, pendant quatorze siècles la gloire de la France; gouvernement qui avait fait de votre patrie le plus florissant des États, et de vous le plus heureux des peuples. Tous les Français qui, abju

rant leurs opinions funestes, viendront se jeter aux pieds du trône, y seront reçus; ceux qui, dominés encore par un cruel entêtement, se hâteront de revenir à la raison et au devoir, seront aussi nos enfants. Il est cependant des forfaits (que ne peuvent-ils s'effacer de notre souvenir et de la mémoire des hommes !), il est des forfaits dont l'atrocité passe les bornes de la clémence : les régicides sont des monstres abominables que la postérité ne nommera qu'avec horreur; la France entière appelle sur leur tête le glaive de la justice...... Français, séparez votre cause de la leur; que la vertu se sépare du crime, que l'honneur se sépare de l'infamie! Le repentir est une vertu ; embrassez-le et jetez-vous aux pieds du trône. Votre père vous pardonne, car il vous porte dans son cœur; votre roi vous en assure, et c'est au nom de son aïeul Henri IV qu'il vous le promet. Français, levez-vous contre vos tyrans et Dieu secondera vos efforts.

Signé Louis, et contresigné : FLACHSLANDEN.

Le prétendant écrit en même temps au prince de Condé :

Mon cousin, je suis touché, comme je dois l'être, des sentiments que vous m'exprimez au sujet de la perte irréparable que je viens de faire en la personne du roi, mon seigneur et neveu. Si quelque chose peut adoucir ma juste douleur c'est de la voir partagée par ceux qui me sont chers à tant de titres, par ces héros qui défendent, sous vos lauriers la cause sacrée de l'autel et du trône... La France perd un prince dont les heureuses qualités que j'avais vues se développer dès la plus tendre enfance, annonçaient qu'il serait le digne successeur du meilleur des rois. Il ne me reste plus qu'à implorer le secours de la divine Providence, pour qu'elle me rende digne de dédommager mes sujets d'un si grand malheur; leur amour est le premier objet de mes désirs, et j'espère qu'un jour viendra où, après avoir, comme Henri IV, reconquis mon royaume, je pourrai comme Louis XII, mériter le titre de père de mon peuple. Dites aux braves gentilshommes et aux fidèles troupes dont je vous ai confié le commandement, que l'attachement qu'ils m'expriment par votre organe, est déjà pour moi l'aurore de ce beau jour et que je compte principalement sur vous et sur eux pour le faire éclore.

Les intrigues, les machinations de Louis XVIII pour exciter les cabinets étrangers contre la France inquiètent la République de Venise, dont le prince reçoit à Vérone l'hospitalité. Subitement le sénat vénitien donne au prétendant l'ordre de quitter les États de la République. Le comte de Lille répond par une lettre cheva

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