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ralisant les principes renfermés dans le mémoire de M. Poinsot, que M. Cauchy est parvenu à faire dériver les polyèdres réguliers d'espèce supérieure de ceux de première espèce, ce qui l'a conduit d'une manière simple et analytique à la solution de la question qu'il s'étoit proposée.

Il commence par prouver que, dans un ordre quelconque, on ne peut construire des polyèdres réguliers d'une espèce supérieure, qu'autant qu'ils résultent du prolongement des arêtes ou des faces des polyèdres réguliers du même ordre et de première espèce qui leur servent de noyau, et que, dans chaque ordre, les faces des polyèdres d'espèce supérieure doivent avoir le même nombre de côtés que celles des polyèdres de première espèce.

Il suit de là que, comme il n'y a que cinq ordres de polyèdres réguliers de première espèce, on ne doit chercher que dans ces cinq ordres, des polyèdres réguliers d'espèce supérieure; en sorte que tous les polyèdres réguliers, de quelque espèce qu'ils soient, doivent être des tétraèdres, des hexaèdres, des octaèdres, des dodécaèdres ou des icosaèdres.

Après avoir donné la solution principale, M. Cauchy examine combien chaque ordre renferme d'espèces différentes, et il conclut de ses recherches qu'on ne peut former de polyèdres réguliers d'espèce supérieure que les quatre décrits par M. Poinsot.

Dans la seconde partie de son mémoire, M. Cauchy gé néralise un théorême d'Euler, relatif à l'équation qui existe entre les différens élémens qui composent la surface d'un polyèdre.

Euler avoit démontré que le nombre des sommels ajouté à celui des faces surpassoit de deux unités le nombre des arêtes. M. Cauchy a étendu ce théorême de la manière suivante :

Si on décompose un polyèdre en tant d'autres que l'on voudra, en prenant à volonté dans l'intérieur de nouveaux sommets, la somme faite du nombre des sommets et de celui des faces surpas sera d'une unité la somme faite du nombre des arêtes et de celui des polyèdres.

Le théorême d'Euler n'est qu'un cas particulier de celui-ci, dans lequel on suppose qu'on ne considère qu'un seul polyèdre.

M. Cauchy, en décomposant le polyèdre, déduit de son théorême général un second théorême relatif à la géométrie plane. Si on prend une des faces du polyèdre pour base, et si on transporte sur cette face tous les autres sommets sans changer leur nombre, on obtient une figure plane composée de plusieurs polygones renfermés dans un contour donné. Dans ce cas, la somme faite du

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nombre des polygones et de celui des sommets surpasse d'une unité le nombre des droites qui forment les côtés de ces polygones. M. Cauchy parvient directement à ce résultat, en égalant à zéro, dans son théorême général, la quantité qui représente le nombre des polyèdres. Ce second théorême est, dans la géométrie plane, l'équivalent du premier dans la géométrie des polyèdres.

Les démonstrations sur lesquelles M. Cauchy appuie ses théorêmes sont rigoureuses et exposées d'une manière élégante. Vos commissaires pensent que ces considérations sur les polygones et les polyèdres sont assez curieuses et assez neuves pour intéresser les géomètres, et que le mémoire de M. Cauchy mérite d'être approuvé par la classe et imprimé dans le Recueil des Savans étrangers.

Rapport fait par M. Le Gendre; 17 février 1812.

Il y a environ un an que M. Cauchy présenta à la classe un mémoire portant le même titre que celui-ci, dont l'objet étoit de généraliser un théorême d'Euler et de compléter la théorie d'une nouvelle espèce de polyèdres réguliers, découverte par M. Poinsot. Ce mémoire obtint l'approbation de la classe sur le rapport de M. Malus. On le regarda comme le fruit d'un talent déjà exercé, et qui devoit par la suite obtenir de plus grands succès. J'engageai alors l'auteur à continuer ses recherches sur les polyèdres, dans la vue de démontrer un théorême intéressant que supposent les définitions 9 et 10 du 11 livre d'Euclide, et qui n'est pas encore démontré.

