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enlevé aux ingénieurs le service des routes départementales, voudront le leur rendre; mais alors les ingénieurs eux-mêmes pourront faire défaut; le recrutement à l'École polytechnique, au milieu de ces oscillations si fréquentes, deviendra très difficile, et fatalement le service public pourrait, à un moment donné, se trouver compromis.

Ce n'est pas d'ailleurs au moment où tant et de si utiles travaux, au point de vue de l'amélioration de notre agriculture, peuvent et doivent être mis à l'étude par le plus grand nombre des conseils généraux, qu'ils voudront se priver du concours des ingénieurs de l'État pour en dresser le programme et en préparer l'exécution.

Quoi qu'il en soit, Monsieur le préfet, la loi a prononcé, il faut en assurer l'exécution; en conséquence, et dans le cas où le conseil général de votre département voudrait mettre à l'étude la question de l'attribution à d'autres que les ingénieurs des ponts et chaussées, du service des routes départementales, il importe de lui faciliter cette étude le plus possible: tous les documents nécessaires devront être mis sous ses yeux. MM. les ingénieurs devront eux-mêmes se tenir prêts à lui fournir, soit de vive voix, soit par écrit, toutes les explications qui pourront leur être de mandées; et la décision, quelle qu'elle puisse être, ne sera prise ainsi qu'en parfaite connaissance de cause.

Il me paraît désirable, Monsieur le préfet, pour éviter autant que possible les incertitudes d'avenir qui pourraient être si fatales à l'intérêt public, que le conseil général, dans le cas où il aurait l'intention de maintenir les ingénieurs en possession de leurs attributions actuelles, veuille bien le déclarer d'une manière explicite, sans que, bien entendu, cette déclaration puisse enchaîner ses résolutions à venir; mais au moins pour un certain temps l'administration sera fixée sur les besoins auxquels elle devra satisfaire, et elle pourra assurer d'une manière aussi régulière que possible le recrutement des ingénieurs et de tous les agents qui, sous leurs ordres, concourent au service des routes départementales.

Une instruction en date du 12 juillet 1817, du ministre de l'intérieur, qui avait alors dans ses attributions la direction générale des ponts et chaussées et des mines, a fixé les indemnités auxquelles les ingénieurs et les agents sous leurs ordres avaient droit pour le service des routes départementales, et a réglé ces indemnités proportionnellement au montant des dépenses faites dans le cours de l'année : on s'est demandé si, dans les départements où

les conseils généraux maintiendraient le service des routes départementales dans les mains des ingénieurs des ponts et chaussées, les règles posées par la circulaire de 1817 continueraient d'être obligatoires pour ces conseils : la négative ne paraît pas douteuse. La loi investit les conseils généraux du droit de donner à qui ils veulent la direction des travaux de leurs routes départementales; ils sont à plus forte raison les maîtres de régler toutes les conditions financières du service qu'ils constituent. Ils pourront donc abandonner le système de la circulaire de 1817; il serait seulement à désirer qu'ils pussent adopter des conditions aussi semblables que possible, afin qu'en passant d'un département dans un autre, les fonctionnaires et agents du service des routes départementales ne fussent pas soumis à un régime trop différent.

Ces points principaux ainsi examinés, j'arrive aux questions de détail que peut soulever la mise à exécution de la loi nouvelle, et pour lesquelles j'ai quelques instructions spéciales à vous adresser.

En vertu de la loi de 1866, les conseils généraux statuaient définitivement sur le classement et le déclassement des routes départementales, mais seulement lorsque le tracé de ces routes ne se prolongeait pas sur le territoire d'un autre département: cette restriction a été supprimée dans la loi nouvelle, et les conseils généraux sont désormais compétents pour prononcer le classement ou le déclassement d'une route départementale, qu'elle soit renfermée dans la circonscription du département ou qu'elle en excède les limites. Dans ce dernier cas, les mesures à prendre rentrent dans la catégorie de celles qui sont prévues par les articles 89 et go de la loi du 11 août 1871. Les classements ou déclassements doivent faire l'objet de conférences où chaque conseil général sera représenté, et ces classements ou déclassements ne peuvent être considérés comme définitifs que lorsque après l'issue des conférences ils auront été ratifiés par tous les conseils généraux intéressés.

