Page images
PDF
EPUB

DES SAVANTS ET DES IGNORANTS.

fête, ils ont grand soin de distraire un morceau de tout ce qu'ils mangent et de lejeter dans un coffre suspendu à un arbre derrière leur cabane. C'est dans ce coffre que les juhles viennent prendre leur nourriture. On ne nous explique pas par qui les coffres sont vidés, si les mets servis aux juhles ne leur conviennent pas.

-

JUIBAS. Prêtresses de l'île de Formose, chargées du soin des sacrifices, de la prédication et se vantant surtout d'avoir la puissance de chasser les démons. Pour y parvenir, elles font les plus étranges exorcismes et poursuivent le malin esprit avec un sabre, de façon qu'il est forcé de se jeter dans la mer au risque de s'y noyer.

Ce sont les juibas qui président à la construction des maisons des Formosans. Lorsqu'on veut élever un édifice, on assemble tous ses parents et ses amis, qui, aussitôt que l'on à offert du riz aux dieux, forment un cercle, et tour à tour rapportent à haute et intelligible voix le songe qu'ils ont fait la nuit précédente. On va aux opinions, et celui dont le rêve est jugé pronostiquer quelque chose d'heureux, a l'honneur de poser le premier bambou. Lorsque le bâtiment approche de sa perfection et que le maître y veut faire son entrée, les juibas arrivent et emploient divers sortiléges pour découvrir s'il sera durable, et si le propriétaire y jouira d'un bonheur constant. Pour cet effet elles remplissent d'eau certains morceaux de bambou, et soufflant dans ces tuyaux, elles en font rejaillir l'eau qui, sortant d'une ou d'autre manière, décide si la maison durera ou non. Après cela on sacrifie des victimes, dont les juibas emportent la part la plus considérable. JUIFS. Mahomet dit dans son Alcoran, au chapitre Aâraf, que Dieu a fait connaître qu'il enverrait toujours jusqu'au jour du jugement, quelqu'un qui chatierait sévèrement les Juifs, et qu'il les a dispersés parmi toutes les nations du monde. Les docteurs de la loi musulmane qui veulent interpréter ce passage, disent tous unanimement que les Juifs depuis leur rébellion contre Dieu, et pour n'avoir pas reçu, ni reconnu JésusChrist pour Messie, ont été ou tués, ou mis en esclavage, ou réduits à payer un tribut, ce qui doit durer jusqu'à la consommation des siècles. Ils ajoutent qu'en conséquence de eette sentence, il n'y a point de pays où il ne se trouve quelque Juif. Mais l'imposteur Mahomet, qui avait contracté des obligations particulières avec les Juifs qui lui avaient fourni des mémoires pour la composition de son Alcoran, voulut les ménager, en faisant descendre du ciel un verset, qui dit: Il y a une race parmi le peuple de Moise qui montre aux autres la vérité, et qui se gouverne avec justice et équité. Cette race, disent les interprètes, ce sont les Juifs qui, après la mort, de Moise et de Josué son successeur, ne tombèrent point dans l'idolâtrie, et ne souillèrent point leurs mains dans le sang des prophètes. Dieu, par un miracle éclatant, ouvrit un chemin spacieux à ces hommes purs; ils partirentet ne s'arrêtèrent que lorsqu'ils furent

JUL

42

sement. Mahomet, racontent-ils impertinemau delà de la Chine où ils formèrent un établisment, les vit dans son voyage mystérieux qu'il fit au ciel il leur lut dix versets de son Alcoran, et les convertit à la loi musulmane

