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offensée par les délits, et contenir par l'exemple ceux qui seraient tentés d'imiter les délinquans. Tout ce qui concerne l'action publique est du ressort des codes criminels qui n'entrent pas dans le plan des matières de ce traité; on ne s'occupe ici que de l'action privée provenant des mêmes faits, appartenant à celui qui a reçu quelque dommage par suite d'un délit ou quasidélit, ou à ses héritiers, et ayant pour but d'obtenir la réparation pécuniaire du préjudice qui en est résulté.

45. Elle peut être poursuivie en même temps que l'action publique et par-devant les mêmes juges; elle peut aussi l'être séparément, mais l'exercice en est suspendu tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique intentée avant ou pendant la poursuite de l'action civile, parce que s'il est une fois jugé qu'il n'y a point de délit par les tribunaux criminels, il est décidé par là même qu'il n'est point dû de réparation; il faut donc attendre le jugement sur l'action publique, parce qu'il est préjudiciel, et que la question portée devant les tribunaux civils est par là même préjugée; cela a été introduit pour empêcher qu'il n'y ait sur la même affaire des jugemens contraires, ce qui arriverait si le tribunal criminel déclarait qu'il n'y a point de délit, et que le tribunal civil accordât une réparation pour le dommage qu'il aurait causé; le premier de ces jugemens déciderait qu'il n'y a point de délit, et le second prononcerait qu'il y en a un, ce qui serait contradictoire, détruirait l'autorité de la chose jugée, et diminuerait le respect attaché aux actes de la justice.

Les deux actions sont soumises à la même

prescription, qui est plus ou moins longue selon la nature des délits, et suivant qu'on aura fait ou non des poursuites, et qu'elles auront été suivies ou non de jugemens, ainsi qu'on le verra à la fin du titre des prescriptions.

46. L'action publique s'éteint par la mort du prévenu, parce qu'on ne peut punir celui qui n'existe plus, et que d'un autre côté il serait injuste d'infliger à ses héritiers des peines qui ne doivent tomber que sur le coupable et non sur des innocens, poence suos teneant auctores; 1. 22, cod. de pœnis; mais l'action privée peut être intentée contre les héritiers qui seront condamnés à la réparation du dommage, parce qu'ils possèdent la succession qui en est tenue; art. 1, 2, 3, et chap. 5, tit. 7, liv. 2, cod. d'instruction criminelle.

47. Relativement à l'action privée, le code civil décide que tout fait quelconque de l'homme qui cause du dommage à un de ses semblables, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. Il suffit qu'il provienne de la faute de quelqu'un pour qu'il y ait lieu à l'action en réparation; peu importe le plus ou le moins de gravité du fait, peu importe qu'il y ait eu ou non intention de nuire, et par conséquent qu'il s'agisse d'un vrai délit ou simplement d'un quasi-délit; c'est assez qu'il y ait eu faute de la part de l'auteur du fait.

La loi va même plus loin : non-seulement elle oblige à réparer le dommage que l'on a causé à autrui par un fait proprement dit, mais elle nous rend encore responsables du préjudice résultant de notre négligence ou de notre imprudence; par cela seul que nous n'avons pas pris toutes les mesures possibles pour ne pas nuire à autrui,

nous sommes tenus de réparer le dommage qui est provenu de nos actions ou omissions; il faut voir si par quelques précautions on pouvait éviter de causer du préjudice; si cela est démontré, il n'y a pas à hésiter entre celui qui souffre et celui qui s'est trompé. Cette disposition de la loi rendra les hommes plus diligens, et elle empêchera beaucoup d'accidens qui auraient lieu si elle n'était pas aussi sévère; 1. 8, §. 1, ff. ad legem Aquiliam; §. 8, inst. de lege Aquiliá.

