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chapitre particulier, comme des deux autres qui sont plus usités.

Il y a lieu à ce troisième régime lorsque les époux, sans se soumettre au régime dotal, déclarent qu'ils se marient sans communauté, ou qu'ils seront séparés de biens. Ces deux clauses qui paraissent presque semblables en tout, puisque dans l'une et dans l'autre les intérêts des époux restent séparés, ont cependant des effets très différens; elles forment, pour mieux dire, deux régimes opposés de l'association des époux quant aux biens. On verra dans un premier paragraphe quels sont les effets de la clause portant qu'il n'y aura point de communauté entre les époux, et dans un second paragraphe on examinera quels sont les effets de la séparation de biens contractuelle.

S. Ier

De la Clause portant que les époux se marient sans communauté.

225. Par le moyen de cette clause les intérêts des époux sont séparés quant aux fonds et capitaux; relativement aux jouissances, elles appartiennent toutes au mari. Ainsi, lorsqu'il est dit dans le contrat de mariage que les époux se marient sans communauté, la femme n'a pas l'administration de ses biens, elle appartient au mari, c'est ce dernier seul qui a le droit d'en percevoir les fruits, et il en acquiert la propriété par la perception qu'il en fait, parce qu'ils lui sont censés apportés pour soutenir les charges du mariage. L'effet de cette clause est que la femme ou ses héritiers n'ont rien à prétendre

Tr. sur les Engag.

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dans ce que le mari a pu acquérir, soit en meubles, soit en immeubles, pendant le mariage, mais aussi ils ne sont point tenus des dettes qu'il a pu contracter, et si sa femme s'est obligée conjointement avec lui, il doit l'en indemniser.

226. Cette clause ne privant pas le mari du droit d'administrer les biens de la femme, tant meubles qu'immeubles, on doit en conclure qu'il a droit de percevoir tout le mobilier qu'elle apporte en dot, ou qui lui échoit durant le mariage, sauf la restitution qu'il en doit faire après la dissolution du mariage ou après la séparation de biens prononcée par justice. Ce dernier peut donc, sous ce régime, intenter les actions mobilières de la femme, puisqu'il a droit de percevoir son mobilier; il peut aussi exercer les actions possessoires de celle-ci, parce qu'il doit lui conserver la possession de ses fonds qu'il administre, afin de la lui rendre à la fin du mariage, ce qui n'est possible qu'en se faisant maintenir ou réintégrer dans cette possession.

227. Si dans le mobilier apporté en dot par la femme ou qui lui échoit pendant le mariage, il y a des choses dont on ne puisse faire usage sans les consommer, il en doit être joint un état estimatif au contrat de mariage, ou il en doit être fait inventaire à l'échéance, et le mari est obligé d'en rendre le prix d'après l'estimation. Cette décision est fondée sur ce que, d'après cette clause, le mari n'a rien à prétendre dans la propriété des biens soit mobiliers, soit immobiliers de la femme, il est tenu de les restituer tous après la dissolution du mariage, ou après la séparation judiciaire; ayant le droit de jouir de tous les biens de son épouse, il peut percevoir

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le mobilier pour qu'il puisse en jouir, mais étant contraint de le restituer, il faut, relativement aux choses qui se consomment par l'usage que l'on en fait, qu'elles soient estimées, afin qu'il restitue le prix de l'estimation ne pouvant rendre les choses fongibles qui n'existent plus.

Il paraît, d'après l'art. 948, qu'il suffit que l'état estimatif joint au contrat de mariage soit signé par les deux époux s'ils sont majeurs, et conjointement avec eux, par ceux dont le consentement est nécessaire pour leur mariage, s'ils sont mineurs ; art. 1095, 1309 et 1398, c. c.

Il paraît aussi, d'après l'art. 1552, que c'est l'estimation du temps de l'inventaire, et non celle du temps de la cessation de l'usufruit, que doit payer l'usufruitier des choses fongibles.

