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Les héritiers du mari qui deviennent maîtres de toute la communauté par la renonciation de la femme ne peuvent pas demander la somme promise, parce que celle-ci ne s'était obligée à la payer que pour leur tenir lieu de leur part dans la communauté, et qu'ainsi ils ne peuvent avoir tout à la fois le prix et la chose.

218. La loi permet encore aux époux de stipuler que la totalité de la communauté appartiendra au survivant, ou à l'un d'eux seulement, sauf aux héritiers de l'autre à faire la reprise des apports et capitaux tombés dans la communauté du chef de leur auteur. Cette stipulation n'est pas considérée comme un avantage sujet aux règles relatives aux donations, soit quant à la forme, soit même quant au fond; mais elle est regardée comme une simple convention de mariage et entre associés; ainsi on ne pourra l'attaquer sous le prétexte que l'on n'y a pas observé les formes prescrites pour les donations, ni en demander la réduction en soutenant que l'on a dépassé les bornes de la quotité disponible: la loi permettant aux héritiers de l'autre époux d'exercer la reprise dans la communauté de tout ce qui y est tombé du chef de leur auteur, on ne peut pas regarder la stipulation comme un avantage pour celui qui en profite, parce que la prospérité de la communauté est moins due à l'apport des époux qu'à leur industrie et à leur économie, et que cette prospérité est exposée à mille casualités; on ne peut pas regarder comme avantage ce qui est en quelque sorte le fruit du hasard, art. 1527, 5e alinéa, c. c.

SECTION VIII.

De la Communauté à titre universel.

219. La loi, pour toujours mieux faciliter les mariages, permet aux époux de stipuler, s'ils le jugent convenable, par leur contrat de mariage,

une communauté universelle de leurs biens meubles et immeubles présens et à venir, clause essentiellement prohibée dans les sociétés formées entre d'autres personnes qui ne peuvent jamais comprendre tout à la fois la propriété des biens présens et celle des biens à venir, art. 1837, 2o alinéa, c. c. Chez les Romains, une semblable société pouvait déjà être formée entre les époux, ainsi qu'on le voit au §. 3 de la loi 16, au digeste de alimentis et cibariis legatis, dont les termes sont cités au commencement de cette seconde partie. Dans ce cas le mariage est vraiment consortium totius vitæ, omnium bonorum participatio, il n'y a plus alors de propres, tous les biens sont des conquêts, c'est une espèce d'ameublissement universel de tous les immeubles des deux époux.

220. Ils peuvent aussi à leur gré former entre eux une communauté universelle de tous leurs biens présens seulement, ou de tous leurs biens à venir seulement; ils ont à cet égard la plus grande latitude, afin que rien ne puisse empêcher la formation de l'union conjugale qui ne serait consentie que sous de semblables conditions: dans le premier cas, les immeubles échus depuis le mariage sont propres aux conjoints; et dans le second, les héritages que les époux avaient lors du mariage leur restent propres.

Cette convention étant insolite et contre le droit commun des communautés, est par là même de droit étroit, en conséquence elle est de nature à être plutôt restreinte qu'étendue; 1. 14, ff. de legibus; 1. 141 princ., ff. de regulis juris; c'est pourquoi, lorsqu'il est dit dans le contrat de mariage qu'il y aura communauté universelle de tous biens entre les époux, sans autre explication, la clause ne s'entend que des biens immeubles présens, et non de ceux à venir; argument tiré de l'art: 1542, c. c.

Dispositions communes aux huit sections cidessus.

221. Les législateurs avertissent encore ici que les différentes stipulations mentionnées dans les huit sections précédentes ne sont que des exemples proposés aux futurs époux, mais que les stipulations dont la communauté conventionnelle est susceptible ne sont point limitées à leurs dispositions précises; qu'au contraire les époux peuvent faire toutes les conventions qui leur plaisent, sauf les modifications rapportées au chapitre 1er des dispositions générales et au commencement de cette seconde partie.

222. Néanmoins les avantages indirects en faveur d'un conjoint de la part de l'autre qui a des enfans d'un précédent mariage, étant encore plus à craindre dans le cas de la communauté conventionnelle que dans celui de la communauté légale, à cause de la grande latitude que la loi accorde aux époux pour le règlement de leur association, la loi décide en ce cas que ce cas que toute convention qui tendrait dans ses effets à donner

à l'un des époux au-delà de la portion permise à l'époux donateur ayant des enfans d'un précédent mariage, sera sans effet pour tout l'excédant de cette portion : elle scrute avec plus de sévérité les stipulations du contrat de mariage quand il y a des enfans d'un précédent mariage, elle regarde alors tout avantage résultant de la communauté soit légale, soit conventionnelle, comme fait au préjudice des enfans du premier lit; elle n'est pas si scrupuleuse en faveur des enfans du mariage; la raison en est que ceuxci trouvent dans la succession du donataire ce qu'ils perdent dans celle du donateur, mais les enfans d'un premier lit ne sont pas héritiers du donataire.

Au reste, la disposition sur le retranchement ne concerne que les avantages résultant des apports, parce qu'ils paraissent et sont sensibles, mais elle est inapplicable aux simples bénéfices provenant des travaux communs ou des économies faites sur les revenus quoiqu'inégaux des deux époux; ces bénéfices ne peuvent jamais être considérés comme des avantages indirects faits au préjudice des enfans du premier lit, parce qu'ils sont plutôt dus à l'industrie et à l'économie des époux qu'aux apports de ceux-ci, ils sont le fruit de la bonne gestion; et comme il était possible que la communauté ne prospérât pas, l'incertitude où l'on était à cet égard fait qu'on ne peut pas les regarder comme des avantages.

223. Au surplus, la communauté conventionnelle reste soumise aux règles de la communauté légale pour tous les cas auxquels il n'y a pas été dérogé, soit d'une manière formelle, soit par

voie de conséquence dans le contrat, parce que la dérogation ne détruit pas entièrement la chose, elle en enlève seulement quelques parties; ainsi la dérogation à une loi est l'abrogation d'un chapitre ou article de la loi qui subsiste pour le surplus, derogatur legi cùm pars detrahitur ; 1. 102, ff. de verb. signific. D'après ce, tous ceux qui dérogent, soit explicitement, soit implicitement, par leur contrat de mariage, à la communauté légale, la laissent subsister pour tous les cas non prévus par cet acte: ainsi la femme ou ses héritiers auront la faculté d'accepter la communauté conventionnelle ou d'y renoncer, quoiqu'il n'en soit rien dit dans le contrat, comme ils ont ce droit par rapport à la communauté légale, art. 1453, c. c.; on ne pourra même stipuler le contraire, dit article; ainsi ils ne seront jamais tenus des dettes au-delà de leur émolument, s'ils ont fait loyal inventaire, quoique le contrat ne contienne rien à cet égard, parce que l'art. 1485, c. c., statue de même pour la communauté légale: quant au partage, on suivra les règles posées à la sect. 5 de la communauté légale, etc.

SECTION IX.

Des Conventions exclusives de la communauté.

224. Afin de toujours mieux assurer la liberté 'des conventions matrimoniales, la loi, outre le régime de la communauté et le régime dotal, en a adopté un troisième qui est, pour ainsi dire, placé entre les deux premiers, et qui a ses règles particulières, inter utrumque fluctuat, on peut l'appeler le régime exclusif de la communauté; étant peu en usage, on n'en a pas fait un

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