Ce théorême dont j'ai parlé fort au long dans les notes de ma géométrie, et auquel j'ai ajouté la restriction nécessaire, pour qu'il ne fût pas sujet à l'objection faite par Robert Simson dans. son édition des Elémens d'Euclide, peut s'énoncer de la ma

nière suivante :

«Deux polyèdres convexes sont égaux lorsqu'ils sont compris >> sous un même nombre de polygones égaux chacun à chacun » et disposés entr'eux de la même manière. »

Le sens de ce théorême est qu'un polyèdre convexe étant donné, il est impossible de faire varier les inclinaisons mutuelles des plans qui le terminent, de manière à produire un second polyèdre convexe compris sous les mêmes faces et dis

posé de la même manière; on peut bien former un second poIyèdre symétrique au premier et qui lui soit égal dans toutes ses parties constituantes, mais les faces y seroient disposées dans un ordre inverse autour de chaque angle solide, et ces deux solides ne pourroient être superposés. Ainsi ce cas ne fait aucune exception à la proposition générale.

C'est sans doute un problême plus que déterminé, que celui de construire un polyèdre avec des faces données et assemblées suivant un ordre donné; mais l'analyse ne s'applique pas avec succès à ce genre de problême, il n'y a pas précisément de caractère analytique qui distingue un polyèdre convexe d'un polyèdre qui a des angles rentrans. D'ailleurs l'analyse d'où l'on devroit conclure qu'un seul polyèdre satisfait à la question, ne manqueroit pas d'être extrêmement compliquée. Il faut donc savoir en pareil cas se tracer une route particulière pour parvenir à la solution; ce n'est que par une profonde méditation du sujet et par des réductions à l'absurde qu'on peut espérer de réussir dans ces sortes de recherches qui, pour la difficulté et pour le genre de méthodes, ont quelque analogie avec celles qui s'offrent à chaque pas dans la théorie des nombres.

En donnant une idée de la difficulté de la question que nous avions proposée à M. Cauchy, nous mettons la classe à portée d'apprécier le mérite de la solution qu'il en a donnée dans la mémoire dont nous avons à rendre compte.

Ce mémoire est divisé en deux parties : la première contient huit théorêmes sur les polygones convexes rectilignes ou sphériques. La seconde en contient cinq sur les angles solides et les polyèdres convexes. Mais ce dernier est l'objet principal du Mémoire, et les autres ne doivent être considérés que comme des lemmes nécessaires à la démonstration de celui-ci.

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Dans la première partie, l'auteur considère les variations qui peuvent avoir lieu dans les angles d'un polygone convexe, rectiligne ou sphérique, dont les côtés demeurent constans. Si le polygone n'avoit que trois côtés, il ne pourroit y avoir aucune variation dans les angles. Ainsi on suppose constamment que polygone a au moins quatre côtés ; alors on voit que sans cesser d'être convexe, il peut, en conservant les mêmes côtés, prendre une infinité de formes différentes. J'avois donné deux propositions sur cet objet dans la première édition de ma Géométrie; M. Cauchy a porté jusqu'à huit le nombre de ces propositions, et les a démontrées d'une manière qui lui est propre.

Dans la seconde partie, l'auteur applique d'abord aux angles solides les résultats qu'il avoit trouvés pour les polygones sphé

'riques. Les deux théorêmes qu'il donne à cet effet peuvent être compris dans l'énoncé suivant:

« Si les angles plans qui composent un angle solide convexe à plus de trois faces, demeurent constans et qu'on fasse varier » d'une manière quelconque les inclinaisons mutuelles de ces » plans, ou, pour abréger, les inclinaisons sur les arêtes, si » on met ensuite sur chaque arête le signe + ou le signe »lon que l'inclinaison sur cette arête augmente ou diminue, et » qu'où ne mette aucun signe aux arêtes sur lesquelles l'incli»naison ne varieroit pas, je dis qu'on trouvera au moins quatre » variations de signe en faisant le tour de l'angle solide. >>

-, se

De là M. Cauchy passe aux théorêmes 11, 12 et 13, sur les polyèdres convexes. Le théorême 11 n'est autre chose que le theorême d'Euler connu par la notation S + H = A + 2. Le théorême 12 est une extension fort remarquable du théorême d'Euler au cas où les faces au lieu d'être planes, seroient considérées simplement comme des espaces terminés par plusieurs droites non situées dans le même plan. En effet, si chacun de ces espaces compte pour une face, si en même temps les angles solides continuent d'être convexes, il n'y a aucun changement à faire à la démonstration du théorême d'Euler, telle que je l'ai donnée dans ma Géométrie, et on parvient toujours à l'équation S+HA+ 2.

