Page images
PDF
EPUB

connu l'empire. On lui pardonnerait plus
volontiers les rêves de sa généalogiepytha-
goricienne, qui le constituait héritier
de l'âme d'Homère. Quoi qu'il en soit, le
fils des rois alla chercher fortune dans
les pays étrangers; il tint école de
grammaire en Sardaigne quand les Ro-
mains furent maîtres de cette île. Caton,
questeur de l'armée d'Afrique reçut de
lui ses premières leçons de grec,
en pas-
la Sardaigne à son retour; et
sant par
le disciple conçut tant d'estime pour
le maître, qu'il voulut l'emmener avec
lui à Rome. C'était, selon l'expres-
sion de Cornelius Nepos, la plus belle
dépouille que Caton pût enlever aux
vaincus. Ennius alla chez les Romains
continuer sa profession littéraire; il avait
alors environ 36 ans. Le latin et l'osque,
vieilidiome des Atellanes (voy.), lui devin-
rent familiers comme le grec. Savoir trois
langues, selon lui, c'était avoir une triple
intelligence (habere tria corda). Son mé-
rite ne tarda pas à le faire connaître,
son caractère à le faire aimer de tout ce
qu'il y avait de plus illustre et de plus
éclairé parmi les Romains. L'éloquent
Galba fut son voisin et se plaisait à se
promener en causant avec lui devant la
maison. Scipion Nasica lui rendait fami-
lièrement visite et n'était pas toujours
reçu; le poète faisait dire quelquefois au
consulaire qu'il n'y était pas. Il fut l'ami,
le confident de Scipion l'Africain, de
Fulvius Nobilior, et, ce qui ne lui fait |
pas moins honneur, il vivait bien avec
les auteurs ses émules; le comique Céci-
lius Statius demeura sous le même toit
que lui, et leur union ne fut jamais
troublée. Le charme de sa conversation
était une des puissances qui attiraient à
lui le cœur des hommes; car il unissait à
une humeur enjouée, à un naturel franc
et ouvert, un esprit fin, solide, judi-
cieux, de vastes connaissances, et une
qualité non moins précieuse et plus rare
chez les gens d'esprit, celle de savoir se
taire. C'est un des traits les plus sail-
lants de son portrait dessiné par lui-
même dans ses annales. Il s'est rendu
aussi ce témoignage que les contempo-
rains ni la postérité ne démentirent point:
« J'avais peu de biens, mais beaucoup de
probité. »

[ocr errors]

Ce n'est pas un spectacle sans intérêt que de voir l'intérieur et les habitudes journalières du poète. Il avait une petite maison sur le mont Aventin, près du bois de la déesse Tutiline, dans le quartier des poètes, que les Latins grossiers désignaient alors par le terme méprisant de scribæ. Tout son domestique se composait d'une servante, et encore avait-il peine à suffire aux dépenses d'un train si modeste. Ses écrits lui rapportaient beaucoup de gloire et peu d'argent: on ne savait pas encore l'art d'exploiter les réputations. Cependant des patriciens, des triomphateurs s'empressaient de faire cercle autour de son petit foyer, et leur gloire était cliente de son génie autant que lui-même pouvait l'être de leur puissance.

Mais avant de célébrer les victoires des Romains, il combattit pour eux. Les biographes ont répété, sur la foi de Silius Italicus, qu'il avait eu le grade de centurion dans l'armée de Sardaigne sous Torquatus : c'est un anachronisme qui ne soutient pas le moindre examen. Ennius alors n'avait pas dépassé sa 25o année; il ne vit Rome pour la première fois que onze ans plus tard, et ce n'était que vingt ans encore après qu'il devait obtenir le titre de citoyen romain, lorsqu'il eut servi bravement sous le vainqueur d'Annibal et sous Fulvius, qui dompta les Étoliens (567). Caton reprocha au général romain d'avoir mené avec lui à la guerre un vagabond (grassatorem); Fulvius aurait pu lui demander pourquoi il l'avait introduit lui-même à Rome. C'était le temps de la lutte la plus vive entre les défenseurs de l'antique rusticité latine et les propagateurs de la civilisation grecque. Le peuple romain dut être en effet bien étonné lorsqu'il apprit que Fulvius consacrait les dépouilles de la guerre dans le temple des muses; on reconnaissait l'influence d'Ennius. Ses dernières années ne furent pas toujours heureuses: aux embarras de l'indigence se joignirent les infirmités de l'àge ou plutôt, peut-être, les maladies causées par l'intempérance. Le Massique et le Falerne, quand il pouvait en acheter, étaient son Hypocrène (nunquam nisi potus, ad arma prosiluit dicenda),

