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tune, ou ont eu la joie de voir élever leurs enfants à qui ils avaient donné de bons principes et procuré quelqué éducation.

>> Si l'on remontait au grand-père de chacun de nos riches industriels, on verrait que neuf fois sur dix, c'est un ouvrier ou un artisan 1. »

Tout en reconnaissant ce qu'il y a de vrai dans les tableaux tracés par MM. Blanqui et Michel Chevalier, on ne peut cependant se dissimuler que la liberté illimitée de l'industrie et du commerce n'ait amené dans leur pratique des abus et des désordres que le temps seul pouvait démontrer. Nous croyons l'époque arrivée, où, profitant de l'expérience du passé, il est possible de faire cesser les abus, sans pour cela gêner en rien l'exercice de ces facultés.

C'est ce que nous allons essayer de développer dans la suite de cet ouvrage.

1 Michel Chevalier, Organisation du travail.

CHAPITRE II.

CONDITION DES OUVRIERS DEPUIS 1789.

Beaucoup de bons esprits, qui se sont occupés de la question que nous traitons, regrettent la destruction complète des anciens corps des arts et métiers : ils pensent qu'en réformant les abus, on aurait dû con• server l'institution. Quelques-uns même en demandent le rétablissement au nom de la morale et de la philanthropie.

A l'appui de cette opinion, et au sujet des vols et des fraudes qui se commettent journellement sous le couvert du commerce et sous le prétexte ou la raison de concurrence, M. de Lourdoueix écrivait dans la Gazette de France : « Ce vice, c'est la dissolution des corps professionnels en individualités soumises seulement aux lois générales et à la surveillance de la police chargée de faire respecter ces lois par tous les citoyens.

>> Ces individualités, livrées pour ainsi dire à ellesmêmes, avec l'intérêt du lucre pour mobile, n'ont d'autre frein que le risque d'être surprises dans leur industrie illicite; mais ce risque s'évalue comme tous les autres, de manière à être couvert par les bénéfices, et tout se réduit, pour les sophistiqueurs, à un jeu qui, à tout prendre, est moins périlleux que celui de la bourse.

» L'administration publique, placée par la législation en présence de l'individualité commerciale, a parfaitement compris depuis longtemps, qu'elle était désarmée contre les fraudes; et, forcée de respecter un fait de dissolution que la révolution défendait comme un principe, elle a cherché, contre la généralité du mal, un remède dans des exceptions touchant de plus près à la santé et à la vie des citoyens.

» Ainsi, en se fondant sur cette proposition spécieuse, qu'il ne doit pas être permis de vendre du poison, elle a soumis le corps des pharmaciens à une organisation spéciale, avec des conditions d'instruction et une réglementation sévère; elle a limité le nombre des bouchers, afin que le prix auquel s'élè-, verait leur fonds commercial fût une garantie pour la société, et afin que la surveillance de la police, s'exerçant sur un nombre de débitants limités, fût plus facile

et plus sérieusement efficace. Ainsi, contre l'individualisme commercial, elle n'a trouvé d'autre remède que le monopole! Remède, nous ne dirons pas pire que le mal, mais qui était lui-même le mal, puisque, en assurant la loyauté des denrées fournies à la consommation, il en augmentait le prix et en privait le peuple dans une certaine mesure.

>> Le monopole des professions serait un remède aux inconvénients de la concurrence, mais il n'en est pas un aux inconvénients de l'individualisme; la preuve, c'est qu'en limitant le nombre des bouchers, on les a organisés en syndicat. Ne pouvait-on pas les associer sans les limiter? Voilà la question que nous soumettons à tous les esprits versés dans les sciences économiques. Nous croyons fermement que, non-seulement la profession des bouchers et celle des boulangers pourraient être organisées sans que le nombre de ces débitants fût limité, mais que le commerce du vin, comme le commerce de la viande et de la farine, que toutes les branches de commerce, que tous les métiers existants et possibles devraient être organisés sur le principe de l'association; que ces professions devraient former un corps ayant sa tête et ses membres ; c'est-àdire qu'elles devraient avoir des chefs librement élus, chargés de la défense des intérêts collectifs, de l'ad

ministration d'un fonds commun; d'une caisse de secours et de prévoyance, de toutes les institutions qu'on jugerait à propos de fonder; que ce corps élu devrait avoir un certain droit de réglementation et de surveillance disciplinaire sur tous les associés, droit qui serait déterminé par la législation générale, de manière à ne pouvoir porter atteinte ni au principe de liberté ni au principe de propriété, mais qui maintiendrait l'honneur du corps professionnel, en assurant la loyauté de ses productions et la probité de ses opérations. >>

Nous partageons entièrement l'opinion de M. de Lourdoueix sur la nécessité de ramener le commerce et l'industrie dans les voies d'honnêteté dont ils s'écartent trop souvent. Nous sommes encore de son avis, quand il réclame, au nom de la bonne foi commerciale, une surveillance spéciale exercée dans chaque industrie par les industriels eux-mêmes; nous sympathisons de cœur avec lui lorsqu'il émet l'idée de caisses de secours et de prévoyance venant en aide aux travailleurs malades, ou ne pouvant plus vivre de leur travail. Mais nous aurions désiré connaître les principes sur lesquels repose son système. Cet éminent écrivain sait mieux que nous combien les théories les plus simples, en apparence, offrent de difficultés dans l'exécu

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