Pour venir enfin à la démonstration du théorême 13, qui est l'objet principal de ce Mémoire, l'auteur suppose d'abord qu'on fasse varier à-la-fois les inclinaisons sur toutes les arêtes. Cette supposition ne pourroit avoir lieu à l'égard des angles solides triples qui sont invariables; mais dans tout polyèdre donné on peut supprimer les angles solides triples, et le théorême ne sera à démontrer que pour les polyèdres dont tous les angles solides sont composés de quatre angles plans ou plus.

Supposant donc avec l'auteur que les inclinaisons sur les arêtes varient toutes à-la-fois, cherchons combien il y a de variations de signe d'une arête à la suivante. Il y a deux manières de compter ces variations; l'une en les considérant successivement sur les divers angles solides, l'autre en les considérant sur les diverses faces. On est d'ailleurs assuré que le nombre total, estimé d'une manière ou de l'autre, sera toujours le même; car deux arêtes consécutives qui appartiennent à l'un des angles solides, appartiennent en même temps à l'une des faces, et vice

versâ.

Cela posé, puisqu'en vertu du théorême rapporté ci-dessus on doit compter au moins quatre variations autour de chaque

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angle solide, le nombre cherché N devra au moins être égal à 4 S, de sorte qu'on aura N> 4 S. C'est la première limite de N.

En second lieu, si on examine les successions de signes placés sur les côtés de chacune des faces et qu'on estime les variations au plus grand nombre possible, on trouve que dans un triangle le nombre des variations ne peut être plus grand que 2; que dans un quadrilatère et dans un pentagone il ne peut surpasser 4; que dans un hexagone et dans un heptagone il ne peut surpasser 6, et ainsi de suite. Donc, si la surface du polyèdre est composée de a triangles, de b quadrilatères, de c pentagones, etc., le nombre total des variations ne pourra être plus grand que 2 a +46 + 4c+6d + 6e + etc.

Mais il est facile de voir, au moyen de l'équation S+H=2, que la quantité précédente est moindre, ou tout au plus égale à 4S-8. Donc on auroit à-la-fois N> 4 Set N< 4 S 8; résultat absurde, et nous conclurons qu'il est impossible que les inclinaisons sur les arêtes varient toutes à-la-fois dans le polyèdre donné.

Supposons maintenant que les inclinaisons sur quelques-unes des arêtes demeurent constantes, tandis que les autres varient; si on supprime toutes les arêtes où l'inclinaison ne varie pas, on supprimera en même temps des parties de la surface du polyedre proposé, qui ne seront sujettes à aucune variation, et on aura un polyèdre nouveau, dont toutes les faces ne seront point planes, mais qui tombera dans le cas du théorême 12, et qui, par conséquent, satisfera encore à l'équation:

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S+ H = A + 2, entendant par H le nombre total des faces, soit planes, soit terminées par une suite de droites non situées dans un même plan.

Ayant ainsi réduit le polyèdre proposé à un autre dans lequel les inclinaisons sur les arêtes varient toutes à-la-fois, on retombe dans le premier cas, et on conclut de même que la figure du polyèdre est invariable.

Il est donc démontré que deux polyèdres convexes sont égaux et peuvent être superposés, lorsqu'ils sont compris sous un même nombre de polygones égaux chacun à chacun, et disposés de la inême manière dans les deux solides.

Nous voulions ne donner qu'une idée de la démonstration de M. Cauchy, et nous avons rapporté cette démonstration presque toute entière. Nous avons ainsi fourni une preuve plus évidente de la sagacité avec laquelle ce jeune géomètre est parvenu vaincre une difficulté qui avoit arrêté des maîtres de l'art, et

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