Le plus grand reproche que les sectateurs de Mahomet fassent aux Juifs, regarde la violation du Sabbat. Ils disent, d'après leur proJudée, Dieu, pour éprouver l'obéissance de phète, que dans une ville maritime de la son peuple, faisait trouver les jours de Sabbat une prodigieuse quantité de poissons sur les bords de la mer; que d'abord les habitants, sous prétexte qu'ils ne violeraient pas le jour de repos, s'avisèrent de creuser des fosses, et de tendre des filets où ils retenaient le poisson jusqu'au lendemain qu'ils allaient le retirer; qu'ensuite ils s'enhardirent, nonobstant les représentations et jusqu'à pêcher le jour du Sabbat: qu'alors les menaces d'un petit nombre d'entre eux, ceux qui avaient été offensés de cette affreuse prévarication, s'enfermèrent dans un quar tier séparé de la ville; mais qu'étant sortis de leur retraite après trois jours, ils trouvèrent leurs compatriotes changés en singes après, la métamorphose cessa, et tous les par la toute-puissance de Dieu. Quelque temps prévaricateurs moururent. Les Turcs placent tiens en enfer parce que, dit un certain les Juifs dans un étage plus bas que les Chréils ont corrompu le texte de l'Ecriture. Samuel-ben-Jébuda, juif renégat espagnol,

JUILLET.Ce cinquième mois de l'année des Romains porta d'abord le nom de Quinsulat, ordonna qu'il porterait dorénavant le tilis; mais Marc-Antoine, pendant son connom de Julius, qui était celui de la naissance de Jules César. Ce mois était censé sous la protection de Jupiter. On le trouve personnifié sous la figure d'un homme nu qui montre ses membres hålés par le soleil. Il a les cheveux roux, liés de tiges et d'épis; il tient dans un panier des mûres, fruit qui paraît sous le signe du Lion.

[ocr errors]

JUIN (en latin Junius, que quelques au-
teurs dérivent de Junon, a Junone).
premier de ce mois les Romains célébraient
Le
quatre fêtes: l'une à Mars, bors de la ville;
la seconde en mémoire de la consécration
après l'expulsion de Tarquin; la troisième
du temple de Carna, sur le mont Cælius,
consacrée à la Tempête. Le huit du même
en l'honneur de Junon, et la quatrième était
mois, on sacrifiait solennellement dans le
Capitole à la déesse Mens, ou déesse de l'en-
tendement. Le lendemain était la grande fête
de Vesta; le dix, la fête de la Fortune; le
Jupiter et de Minerve; le dernier jour était
onze, celle de la Concorde; le treize, celle de
C'est pendant le mois de Juin que les Grecs
consacré à Hercule et aux Muses.
célébraient les jeux Oylmpiques.

JULIEN (ORDRE DE SAINT-).
Nom d'un
le xir siècle, qui prit ensuite le nom d'Al-
ordre espagnol de chevalerie, institué dans
à la couronne de Castille, sous le roi Ferdi-
cantara, et dont la grande maîtrise fut unie
nand et la reine Isabelle.

DICTIONN. DES SAVANTS ET DES IGNORANTS, II.

2

JULIENNE (Année). Sosigène, dont César se servit pour la réformation du calendrier, supposa que l'année solaire moyenne était justement de 365 jours, 6 heures, et, sur ce fondement, César ordonna que des quatre ans l'un serait bissextile, et les trois autres, communs.

Le désordre que la négligence de quelques minutes avait jeté dans le calendrier Julien, réveilla les astronomes du xvr siècle, et provoqua la réforme de Grégoire XIII.

JULIENNE (PÉRIODE). C'est une période fort utile, inventée par Jules Scaliger, et appelée ainsi, les uns disent de son nom; les autres, parce qu'elle a été accommodée à l'année julienne. Elle est de 7980 ans, par la combinaison des trois cycles, de l'indiction, qui est de 15 ans ; du cycle solaire, qui est de 28, et du cycle lunaire. Son principal avantage consiste en ce que les mêmes années du cycle solaire, lunaire ou de l'indiction, qui appartiennent à une année de cette période, ne peuvent se rencontrer ensemble qu'au bout de 7980 ans.

