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dans les arts peut être toujours utile et quelquefois important. Mon objet principal est de développer la théorie de la courbure des surfaces, et celle des contacts du même ordre; puis de montrer à-la-fois, par des explications nombreuses puisées dans les travaux des services publics, et l'utilité dont peut être cette même theorie, et les moyens généraux de s'en servir.

J'ai donc divisé cet ouvrage en deux parties, la théorie et les applications: chacune d'elles est composée de cinq mémoires. Les trois premiers, et les seuls dont je doive entretenir la Classe aujourd'hui, traitent de la courbure des surfaces considérée à partir d'un point unique; les deux suivans envisagent cette courbure sur toute l'étendue des surfaces.

J'ai développé séparément la même théorie, et par la géométrie pure, et par l'application de l'analyse, sans figures, sans constructions accessoires ou préliminaires. J'avois, pour suivre cette méthode, les plus grands et les plus beaux exemples, dans les traités de géométrie et de mécanique publiés depuis peu d'années par nos mathématiciens les plus illustres. Mais pour donner la même généralité aux méthodes de la géométrie rationnelle, il m'a fallu chercher souvent une route, pour ainsi dire nouvelle, et je me hâte d'en prévenir; afin qu'on me pardonne d'être resté trop au-dessous de mon sujet en la suivant.

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Je vais maintenant exposer les principaux résultats auxquels je crois être parvenu.

Je démontre, d'abord, par la géométrie pure, un principe évident pour tous ceux qui n'y ont pas profondément réfléchi: c'est que toute étendue à deux dimensions, je veux dire toute surface, ne peut généralement avoir en chacun de ses points plus d'un seul plan tangent, et qu'en chaque point elle est suceptible d'avoir une tangence, sous toutes les directions possibles, avec un seul et même plan: c'est précisément celui qu'on appelle le plan tangent.

Passant ensuite aux contacts du second ordre, j'examine les conditions nécessaires pour qu'un tel contact ait lieu entre les surfaces, à partir d'un point qui leur est commun, et sous toutes les directions possibles.

Il existe toujours une infinité de surfaces du second degré, qui peuvent osculer ainsi une surface quelconque, en chacun de ses points (qui n'est pas un point singulier).

Or, parmi toutes ces osculatrices du second degré, il en est encore une infinité ayant pour axe la normale de la surface au point donné qui, par conséquent, est un des sommets de ces osculatrices.

Et comme au sommet d'une surface du second degré, se croisent à angle droit deux sections planes principales, l'une dont la courbure est un maximum, l'autre un minimum (relativement

à toutes les sections normales), toutes les propriétés de la coar bure des surfaces, trouvées par Euler et par M. Monge, se présentent ici comme les conséquences nécessaires de cette première remarque.

Ainsi, par exemple, les deux sections principales de l'osculatrice du second degré sont celles du maximum et du minimum de courbure; elles sont tangentes aux sections analogues de la surface osculée; elles sont d'ailleurs à angle droit.

Doncen chaque point d'une surface quelconque (non singulier), pour toutes les sections normales, il y a simplement deux directions, l'une de plus grande et l'autre de moindre courbure; et ces deux directions sont constamment à angle droit. Les courbes tracées par M. Monge, tangentiellement à l'une de ces directions, et les courbes qu'il a tracées tangentiellement à la seconde direction, forment donc deux systêmes de lignes trajectoires orthogonales : ce sont les lignes de courbure.

De plus, dans le cas général, où les axes d'une surface du second degré sont inégaux, les seules normales qui puissent couper un des axes, sont, dans les deux sections principales qui contiennent cet axe: Donc aussi sur les surfaces quelconques, à partir d'une première normale, on ne peut trouver de normales qui la rencontrent, que dans deux directions différentes, l'une suivant la plus grande, l'autre suivant la moindre courbure; et ces deux directions sont constamment orthogonales. Ces normales, qui se rencontrent consécutivement, vont former deux séries de surfaces développables, celles d'une série traversant à angle droit toutes celles de l'autre série ; les normales elles-mêmes seront les intersections de ces développables, etc.

