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reprises d'acquérir un morceau de l'île de Saint-Domingue. Tout récemment, le gouvernement fédéral est entré dans une sorte de condominium (aujourd'hui dissous) avec les Anglais et les Allemands sur le groupe des îles Samoa. Enfin les ÉtatsUnis avaient mis pratiquement la main depuis plusieurs années sur l'archipel des îles Hawaï avant de se décider à une annexion formelle de ces iles, qui est aujourd'hui un fait accompli.

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La politique nouvelle et l'élection présidentielle. En acquérant Porto-Rico et les Philippines, le gouvernement américain n'a donc pas innové. Les procédés consacrés par la tradition seront appliqués aux territoires nouveaux qui comportent cette application: l'île de Porto-Rico, dans un temps donné, se dotera d'une constitution et formera un quarantesixième État. L'île de Cuba, nouveau Texas, sera nominalement indépendante pendant quelques années, puis demandera son admission dans l'Union. Quant aux Philippines, il est probable qu'elles ne pourront point être traitées selon les formules habituelles. Ce pays si éloigné des États-Unis, avec ses huit ou dix millions d'indigènes Tagals, ne peut ni devenir une pépinière d'Etats pour l'Union, ni recevoir un gouvernement territorial de premier ou de second degré comme un nouveau Mexique ou un Arizona, ni rester une simple dépendance imprécise comme l'Alaska. L'archipel est encore à conquérir. C'est un bien acquis, dont il reste à prendre possession. Cette opération terminée, des problèmes imprévus d'organisation surgiront. L'histoire des États-Unis n'a pas appris que les Américains fussent incapables de s'accommoder à des situations inaccoutumées. Race essentiellement habile à tirer parti de toutes les circonstances, à saisir le côté pratique des choses, à s'instruire par une expérience rapide, ils se tireront d'affaire avec les Philippines comme avec le reste; les difficultés d'administration coloniale ne les trouveront pas à court de solutions.

L'annexion des îles Hawaï, l'occupation de Cuba et de PortoRico, la main-mise sur les Philippines, n'en marquent pas moins l'ouverture d'une nouvelle période dans les destinées des États-Unis. On veut ouvrir de larges débouchés au dehors pour

l'énorme excédent de production industrielle, on veut aussi prendre rang parmi les grandes puissances du monde. C'est du moins ce que veut la majorité du parti républicain, et c'est la politique que suivront désormais les États-Unis, si ce parti l'emporte en 1900 avec Mac Kinley sur Bryan et les démocrates. Le peuple américain est robuste, actif, courageux, entreprenant, riche. Il occupe un pays presque aussi vaste que l'Europe. Il n'est pas une seule nation de l'ancien continent, sauf la nation russe, qu'il ne dépasse en population. Il n'en est pas une où la population s'accroisse d'une allure aussi rapide (par l'immigration sinon par la natalité). Les États-Unis n'ont pas eu le temps de montrer dans la guerre hispano-américaine ce que pourra être un jour leur puissance militaire sur terre. Il est vrai qu'ils avaient fait leurs preuves à cet égard dans la guerre civile de 1861-65. Les événements de 1898 ont permis du moins de préjuger quelle force navale, après quelques années d'une active préparation, ils seront en mesure de mettre au service de leurs ambitions nouvelles.

BIBLIOGRAPHIE

Documents officiels Comptes rendus des séances du Sénat et de la Chambre des représentants. Messages des présidents au Congrès. Rapports des secrétaires, chefs des départements ministériels, au président, etc. Publications diverses du gouvernement (intérieur, agriculture, finances, etc.); documents relatifs aux recensements de 1870, 1880 et 1890.

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James

Rud. Doehn, Beiträge zur Geschichte der Nordamericanischen Union Leipzig, 1881. — J.-G. Blaine, Twenty years of Congress (« reconstruction » Ch. Reemelin, et présidences de Grant et de Hayes), New-York, 1884. Noailles (Duc de), A critical Review of american politics, Londres, 1881. Cent ans de République aux Etats-Unis, 2 vol., Paris, 1886-1889. Bryce, The American Commonwealth, sec. éd. rev., 3 vol., Londres, 1890. Max Leclerc, Choses d'Amérique, Paris, 1891. H. Mac Culloch, Men and Measures of half a century, Londres, 1888. J.-F. Rhodes, History of the U. S. from the compromise of 1850, 2 vol. Londres, 1893.

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La suppression de l'esclavage (1871-1888). L'histoire du Brésil pendant les trente dernières années du siècle ont été marquées par trois grands événements principaux : l'abolition de l'esclavage, les progrès de l'immigration européenne, enfin l'établissement du régime républicain, dont nous avons pu déjà constater les premières vicissitudes.

L'empereur Don Pedro II, dont l'esprit était libéral et dont l'âme était bonne, ne supportait pas sans malaise la honte de voir ses États soumis encore à l'esclavagisme. Il était donc acquis à l'idée de l'abolition, mais n'osait par des mesures radicales ameuter contre son gouvernement les propriétaires d'esclaves son esprit pouvait redouter des commotions politiques qui eussent ébranlé le régime.