JUMALA. Ancien dieu des Lapons, qui a aussi été connu sous le nom de Thor. Ce peuple regardait Jumala comme l'Etre suprême. On le représentait sous une forme humaine, couronné et assis sur une espèce d'autel; il avait sur les genoux une tasse dans laquelle on déposait les offrandes. Les Lapons lui attribuaient un pouvoir absolu sur les hommes et sur les démons. Le marteau dont il était armé servait à punir les méchants et les mauvais génies.

JUNONIES. Fête que les Romains célébraient en l'honneur de Junon. A l'occasion de quelques prodiges qui parurent en Italie, les pontifes ordonnèrent que vingt-sept jeunes filles, en trois bandes, iraient par la ville en chantant un cantique composé par le poëte Livius. Pendant qu'elles se préparaient à ce pieux exercice dans le temple de Jupiter Stator, la foudre tomba sur celui de Junon-Reine au mont Aventin. On consulta aussitôt les devins sur ce triste événement. Ils répondirent que ce dernier prodige regardait particulièrement les dames romaines, qui devaient apaiser Junon par des offrandes et des sacrifices. Elles achetèrent un bassin d'or, qu'elles allèrent offrir à Junon dans son temple, et les décemvirs assignèrent un jour pour un service solennel qui fut ainsi ordonné:

<< On conduisit deux vaches blanches du temple d'Apollon dans la ville, par la porte Carmentale; on porta deux statues de JunonReine, faites de bois de cyprès: ensuite marchaient vingt-sept jeunes filles vêtues de robes traînantes, et chantant une hymne en l'honneur de la déesse. Les décemvirs suivaient, couronnés de laurier, et ayant la robe bordée de pourpre. Cette pompe, après avoir fait une pause dans la grande place de Rome, où les vingt-sept jeunes filles exécutèrent la danse de leur hymne, la procession continua sa route,et se rendit sans s'arrêter au temple de Junon-Reine. Les victimes furent immolées par les décemvirs, et les statues de cyprès

- —

furent placées dans le temple de la divinité. » JUNTES (ANCIENNES). Dans l'ancienne Espagne, on appelait ainsi la réunion d'un certain nombre de personnes que le roi choisissait pour les consulter sur les affaires importantes. Il convoquait et dissolvait leur assemblée à sa volonté. La junte n'avait que la voix du conseil; le roi d'Espagne était maître d'adopter ou de rejeter ses décisions. Après la mort du roi, il y avait communément une junte ou conseil qui veillait, pendant l'interrègne, aux affaires du gouvernement, et se dissolvait aussitôt que le nouveau roi était nommé.

--

JURANDE. Avant la révolution, charge et fonction de juré d'une communauté d'artisans ou de marchands. Les communautés d'arts et métiers existaient sous diverses formes avant saint Louis, mais sans ordre, sans autorité. Ce fut ce grand roi qui les régularisa, leur donna autorité et doit, à ce titre, être regardé comme le créateur de la magnifique institution des jurandes. C'est en oubliant les principes qui avaient présidé à leur institution que les communautés d'arts et métiers devinrent dignes de presque tous les reproches qui leur ont été adressés. Il est vrai de dire cependant que c'est bien plus sur le fisc que sur les corporations ellesmêmes qu'il est juste de faire retomber la responsabilité des abus qui s'étaient autrefois introduits dans les associations fraternelles qu'avait organisées saint Louis. Au lieu de se borner à corriger ces abus, la révolution trouva plus simple de détruire les jurandes elles-mêmes, c'est-à-dire de rompre tous les liens qui faisaient autrefois la force des travailleurs, et de les réduire à l'état de faiblesse qui est la conséquence de l'individualisme, de l'isolement. Elle ne pouvait pas trouver de moyen plus adroit pour les rendre impuissants, pour n'avoir plus à compter avec eux, et elle le choisit.

