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Enfin, au milieu de ces terres improductives, l'u-, tilité publique déterminera les plantations qui ont pour objet la consolidation du sol, la conservation des eaux, une influence climatologique, des abris ou des garanties pour les cultures et les habitations.

Nous n'avons pas besoin de justifier la nécessité de plantations étendues sur les côtes et dans les · dunes.

Ces dernières, dont le génie de Brémoutier arrêta la marche envahissante, occupent encore, entre les embouchures de l'Adour et de la Gironde, une surface de 75 lieues. On a calculé qu'elles avancent de 24 mètres par an, et que, si l'on ne mettait obstacle à leur marche, elles couvriraient dans vingt siècles le riche territoire de Bordeaux.

D'un autre côté, la conférence agricole de la Chambre des députés demandait, le 14 mai 1844, « si l'on « ne pouvait pas, au moyen de plantations sur notre << littoral maritime, le garantir de fréquents coups de mer qui l'envahissent et le dévastent, l'assainir sur << plusieurs points, et se procurer ainsi des ressour« ces immenses, pour la combustion prochainement, « et dans l'avenir pour la marine. »

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On voit comment nous reconstituons notre sol forestier, sans nuire à aucune culture essentielle, en utilisant des terrains improductifs, et en ne suivant d'autre guide que l'utilité publique. Nous dirons avec un économiste distingué, M. Michel Chevalier : « Il ne s'agit pas de rendre le sol de la France aux fo

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<rêts primitives. Parmi les déboisements effectués

depuis cinquante ans, il y en a beaucoup qui sont

• profitables au pays. Le déboisement est une conquête de l'homme sur la nature. Les bois doivent disparaître des plaines, et y céder la place à la culature'. Avec un million consacré tous les ans à se« mer ou à planter les emplacements qui paraissent « devoir être toujours rebelles à la culture, l'État se « créerait en vingt ou trente ans un immense capital réparti sur les vastes croupes des Pyrénées, des Cé« vennes, des Alpes et des Vosges, ainsi que sur le « littoral des Landes, où l'on n'applique aujourd'hui «que sur une échelle lilliputienne les procédés in« génieux et économiques du savant Bremontier. En temps de paix, ce serait un inépuisable approvision«nement pour vingt branches d'industrie, et notamment pour celle des fers, qui ne travaillera à « bon marché en France que lorsque le bois y sera plus abondant. (Des intérêts matériels de la France.)

a

»

Après avoir indiqué les terrains qui doivent composer le sol forestier, et en supposant que le reboisement, pratiqué avec intelligence et poursuivi avec énergie, soit couronné d'un entier succès, aurons-nous obtenu des ressources suffisantes pour les besoins du pays? En d'autres termes, à quel chiffre peut s'élever dans l'avenir l'étendue de notre sol forestier, et quels

(1) Sauf les exceptions justifiées par l'utilité publique.

In

en seront les produits comparativement aux besoins de la consommation?

Le sol forestier actuel est d'une contenance

de.

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L'étendue des bois de plaines appartenant à des particuliers est de 2,304,776 hectares, dont la moitié environ disparaîtra du sol forestier par des défrichements successifs. . .

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Les terrains dénudés dans les monles tagnes, les terres vaines et vagues, côtes, dunes, etc., présentent, comme susceptible de reboisement, une quantité de .

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8,785,541 h.

1,150,888

7,634,455 h.

4,000,000

14,654,453 h.

Ce chiffre arrivera à plus de 12 millions avec les plantations particulières.

Supposons que, grâce à une culture intelligente, ce sol forestier soit porté à ce degré de prospérité auquel il est parvenu dans les pays où la sylviculture a fait le plus de progrès : et pourquoi avec la richesse de notre terroir, et avec ce nombre d'hommes éclairés que nous possédons, ne pourrions-nous pas attendre les meilleures chances? Dans le pays de Baden, par exemple. la production annuelle moyenne pour les bois de 50 à 140 ans est de 11 stères 112 par hectare. A ce compte, notre sol forestier, com

posé d'environ 12 millions d'hectares, représenterait une production annuelle d'environ 140 millions de stères. En réduisant même la moyenne à 9 stères, nous aurons toujours une production de plus de 100 millions de stères, qui suffiraient aux nécessités du présent, et à tous les besoins éventuels, dans le cas même où les mines de houille viendraient à s'épuiser.

La consommation annuelle du combustible végétal est de 44,777,465 stères. Celle du combustible minéral s'élèverait, d'après les calculs de l'administration des mines, à un équivalent de 55,535,353 stères de bois. La tourbe entre dans la consommation pour 1,404,000, qui, suivant Péclet, représenteraient une somme égale en stères de bois. Total pour le combustible minéral, 54,734,553 stères de bois. Total pour les deux combustibles, 79,511,798 stères de bois.

Mettons ce chiffre en présence de celui de la production, et nous reconnaîtrons que tous les besoins peuvent être satisfaits.

Ces produits extraordinaires, ces réserves puissantes, qu'une sage prévoyance aurait créés sur des fonds presque sans valeur, ne seraient pas une richesse oisive ou stérile. En temps de paix, ils entretiennent une foule d'industries, ils en favorisent le développement; en temps de guerre, ils offrent des ressources présentes que le génie d'une nation peut mettre en œuvre dans l'intérêt de sa gloire ou de sa sûreté. Mais dans quel sens la production forestière doitelle être dirigée ou encouragée?

CHAPITRE V.

De la culture forestière, et de ses rapports avec la destination des produits, la nature de la propriété et l'intérêt du propriétaire. !

L'intérêt du propriétaire a toujours influé sur le genre de produits qu'il demande à la terre. La nature de la propriété est un élément également appréciable dans la question qui nous occupe. L'intérêt porte généralement le propriétaire à rechercher les revenus les plus prochains, les plus promptement réalisables. Les futaies, objet d'une longue attente, seront sacrifiées aux taillis, qui promettent une valeur annuelle après une période assez courte. Mais cet intérêt doit se modifier selon la nature de la propriété, immuable et de main-morte, ou mobile et transférable. Un propriétaire, passager ou viager, n'est pas dans la même situation que celui qui, comme l'État ou la commune, ne change ni ne meurt, au milieu de possesseurs précaires qui se succèdent indéfiniment. Le premier n'a en vue que ses jouissances personnelles ; le second, tout en obéissant aux nécessités du présent, doit être conservateur par instinct et par devoir, parce qu'il est chargé de veiller aux besoins des générations futures, dans l'intérêt d'une société dont l'existence n'a pas de terme fixe.

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