Il alla trop souvent y puiser des inspirations, et les douleurs cruelles de la goutte le punirent de cet excès sans le forcer même au repentir. S'il n'opposa pas à ses maux l'impassibilité du stoïcisme, il les supporta en les trompant par son inaltérable gaîté, espèce de philosophie moins fière, mais non moins courageuse, et par les distractions encore plus puissantes du travail (nunquam poëtor nisi podager). Enfin il succomba l'année 585 de Rome, âgé de plus de 70 ans, quinze ans après Plaute, trois seulement avant la première apparition de Térence, lorsqu'il venait lui-même de donner sa tragédie de Thyeste, et pendant que son ami Galba célébrait les jeux d'Apollon. L'Africain voulut qu'on l'enterrât dans le tombeau des Scipions, et l'on y voyait encore sa statue au siècle de Tite-Live. On pourrait dire d'Ennius ce que Pline a dit de Virginius que de son vivant il jouissait de sa renommée dans la postérité. Il le déclare assez ingénument dans l'inscription qu'il fit pour sa statue :

Regardez, citoyens, le chantre des combats; Des héros, vos aïeux, il célébra la gloire. Regardez Ennius, mais ne le pleurez pas: Il revit immortel au temple de mémoire. Si l'orgueil est jamais pardonnable, il faut le pardonner à Ennius. Il était le poète avoué, naturalisé du peuple romain, et on lui devait le monument poétique le plus vaste et le plus beau qui eût été jusqu'alors élevé à l'honneur national. Par lui la langue s'était accrue, ornée, polie; ses innovations avaient changé les formes de la versification latine; au mode saturnien il avait substitué le vers héroïque d'Homère; il avait enseigné aussi la cadence du vers élégiaque. A lui appartenait l'invention de la satire, poème moral mêlé de prose; à lui aussi les premières comédies à toge (fabulæ togata). Épopée, drame tragique et comique, poésie didactique, poésie grave, poésie légère, il avait traité tous les genres avec supériorité, et, ce qui était peut-être plus difficile à cette époque, il écrivit une prose élégante et nombreuse (la traduction d'Évhémère). A ne considérer que la fécondité de sa plume, la variété de ses productions et l'empire qu'il exerça sur les esprits, on

|

pourrait dire qu'il fut le Voltaire de son temps. Il eut même un trait plus particulier de ressemblance avec l'écrivain français: c'était ce hardi scepticisme, cette incrédulité moqueuse qui s'attaquaient utilement aux impostures des devins et des charlatans, mais qui ébranlaient aussi la religion dans les dogmes populaires. Ce n'est pas ici le lieu d'entasser les jugements portés par les critiques et les auteurs latins sur ce grand poète; mais sans rappeler qu'Aulu Gelle voyait de son temps des assemblées nombreuses courir aux lectures publiques des annales d'Ennius, sans attribuer beaucoup de valeur à l'opinion de l'empereur Adrien, qui le préférait à Virgile, sans discuter non plus la sentence d'Ovide: sumpseris Annales; nihil est hirsutius illis, laquelle heureusement est corrigée par cette appréciation plus juste: ingenio maximus, arte rudis, nous renvoyons le lecteur studieux aux livres dans lesquels Paul Mérula recueillit les fragments des annales d'Ennius, aux éditions des fragments de tout genre, données d'abord par Jérôme Columna (1590), ensuite par Hesselius (1707), enfin par Spangenberg (1825). C'est là qu'on retrouve une foule de vers qui semblent extraits de Virgile avec quelques changements, et qui montrent ce qu'on doit penser du bon mot qu'un grammairien du Bas-Empire a prêté à l'auteur de l'Énéide. N-T.