Les immenses désastres qui sont résultés de l'état de fausse liberté dans lequel les industriels et les commerçants ont été placés par la disparition des jurandes, ont fait imaginer les conseils des Prud'hommes; mais est-il raisonnable d'admettre que cette institution soit pour les travailleurs une ombre de la puissance qu'ils possédaient au temps des jurandes et des communautés?-Voy. JURÉS. On nommait ainsi à Bordeaux les officiers municipaux qu'on appelait ailleurs échevins, consuls, etc.

JURATS.

-

Les juges des seigneurs du Béarn étaient aussi nommés jurats. Les jurats du Béarn connaissaient des décrets; mais ils ne pouvaient juger, quand il s'agissait de crimes méritant peine afflictive. En ce cas, ils avaient seulement la liberté de donner leur avis, qui était porté au parlement. L'appel des jugements des jurats du Béarn pouvait être porté au siége du sénéchal et au parlement, au choix des parties.

Les jurats de Bordeaux avaient la justice criminelle concurremment et par prévention avec le lieutenant criminel de cette ville.

Dans l'Agenois et le Condomois les jurats

avaient aussi la connaissance des crimes qui s'y commettaient.

Les jurats devaient être propriétaires d'une maison avant leur élection. Un jurat ayant vendu sa maison et en ayant loué une plus petite, fut destitué pour ce fait, dit Féron.

JUREE (DROIT DE). C'était une redevance seigneuriale anciennement établie sur les gens de condition servile, qui, ayant obtenu leur affranchissement, s'établissaient dans une ville où ils étaient déclarés hourgeois du roi ou du seigneur, et devenaient ses justiciables. Ce droit avait plus particulièrement lieu en Champagne, où la plupart des habitants étaient main-mortables. La dénomination de jurée est prise du serment que l'on exigeait des personnes soumises à ce droit, qui était de 6 deniers tournois par livre pour les meubles, et de 2 deniers tournois par livre pour les immeubles. On ne pouvait s'affranchir du serment et de la jurée qu'en payant une redevance annuelle de 20 livres tournois.

JUREMENTS. Nous n'entendons point parler dans cet article des jurements et des blasphèmes contre lesquels saint Louis et ses successeurs ont fait les règlements les plus sévères; nous ne voulons rapporter que ces espèces de jurons, qui furent familiers à quelques-uns de nos rois, et à quelques particuliers d'une naissance et d'une bravoure distinguées.

Louis XI jurait: Pasques-Dieu; Charles VIII: Jour-Dieu; Louis XI: Le diable m'emporte; François I: Foi de gentilhomme; Charles IX avait contracté l'habitude de toutes sortes de jurements; Henri IV: Ventre Saint-Gris ; le fameux la Trémouille: Le vrai corps de Dieu; Charles de Bourbon: Sainte-Barbe; Philibert, prince d'Orange: Saint-Nicolas; la Roche du Maine: Tête de Dieu pleine de reliques. Le peuple a conservé l'habitude de prononcer indifféremment Vertugoi, qui exprime, par la vertu Dieu; Sangoi, qui signifie par sang de Dieu; Morgoi, qui veut dire, par mort de Dieu; Jarnigoi, qui est équivalent à je renie Dieu, et maugré Dieu, comme qui dirait malgré Dieu. Nos ancêtres proféraient sans scrupule Pardieu (par Dieu); ils prétendaient que c'était le plus droit de tous les serments: il est beaucoup mieux de n'en point faire.

Tous les peuples ont juré par leurs dieux et les ont pris à témoin de la vérité de ce qu'ils avançaient. Les Grecs et les Romains juraient par un dieu, quelquefois par deux ensemble, et souvent par tous les dieux. Les demi-dieux étaient associés à cet honneur, et l'on jurait par Castor, Pollux, Hercule, etc. Les femmes juraient par leurs Junons, et les hommes par leurs Génies. A Athènes, on jurait par Minerve, comme étant la protectrice de la ville; à Lacédémone par Castor et Pollux; en Sicile par Proserpine, et le long du fleuve Simettre par les dieux Palices. Les vestales juraient par Vesta, les femmes mariées par Junon, les laboureurs par Cérès, les vendangeurs par Bacchus, les chasseurs par Diane Bientôt on jura par les temples des dieux, par les marques de leur dignité, par leurs