Vous avez le droit, Monsieur le préfet, d'assister à ces conférences; vous devez, dans le cas dont il s'agit, y représenter l'intérêt général, et y soutenir la solution conforme à cet intérêt, tout en tenant compte autant que possible des intérêts locaux. Il conviendra d'ailleurs que vous vous concertiez, dans chaque cas particulier, avec M. l'ingénieur en chef de votre département, qui mettra à votre disposition tous les renseignements de fait nécessaires pour éclairer les membres des commissions mixtes qui seront ainsi formées. Comme d'ailleurs, ainsi que je l'ai rappelé plus haut, les mesures proposées par ces commissions ne peuvent être

considérées comme définitives que lorsqu'elles sont ultérieurement ratifiées par tous les conseils généraux intéressés, le vote du. conseil général qui aura le premier provoqué la mesure devra, dans tous les cas où cette unanimité ne se rencontrera pas, être consi déré comine nul et non avenu..

Pour ce qui concerne le classement ou le déclassement propre ment dit d'une route départementale, la loi nouvelle ne modifie en rien les dispositions de la loi de 1866 quant aux formalités dont cette mesure doit être précédée. Je ne peux donc que vous prier de vous référer à cet égard à la circulaire en date du 4 août 1866. de l'un de mes prédécesseurs, circulaire concertée d'ailleurs avec. le ministère de l'intérieur.. Cette circulaire rappelle qu'aux termes d'une loi du 20 mars 1835, tout, classement de route doit être précédé d'une enquête, et que rien, dans la loi de 1866, n'indique que le législateur ait voulu supprimer cette enquête. La loi de 1871, je l'ai dit déja, n'innove rien sur ce point: toute proposition. de classement devra donc toujours être soumise à une enquête préalable, et, par analogie, il en sera de même des propositions de déclassement. MM. les ingénieurs seront appelés à donner leurs avis sur le résultat des enquêtes, et ils devront se tenir prêts à fournir au conseil général tous les renseignements propres à éclairer ses délibérations.

La loi de 1866 portait, au §. 6 de l'article 1o, que les conseils généraux statuent définitivement sur les projets, plans et devis des travaux à exécuter pour la construction, la rectification our l'entretien des routes départementales, le tout, sauf l'exécution des lois et règlements sur l'expropriation pour cause d'utilité pu+ blique.

Bien que la loi nouvelle, en reproduisant cette disposition, n'ait pas mentionné expressément la réserve relative aux lois et règlements relatifs à l'expropriation, il a été bien entendu que cette omission n'impliquait pas le moins du monde la dispense de l'exé cution de ces lois et règlements; que seulement on jugeait inutiles de rappeler que cette exécution était obligatoire.

Dans une première rédaction de la loi, on avait proposé de conférer aux conseils généraux le droit de déclarer d'utilité publique tous les travaux à la charge du département,, mais cette disposi tion a été rejetée lors de la troisième lecture de la loi et remplacée par l'article 44, qui ne concerne que les chemins vicinaux..

La loi du 3 mai 1841 et les règlements relatifs à l'exécution de cette loi restent donc obligatoires pour toutes les expropriations en matière de travaux des routes départementales, et je ne puis

que me référer encore ici aux instructions de la circulaire du 4 août 1866.

Je ne crois pas d'ailleurs inutile de rappeler qu'en donnant au conseil général le droit de statuer définitivement sur tous les projets de travaux des routes départementales, la loi ne lui interdit pas, non plus qu'à vous-même, de consulter l'administration supérieure sur ces projets et sur toutes les questions qui peuvent s'y rattacher. Souvent la préparation et la mise à exécution de projets de routes, de certains ouvrages d'art, soulèvent des questions très-délicates sur lesquelles il peut être infiniment utile de faire appel à l'expérience et aux lumières du conseil général des ponts et chaussées. Il est impossible, comme le dit la circulaire de 1866, de fixer les règles précises à cet égard. La sagesse du conseil général et la vôtre, Monsieur le préfet, secondées par les avis de MM. les ingénieurs, sauront pourvoir à tout ce qui sera nécessaire dans chaque cas particulier.