ENNUI. L'ennui est moins un sentiment positif qu'une affection morbide et privative; c'est un état de découragement et de langueur, une sorte d'atonie morale, d'où résulte souvent le dégoût de la vie et qui mène quelquefois au suicide. Dans ses causes et dans ses effets, l'ennui peut être apprécié d'après des considérations tirées de l'ordre psychologique ou de l'ordre physiologique. Les excès, en quelque genre que ce soit, principes de la surexcitation et ensuite de l'affaissement du système nerveux, l'abus des plaisirs, qui en amène la satiété et bientôt le dégoût, le désœuvrement, la nonchalance, la monotonie des sensations ou celle des impressions morales, sont les véhicules aussi constants qu'infaillibles de l'ennui, et ce vers:

L'ennui naquit un jour de l'uniformité,

auquel le poète n'a voulu donner qu'un sens littéraire, offre un sens philosophique d'une étendue et d'une vérité incontestables. « L'ennui, dit La Bruyère, est entré dans le monde par la paresse. » Un travail actif, un exercice modéré, mais soutenu, des facultés physiques et intellectuelles, la variété des impressions qui peuvent affecter l'âme ou les sens, tels sont les plus sûrs préservatifs contre cette maladie morale, que les anciens qualifiaient de tædium vitæ, et qui, sous le nom de spleen, a passé d'Angleterre en France.

La grammaire, et surtout la poésie, donnent encore au mot ennui une autre acception, qui, selon nous, le détourne de son sens rigoureux, Dans cette acception, la seule qui admette le pluriel, ennui est employé comme synonyme de chagrin, et nos meilleurs auteurs en offrent de fréquents exemples. Les trois suivants sont empruntés aux trois maîtres de notre scène tragique, à Corneille, à Racine et à Voltaire :

Sire, voyez l'excès de mes mortels ennuis.

(Horace.) Si d'une mère en pleurs vous plaignez les en(Iphigénie.) (Zaire.)

nuis. Ah! que dis-tu? pourquoi rappeler mes en

nuis?

ÉNOCH, voy. HÉNOCH.

ENOTIKON, voy. HÉNOTIQUE. ENQUÊTE, du latin inquirere, s'informer. Dans le langage de la procédure civile, on nomme enquête l'audition de témoins qui déposent sur des faits dont ils ont connaissance. En droit administratif ou politique, l'enquête est une recherche faite au moyen des déclarations de personnes appelées à donner leur avis touchant une matière sur laquelle le pouvoir exécutif ou législatif a besoin de s'éclairer. En droit criminel, l'enquête reçoit le nom d'information.

Enquête judiciaire. Dans les causes civiles, lorsque la loi ne défend pas la preuve testimoniale, la partie qui demande à faire une enquête doit y être autorisée, lorsque les faits qu'elle allègue sont pertinents et concluants, c'està-dire quand ils ont un rapport direct à la cause et qu'ils doivent, s'ils sont prouvés, influer sur sa décision.

Dans les affaires ordinaires, l'enquête se fait devant un juge commis par le tribunal; mais, dans les affaires sommaires, elle a lieu à l'audience. Devant les tribunaux de paix l'enquête est faite par le juge lui-même; le Code de procédure règle les formalités à suivre. Les témoins sont entendus séparément, et chacun d'eux, avant de déposer, doit, à peine de nullité, déclarer ses noms, profession,

lié ou serviteur de l'une des parties, et prêter serment de dire la vérité. Toute personne peut être assignée comme témoin, à l'exception des parents ou alliés en ligne directe et des époux des parties. Les femmes sont admises à déposer. Les enfants âgés de moins de quinze ans peuvent aussi être entendus, sauf aux juges à avoir tel égard que de raison à leurs témoignages.

La poésie qui, de son prestige, couvre les sujets les plus ingrats, a su nous éblouir et nous amuser même avec l'en-âge et demeure, dire s'il est parent, alnui. En 1789, l'Almanach des muses publia, sous ce titre, une élégie du jeune Dougados Venance, alors capucin, et qui, à la fin de 1793, tomba sous la faux révolutionnaire. Si cette élégie, où règne la grâce mélancolique, où brille la fraîcheur des images et l'harmonie du style, a été inspirée par l'ennui, cette fois du moins il a travaillé au profit de la poésie. Sur la scène comique, Collin d'Harleville a résumé dans sa meilleure pièce tous les éléments d'ennui dont se compose la situation d'un vieux célibataire; enfin le dramatique Sedaine, dans les deux premières scènes de la Gageure imprévue, nous a offert l'esquisse piquante de cet ennui de bon ton qui, sous le nom de vapeurs, est une partie essentielle des habitudes féminines dans la haute société. P. A. V.

Dans les parlements, on nommait chambres des enquêtes les chambres établies pour juger les appels des sentences rendues sur procès instruits par écrit.