armes: ainsi l'on jura par les rayons du soleil, les foudres de Jupiter, l'épée de Mars, les traits d'Apollon, les flèches de Diane, le trident de Neptune, l'arc d'Hercule et la lance de Minerve. On s'accoutuma aussi à jurer par les personnes qui étaient chères, et par les différentes parties de son corps, comme par la tête, par la main droite. Les Romains eurent la bassesse de jurer par le génie, par le salut, par la fortune, par la majesté et par l'éternité de l'empereur. Suivant la mythologie les dieux de l'Olympe juraient par le Styx, le terrible fleuve des enfers.

JURES. Avant la révolution, on appelait jurés, ceux qui, dans la plupart des communautés de marchands et artisans, étaient chargés d'en administrer les affaires. Dans quelques corps on les nommait gardes; dans d'autres, syndics, etc.

Les statuts de chaque corps réglaient ordinairement les fonctions de ses jurés ; et il n'y avait sur cela d'uniformité qu'en ce que les jurés représentaient toujours leur communauté, et en administraient les biens de la même manière que les tuteurs gèrent ceux de leurs pupilles.

Les jurés des communautés pouvaient, comme les tuteurs, être contraints par corps à rendre compte de leur gestion, et à en payer le reliquat. On pensait même universellement qu'ils pouvaient y être contraints solidairement, lorsque leurs statuts n'avaient pas de dispositions contraires.

Les membres d'une communauté qui étaient élus jurés, syndics ou gardes de leur corps, ne pouvaient se dispenser d'accepter la jurande, parce que c'était une charge publique. Il y avait même des corps où l'acceptation de cette charge devait se faire sous peine de déchéance de la maîtrise et réception. La communauté des orfévres de Paris avait obtenu des arrêts qui l'avaient ainsi jugé contre quelques-uns de ses membres, qui refusaient d'être gardes; l'art. 10 des statuts des fabricants et marchands d'étoffes à Lyon, prononçait, outre la déchéance de la maîtrise, une amende de 500 livres contre ceux qui refuseraient d'être gardes après avoir été élus.

Un édit du mois de mars 1767, porte qu'il sera accordé par Sa Majesté à ceux des compagnons ou aspirants à la maîtrise dans les communautés d'arts et de métiers établis dans la ville de Paris, ou autres du royaume qu'il plaira au roi de choisir, des brevets ou lettres de privilége, qui leur tiendront lieu de lettres de maîtrise; que lesdits aspirants en jouiront en se faisant recevoir, sans être tenu de payer aucun frais de réception, ni de faire des chefs-d'œuvre; et qu'à l'égard de ceux qui exercent des professions intéressant le commerce, et qui ne sont point en corps de jurande, ils seront tenus de se conformer aux édits et règlements intervenus sur cette matière.

Pour les jurés chargés de prononcer sur les faits dans nos cours d'assises, voy. JURY et COURS D'ASSISES. JUREUR. Chez les Francs ripuaires, celui contre lequel on formait une demande ou

droit d'arrêt, que les bourgeois de Paris avaient sur leurs débiteurs forains.

une accusation, pouvait, dans beaucoup de cas, se justifier, en jurant, avec un certain nombre de témoins, qu'il n'avait point fait ce qu'on lui imputait, et par ce moyen il était absous de l'accusation.

La loi des Allemands exigeait que jusqu'à la demande de six sous, on s'en purgeât par son serment et celui de deux jureurs réunis. La loi des Frisons voulait sept jureurs pour établir son innocence, en cas d'accusation d'homicide.

