Page images
PDF
EPUB

Les campagnes éloignées de la capitale, tout en jouissant des effets de la liberté, sont encore plongés dans la barbarie de la hiérarchie féodale: dans plusieurs de ces cantons infortunés, le paysan ne respecte encore que son ancien Seigneur, et ne croit que son ancien Curé. Hâtez-vous, Messieurs, de dérober ces ames simples et crédules à la trop facile séduction des ennemies de la patrie; lâtez vous de détruire les prestiges d'une aveugle idolâtie: établissez proptement ces écoles primaires qu'a proposé M. de Talleyrand dans son sublime mémoire sur l'instruction publique; mais en attendant l'établissement des écoles primaires et la confection d'une instruction publique qui y soit analogue, comme il est urgent que le peuple soit garanti des complots ténébreux de ces factieux réfractaires qui, coalisés, peut-être, avec les ennemis du dehors, s'efforcent d'allumer en même tems les feux d'une guerre intestine et d'une guerre extérieure, je propose de faire, le plus promptement possible, et d'envoyer dans tous les départemens, un catéchisme de morale et de politique, qui éclaire le peuple sur ses vrais intérêts, qui marque à ses yeux, d'un signe éclatant, les im osteurs dont il doit se défier, et les guides fideles qu'il doit suivre, qui le convainque enfin que l'assemblée constituante 'n'a rien fait que pour la justice et pour son bonheur.

D'après ces considérations j'ai l'honneur de vous proposer le projet de décret suivant :

L'Assemblée nationale desirant mettre un terme aux désordres occasionnés par la dissidence des opinions, sur la légale organisation civile du clergé, sans manquer à la fidélité qu'elle doit et qu'elle a jurée au décret constitutionnel sur la liberté des cultes et des opinions, en matiere de religion, a décrété les articles suivans.

Art. I. Il sera enjoint à tous les tribunaux auxquels ressortissent ces objets, de faire exécuter avec vigilance et fermeté la loi contre les infractions à la tranquillité publique, d'en poursuivre les auteurs, et si ce sont des prêtres réfractaires au serment sur l'organisation civile du clergé, de les punir suivant la gravité du délit, soit par la privation partielle ou totale de leur pension soit par telle autre peine plus grande.

II. Il sera établi le plus promptement possible des écoles primaires gratuites dans tous les départemens du royaume.

III. Il sera ordonné à tous les directoires des divers départemens de donner leur avis sur les lieux de leurs départemens

respectifs, où ils penseront qu'il convient détablir une école primaire.

IV. Le comité d'instruction publique sera chargé de travailler, sans délai, au plan d'instruction publique décrété constitutionnellement par le corps constituant.

V. En attendant l'établissement des écoles primaires, et la confection du plan d'instruction à leur usage, il sera fait, trés-incessamment, par le comité d'instruction publique, un catéchisme moral et politique à l'usage du peuple des villes et des campagnes, pour l'enseignement de la Constitution françoise et de la légale organisation civile du Clergé, lequel catéchisme, aprés avoir été adopté par l'Assemblée nationale, sera imprimé au nombre de exemplaires, et distribué gratuitement aux peuples des divers départemens du royaume.

mille

M. Douglas: De toutes les propriétés, la plus sacrée, sans doute, doit être celle de la pensée. C'est en vain que de stupides despotes, enivrés par l'encens des courtisans encore plus méprisables qu'eux, voulurent attenter à ce précieux droit de l'homme, et prétendirent se placer entre la conscience de leurs peuples et la divinité; ce pouvoir emprunté des Rois, qui ne fut jamais redoutable que par la facheté de leurs sujets, s'évanouit toutes les fois qu'ils voulurent commander à la pensée. Cette même Nation avilie, qui so laissera dépouiller sans murmurer, qui, sous le fouet des tyrans, osera à peine prononcer une plainte, osera à peine faire entendre ses gémissemens, se transformera aussitôt en une Nation fiere et courageuse,,si on veut lui demander compte de ses opinions religieuses, et lui prescrire le culte qu'elle doit rendre à Dieu. L'histoire de tous les Peuples, attestera cette vérité.