Enquête administrative. Ce mode d'information est employé par l'autorité administrative, toutes les fois qu'elle le juge utile, afin de statuer en pleine connaissance de cause sur une affaire dont l'examen lui est soumis. Parmi les en

car sa valeur dépend de la manière dont elle est conduite, et surtout de l'impar tialité avec laquelle on consulte tous les intérêts. Une enquête dans laquelle on n'entendrait que des manufacturiers entraînerait presque toujours un gouvernement vers des mesures restrictives, tandis que des négociants exclusivement entendus pourraient donner lieu à des résolutions peu favorables à l'industrie. Aussi les Anglais ont-ils mis beaucoup de sollicitude à écouter les représentants de toutes les opinions dans les enquêtes mémorables qui ont précédé la réforme de leurs lois commerciales. Chacune de ces enquêtes est devenue un traité complet sur certaines matières, et nous devons citer l'enquête sur le commerce des soies, l'enquête sur le sort des ouvriers, sur la Banque d'Angleterre, sur le monopole de la Compagnie des Indes, et le célèbre rapport de M. Jacob sur les grains.

quêtes administratives, on doit distinguer | la direction d'une enquête de ce genre; l'enquête de commodo et incommodo qui a pour but, comme cette expression l'indique, de constater, d'après l'opinion publique, les avantages et les inconvénients d'un projet. Cette formalité préalable, dont l'importance ne peut être mise en doute, est prescrite par la loi dans différents cas. Ainsi les conseils de préfecture ne peuvent prononcer qu'après une enquête de cette nature, sur les contestations qui s'élèvent entre les communes et l'administration forestière, relativement à des droits d'usage dans les bois de l'état. De même, une commune ne peut obtenir l'autorisation d'aliéner une propriété immobilière, avant qu'une semblable enquête ait eu lieu. Enfin, cette enquête est également nécessaire lorsqu'un particulier veut former un établissement du genre de ceux que la loi déclare incommodes,insalubres ou dangereux. Nous mentionnerons aussi l'enquête qui, suivant l'art. 3 de la loi du 7 juillet 1833, doit toujours précéder la loi ou l'ordonnance qui déclare l'utilité publique des grands travaux, tels que les routes, les canaux et les chemins de fer, dont cette loi a pour but de faciliter l'exécution. Les formes spéciales de cette enquête sont tracées par l'ordonnance du 18 février 1834.

E. R. ENQUÊTE COMMERCIALE. A mesure que les intérêts commerciaux du monde se sont compliqués, la solution des difficultés qui s'y rattachent est devenue de jour en jour plus délicate, et les gouvernements ont dû s'entourer d'un plus grand nombre de documents pour les résoudre. Le prix des matières premières dans les différents pays, le taux des salaires, l'état des communications, le prix des transports, sont devenus des éléments indispensables à connaître, et il a fallu les recueillir avec beaucoup de soin pour opérer, en connaissance de cause, les réformes nécessaires aux progrès des industries. C'est l'Angleterre qui en a donné le premier exemple; et, depuis lors, aucune grande résolution commerciale n'a été prise, dans ce pays et dans le nôtre, sans une enquête préalable.

Ce n'est pas toutefois chose facile que

Les enquêtes exécutées en France ne présentent pas le même caractère d'impartialité. On s'y est moins préoccupé de l'intérêt général que de celui de quelques industries privilégiées, témoin l'enquête de 1828 sur les fers, sur les sucres, et même celle qui a été consacrée à la question des houilles depuis la révolution de juillet. Une seule enquête, à vrai dire, s'est distinguée, dans ces derniers temps, de toutes celles qui l'avaient précédée : c'est l'enquête de 1834, sur les prohibitions, dirigée par M. T. Duchâtel (voy.) avec la louable intention d'y

mettre un terme. La tendance si différente du gouvernement français et du gouvernement anglais en matière commerciale est le résultat naturel du système d'enquêtes adopté dans les deux pays. Voy. DOUANES et PROHIBITION.