JURIDICTION DU CHATELET DE PARIS. Quoique nous ayons déjà donné des détails assez étendus sur cette réunion de tribunaux, nous croyons que quelques nouveaux aperçus sur l'ensemble de ce célèbre palais judiciaire, ne seront pas déplacés ici.

On croit généralement que le Châtelet avait été bâti sur une partie de l'ancienne forteresse que Jules César avait fait construire à Paris après la conquête des Gaules. C'est là, dit-on, que se tenait, au nom des Romains, le conseil souverain des Gaules et que résidait le proconsul. Quoi qu'il en soit, il est certain que Julien, nommé proconsul des Gaules en 358, vint faire sa résidence à Paris. Sous le règne d'Aurélien, le premier magistrat de cette ville se nommait Præfectus urbis, titre qu'il conserva sous Childéric et Clotaire III; mais en 666, il prit le nom de comte de Paris. Charles le Simple en 884 inféoda le comté de Paris à Hugues le Grand. En 987 Hugues Capet le réunit à la couronne, mais ce roi l'inféoda de nouveau à Odon son frère, à la charge de révision par le défaut d'hoirs måles, ce qui arriva en 1032.

Les comtes de Paris faisaient rendre la justice par un prévôt. Autrefois nos rois allaient au Châtelet rendre la justice en personne; on peut en voir la preuve dans la Vie de saint Louis. C'est par cette raison qu'il y avait toujours un dais subsistant, prérogative qui n'appartenait qu'à ce tribunal.

Vers le commencement du XIIe siècle, tous les offices du Châtelet se donnaient à ferme; mais en 1254 environ, saint Louis réforma cet abus, et institua un prévôt de Paris en titre.

Le bailliage de Paris fut créé en 1522, pour la conservation des priviléges royaux de l'Université, et réuni à la prévôté en 1526. En 1551 le Châtelet fut érigé en présidial. En 1674 le roi supprima le bailliage du palais, à l'exception de l'enclos et plusieurs justices seigneuriales de Paris, et réunit le tout au Chatelet, qu'il divisa alors en deux siéges, qu'on appela l'ancien et le nouveau Châtelet; mais en 1684, ces deux siéges furent réunis.

Les différentes juridictions du Châtelet étaient la prévôté et la vicomté, le bailliage ou conservation, et le présidial. On donnait aux lieutenants particuliers au Châtelet le ti're d'assesseurs civils, de police et criminels. Les attributions particulières attachées à la prévôté de Paris avaient leur effet dans toute l'étendue du royaume, à l'exclusion même des baillis et sénéchaux et de tous autres juges. Il y en avait quatre, savoir: 1° Le privilege du sceau du Châtelet, qui était attributif de juridiction; 2° le droit de suite; 3° la conservation des priviléges de l'Université; 4° le

Les chambres d'audience du Châtelet étaient le parc civil, le présidial, la chambre civile, la chambre de police, la chambre criminelle, la chambre dù juge auditeur Il y avait l'audience des criées qui se tenait deux fois la semaine dans le parc civil, par un des lieutenants particuliers: il y avait aussi l'audience de l'ordinaire qui se tenait tous les jours où l'on plaidait, excepté le jeudi, par un des conseillers de la colonne du parc civil.

De temps immémorial il y eut des avocats au Châtelet. Le prévôt de Paris en avait auprès de lui pour lui servir de conseils; dar.s une ordonnance de Philippe de Valois, il est dit que les avocats commis par le prévôt ne pourront être en même temps procureurs ; que nul ne sera reçu à plaider, s'il n'est juré suffisamment ou son nom écrit au rôle des avocats. Les avocats alors devaient attester par serment la vérité des faits qu'ils mettaient en avant dans leurs plaidoyers. C'est là un fait qui mérite de n'être pas passé sous silence. JURIDICTION CONSULAIRE. Que de choses dont nous nous glorifions d'être les créateurs et qui ne nous appartiennent cependant pas ! Il est certain que, si nous avons multiplié les tribunaux de commerce, nous ne les avons pas inventés.