Ouvrez vos annales, vous verrez ce Roi qui pesa sur son siecle, qui fut si lâchement adulé pendant son trop long regne, si vanté depuis, par ceux qui ignorent que le plus grand mérite d'un Roi, est de rendre ses peuples heureux, et qu'un Prince conquérant est le plus cruel des fléaux dont la colere divine puisse frapper une contrée; vous verrez que ce Louis XIV, qui voulut entreprendre de ramener tous ses esclaves à l'unité du culte; que ce Louis-le-Grand, dont une cour prostituée avoit fait un demi-Dieu, sentit enfin qu'il n'étoit qu'un homme, et qu'un Roi injuste, n'étoit jamais un Roi puissant, puisque la puissance d'un prince n'est que le concours de sa volonté avec celle de ses sujets. (Murmures et applaudissemens) Ses déclarations, ses édits, écrits avec du sang humain, attesterent assez que

la liberté des opinions, est un bien hors de l'atteinte des despotes. Les Cévennes arrosée du sang des protestans, produisirent une foule d'hommes intrépides qui braverent leur supplice, et expirerent avec joie pour la religiön de leurs peres. (Murmures ).

A la premiere page du code d'un Peuple régénéré, on lit ces mots Liberté du Culte. La justice', d'accord avec la politique, doit proscrire toute persécution, nous devont tous, sans doute, un même culte à la Patrie ; mais laissons Dieu seul juge de celui que les mortels lui rendent.

En avouant ce grand principe dicté par l'humanité et la philosophie, il est permis peut-être à des Législateurs d'examiner si des circonstances extraordinaires ne conimandent point des regles qui sortent des regles communes. Et quelles circonstances, en effet, plus impérieuses pourront jamais se présenter à vous. L'agitation générale des esprits; suite naturelle d'un nouvel ordre de choses; cette inquiétude vague, qui fait craindre aux uns la prospérité qu'une sage Constitution doit amener, qui fait craindre aux autres les manoeuvres des ennemis qui veulent troubler le repos public; les complots sans cesse avortés, sans cesse renaissant de ces hommes vains et petits, que la Révolution a condamnés au cruel suplice de l'égalité, qui soupirent après ces distinctions futiles, après les places qui leur donnoient le privilege exclusif d'être les premiers valets de la Cour; les intrigues de ces Prêtres criminels qui mêlent le nom de Dieu avec leurs passions, versent des larmes hypocrites sur la Religion et ne pleurent réellement que la perte de leurs 800 fermes; (Applaudissemens et murmures. ) tout nous offre un tableau effrayant. Nos campagnes sont fanatisées (on rit.) des Prêtres déguisés dans tons les Départemens conduisent des processions nocturnes et font faire, à des malheureux séduits, des prieres au ciel pour le retour de l'ancien régime : les tenebres de la nuit, le sombre des forêt, ajoutent encore aux prestiges de la superstition; il est tems, Messieurs, d'arrêter ces desordres et de prendre des mesures que la prudence, que le salut du Peuple commandent; il vous en coûtera sans doute dé limiter la liberté de quelques individus; mais vous vous souviendrez que pour que les bons Citoyens soient libres, il faut que les mauvais Citoyens soient enchaînés. (Applaudi. )

Cependant, pour concilier autant qu'il est possible lesdroits de la nature avec ceux de la société, permettez-moi de vous offrir une mesure qui ne doit point vous paroître trop rigoureuse; c'est de forcer tous les Prêttres réfractaires.

à se rendre dans le chef-lieu de chaque Département, à n'en point sortir que le calme ne soit rétabli, et d'ordonner aux tribunaux de poursuivre les auteurs des troubles qui agitent les campagnes. Si parmi ces Prêtr rres non assermentés, quelques-uns égarés par une conscience peu éclairée aiment encore leur Patrie, ils n'hésiteront pas à lui faire le sacrifice d'une portion de leur liberté pour contribuer à sa tranquilité. Ceux qui penseroient autrement seroient de mauvais Citoyens; et alors devez-vous avoir des égards pour des conspirateurs?

Je ne finirai point, messieurs, sans avertir les Prêtres constitutionnels que leur ministere est un ministere de paix; que c'est la persuasion, que c'est la douceur qui fait les prosélytes; et que la persécution profane le nom sacré de la religion. Je propose le Décret suivant:

Art. I. L'Assemblée nationale, considérant les troubles qui désolent les Départemens, décrete que tous les Prêtres nonassermentés se rendront dans le chef-lieu de leurs Départe mens; qu'ils y résideront jusqu'à ce que la tranquillité des campagnes soit rétablie; qu'ils se présenteront, tous les 8 jours, au Directoire du Département.