Voilà comment, par la simple substitution d'une osculatrice du second degré, aux surfaces quelconques, un facile enchaînement de conséquences nous conduit aux propriétés les plus générales de la courbure des surfaces.

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Mais il ne suffit pas de connoître des théorêmes remarquables sur cette courbure, il faut, dans tous les cas, savoir la mesurer, pour en conserver les données, et la reproduire au besoin : c'est ce que nous allons bientôt faire.

Après avoir déduit ces premières vérités du rapprochement des surfaces quelconques avec les surfaces du second degré je compare entr'elles les surfaces les plus générales, et je cherche les conditions de leurs contacts de différens ordres : voici le théorême fondamental de cette seconde partie.

Si nous prenons un point sur une surface générale, et que, du plan tangent en ce point à la surface, partent des ordonnées, ou rectilignes, ou curvilignes, qui, suivant une loi quelconque, ayent leur point d'application sur la surface;

Ces points d'application restant toujours à la même distance du plan tangent; enfin, les ordonnées n'ayant de fixe que leur origine sur ce plan, et variant d'ailleurs arbitrairement, et d'étendue, et de forme, et de direction dans l'espace :

Pourvu qu'à partir du point donné, aucune des ordonnées ne soit tangente à la surface primitive.

Premièrement, quelle que soit la transformation et la transposition imprimées au systême des ordonnées, l'infinité des surfaces ainsi produites seront, au point donné, osculatrices de la primitive; elles auront avec elle un contact du second ordre.

Secondement, Si les nouvelles ordonnées sont à leur origine tangentes aux ordonnées primitives, c'est-à-dire, ont avec elles un contact du premier ordre, l'infinité des surfaces ainsi produites auront au point donné un contact du troisième ordre avec la surface primitive.

Troisièmement, si les nouvelles ordonnées ont à leur origine un contact du second ordre avec les ordonnées primitives, l'infinité des surfaces ainsi produites, auront, au point donné, un contact du quatrième ordre avec la surface primitive.

Et généralement, l'ordre du contact des nouvelles surfaces avec la primitive sera de deux unités plus grand que celui du contact des ordonnées à leur commune origine.

Et, de plus, soit que les surfaces primitive ou dérivées, soient continues ou discontinues, les propriétés que nous venons d'indiquer ne cesseront pas d'avoir lieu dans toute leur étendue.

La première conséquence générale qu'il est possible de tirer de ces principes, c'est que, si deux surfaces ont un contact d'un ordre quelconque suivant toute une ligne courbe, deux sections planes faites dans les deux surfaces tangentiellement à cette courbe, ont, à leur point d'attouchement sur elle, un contact d'un ordre immédiatement supérieur.

Ainsi, par exemple, circonscrivons le cylindre à la sphère, il n'aura qu'un contact du premier ordre avec elle; or le petit cercle et l'ellipse que va tracer un plan tangent au cercle de contact des deux surfaces, cette ellipse, dis-je, et ce petit cercle auront toujours au point d'attouchement un contact du second ordre.

De là résulte encore, comme une conséquence immédiate, que sur une surface quelconque, en regardant le cercle osculateur d'une section normale, comme le grand cercle osculateur d'une sphère, les rayons des petits cercles tangens au grand au point donné, sont les rayons des sections obliques de la surface, dirigées dans le plan de ces petits cercles. Ainsi les rayons des sections obliques sont, sur le plan de ces sections, la projection du rayon de courbure des sections normales: théorême déjà connu.

L'avantage de ces diverses propriétés de l'étendue est de

pourvoir, au moyen d'une surface unique, simple, facile à considérer, déterminer tout ce qui regarde la mesure de la courbure des surfaces les plus générales. Ainsi la sphère qui déjà vient de nous faire connaître la loi qui ramène la courbure des sections obliques à celle des sections normales; la sphère peut aussi nous conduire à la détermination des rayons des sections normales d'abord des surfaces du second degré, et, par suite, des surfaces les plus générales: puisque, comme nous l'avons démontré, ces dernières peuvent être osculées par une infinité de surfaces du second degré.