De 1852 à 1858 son gouvernement décréta la suppression de la traite des nègres et sut rompre le lien commercial honteux qui unissait les colonies portugaises d'Afrique et le Brésil. Encouragé par la propagande du parti abolitionniste, il prit un certain nombre de mesures favorables aux nègres, et la guerre de Para

guay fut le seul obstacle que rencontra, en avril 1866, un projet d'émancipation graduelle. En juillet 1866, Don Pedro répondait à la Société française pour l'abolition de l'esclavage qu'il accomplirait en temps opportun une réforme que l'esprit du christianisme réclame ».

Les circonstances favorables qu'invoquait Don Pedro se firent longtemps attendre, mais il ne perdait point de vue le but final et s'en approchait à petits pas. La première étape est marquée par la loi Rio Branco ou loi du « ventre libre >> (21 septembre 1871). Désormais l'esclavage était aboli en principe et les rentrées de certains impôts étaient affectées à l'émancipation des noirs. Les enfants des négresses désormais naîtraient libres; on accordait cependant par compensation aux maîtres des mères que ces enfants resteraient à leur service jusqu'à l'âge de vingt et un ans. L'heure approchait où le Brésil n'aurait plus d'esclaves puisque la côte d'Afrique n'envoyait plus ses cargaisons de bois d'ébène à la côte brésilienne, puisque par la naissance l'esclavage ne se recrutait plus. Les abolitionnistes l'emportaient done; on ne pouvait plus invoquer en faveur du maintien dans l'esclavage des nègres, nés esclaves, que les convenances personnelles des maîtres et des perturbations économiques dans la production en l'absence du travail servile, si le travail libre n'y suppléait. Mais l'exemple de la libération fut donné par quelques maîtres, par deux provinces et, en mai 1888, les Chambres volèrent l'émancipation.

C'est en l'absence de Don Pedro, au cours de l'un de ses voyages en Europe, que sa fille, la princesse régente, avait déclaré « A l'honneur du Brésil, sous l'influence du sentiment national et des libéralités particulières, l'extinction de l'esclavage a fait de tels progrès que c'est aujourd'hui une aspiration acclamée par toutes les classes, avec d'admirables exemples d'abnégation de la part des propriétaires ». On lui offrit une plume d'or pour signer l'acte d'émancipation.

L'immigration étrangère. -Il était à craindre que l'extinction de l'esclavage n'entraînàt une crise économique et, pour parer à une éventualité depuis longtemps prévue, le gouvernement brésilien avait de tout temps favorisé l'immigration; aussi

existe-t-il aujourd'hui de puissantes colonies allemandes et italiennes au Brésil. L'événement qui favorisa le plus l'arrivée des Allemands fut assurément la reconnaissance d'un état civil aux habitants nés en dehors du catholicisme (1861).

De 1820 à 1830 il n'y avait eu que 7000 arrivants. Les chiffres s'accrurent considérablement dans la suite en 1862 il y avait 45 000 individus originaires d'Allemagne au Brésil; en 1892 il y en avait 240 000 appartenant aussi bien au culte catholique que protestant. Ces colons ont une tendance à se grouper dans les mêmes pays : ils forment des îlots germaniques dans le Rio Grande do Sul et en Santa-Catarina, tandis que les Italiens arrivés au nombre de 31 445 en 1887, 97 730 en 1888, 65 000 en 1889, sont éparpillés sauf dans le San Paulo, où ils sont 150 000 (d'autre part on en trouve 30 000 à Rio').

Chute de Don Pedro; la République proclamée (1889).

En 1889 l'Europe apprit brusquement l'abolition du régime impérial au Brésil. L'événement semblait imprévu : nulle question grave dans l'ordre économique et politique ne semblait favoriser une révolution; le Brésil passait pour l'État le mieux administré de l'Amérique du Sud; les budgets se soldaient en excédent; les charges militaires étaient très supportables; le gouvernement parlementaire fonctionnant sans encombres venait d'amener les libéraux au pouvoir; l'Empereur était populaire.

En réalité peu de gens menèrent l'affaire, mais ils le firent activement. C'étaient des partisans convaincus de la forme républicaine et des mécontents du gouvernement de Don Pedro, dont la cécité et la vieillesse favorisaient la politique du comte d'Eu, mari de l'héritière de la couronne, impopulaire et redouté. Il y avait à craindre que l'influence d'un prince jeune laissat moins de liberté au jeu des institutions parlementaires. Depuis longtemps l'apostolat positiviste de M. Benjamin Constant, professeur de mathématiques à l'École militaire, avait conquis une petite partie de la nation à l'idée républicaine : les instituts mili

1. Cet afflux puissant d'étrangers peut avoir un jour de graves conséquences dans la vie intime du pays brésilien; il importe donc de suivre attentivement le mouvement d'immigration dans les Monatshefte zur Statistik des deutschen Reichs et dans le Bulletin de l'Institut international de statistique de Rome. Cf. aussi Meuriot, Revue de géographie, janvier 1892.

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