48. Pour qu'on puisse demander la réparation du dommage, il faut qu'il y ait au moins quelque négligence ou imprudence à imputer à celui qui l'a causé; si l'on ne peut lui reprocher aucun défaut de précaution, celui qui a souffert le dommage doit se soumettre avec résignation à ce coup du sort qui n'a pu être empêché, c'est ici un pur cas fortuit dont personne n'est responsable par exemple, un cheval monté par un écuyer habile devient furieux, son cavalier fait de vains efforts pour le retenir, il emploie à cet effet tous les moyens de l'art, la fureur du quadrupède augmente, il renverse son maître et le jette sans connaissance sur la route, et il se précipite ensuite dans les champs voisins où il cause de grandes pertes; les propriétaires n'ont aucune action contre le maître du cheval qui avait l'habileté nécessaire pour le dompter, mais qui n'a pu contenir la furie subite et extraordinaire qui s'est emparée de cet animal.

49. La loi, en ordonnant la réparation du dommage a voulu l'assurer, elle ne s'arrête pas toujours à l'auteur du préjudice, il n'a souvent point de fortune particulière, ou bien ses propriétés sont insuffisantes pour le dédommagement; dans

Tr. sur les Engag.

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certains cas la loi permet de recourir à ceux de qui cette personne dépend, elle rend ceux-ci garans de l'action, parce qu'ils pouvaient l'empêcher, en surveillant avec une plus grande attention cette personne sur laquelle ils ont une autorité. C'est d'après ces raisons que la loi rend chacun responsable non-seulement du dommage qu'il a causé par son fait, mais encore de celui qui est occasioné par le fait des personnes dont il doit répondre, ou des choses qu'il a sous sa garde.

50. Ainsi le père, et la mère après le décès du mari, sont responsables du préjudice causé par leurs enfans mineurs habitant avec eux; c'est au père, ou à son défaut à la mère, de veiller sur les enfans, c'est à eux d'employer l'autorité que la loi leur confie pour les empêcher de nuire à autrui; dans le cas contraire, ils sont responsables du dommage que leurs enfans causent à des tiers, c'est la juste peine de leur négligence à les surveiller, mais pour cela il faut qu'ils ayent pu empêcher le dommage; cette disposition ne s'applique donc qu'à celui causé par leurs enfans mineurs, parce que les majeurs ne sont plus sous leur puissance, art. 572, c. c.; il faut d'ailleurs que le fait qui donne lieu à une demande en dédommagement provienne d'enfans mineurs habitant avec eux, parce qu'il leur est impossible de veiller sur la conduite de ceux qui demeurent loin du toit paternel; pour ces derniers, ce sont les maîtres ou les instituteurs chez lesquels ils habitent qui doivent en répondre.

La même responsabilité pèse sur les maîtres et les commettans, par rapport au dommage causé par leurs domestiques et préposés dans

les fonctions auxquelles ils les ont employés. Il y a faute de leur part de se servir de personnes capables de nuire, soit par malice, soit même par simple imprudence ou mal-adresse, culpa est malorum hominum operá uti; §. 3, instit. de oblig. quæ ex quasi-delict. nascunt.; c'est à eux à les surveiller et empêcher qu'ils ne causent du préjudice à autrui en remplissant les fonctions qui leur ont été confiées : la responsabilité du maître est la meilleure et souvent la seule garantie que l'on puisse avoir; 1. 8, §. 1, ff. ad legem Aquiliam; S. 8, inst. de lege Aquilia.

La loi rend encore les instituteurs et les arti

sans responsables du dommage causé par leurs élèves et apprentis; mais cette responsabilité n'a lieu que relativement aux faits qui se sont passés pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance: cette disposition de la loi est encore très sage, les instituteurs et artisans ont une autorité suffisante sur leurs élèves et apprentis pour pouvoir les contenir dans les bornes du devoir, et ils ont d'ailleurs toujours la faculté de les renvoyer s'ils ne peuvent pas leur empêcher de nuire, ils sont donc avec raison chargés de réparer les dommages causés par leurs subordonnés; mais cette responsabilité ne doit avoir lieu que pour les faits qu'ils ont pu empêcher, c'està-dire pour ceux qui se sont passés tandis qu'ils les avaient sous leur surveillance : personne n'étant tenu à l'impossible, ils ne sont pas garans des actions passées loin de leur présence, et lorsqu'ils n'étaient pas à portée de surveiller ceux qui s'en sont rendus coupables. Ainsi, par exemple, un instituteur sera responsable des faits commis par ses élèves pendant le temps qu'ils sont

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