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des États indépendants placés entre l'Inde et les provinces russes (1885-95).

L'opinion indienne se plaint vivement de l'augmentation des charges militaires. Elle est mécontente surtout de ce que la métropole ait employé, aux frais de l'Inde, des troupes indiennes à l'expédition du Soudan. C'est une question importante de savoir si l'empire des Indes désormais à peu près pacifié doit faire plus que de défendre son immense territoire.

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En somme, l'empire des Indes se compose d'une énorme population inerte (les trois quarts de celle de l'Europe) sous 200 000 Anglais dont 75 000 soldats. Tous les faits importants de son histoire, amélioration des méthodes de gouvernement, rénovation ou changement des cultures, naissance de l'industrie à vapeur, sont le fait des Européens. Les indigènes ne s'assimilent guère, n'occupent dans les fonctions aucun rôle directeur, et commencent seulement à se former une opinion sur le gouvernement étranger.

V.

Tentatives de fédération impériale.

On a vu que l'exemple du Dominion a donné l'idée de plusieurs autres fédérations, celle de l'Australasie, celle de l'Afrique australe, celle des Indes occidentales. On a enfin proposé de fédérer toutes les parties de l'empire britannique. Il ne s'agit pas de revenir au despotisme administratif du commencement de ce siècle, alors que les gouverneurs étaient absolus et qu'aucune colonie n'avait d'institutions représentatives. Les impérialistes ou partisans de la fédération entendent respecter et même augmenter l'autonomie coloniale. Mais ils pensent qu'il serait profitable à la fois pour les colonies et pour la métropole de resserrer les liens politiques et économiques qui les rattachent. Les uns proposent un sollverein, les autres voudraient simplement une entente pour la défense commune, analogue à celle qui s'est faite entre l'Australie et le RoyaumeUni. Pour administrer les affaires communes, on propose soit

l'envoi de députés coloniaux au Parlement métropolitain, suivant le système français, soit simplement l'institution d'un corps spécial de délégués analogue au Federal Council d'Australie et réduit à des attributions précises, les douanes ou la défense.

Le nom d'empire britannique appliqué à l'ensemble des possessions anglaises remonte au milieu, peut-être au commencement de ce siècle. L'impérialisme s'est développé surtout depuis le ministère Disraeli, qui fit proclamer la reine impératrice des Indes et qui reprit la politique d'expansion coloniale. Le mouvement avait commencé vers 1868, par réaction contre l'abandon des colonies à elles-mêmes, pratiqué par les libéraux manchestériens alors au pouvoir. En 1869, lorsque le ministre des colonies Granville retira les dernières troupes d'Australasie et déclara que les colonies autonomes devraient à l'avenir se défendre à leurs frais, les adversaires de cette politique essayèrent de réunir à Londres, pendant la session du Parlement et pour protester contre la mesure, une conférence de délégués envoyés par les parlements australasiens. Le ministre invita les colonies à ne pas suivre ce conseil et la manifestation échoua. A cette époque, les idées des partisans de l'expansion coloniale sont encore vagues. Elles s'expriment dans le programme du Royal Colonial Institute, fondé en 1868 et présidé par le prince de Galles. C'est une société de propagande qui fonde une bibliothèque coloniale, encourage les explorations, organise des conférences et publie des brochures pour intéresser le public aux différentes parties de l'empire colonial et créer des relations entre elles et la métropole. Quand le gouvernement eut supprimé les commissaires et les fonds pour l'émigration (1873), il se fit un mouvement de protestation. Vers 1882-85, après une nouvelle famine irlandaise et pendant une crise économique, plusieurs sociétés se fondèrent pour favoriser l'émigration. Une ancienne société organisée en 1833 pour répandre les idées de Wakefield sur la colonisation avec l'aide de l'État (State aided), se transforma en société pour réclamer l'émigration dirigée par l'État (State directed). Des démarches furent faites en ce sens auprès des différents

cabinets, qui donnèrent quelques satisfactions. Ainsi, le gouvernement organisa en 1886 un office d'information pour les émigrants, qui publie des statistiques et des brochures; une commission parlementaire siégeant de 1889 à 1891 publia une enquête très importante sur l'émigration. D'après son avis, on songea à aider avec participation de l'État le départ pour les colonies des Irlandais habitant les districts trop peuplés. Sur ces entrefaites la crise économique avait cessé et le mouvement en faveur de l'émigration diminuait depuis 1888.

Mais l'impérialisme tel qu'il est défini plus haut était né pendant ces diverses agitations, et son programme était exposé en 1886-1887. En 1886 le discours du trône au Parlement parlait de « fédération impériale ». La même année, le Royal Colonial Institute prenait le titre d'Imperial Institute. Une Imperial Federation League s'organisait et elle envoyait au Canada et en Australasie un de ses membres, M. Parkin, faire des conférences en faveur de la fédération (1891). La ligue avait pour présidents des personnages importants du parti libéral, M. Forster, puis lord Rosebery. L'impérialisme, d'origine tory, pénétrait dans tous les partis. Un radical, sir Charles Dilke, qui avait débuté par un livre remarquable sur le monde anglais, Greater Britain (Plus Grande Bretagne, 1868), publiait en 1892 un des meilleurs ouvrages impérialistes, Problems of Greater Britain. L'ancienne politique du statu quo en matière coloniale, naguère représentée avec éclat par Gladstone, n'a plus pour elle qu'un petit groupe de fidèles, appelés par dérision les « partisans de la petite Angleterre », Little Englanders.