II. Que l'Accusateur public sera tenu de poursuivre, selon toute la rigueur des Loix, les auteurs des attroupemens séditieux qui se font dans les campagnes.

III. Que les Directoires de Département feront publier, à toutes les messes paroissiales, une proclamation pour désabuser les habitans des campagnes que le fanatisme a égarés. (Applaudi des tribunes.)

M..

: Messieurs, deux grandes questions vous occupent. Laisserez-vous aux Prêtres non-assermentés les droits qu'ont les Ministres Protestans de célébrer, sous la garantie de la Constitution, les mysteres quelconques de leur religion? Laisserez-vous à 10 millions de François le droit qui

[ocr errors]

ου

à leur maniere le culte qu'ils croient le meilleur. C'est à ces deux importantes questions, qu'en derniere analyse se rẻduisent tous les raisonnemens auxquels pourra donner lieu la discussion présente; car je ne connois pas de milieu, il faut persécuter les Prêtres, ou ne les regarder que comme de simples citoyens, ce que seulement ils sont aux yeux de la loi ; ou il faut renouveller la motion de Dom Gerle. et déclarer bien vite une religion dominante, c'est-à-dire, persécutrice. Le titre de Prêtre constitutionnel, quand la Constitution ne reconnoît aucun Prêtre, ce titre, dis-je, que se sont appropriés les Ministres du culte salariés par l'Etat, Tome II. No. a. P. L.

B

[ocr errors]

ne tend rien moins qu'à lier leur cause à celle de la Constitution; à se faire croire établis par elle, tandis qu'elle ne les envisagea que sous l'aspect de leur traitement, et à vous conduire insensiblement à les regarder comme Ministres d'une religion constitutionnelle et dominante, établie dans tous les tems et dans tous les lieux. Les Prêtres se croyoient l'appui des religions, comme l'appui des trônes, qu'ensuite ils ont ébranlés et renversés. C'est ainsi qu'ils ont aecusé l'Assemblée constituante de porter la main à l'encensoir; un jourils accuseront vos successeurs de porter également la main à l'encensoir, et ceci n'est point particulier aux Prêtres assermentés ou non assermentés, Romains ou non Romains, mais aux Ministres de tous les cultes, de toutes les sectes, dans tous les lieux dans tous les tems possibles. Par-tout, dès qu'on cesse de les regarder comme de simples Citoyens, dès qu'on veut donner de l'importance à leur existence spirituelle, le caractere inhérant à tous les Prêtres, et, disons-le, Messieurs, à tous les hommes se déploye d'une maniere d'autant plus dangereuse, d'autant plus terrible, que leur corporation est excessivement nombreuse. Gardons-nous, Messieurs, de la domination des Prêtres; ne retombons point dans l'enfance après être parvenus à la maturité de l'âge. Sans remonter à des époques bien éloignées, rappellons-nous les misérables querelles des Jansenistes qui ont agité si honteusemeut la France aussi long-tems que le Gouvernement s'en est occupé, et qui sont tombés dans l'oubli le plus profond dès qu'il a cessé d'y prêter attention. Ce sont les mêmes querelles qui şe renouvellent sous d'autres noms. Cessez de vous occuper de querelles de Prêtres, et ees querelles n'existeront plus. Vous avez solemnellement reconnu la liberté des opinions religieuses, et c'est une des bases fondamentales de votre Constitution; vous avez jnré de n'y porter aucune atteinte: et c'est à vous que l'on vient dénoncer des paysans qui vont à deux lieues de leur habitation entendre la Messe d'un Prêtre non-assermenté, qu'on vient se plaindre que les Egli ses des Prêtres qu'on appelle constitutionnels, et que j'appelle assermentés, sont vuides; c'est à vous que l'on dit, en criant au scandale, que des Prêtres non assermentés confessent, communient, et font de l'eau bénite chez eux. Eh! qu'est-ce que cela vous fait? (Quelques applaudissemens.) Voilà cependant les crimes que l'on reproche aux Prêtres nonassermentés, voilà les crimes qui échappent aux Tribunaux! et, par un contraste bien singulier, on vient avec un zele bien ardent les dénoncer à une assemblée qui peut être composée de Protestans, de Juifs, de Musulmans, d'Idola

« PreviousContinue »