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J. C. 1521.

DON JEAN III. Roi.

ANN. de parvenu à la Couronne, dont il paroifsoit éloi. gné par les Princes qui le précedoient, & l'ayant portée enfuite au point le plus brillant de fa fplendeur. La perte du fils de fa premiere D. EDOUARD époufe lui fit manquer cette celebre fuccefDE MENESES fion, qui caufa depuis l'élevation de la maison d'Autriche ; mais il eut de quoi se conso

GOUVER

NEUR.

ler
par fes découvertes & fes conquêtes dans
le nouveau Monde. S'il fut le fils de la fortu-
ne, ce ne fut pas d'une fortune aveugle. Ce
Prince avoit veritablement les qualités he-
roïques, qui font les grands hommes ; & fon
Royaume, qu'il fit fleurir en toutes manieres,
jouit de tous les avantages que peut procurer
un Roi qui est digne de l'être. Don Jean III.
son fils âgé de vingt-ans monta sur le Trône
après lui, & se montra l'héritier de ses vertus,
furtout de l'efprit de Religion, qui lui mérita
le furnom de pieux.

Don Edouard de Menefes n'avoit pas encore
pris poffeffion de fon Gouvernement, quand
la mort du Roi arriva : il n'y entra que dans le
mois de Février de l'année fuivante; mais la
nouvelle de cette mort ne fut portée dans les
Indes que vers le milieu de cette même année.
Ellene laissa pas d'y apporter quelque change-
ment dans les fortunes, ainsi qu'il arrive d'or-
dinaire au changement de maître. Le Gouver-
neur furtout en fut troublé, parce qu'il fentit
que la grande faveur que fon
pere avoit

bien

eue fous le feu Roi, de la maifon duquel il étoit AN N. de grand maître, ne fe foutiendroit pas fous un nouveau Monarque.

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DON JEAN

DE MENESES

Il s'étoit d'abord emparé du Gouvernement III. Roi. par voye de fait en homme qui compte fur fon D. EDOARD credit. Le premier acte qu'il fit de fa jurifdic- GOUVER tion, fut d'envoyer à Chaul fon frere Don Louis NEUR. de Menefes, & d'ôter le Gouvernement de cette place à Enrique de Menefes neveu de Siquéïra, pour le donner à Simon d'Andrade. Bien des gens furent choqués de ce paffe droit qui faisoit un affront à son prédéceffeur, d'autant plus que celui-ci étoit autorifé à nommer un Gouverneur jusques à ce que laCour y eût pourvû. Don Edouard colora fa conduite en disant qu'il falloit dans cette place un homme de reputation, comme l'étoit Simon d'Andrade, qui d'ailleurs s'offroit d'armer & d'entretenir à les dépens fix Galeres du nombre des douze, que le Général vouloit mettre en mer contre les Fuftes de Mélic Jaz. Mais la veritable raison étoit que le neveu de Siquéïra étoit pauvre que Simon d'Andrade au contraire s'étoit extré mement enrichi dans fon voyage de la Chine, & qu'il avoit promis à Don Edoüard d'épouser une fille naturelle qu'il avoit en Portugal.

Les Portugais de Chaül étoient toûjours preffés. Aga Mahmud devenu plus hardi par la retraite de Siquéïra, étoit allé se présenter à la barre avec fes Fuftes pour gagner Antoine

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DON JEAN III. Roi.

DE MENESES

AN N. de Correa à en venir à une action. Il le canona avec beaucoup de vigueur. Correa, qui manquoit de munitions, fe mit fur la défensive ne tirant que de loin à loin, pour ne pas épuiser le D. EDOUARD peu qui lui en reftoit. L'Aga en ayant pris encore GOUVER-S plus de confiance, entreprit d'enlever une des redoutes qui défendoient l'entrée de la barre. Il y avoit été sollicité par un des plus confiderables Maures de Chaül, qui fe nommoit aussi Mahmud. Pierre Vaz, ancien officier qui avoit fervi en Italie, commandoit dans la redoute, où il n'avoit avec lui que trente hommes. L'Amit fon monde à terre au nombre de trois