Les Grecs avaient des juges (jus dicentes nautis) qui se transportaient eux-mêmes sur les ports, entraient dans les navires, et terminaient les différends des particuliers, après avoir entendu leurs raisons.

A Rome les bouchers, les boulangers et autres, avaient leurs jurés (primates professionum), qui étaient juges des différends entre gens de leurs corps. Cet usage était fondé sur le principe que pose Valère-Maxime, que sur chaque art il faut s'en rapporter à ceux qui sont experts. Artis suæ quibusque peritis de eadem arte potius cuipiam credendum.

Les marchands, fréquentant la rivière, sont les premiers qui se soient réunis en confrérie à Paris. Les échevins de la ville mirent à leur tête un prévôt de la marchandise de l'eau, et on le nomma depuis simplement le prévôt des marchands; mais ni lui ni les échevins n'avaient de juridiction sur tous les marchands de Paris, mais seulement sur ceux fréquentant la rivière.

La plus ancienne juridiction consulaire fut celle de Toulouse, dont l'édit de création est de l'année 1549; celle de Paris, composée d'abord d'un juge et de quatre consuls, choisis entre les marchands, fut créée par Charles IX en 1563; en 1566, ce roi en créa d'autres dans les villes de Bordeaux, Rouen, Tours, Orléans et autres; cependant par l'ordonnance des états de Blois il fut ordonné qu'il n'y aurait de consuls que dans les villes principales et capitales des provinces où il y avait un grand commerce.

Les justices consulaires étaient royales: à Paris et dans plusieurs autres villes, elles. étaient composées d'un juge et quatre consuls, et dans quelques-unes, d'un juge et de deux consuls seulement. Le juge était le chef

du tribunal; les consuls étaient ses conseillers. A Toulouse, à Rouen, ces juges étaient nommés prieur et consul; à Bourges, le juge était nommé prévôt. La juridiction consulaire de Lyon, appelée la Conservation, avait pour chef le prévôt des marchands avec les échevins, et plusieurs assesseurs qui y faisaient la fonction des consuls.

Les juge et consuls siégeaient en robe avec le rabat. La robe consulaire n'était proprement qu'un manteau; mais à Paris les juge et consuls portaient la robe comme les gens du palais. Dans chaque juridiction consulaire il y avait un greffier en titre, et plusieurs huissiers. La charge ou fonction des juge et consuls durait un an. Trois jours avant l'expiration de l'année ils assemblaient soixante bourgeois, qui en élisaient trente d'entre eux, et ces trente marchands élus, dont quatre étaient choisis pour scrutateurs, procédaient, avec les juge et consuls, à l'élection des cinq nouveaux qui devaient leur succéder. Le juge devait avoir quarante ans, et les consuls au moins vingt-sept, à peine de nullité de l'élection. Pour être élu, il fallait être marchand ou l'avoir été, être natif ou originaire du royaume, et faire sa résidence dans la ville où se tenait la juridiction.

Par une ordonnance de 1728 le juge et les quatre consuls devaient être de commerce différent.

JURIDICTION ECCLESIASTIQUE. Les princes séculiers, par respect et par honneur pour l'Eglise, lui avaient accordé, par privilége, indépendamment des droits qu'elle a reçus de son divin auteur, un tribunal contentieux, pour donner plus d'autorité à ses décisions spirituelles, et le droit de connaître de toutes les affaires personnelles aux clercs, tant pour le civil que pour le criminel.

Dans l'ancienne France la juridiction ecclésiastique se divisait en gracieuse et en contentieuse. La juridiction gracieuse était la même que celle qu'on appelait aussi volontaire. Elle était relative à l'administration des ordres, à la collation des bénéfices, à l'institution canonique, au pouvoir de faire des règlements pour la police de l'Eglise, d'accorder des dispenses, etc.; cette juridiction, l'évêque la tient de son propre caractère, elle lui fut toujours reconnue.