Nous recommandons aux lecteurs jaloux de comparer les deux méthodes la lecture des documents que nous avons cités et qui ont été imprimés in-fol. et in-4°, les uns par un ordre du parlement anglais, les autres en vertu d'une décision du ministre du commerce. Il convient d'ajouter à la liste que nous en avons donnée l'enquête plus récente sur les moyens d'établir la navigation à la va

[ocr errors]
[ocr errors]

peur ae l'Angleterre aux Indes-Orien- | précédent, qui même n'est pas entièretales, soit par la mer Rouge, soit par ment accompli : c'est celui de l'enquête l'Euphrate. Ce document est certaine- sur la culture, la fabrication et la vente ment un des plus curieux qui aient jamais des tabacs, commencée par la Chambre été publiés, et l'on ne sait ce qu'on y doit des députés dans la session de 1835, et admirer le plus, de la sagacité des ques-reprise dans les deux sessions suivantes, tions ou de la netteté des réponses. BL.A. sans être arrivée à fin jusqu'ici (janvier ENQUÊTE PARLEMENTAIRE. 1838). Lorsque la proposition en fut faite, Discuter et voter des mesures législatives le droit de la Chambre fut reconnu par les est, comme on sait, la mission des assem- ministres comme une conséquence du blées politiques dans les gouvernements droit de discussion et d'examen que lui représentatifs. Mais les lois proposées confère la Charte sur les projets dont ont pour but de régler des faits: ces faits elle est saisie, et l'hésitation de l'assempeuvent être incomplétement connus des blée ne provint que de la crainte qu'elle législateurs, à raison de leur complica- éprouvait de voir l'usage dégénérer en tion, ou de celle des intérêts divers et abus et l'administration mise dans les souvent opposés qui s'y rattachent. Sup- chambres, par un déplacement de poupléer à l'absence ou à l'insuffisance de voirs d'autant plus rapide que les ressorts renseignements fournis par le pouvoir de la puissance ministérielle avaient été exécutif, tel est le but des enquêtes légis- plus affaiblis depuis 1830. Aussi la ma-latives. Interroger des témoins, recueillir jorité, ainsi que les commissaires chargés des documents verbaux ou écrits, par de l'enquête, parut - elle reconnaître et l'intermédiaire des commissaires délé- accepter comme limites nécessaires de la gués à cet effet, tel est le moyen mis en prérogative parlementaire en cette mausage pour l'atteindre. tière les conditions posées par M. Duchâtel, alors ministre du commerce, et qui étaient que la Chambre s'abstint de toute mesure coërcitive, soit envers des fonctionnaires, soit envers des particuliers, pour obtenir d'eux des pièces ou des éclaircissements; qu'elle ne prétendit pas prolonger au-delà de la session la mission de ses commissaires, en leur déléguant une permanence qu'elle ne pouvait se donner à elle-même; enfin qu'elle ne portât ses investigations que sur des choses qui sont du domaine de la législation, et non sur d'autres. Circonscrit de cette manière, le droit d'enquête n'était pour les deux Chambres que le droit de s'éclairer; il n'y avait pas nécessité d'une loi préalable pour en régler l'usage, de même qu'il n'avait pas été besoin d'un article de la Charte pour l'établir.

Considéré sous cet aspect, le droit d'enquête parlementaire n'implique aucune confusion de pouvoirs; son exercice n'a rien qui tienne de la puissance administrative; il n'est qu'une extension naturelle et légitime du mode d'examen usité par les commissions auxquelles les assemblées confient l'étude préparatoire des projets de loi. Car tous les jours, et par la force même des choses, ces commissions procèdent par voie d'enquête, sans se l'être formellement proposé. Toutes les fois, en effet, qu'elles admettent ou invitent un ministre ou un directeur général à conférer avec elles, toutes les fois qu'elles demandent et qu'elles obtiennent du gouvernement des renseignements statistiques ou autres, toutes les fois qu'elles accueillent les communications écrites ou verbales des particuliers ou qu'elles permettent à des individus spécialement intéressés dans une question de leur soumettre leurs griefs et leurs observations, il y a un commencement d'enquête parlementaire.

En France, le droit d'enquête législative n'est établi en faveur des chambres par aucun texte constitutionnel ou légal. Son exercice n'est réglé que par un seul

[ocr errors]

Il ne faut pas confondre les enquêtes dont il vient d'être question, et dont le but est de faciliter par les données de la statistique et de l'expérience la solution de quelque problème législatif, avec d'autres enquêtes faites aussi par les Chambres, mais dont le caractère est quasi-judiciaire, et qui dérive, plus ou moins directement, du droit d'accuser et de juger les ministres. Telles sont les

« PreviousContinue »