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tant de modérer la lumière autant que l'on veut, ont, comme on le sait, assuré le succès et la vulgarisation de l'éclairage électrique, alors qu'au début on ne cherchait à l'employer que pour la production de foyers exceptionnellement intenses, et que la bougie Jablochkoff n'était pas encore applicable à l'éclairage de nos appartements.

Une dynamo est, par principe, réversible, c'est-à-dire que si, actionnée mécaniquement, elle produit un courant électrique, elle peut aussi bien, actionnée par un courant électrique, produire un travail mécanique. L'invention de Gramme donnait donc immédiatement une solution pratique du problème du transport de la force à distance, qui se présente si fréquemment dans l'industrie.

Les conditions à réaliser afin d'effectuer ce transport, pour de puissantes énergies, et à d'assez grandes distances, furent rapidement déterminées dans des expériences auxquelles le nom de Marcel Deprez restera attaché; on pouvait dès lors utiliser les chutes d'eau des montagnes pour éclairer les villes (ou pour y distribuer de la force motrice).

Les efforts se tournèrent ensuite vers un autre côté, l'application de l'électricité à la traction. Dans cette dernière phase, la France s'est relativement laissé devancer, tandis qu'aux Etats-Unis les tramways électriques ont pris très rapidement. un développement extraordinaire (transmission de la force par fils aériens, avec trolley).

Les accumulateurs électriques constituent une invention qui n'est pas moins précieuse, pour le problème de la locomotion. mécanique. Cette invention reste en fait anonyme, car elle consiste en modifications successives d'expériences de laboratoire connues depuis longtemps; les accumulateurs, étudiés au début pour assurer la régularité du débit dans les conducteurs électriques, sont en réalité des piles où l'on produit, en les chargeant, une action chimique inverse de celle qui détermine le courant de décharge. Ils donnent donc le moyen d'emmagasiner de l'énergie pour la dépenser à volonté, comme aussi la faculté de transporter cette énergie emmagasinée.

Mais les énergies motrices, lumineuses ou chimiques, ne

sont pas les seules formes que l'électricité puisse servir à transmettre. En 1876, l'Américain Graham Bell exposait à Philadelphie le premier téléphone, bientôt complété (déc. 1877) par le microphone de son compatriote Hughes. Le phonographe d'Edison est de la même époque. Dans ces appareils, l'électricité assure en fait la ressemblance des vibrations de deux plaques de fer doux identiques. Le principe, physiquement, est aussi simple que possible; mais mathématiquement il n'a pas encore été abordé, tandis que le téléphone est déjà devenu un des instruments familiers de la vie civilisée.

A côté de ces progrès industriels qui ont nécessité, comme nous l'avons dit, une active coopération des physiciens proprement dits (d'un lord Kelvin, d'un Mascart, d'un Lippmann, etc.) pour la solution des délicats problèmes de la pratique, la science a commencé à préparer la voie à d'autres inventions que le siècle. prochain pourra réaliser. Nous avons indiqué la théorie électro-magnétique de la lumière suivant Maxwell; une onde lumineuse serait une suite de courants alternatifs se produisant dans le milieu diélectrique, et changeant de sens un nombre énorme de fois par seconde.

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Le physicien allemand Hertz (1857-1894) montra expérimentalement que les effets inductifs se propagent en réalité avec une vitesse finie égale à celle de la lumière. Il employa à cet effet la méthode des interférences; il construisit un excitateur produisant d'une façon bien simple des courants changeant de sens un milliard de fois par seconde, et un résonateur permettant aussi simplement de suivre les phases de la vibration électrique. Hertz a ainsi constaté l'existence de rayons électriques se réfléchissant et se réfractant comme des rayons lumineux. C'est à la production de tels rayons que sont liés les essais récents de télégraphie sans fil, pour transmetre l'électricité comme on transmet la lumière, par l'éther impondérable; c'est aussi dans cette voie que l'Américain Tessla poursuit la synthèse d'une lumière sans radiations chaudes, au moyen

4. Voir ci-dessus, t. XI. p. 953.

2. En moyenne un quatrillion de fois.

de vibrations de même périodicité que les vibrations lumi

neuses.

La conception moderne de la physique. Mettons à part la liquéfaction des gaz, problème longtemps désespéré, et dont Cailletet, Amagat, Pictet, Dewar ont obtenu la solution complète, en réalisant les conditions indiquées par Andrews comme tout d'abord nécessaires; c'est en somme sur la lumière, en même temps que sur l'électricité, que se concentrent les travaux des physiciens de nos jours, et c'est la liaison entre ces deux ordres de phénomènes qui semble promettre de pénétrer le plus avant le secret de la nature.

Mentionnons rapidement les remarquables travaux de M. Lippmann sur la fixation photographique des couleurs; des Américains Langley et Michelson, l'un sur les radiations des étoiles, l'autre sur la détermination d'un nouvel étalon de longueur dérivant de la mesure des ondes lumineuses; du Hollandais Leeman sur une nouvelle et importante relation entre les phénomènes magnétiques et lumineux et arrivons à une découverte toute récente, celle des rayons Röntgen, qui a suscité une émotion considérable, et a été rapidement vulgarisée par ses applications médicales, et même fiscales.

