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d'église de la consulte générale ; elle se trouva composée des deux chambres de la noblesse AN 4. et des communes. Bientôt on envoya en Corse un vice-roi, que probablement Paoli n'attendait guères. S'il trouva dans cet instant les Anglais moins confians et moins généreux que les Français, il aurait dû réfléchir qu'un peuple de marchands sait calculer; et que. l'abus qu'il avait fait, en faveur des Anglais, de la confiance des Français, les avertissait de ne pas s'exposer à une nouvelle perfidie.

CHAPITRE XIX.

Le roi d'Angleterre prend le titre de roi de Corse. Des insurrections se manifestent • dans l'île contre les Anglais.

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E traité qui, sous le nom d'acte d'union, cédait la possession de la Corse à la couronne d'Angleterre, était à peine publié, que le roi d'Angleterre se fit proclamer roi de Corse. La Grande-Bretagne ne produit ni vin, ni huile d'olive, ni bois de construction; elle trouvait ces objets essentiels dans cette conquête; la Corse lui procurait encore une station voisine de l'île de Malte, qui favorisait son commerce du Levant. Mais d'autre part,

cette affectation de prendre le titre de roi de 1796, Corse était en contradiction avec l'assurance

donnée par le monarque Anglais, que tous les efforts par lui déployés dans la guerre, se réunissaient pour rétablir Louis XVII dans toutes les possessions de Louis XVI. En dépouillant son allié d'un bien qu'il n'était pas assuré de conserver, il prouvait seulement que les Anglais ne font jamais la guerre que pour leur seul avantage.

Malgré les appuis que Paoli avait ménagés aux Anglais dans le plus grand nombre des places, ils ne s'y établirent qu'après les combats les plus meurtriers. Le général LacombeSaint-Michel, alors représentant du peuple, avait déployé une énergie républicaine et des talens militaires qui avaient long-tems arrêté le vice-roi Gilbert Elliot devant des places dont son courage et son habileté étaient la principale défense.

Les Anglais entrèrent dans Calvi, lorsque cette ville ne fut plus qu'un monceau de ruines; on leur opposa, dans Bastia, la plus longue et la plus vigoureuse résistance; et lorsqu'à force de soins et d'argent, ils furent venus à bout de soumettre les villes maritimes, les enremis du joug britannique, retirés dans les montagnes, ne cessaient de faire aux Anglais

la

guerre la plus acharnée; les exactions que se permettaient les chefs du gouvernement an

glais, leur avarice et l'insolente hauteur de leur domination, augmentaient chaque jour le nom- AN 4. bre de ces ennemis redoutables.

Bientôt diverses circonstances ramenèrent

au parti français plusieurs de ceux même d'entre les Corses, que les suites de cette inconstance, dont leurs pères donnèrent trop souvent des preuves, avaient momentané

ment tourné du côté de ses ennemis. A ce nombre déjà très-grand, la gloire dont se couvrait Bonaparte, né parmi eux, ajouta dans la suite la foule de ceux qui croyaient voir réjaillir sur leurs familles et sur eux-mêmes une partie de cet éclat que la naissance du vainqueur de l'Italie répandait au loin. Chacun de ses triomphes affaiblissait dans sa patrie le parti anglais, et on peut dire qu'il le battait en Corse, toutes les fois qu'il battait les Autrichiens sur le continent.

Une insurrection générale s'était déclarée contre les Anglais, dès le mois de fructidor de l'an deux; le colonel Colonna fut inculpé d'avoir, dans une fête donnée à Ajaccio au vice-roi dont il était aide-de-camp, mis en pièce le buste du général Paoli. Aussitôt dans Rustino, lieu du domicile de Paoli, et dans les districts voisins, le peuple ameuté, pilla les magasins de sel faits par les Anglais, et déclara qu'il ne voulait point payer les impositions établies; les troupes Anglaises qui gardaient

l'île, étaient peu nombreuses. Eliot, pour 1796. appaiser le mouvement qui s'étendait rapidement du bout de l'île à l'autre, crut devoir assembler la consulte générale. Elle ne s'occupa que des dîmes de collèges et de séminaires; l'escadre anglaise, aux ordres de l'amiral John Jervis, croisait à la hauteur du cap Corse; malgré cet avantage, Eliot fut obligé de supprimer les impôts dont les Corses se plaignaient, et de rendre la liberté à tous ceux qui avaient été pris les armes à la main pendant l'insurrection.

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Eliot avait entamé une négociation avec le dey d'Alger, en vertu de laquelle non-seulement tous les esclaves corses, faits par les Algériens, furent rendus à la liberté, mais les Corses eurent la permission de pêcher le long des côtes d'Afrique ; malgré cet avantage, une nouvelle insurrection éclata, vers la fin de germinal an quatre, dans un grand nombre de places. Le drapeau tricolor fut arboré dans le centre de l'île; le vice-roi avait envoyé quatre cents hommes de milices pour arracher ce signal de la liberté. Aussitôt il se forma un rassemblement de près de trois mille hommes; ils enveloppèrent le détachement anglais, fusillèrent les principaux officiers, et renvoyèrent les soldats, après les avoir désarmés. Le vice-roi requit les habitans du cap Corse et de Bastia de marcher contre

les rebelles; ils refusèrent de prendre les armes. Un bataillon corse qu'on voulait faire AN 4. embarquer pour Ajaccio, se dispersa au moment de l'embarquement.

CHAPITRE XX.

L'île de Corse rentre sous la domination de la république française.

ANS cette circonstance la conquête de Porto - Ferraio, loin d'augmenter la force d'Eliot, lui était au contraire préjudiciable, en ce que l'île d'Elbe, qui ne produit que du fer, tire la plus grande partie de ses subsistances de la Toscane. Les Français, maîtres de Livourne, refusaient de laisser passer des vivres à Porto-Ferraio, depuis que les Anglais en étaient les maîtres. Cette rigueur augmentait les embarras du vice-roi de Corse, qui fournissait des subsistances à l'armée navale avec des peines infinies. Il eût abandonné ce rocher aride et insignifiant, si une espèce de forfanterie politique ne l'eût attaché au succès d'une expédition qui couvrait la honte que ressentaient les Anglais de se voir expulsés de Livourne.

Au surplus, la garnison exigée par Porto

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