la civilisation, les lois plus sagement établies, les droits plus respectés, les charges de l'État plus équitablement réparties? En un mot, depuis la fin du dernier siècle, il s'est opéré une révolution qui a fait de la France une France nouvelle, qui a crée de nouveaux intérêts et un nouvel ordre de choses conformes au bien du peuple, et au progrès des temps. Pour comprendre les bienfaits dont jouit la société actuelle, il suffit de jeter un coup d'œil sur le passé. Qu'a produit le régime de la féodalité? crimes, misères, démoralisation. Qu'a produit à son tour la théocratie? l'inquisition et les guerres religieuses qui ont jonché la France de débris et longtemps reculé la civilisation moderne. En consultant nos annales historiques, nous! voyons les siècles défiler lentement et tout ensanglantés, depuis le xiv, qui a compté quarante-trois ans de guerres intérieures ou étrangères et le xve qui n'a eu que vingt-neuf ans de 1 paix, jusqu'au xvı siècle avec ses quatre-vingtcinq ans de discordes intestines et de guerres étrangères, et les xvii et xvIII presque aussi désastreux pour la France que les siècles précédents. Quant à l'État civil de la nation, il n'existait pas. Lisez plutôt le tableau de ces époques tracé par les écrivains les plus éminents: « Dans ce temps-là tout le monde ne payait pas l'impôt. La noblesse n'en supportait qu'une partie, le clergé aucune, excepté quand il lui plaisait d'accorder des dons volontaires. Tout le monde ne subissait pas les mêmes peines quand il avait failli. Il y avait pour les uns le gibet, pour les autres mille manières d'éviter l'infamie ou la mort les mieux méritées. Tous ne pouvaient, quelque fût leur génie, arriver aux fonctions publiques, soit par empêchement de naissance, soit par empêchement de religion. Il existait, sous le titre de droits féodaux, une foule de dépendances, n'ayant pas pour origine un contrat librement consenti, mais une usurpation de la force sur la faiblesse. Il fallait cuire son pain au four du seigneur, faire moudre son blé à son moulin, acheter exclusivement ses denrées, subir sa justice, laisser dévorer sa récolte par son gibier. On ne pouvait pratiquer les diverses industries qu'après ⚫certaines admissions préalables, réglées par le régime des jurandes et des corporations. Il existait des douanes de province à province, des formes intolérables pour la perception de l'impôt. La somme de cet impôt était écrasante pour la masse de la richesse. Indépendamment de propriétés magnifiques dévolues au clergé et soumises à la mainmorte, il fallait lui payer, sous le nom de dîmes, la meilleure partie des produits agricoles. Il y avait tout cela pour le peuple en particulier, et, quant à la généralité de la nation, les censeurs pour ceux qui étaient tentés d'écrire, la Bastille pour les caractères indociles, les parlements pour Labarre et Calas, et des intervalles de plusieurs siècles entre les états généraux qui auraient pu réformer tant d'abus1. » Voici ce que disait M. le comte de Montalembert, dans un numéro du Correspondant de février 1857, sur les abus du système monarchique de Louis XIV et de Louis XV: « Qu'on se représente les deux premières nations catholiques du monde gouvernées sans résistance, l'une par Dubois, le plus vil des fripons, l'autre par Albéroni, rebut des bas valets, et le saint-siége réduit à faire de tous deux des princes de l'Église. La noblesse croupissant dans une mortelle et ruineuse oisiveté, lorsque le danger et la mort ne venaient pas la purifier sur les champs de bataille. Le clergé atteint lui-même dans ses plus hauts rangs par la corruption, dupe de cette dévotion de cour, sincère chez le maître, commandée chez les valets, et aboutissant sans transition à une éruption de cynisme impie qui dure cent ans, avant de s'éteindre dans le sang des martyrs, 4 M. Thiers, De la Propriété. La bourgeoisie pervertie par l'exemple d'en haut, par une longue habitude d'adulation et de servile docilité, incapable de résistance et de responsabilité; la nation presque entière absorbée dans des préoccupations d'antichambre, etc. » Le maréchal de Vauban, dans son projet d'une dixme royale décrivait ainsi l'état des populations en 1698: La vie errante que je mène depuis quarante ans et plus, m'ayant donné occasion de voir et visiter plusieurs fois et de plusieurs façons, la plus grande partie . des provinces du royaume,... j'ai souvent eu occasion de donner carrière à mes réflexions, et de remarquer le bon et le mauvais du pays, d'en examiner l'état et la situation et celui des peuples, dont la pauvreté ayant souvent excité ma compassion, m'a donné lieu d'en recher |