Voici comment je parviens à déterminer les rayons de courbure des surfaces du second degré pour un quelconque de leurs points. Je conçois le plan tangent en ce point, et, par le centre, le plan diamétral qui lui est parallèle; je trace les deux axes de la section faite par ce dernier plan sur la surface; je les transporte, parallèlement à leur position primitive, du centre au point donné: cela posé,

Le grand axe est tangent à la ligne de moindre courbure qui passe par ce point.

Le petit axe est tangent à la ligne de plus grande courbure qui passe par ce point.

Ensuite une troisième proportionnelle à la distance du centre au plan tangent et au demi-grand axe, est le rayon de moindre courbure.

Une troisième proportionuelle à la distance du centre au plan tangent et au demi petit axe, est le rayon de plus grande courbure.

Enfin, si nous transportions semblablement, sur le plan tangent, un diamètre quelconque de la section diametrale, il seroit tangent à une certaine section normale; or le rayon de cette section normale seroit encore une troisième proportionnelle à la distance du centre au plan tangent, et à la moitié de ce diamètre.

La simplicité de ces déterminations doit les rendre d'autant plus utiles aux applications de l'ingénieur et de l'artiste, qu'ici l'analyse conduit à des résultats, faciles sans doute, mais d'une complication de calculs véritablement effrayante.

Il faut maintenant transporter ces vérités aux surfaces les plus générales. Mais il convient pour cela de recourir à de nouveaux principes : ils constituent ce que j'appelle la théorie des tangentes conjuguées. Cette théorie et ses applications forment l'une des parties principales du travail que j'ai l'honneur de vous soumettre; et je crois devoir, avant de la faire connaître, réclamer de nouveau l'attention et l'indulgence de la Classe.

Concevons qu'une surface développable touche une surface

générale à double courbure, dans toute l'étendue d'une certaine courbe. Je me place en un point de cette courbe, et je considère 1°. la tangente à cette courbe, 2°. la droite, qui, en ce point, est l'arête de la surface développable. L'une de ces droites est déterminée de position dès que l'autre l'est; et pour exprimer leur corrélation, quelle qu'elle soit d'ailleurs, je les appelle tangentes conjuguées. Nous venons donc de former un systéme de tangentes conjuguées.

A présent, concevons une seconde surface développable, pareillement circonscrite à la surface générale, mais telle, que la nouvelle courbe de contact soit tangente à la droite arête de la première développable; alors, aussi, la droite arête de la seconde développable sera tangente à la première courbe de

contact.

Ces deux droites sont donc à-la-fois et respectivement pour les deux développables et pour les deux courbes de contact, et des arêtes et des tangentes: ce qui déjà justifie leur dénomination de tangentes conjuguées.

Appliquons un moment ces considérations:

Lorsqu'une batterie rasante est placée sur une colline, la ligue magistrale, ou la direction de la batterie, est la courbe de contact d'une surface développable circonscrite au terrain de la colline, et qui va tracer en avant la ligne de démarcation des points soumis au feu de la batterie, et de ceux au contraire, qui s'en trouvent défilés par la seule configuration de la colline. La ligne des feux, dirigée sur celle développable, et la direction de la batterie, forment précisément un systême de tangentes conjuguées sur la surface de la colline : donc cette ligne de feux étant connue, pour enfiler la batterie par d'autres feux, il faudra se diriger sur la tangente conjuguée à cette ligne. Je n'offre cet exemple que pour rendre sensible mon idée, parce qu'une telle méthode ne convient qu'aux recherches du cabinet, ou bien à des opérations exécutées à loisir sur le terrain même; mais à la guerre il faut suivre une tout autre marche. Poursuivons.

La direction donnée d'une tangente entraîne, il est vrai, la détermination de sa tangente conjuguée; mais rien ne détermine la première tangente: si donc on suppose qu'elle prenne tour-à-tour, sur le plan tangent, toutes les directions imaginables autour du point donné, à chacune d'elles correspondra une nouvelle tangente conjuguée. En suivant cette méthode, nous allons trouver, pour un seul point de la surface primitive à double courbure, une infinité de systêmes différens de tangentes conjuguées.

Il est facile d'apercevoir que ces différens systêmes dépendent essentiellement de la forme de la surface à partir du point

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