228. Le mari, d'après cette clause insérée dans le contrat de mariage, ayant le droit de jouir de tous les biens de la femme, a tous les avantages d'un usufruitier; il est donc juste qu'il soit tenu de toutes les charges de l'usufruit, c'està-dire des dépenses d'entretien, et de toutes les charges annuelles qui sont considérées comme. charges des fruits, parce que le bon administrateur les paye avec les fruits, telles qu'impositions, intérêts, arrérages, etc.

229. La clause portant que les époux se marient sans communauté ne fait point obstacle à ce qu'il soit convenu que la femme touchera annuellement, sur ses seules quittances, certaine portion de ses revenus pour son entretien et ses besoins personnels; on ne veut pas qu'elle soit exposée aux caprices du mari, qui, maître de tous les revenus de la femme, pourrait lui refuser le nécessaire pour s'enrichir davantage en

employant les fruits des biens de sa femme en acquisitions utiles à lui seul; il ne peut pas se plaindre de cette réserve qui sert à l'acquitter de l'obligation que la loi lui impose, d'entretenir sa femme, et de fournir à ses besoins personnels d'une manière convenable à la condition et à la fortune des époux, art. 214, c. c. D'ailleurs la femme pourrait se réserver la jouissance de toutes ses propriétés par une clause de séparation de biens; elle a donc le pouvoir, à plus forte raison, de se réserver la jouissance d'un ou de plusieurs héritages seulement, d'après cette maxime: qui peut le plus peut le moins, non debet cui plus licet, quod minus est non licere ; l. 21, ff. de regulis juris.

230. Cette clause ne rend pas inalienables les immeubles constitués en dot; l'inaliénabilité des fonds constitués est une prérogative du régime dotal, ce n'est que sous ce dernier régime que l'aliénation des immeubles dotaux est prohibée. Au reste, quoique les époux soient mariés sans communauté, l'autorité maritale existe toujours, la femme est sous la dépendance du mari, c'est pourquoi elle ne peut aliéner ses immeubles qu'avec l'autorisation de celui-ci, ou à son refus qu'avec celle de la justice. Elle a aussi besoin de cette même autorisation pour vendre ou donner le mobilier, parce que le mari a droit de l'administrer et d'en jouir, art 1530, c. c.

§. II.

De la Clause de séparation de biens.

231. Cette clause est beaucoup plus avantageuse à la femme que la précédente; elle prive

le mari du droit de jouir des biens de celle-ci : ainsi, lorsque les époux ont stipulé par leur contrat de mariage qu'ils seraient séparés de biens, la femme conserve l'entière administration de ses meubles et immeubles, et la jouissance libre de ses revenus; elle peut administrer ses biens sans avoir besoin d'aucune autorisation, elle a à cet égard la même latitude qu'avant le mariage.

252. En cas de séparation contractuelle, chacun des époux contribue aux charges du mariage; le mari qui ne jouit plus des biens de la femme ne peut être contraint de les supporter en entier, lorsque celle-ci a le moyen de fournir une partie de la somme nécessaire à cet effet; la contribution a lieu suivant les conventions contenues en leur contrat de mariage. S'il n'a été rien statué à cet égard par le contrat, la femme ne pourra pas, sous ce prétexte, se refuser à contribuer aux charges du mariage; si elle élevait cette injuste prétention, le mari serait fondé à agir en justice pour la faire condamner à cette contribution jusqu'à concurrence du tiers de ses revenus. Rien n'est plus juste que cette disposition de la loi, les charges du mariage, telles que l'entretien du ménage et l'éducation des enfans communs, étant des obligations que les époux contractent ensemble par le fait seul du mariage, art. 203, c. c.

233. La loi ne veut pas que les époux purissent, par le contrat de mariage, relâcher le lien de l'autorité maritale; que la femme puisse se soustraire à la dépendance de son mari relativement à ses immeubles, par quelque clause et stipulation que ce soit ainsi, dans le cas de la séparation contractuelle, elle aura bien la libre disposition

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