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anglais, que le sucre le café, le cacao et les 1796. soiries de l'Inde, dont les soldats ne faisaient aucun usage. Les Anglais soupiraient donc après la paix, tandis que leur gouvernement, pour éloigner les Français des bords de la Manche, prodiguait à l'empereur les trésors britanniques.

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CHAPITRE II.

Traité d'alliance entre la France et l'Espagne, et entre la France et la république de Gênes.

Les événemens de la guerre avaient déterminé la cour d'Espagne et le sénat de Gênes à contracter avec la France une alliance qui semblait devoir achever de détruire le commerce britannique.

Les partisans de la maison d'Autriche ne cessaient de répandre parmi le peuple génois les bruits les plus alarmans sur les dispositions des Français à l'égard de cette république. A les entendre, Bonaparte allait enlever aux Génois leurs biens, leurs armes, leur gouvernement, et même leur religion. Les prêtres, craignant de partager le sort éprouvé par le clergé de France, échauffaient l'imagination de la multitude par des cérémonies religieuses

motivées sur les dangers de la nation génoise. Les femmes se rassemblaient et visitaient en troupe les Eglises, pour demander au ciel de les protéger contre les brigands. On publiait des miracles opérés par la Vierge; on faisait dans tous les sanctuaires des processions solemnelles pour obtenir la protection de Dieu et des Saints.

On ne manqua pas de profiter de la levée du siège de Mantoue et des succès passagers obtenus par les Autrichiens, pour augmenter l'effervescence publique. Le terme des succès des armées républicaines était enfin arrivé, disaient les prédicateurs dans toutes les chaires. Les Français allaient être expulsés d'Italie; Dieu, en permettant qu'ils y entrassent, ne s'était servi d'eux que pour rappeler les enfans de l'Eglise à la pénitence et aux autres vertus chrétiennes ; il les livrait au glaive de l'Ange exterminateur. Ces discours, dans l'esprit d'un peuple fanatique, pouvaient entraîner les plus cruels excès envers les Français; ils commençaient même à produire ce terrible effet, lorsque la nouvelle subite des nouveaux succès de Bonaparte arrêta le cours des miracles, et ferma la bouche à ceux qui les publiaient.

Dans presque toutes les religions, les prêtres employèrent souvent leur ministère à égarer le peuple. Je ne ferai point parade d'une vaine érudition, pour appuyer cette vérité assez

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démontrée par toutes les pages de l'histoire, et qui ne prouve autre chose, sinon qu'il n'est point d'institutions, toutes saintes, toutes nécessaires qu'elles soient, dont les passions humaines n'abusent.

Le gouvernement génois, convaincu que les mécontentemens éprouvés par les Français pourraient avoir les suites les plus funestes, envoya à Paris le noble Vincent Spinola en qualité d'envoyé extraordinaire auprès de la république française, pour serrer les liens d'amitié entre les deux gouvernemens. Ces liens ne devaient s'étendre qu'à une neutralité parfaite, et aux bons offices que deux peuples voisins pouvaient se rendre. Les Anglais, ne croyant pas qu'une petite république dont ils étaient en mesure de bombarder la capitale, osât se déclarer contre eux, continuaient à désoler le commerce français dans le golfe de Gênes. Trois vaisseaux de cette nation enlevèrent, le 20 fructidor, sur la côte voisine du faubourg de S. Pierre d'Aréna, une bombarde française, armée de deux pièces de canons et chargée de munitions de guerre pour l'armée d'Italie. Cette violation de territoire, commise sous les batteries de la ville, excita chez les Français une vive indignation ; ils se précipitèrent sur la chaloupe envoyée dans le port par le vaisseau de ligne anglais, et l'enlevèrent en présence d'un poste génois

qui, loin d'écarter les Anglais, tira quelques coups de fusil sur les Français. Une partialité AN 4. aussi marquée était sur le point d'attirer sur Ja ville les armées françaises. Dans cette circonstance, les collèges et ensuite le petit conseil, forcés de donner la satisfaction qu'on devait à la France, ordonnèrent que les ports de la république de Gênes seraient fermés aux vaisseaux anglais, et séquestrèrent tous ceux qui s'y trouvaient alors.

Dans le même tems, un traité d'alliance défensive et offensive était conclu, le deux fructidor, entre le gouvernement de France et celui d'Espagne. L'un et l'autre gouvernement promettaient d'armer, sur la demande de la puissance requérante, quinze vaisseaux de ligne, six frégates et quatre corvettes ou bâtimens légers, équipés et approvisionnés de vivres pour six mois. Ces forces navales devaient être rassemblées par la puissance requise dans celui de ses ports désigné par la puissance requérante.

Cet événement ne fit pas sur les Anglais l'impression qu'en attendait le gouvernement de France; on n'y vit que les richesses du Mexique et les dépouilles espagnoles offertes à la fortune des marins anglais. Cet espoir popularisa la guerre, et donna au ministre Pitt des moyens qu'il n'osait espérer.

Le desir de se venger des Anglais et de

détruire plus promptement leur puissance, 1796. conduisit le directoire à forcer l'Espagne qui ne pouvait servir la France qu'en gardant la neutralité, d'exposer sa marine à la destruction, et ses colonies à la conquête ou à la révolte. On livra le commerce espagnol aux corsaires anglais, tandis que, sous l'égide de la neutralité, il eût exporté les productions de France, et versé dans ses ports les denrées coloniales: c'est une faute qui pouvait être plus funeste qu'elle ne l'a été. Il est glorieux d'enlever Gibraltar aux Anglais; mais si l'Espagne devenait jamais ce qu'elle pourrait être, cette clef de la Méditerranée serait bien plus dangereuse dans ses mains qu'entre celles des Anglais, trop éloignés pour en faire tout l'usage auquel elle pourrait servir et qui la gardent autant par vanité que par intérêt.

CHAPITRE III.

Vacillations dans l'opinion publique.

LA France, redoutée de toutes les nations voisines, eût bientot conquis la paix dont elle avait besoin pour affermir son nouveau gouvernement, si la discorde eût cessé d'agiter dans son sein son funeste flambeau : suite

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