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racles, ces processions, ces fêtes remplissaient les cœurs de la plus tendre dévotion; mais AN 4. les ouvriers étaient détournés de leurs travaux, ce qui augmentait la misère publique. Dans la circonstance épineuse où le gouvernement romain se trouvait le pape crut devoir seconder les idées religieuses; des missions furent ordonnées dans les six principales églises de Rome; elles devaient se terminer par des processions de pénitens, pendant trois jours consécutifs. Dans ces cérémonies religieuses, exécutées dans plusieurs quartiers avec beaucoup de pompe, on vit des princesses romaines porter la bannière de la Vierge, et un prince de l'Eglise, le cardinal Sommaglia, descendre aux fonctions de portecroix.

Le gouvernement prit les mesures nécessaires pour prévenir les désordres que pou vait amener un si grand mouvement : une garde nombreuse maintenait la tranquillité publique. On se flatta que ces actes de religion étoufferaient dans les cœurs les haines et les animosités qui y fermentaient. Beaucoup d'ar mes tranchantes furent déposées sur les autels, et chacun s'empressait de faire à l'Etat le sacrifice des matières d'or et d'argent dont il pouvait se passer.

Il semble que Rome fut destinée de tous tems à devenir le séjour de la superstition.

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Romulus, son fondateur, assassiné dans le 1796. sénat qu'il voulait opprimer, fer placé au nombre des dieux, et reçut l'encens des Romains, sous le nom de Quirinus. L'histoire de Tite-Live est remplie des prodiges les plus ridicules arrivés dans cette capitale du monde. Tantôt un boeuf a parlé, tantôt une mule a engendré, tantôt les hommes et les femmes ont changé de sexe; ce ne sont que des pluies de cailloux, de chair, de sang, de lait. Numa, second roi de Rome, voulant imprimer plus de sainteté aux lois qu'il proposait aux Romains, se donnait pour inspiré par la nymphe Egérie. Dans les tems de calamité, les prêtres, pour appaiser le courroux des dieux, engageaient les Romains à nommer un dictateur dont l'unique fonction était d'enfoncer un clou dans une muraille. Le vol des oiseaux, l'appétit avec lequel des poulets sacrés mangeaient ou buvaient, suffisaient pour presser, suspendre ou abandonner les entreprises les plus intéressantes. Cicéron, qui connaissait ces moyens imposteurs, et qui était lui-même membre du collège des augures, disait qu'il ne concevait pas comment deux prêtres pouvaient se rencontrer sans rire de concert de la stupide crédulité des Romains.

A la place de l'ancienne religion romaine, une nouvelle religion s'introduisit dans ces

contrées. Les miracles se renouvellèrent. On fit entendre au peuple que l'Etre suprême AN 4. interrompait à chaque instant le cours immuable de la nature, et l'effet des lois générales avec lesquelles il gouvernait le monde, pour se prêter aux desseins intéressés des ministres du culte. Un prêtre fut roi ; ce roi domina sur les autres monarques, et sa puissance eût écrasé toutes les autres, si l'excès même des abus ne fût devenu la borne d'airain contre laquelle ce colosse redoutable devait se briser. Quelques peuples, quelques. rois secouèrent un joug devenu insupportable; les autres l'allégèrent; et les lumières, en s'étendant, doivent le détruire à jamais.

Les processions se terminèrent à Rome le douze thermidor. Le peuple paraissait tranquille. Lorsqu'il voyait des Français, il s'attroupait autour d'eux; c'était en quelque sorte des êtres extraordinaires qu'il venait contempler, et sa curiosité n'avait aucun caractère. offensant.

Le premier paiement de la contribution stipulée dans l'armistice, avait été fait à son échéance; elle consistait en onze cent mille écus. Ce riche convoi fut escorté par un détachement de cavalerie et d'infanterie jusqu'à Imola, lieu où cessait la garantie du pape.

1796.

CHAPITRE XV...

Le pape rompt l'armistice qui lui avait été accordé par Bonaparte.

DES

Es conférences se tenaient à l'Hôtel d'Espagne, pour l'exécution des articles de l'armistice. Elles touchaient à leur conclusion, lorsque, tout-à-coup les commissaires pontificaux firent naître des difficultés sous des prétextes chimériques, mais dont le véritable sujet était la nouvelle irruption que les troupes impériales tentaient dans le Mantouan. En vain le chevalier Azara, ministre d'Espagne à Rome, sous la médiation duquel l'armistice avait été conclu, multiplia ses efforts pour arracher ce nouveau germe de dissention; le pape donnait dans cette circonstance la preuve de la maladresse la plus inexcusable, en ordonnant à un légat, au moment où l'on apprenait à Rome la nouvelle de la levée momentanée du siège de Mantoue, de se remettre en possession de Ferrare, dont la souveraineté était cédée à la France par l'armistice.

La garnison française de la citadelle de Ferrare, en était sortie le treize thermidor, après avoir encloué ses canons, et jeté dans le Pô les munitions qu'elle ne pouvait emporter.

J'ai déjà fait part à mes lecteurs des motifs de cette retraite; elle n'occasionna dans la ville AN 4. aucun mouvement qui pût annoncer chez les habitans de Ferrare le moindre desir de retourner à leur ancien gouvernement. Cependant personne ne s'opposa à l'entrée du prélat romain; mais à peine avait-il placé sur la porte du palais des gouverneurs les armes papales, qu'une fermentation se manifesta; la municipalité fit replacer les armes de la république française. Le légat demeura peu de jours dans Ferrare; ayant appris que les Français étaient victorieux, il revint à Rome.

Le vingt thermidor, plusieurs Français furent insultés à Rome le gouvernement fit doubler les patrouilles, sur-tout dans les quartiers habités par les Français. Le chevalier Azara reçut, le vingt-deux, le détail des victoires remportées par Bonaparte sur Wurmser; mais telle était la prévention générale dans Rome, qu'on publiait que cette nouvelle était controuvée, et qu'Azara, ministre dEspagne, de concert avee Cacault, ministre de France, répandait ce bruit, pour égarer l'opinion pu blique.

La même incertitude que nous avons vu long-tems se manifester en France, existait alors dans Rome. Les moindres revers des armées françaises étaient grossis par une classe d'hommes intéressés au retour de l'ancien ordre

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