Le § 13 de l'article 46 de la loi nouvelle attribue aux conseils généraux le droit de décision définitive sur les questions relatives à l'établissement et à l'entretien des bacs et passages d'eau sur les routes et chemins à la charge du département et sur la fixation des tarifs de péage.

L'article 58, § 6, comprend parmi les recettes ordinaires du département le produit des droits de péage sur les bacs et passages d'eau établis sur les routes et chemins à la charge du département.

En vertu de ces dispositions, l'administration centrale ne doit plus avoir à s'occuper à l'avenir des décisions à prendre pour l'établissement des bacs et passages d'eau sur les routes et chemins ci-dessus mentionnés, mais néanmoins quelques explications et réserves sont nécessaires pour éviter toute difficulté.

En premier lieu, la loi parle des routes et chemins à la charge du département: on peut à la rigueur dire que dans cette catégorie sont compris non-seulement les routes départementales, mais encore les chemins de grande communication, à la dépense desquels les départements contribuent pour une forte part; mais pour les chemins d'intérêt commun et pour les chemins vicinaux ordinaires, on ne peut les considérer comme étant à la charge du département, et en conséquence les bacs et passages d'eau sur ces chemins restent soumis aux dispositions de la loi de frimaire an VII, et vous devez continuer, pour ce qui concerne leur établissement et la fixation des tarifs de péage, à en référer à l'administration supérieure.

En second lieu, la loi nouvelle, en donnant aux conseils généraux le droit de décider sur les bacs et passages d'eau qui desservent les routes et chemins à la charge des départements, n'a évidemment abrogé en ce qui les concerne, ni modifié les dispositions de loi qui régissent la matière: en conséquence, toutes les fois qu'il s'agira d'établir un nouveau bac et passage d'eau sur une route départementale ou sur un chemin de grande communication, le projet devra en être soumis aux formalités tracées par la loi de frimaire an VII et par les instructions administratives, spécialement par la circulaire de mon prédécesseur, en date du 31 août 1852; et comme dans l'espèce il s'agit de travaux à exécuter sur les rivières ou canaux, les projets de ces travaux seront nécessairement préparés conformément aux règlements en vigueur par MM. les ingénieurs des ponts et chaussées chargés du service de la rivière ou du canal, qui proposeront en même temps le tarif de péage à percevoir.

Il ne vous échappera pas non plus, Monsieur le préfet, que pour tous les bacs et passages d'eau qui rentreront, en vertu de la loi de 1871, dans le domaine départemental, les départements devront naturellement tenir compte à l'État de la valeur du matériel qui y est affecté, sans préjudice, bien entendu, des conditions particulières des baux d'adjudication. Cette valeur est établie au moment de l'adjudication et en fin de bail il est tenu compte à l'État, par le fermier sortant, de la moins-value sur la valeur primitive, augmentée de toutes les améliorations faites pendant la durée du bail. MM. les ingénieurs devront, pour chacun des bacs et passages existant dans votre département, présenter une estimation exacte de la valeur du matériel qui en dépend, et cette estimation, après avoir été soumise à mon appréciation, sera communiquée au conseil général, qui aura à prendre les mesures nécessaires pour en rembourser le montant au trésor public.

Je n'ai pas besoin d'ajouter que les baux en cours devront continuer d'avoir leur plein et entier effet jusqu'au terme fixé par ces actes et que c'est à ce terme seulement que les fermiers peuvent être tenus de rembourser la moins-value qui reste à leur charge.

Il conviendra d'ailleurs, Monsieur le préfet, qu'en raison de la complexité des intérêts engagés dans les affaires de cette nature, vous veuillez bien-m'adresser, dans le plus bref délai, les délibérations prises, en ce qui les concerne, par le conseil général de votre département.

J'ai parcouru aussi rapidement que possible, Monsieur le préfet,

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