La juridiction contentieuse était celle que les princes avaient accordée aux archevêques et évêques, et qui consistait dans le pouvoir de vider par la voie judiciaire les différends des ecclésiastiques et même ceux des laiques en certains cas.

L'archevêque ou l'évêque exerce par luimême la juridiction gracieuse; il a toujours été, de droit commun, le juge ordinaire de son diocèse, pour décider sans instruction judiciaire les matières sujettes à cette espèce de juridiction; mais, dans l'ancienne France, il était obligé de nommer un official pour exercer la juridiction contentieuse, et, dans celle-ci, il devait suivre les formalités et les procédures prescrites tant par les canons que parles ordonnances du royaume. Voy. OFFICIAL. Saint Louis, Philippe III et Charles VI avaient

--

successivement fait des ordonnances qui maintenaient la juridiction des évêques. Philippe VI, en confirmant la juridiction ecclésiastique, en fixa les bornes: mais, comme les règlements faits par ces princes et par leurs successeurs n'étaient pas également observés dans tous les parlements, et qu'il était d'ailleurs survenu des difficultés auxquelles ils n'avaient point pourvu, le clergé supplia Louis XIV de régler les nouveaux sujets de contestation, et obtint l'édit du mois d'avril 1695 (enregistré au parlement le 14 mai suivant) par lequel les droits de la juridiction ecclésiastique furent déterminés. Cet édit (qui, comme on voit, n'avait pas été donné du propre mouvement du roi) fut depuis interprété par des déclarations des 29 mars 1696 et 30 juillet 1710.

JURISCONSULTE. Celui qui est versé dans la science des lois et de la jurisprudence, c'est-à-dire celui qui connaît les lois, les coutumes, les usages, tout ce qui a rapport au droit écrit et à l'équité.

Ce nom qui a perdu toute sa valeur, depuis qu'il a été usurpé par les gens qu'on appelle des hommes d'affaires, des notaires mis en vacances indéfinies, des avoués évincés de leurs charges, des avocats rayés du tableau de leur ordre et autres personnages plus ou moins avides de faire des dupes, était autrefois un titre très-honorable. Les anciens leur donnaient le nom de sages et de philosophes, et plusieurs d'entre eux furent des législateurs. Tels furent Mercure, Amasis, Minos, Pythagore, Lycurgue, Zoroastre, Dracon, Solon, etc.

Les jurisconsultes romains tiraient leur origine du droit de patronage, établi par Ro. mulus. Chaque plébéien se choisissait un patricien qui l'aidait de ses conseils et prenait sa défense. De là le nom de client, venu jusqu'à nous et sorti de la langue du barreau pour s'étendre jusqu'au commerce le plus infime. Qui est-ce qui, dans le commerce, n'a pas aujourd'hui ses clients, sa clientèle? Et, parmi les commerçants, combien y en a-t-il sachant que ce mot client signifie protégé, honoré, placé sous le patronage d'un personnage élevé par sa science et son crédit?

JURTE. Habitation des Tartares dans la Sibérie. C'est une cabane formée par des échalats fichés en terre, et recouverts d'écorce de bouleau, ou de peaux d'animaux, dans laquelle se réfugie une famille entière, pour se garantir des injures de l'air. Le milieu du toit est pratiqué en cône, afin que la fumée puisse sortir par cette ouverture. Quand un Tartare se déplaît dans un canton qu'il avait adopté, ou qu'il n'y trouve plus le né. cessaire, il abandonne sa jurte, et va en construire une autre dans un lieu plus commode.

JURY. Réunion de citoyens, nommés jurés, et chargés dans les affaires judiciaires portées devant les cours d'assises, de déclarer, après avoir entendu l'accusation et la défense, la culpabilité ou la non-culpabilité d'une personne accusée d'un crime contre la chose publique ou les particuliers. Les jurés jugent seuls le fait; les magistrats

« PreviousContinue »