NEUR.

ga

cens volontaires prefque tous gens qualifiés fans que ceux de la redoute puffent les appercevoir. Ceux-là s'étant dont gliffés derriere une éminence, qui dominoit la redoute, furent prefque auffitôt aux mains qu'ils purent être découverts. L'action fut des plus vives. Pierre Vaz & les maîtres canoniers furent tués : les autres fe défendirent avec toute la bravoure imaginable, & après l'action, il s'en trouva qui avoient dans leur bouclier jusques à vingt-sept fléches. Il eût fallu néanmoins ceder à la force fi Correa ne leur eût envoyé foixante hommes en deux bateaux bien armés, qui déciderent de leur fort en leur faveur. L'Aga étonné de la mort des deux chefs de ce parti, & de près de quatre-vingt-dix hommes qui refterent fur la place, prit le parti de la retraite. Le traître

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1522.

Mahmud croyant qu'on ignoroit fa perfidie AN N. de envoya feliciter Correa de cette victoire, & lui fit porter des rafraîchiffemens. Correa pour DON JEAN réponse lui renvoya les têtes de fes Députés, III. Roi. & fit pendre leurs corps aux vergues de fes D. EDOARD Vaiffeaux.

Don Louis de Menefes arriva fur ces entrefaites: Correa, couronné d'une nouvelle gloire par ce nouvel avantage, lui remit le Commandement de la Flotte, & fut encore à tems pour s'embarquer avec Siqueira fon oncle dans les Navires de la cargaison. Mélic Jaz ayant appris l'arrivée de Menefes, & craignant encore plus Simon d'Andrade, qui étoit déja arrivé à Chaül, avoit obligé fur fa route la Ville de Dabul à lui livrer deux Galeres ennemies, & à payer un tribut annuel à la Couronne de Portugal, rappella l'Aga & fes Fustes, & envoya demander la paix au nouveau Gouver neur, s'excufant du paffé fur la mauvaise conduite de Siqueira fon prédéceffeur. Don Edouard la lui accorda d'autant plus volontiers, qu'il s'éleva ailleurs une nouvelle guerre, dont il avoit raifon d'apprehender les fuites.

Ce fut encore ici un effet de l'avidité colorée des apparences du bien public. Le Roi d'Ormus ne payant point & ne pouvant payer le tribut par la diminution de fes revenus, ainfi que nous l'avons dit, quelques particuliers firent entendre à la Cour de Portugal que c'é

DE MENESES
GOUVER

NEUR.

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1522.

AN N. de toit par la mauvaise administration des finances de ce Prince, lequel étoit volé par les Miniftres qui le tenoient en tutelle. Quoiqu'une des conDON JEAN ditions du traité qu'on avoit fait avec lui, fût D. EDOUARD qu'on ne se mêleroit point des affaires de son DE MENESES Gouvernement, néanmoins le cas ayant été pro

III. Roi.

GOUVER

NEUR.

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pofé en Portugal aux Docteurs, tous répondirent unaniment que le Royaume d'Ormus étant tributaire de la Couronne, le Roi de Portugal étoit abfolument le maître des Etats de ce Prince.

Sur cette décifion Don Emmanuel envoya des ordres au Gouverneur géneral, de mettre des Portugais dans toutes les douanes du Royau me d'Ormus, comme fi les Portugais étant une fois dans ces doüanes n'euffent pas dû voler le Prince autant que l'avoient fait les douaniers Arabes ou Perfans qui y étoient auparavant, puif qu'ils voloient bien le Roi de Portugal lui-même.Siquéïra étant àOrmus exécuta les ordres du Roifon maître contre fon propre fentiment.Cela fouffrit de grandes difficultés, mais comme Torun-Cha Roi d'Ormus avoit alors befoin du fecours des Portugais pour reconquerir les Illes de Baharen & de Catife, il prit le parti de diffimuler & de fe foumettre. La diffimulation ne fervit qu'à aigrir le mal; car après le départ de Siqueira, les nouveaux Douaniers n'ayant pas manqué de donner bien des fujets de plainte, d'autre part les Miniftres du Roi d'Ormus en

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