Les recherches du physicien allemand portaient sur un rayonnement dit cathodique, découvert par Crookes. Lorsqu'on fait passer des décharges électriques dans un tube contenant un gaz excessivement raréfié, ce rayonnement, qui n'affecte pas directement les yeux, part de l'électrode positive, et se décèle par son action sur des plaques photographiques, comme par sa propriété d'illuminer des écrans fluorescents. Crookes admettait que la matière remplissant le tube se trouvait dans un élat particulier (qu'il appelait radiant) et que les molécules y jouissaient d'un facilité de mouvement exceptionnelle; il comparait par suite ce rayonnement à une sorte de bombardement. Mais l'Allemand Lenard démontra que les rayons cathodiques peuvent sortir des tubes où ils sont produits, et Röntgen découvrit en dernier lieu que là où ils viennent frapper un corps leur offrant de la résistance, se produit une nouvelle source de rayons, qui se propagent en ligne droite, sans réflexions, sans

réfractions et sans interférences, traversant divers corps, opaques pour les rayons lumineux ordinaires, et conservant cependant leurs propriétés chimiques (photographiques) et fluorescentes.

Il est incontestable que les hypothèses antérieures sur l'éther ne permettent nullement de donner une explication mécanique des phénomènes que présentent les rayons X; mais l'insuffisance de ces hypothèses était, depuis assez longtemps déjà, reconnue, sinon avouée, par la science; la découverte des nouveaux rayons leur a porté le coup de grâce, mais son importance a grandi surtout aux yeux de ceux qui croyaient ces hypothèses encore plus vivaces qu'elles ne l'étaient en réalité, à savoir aux yeux du grand public et des savants adonnés à d'autres branches. Il faut reconnaitre aussi que les physiciens ne se hàtent point de proposer de nouvelles hypothèses, et qu'à cet égard ils semblent envahis par une sorte de scepticisme, ce que favorise le résultat des déductions mathématiques arrivant désormais, au point de vue des vérifications expérimentales, à tirer les mêmes conséquences de suppositions premières tout à fait contradictoires.

En fin de compte, la physique semble actuellement flotter entre deux conceptions essentiellement différentes l'une qui attribue, dans l'explication des fails, la prépondérance aux actions entre les molécules pondérables; l'autre qui considère au contraire ces molécules comme inertes et qui imagine l'éther impondérable comme le réservoir inépuisable des énergies naturelles, comme l'agent capable de les fournir, à notre demande, sous les formes les plus variées et les plus inattendues. La croyance aux actions mécaniques à distance a fait son temps; elles ne sont plus conservées que comme une expression mathématique commode pour des faits au delà desquels il est difficile de remonter (car l'action au contact n'est pas, à priori, plus susceptible d'explication). Mais les actions physiques ou chimiques à distance ont été, de nos jours, réalisées si fréquemment dans des conditions qu'au commencement du siècle aucun savant n'aurait hésité à déclarer impossibles! Désormais on n'ose plus guère opposer une fin de non

recevoir aux espérances les plus aventureuses. Les triomphes de la physique ont éveillé de singulières ambitions physiologistes, et l'on ne discerne plus bien quelle barrière fixe pourrait leur être opposée.

Chimie. Si pendant la dernière partie de ce siècle, la chimie n'a pas produit des merveilles aussi éclatantes que les récentes applications de la physique, les progrès qu'elle a accomplis n'en ont pas moins une importance exceptionnelle.

Les travaux de Sainte-Claire Deville sur la dissociation ont été le point de départ de recherches qui constituent comme une nouvelle branche de la science, la physico-chimie; la notion générale d'équilibre chimique sous des conditions physiques déterminées s'est précisée et éclaircie. Mentionnons à ce sujet la théorie des dissolutions du Hollandais Van t'Hoff, les expériences de Raoult sur la congélation des dissolutions salines. Mais la partie capitale de cet ensemble est la thermochimie, due tout entière aux travaux de M. Berthelot et de ses élèves; le savant qui avait eu la gloire de détruire absolument la barrière entre la chimie minérale et la chimie organique a su également, non seulement faire aboutir la mesure de l'énergie correspondant à toutes les réactions chimiques, mais déduire de ces recherches calorimétriques une notion précise et une évaluation exacte de ce que l'on appelait l'affinité. L'application des principes relalivement simples qu'il a formulés permet désormais de prévoir à priori, dans l'immense majorité des cas, la nature des réactions qui peuvent se produire entre des corps donnés, dans des circonstances données. En attendant les conséquences que l'avenir déduira de principes aussi féconds, ils ont tout d'abord singulièrement servi pour les recherches relatives aux explosifs, recherches auxquelles l'état actuel de l'Europe à donné, depuis 1870, une puissante impulsion.

L'ancienne chimie a vu se renouveler ses procédés, soit par la tendance à une précision plus parfaite dans les mesures, soit par le progrès de la spectroscopie. A côté des nouveaux métaux découverts par cette dernière voie, l'isolement d'un nouveau gaz de l'atmosphère (l'argon, par Lord Raleigh et Ramsay) a excité un vif intérêt.

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