Le projet de fédération reçut un commencement d'exécution en 1887, l'année du jubilé. La première conférence de religion. des principales colonies, convoquée à Londres, discuta une union postale et un plan de défense; les débats aboutirent, comme on l'a vu plus haut, à une entente avec l'Australasie pour l'augmentation des forces navales.

Avec les essais d'exécution apparaissaient les difficultés. La fédération doit être soit une union douanière, soit une union militaire. Sur la question des douanes les intérêts de l'Angleterre et ceux de ses principales colonies sont en contradiction.

HISTOIRE GÉNÉRALE. XII.

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Les secondes sont protectionnistes pour favoriser le développement de leur industrie naissante. La vie économique de la métropole est au contraire fondée sur le libre-échange; l'Angleterre a besoin de recevoir en franchise les denrées agricoles qu'elle ne produit pas en assez grande quantité pour nourir la population de ses villes; elle a besoin pour maintenir sa production industrielle de pouvoir vendre librement à l'étranger ses cotonnades, ses fers et ses houilles. On a dit que la Grande-Bretagne pourrait remplacer ses fournisseurs et ses clients étrangers par les colonies, et la proposition est théoriquement acceptable, quoiqu'elle suppose une perturbation très longue et probablement une crise; mais elle ne donne satisfaction qu'à la métropole; les colonies seraient obligées de lui sacrifier leurs industries. Aussi ne faut-il pas s'étonner si toutes les propositions d'union douanière ont été rejetées par les colonies industrielles et protectionnistes. Les conférences de M. Parkin ont été mal accueillies en Australasie, même dans l'État libre-échangiste de Nouvelle-Galles. Les conservateurs du Canada, tant qu'ils ont tenu le pouvoir, se sont déclarés adversaires de la fédération impériale. L'union douanière n'a guère trouvé de partisans qu'au Cap, c'est-à-dire dans la colonie la moins industrielle (réserve faite des mines). Le leader des Afrikanders, M. Hofmeyr, est l'auteur du plan de « zollverein» le plus étudié et le plus ingénieux, qui laisse les colonies maitresses de leur tarif en ce qui concerne les produits étrangers. En général on peut dire que les projets d'union douanière ont été repoussés par les colonies comme avantageux à la seule métropole. La fédération a été encore discutée lors du jubilé de 1897, entre le ministre métropolitain et les premiers ministres des colonies autonomes, réunis à Londres pour les fètes. La plupart d'entre eux ont fait des réserves: le ministre canadien, sir Wilfrid Laurier, un libéral et libre-échangiste, s'est à peu près seul déclaré favorable au projet. Peu de temps après, la Grande-Bretagne ayant dénoncé le traité de commerce qui l'unissait à l'Allemagne, le bruit courut qu'elle allait commencer avec le Canada un « zollverein» britannique. Il n'est pas douteux que les industriels anglais, menacés par la concurrence allemande et par les

droits protecteurs que leur opposent leurs anciens clients, désirent trouver des débouchés dans les colonies; mais il est certain que celles-ci repoussent cette union désavantageuse pour elles. Aussi le « zollverein » a-t-il été abandonné par la plupart des impérialistes.

Leurs efforts se bornent à préparer une fédération purement défensive. C'est notamment le point de vue de sir Charles Dilke. Les colonies contribueraient à l'augmentation, jugée nécessaire, de la flotte anglaise. C'est le principal sacrifice à leur demander, car la défense de l'empire doit se faire surtout par les forces navales. L'Australasie contribue déjà à l'entretien d'une escadre. Le Cap a fait don à la reine du vaisseau de guerre Afrikander lors du jubilé de 1897. Mais les autres colose sont pas montrées jusqu'à présent disposées à se charger de grosses dépenses militaires.

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En somme la fédération impériale a séduit l'opinion anglaise comme un moyen de répondre au protectionnisme et aux armements des États continentaux; si les colonies se prêtent à la réaliser, ce sera vraiment, pour le monde britannique, au point de vue économique et militaire, le « splendide isolement » dont a parlé un de ses hommes d'État.

BIBLIOGRAPHIE

Une bibliographie complète pour la période contemporaine ne pourrait être dressée qu'avec les catalogues des principaux libraires anglais et des éditeurs de publications officielles d'Ottawa, de Sydney et des capitales des colonies. Pratiquement, on se servira du Statesman's Year-Book, pour la bibliographie générale, de la Review of Reviews pour l'indication et l'analyse des articles de revues depuis huit ans, de la National Biography pour la biographie (et la bibliographie) des gouverneurs généraux, etc. Nous n'indiquons ici que quelques ouvrages qui sont particulièrement intéressants ou qu'il est plus facile de trouver.

Généralités. Fédération. Sir Ch. Dilke, Problems of Greater Britain, Londres, 1890, 2 vol. in-8; un article dans la Revue de Paris, 1er janvier 1898. Pierre Leroy-Beaulieu, Les nouvelles sociétés anglo-saxonnes, Paris, 1897, in-18 (au point de vue de l'ancien libéralisme). — G.-R. Parkin, Imperial Federation, the problem of national Unity, Londres, 1895, in-8. A. Todd, Parliamentary Government in the British colonies, 2o éd., Londres, 1894, in-8. Une collection de petites histoires des colonies vient d'être publiée à Londres, sous le titre de Story of Empire Series, in-8.

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Canada. J.-P. Bourinot, Canada, Londres, 1896, in-8, petite hist.

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