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vue,

sans doute, d'intercepter la route d'Huningue. Il fit attaquer avec beaucoup de viva- AN 5.

J'ai commencé par faire ouvrir le passage des villes forestières. Une demi-brigade, escortant les convois de munition, les blessés et les malades, l'a forcé sans de grands obstacles.

La partie de l'armée qui n'était pas indispensablement nécessaire pour contenir le général Latour, qui, remis de sa défaite à Biberach, n'a pas manqué de nous suivre, a marché à Rotveil et Villingen; et, après plusieurs combats assez vifs, nous sommes parvenus à en chasser l'ennemi, avec perte d'artillerie et d'environ trois cents prisonniers. Il restait à forcer les gorges de la Forêt Noire le centre de l'armée sortit alors de la ligne, et attaqua avec vigueur le corps autrichien qui occupait la vallée d'Enfer, défilé effrayant pour le passage d'une armée, étant resserré, pendant l'espace de plusieurs lieues, entre deux montagnes escarpées, à peine distantes de huit à dix toises.

:

La bravoure des troupes franchit ces obstacles. L'ennemi fut culbuté avec perte d'une pièce de canon et d'une centaine de prisonniers. Le centre de l'armée prit position le 21, en avant de Fribourg. Les partis du prince Charles avaient déjà poussé jusqu'au Vieux Brisac, d'où ils avaient chassé nos troupes et fait quatre-vingts prisonniers que nous reprîmes aux Autrichiens qui les escortaient.

La droite et la gauche de l'armée, qui s'étaient réunies, et qui continuaient de contenir les généraux Latour, Petrache et Nauendorf, ont défilé les 22, 23 et 24, sans la moindre perte; les équipages et les munitions, sous la protection de la droite de l'armée, ont également défilé sans obstacle par les villes forestières; et cette armée, que l'ennemi se vantait de faire prisonnière, le

1796.

cité le poste de Rhinfelden; mais il trouva une résistance invincible.

Les divisions du général Férino, chargées de défendre Kaudern et Hiel, firent des prodiges de valeur: elles se soutinrent depuis la pointe du jour jusqu'à la nuit, contre les attaques réitérées de l'ennemi, såns qu'il pût faire le moindre progrès. Le général Joubert, qui commandait le poste, soutint l'attaque depuis Schelingin jusqu'au Rhin.

L'armée se porta, le 4, sur la tête du pont d'Huningue, sans être inquiétée; et, le 5 elle passa le fleuve, sans que l'archiduc Char

menace à son tour d'une attaque prochaine, et revient victorieuse sur les frontières de France, après une marche de plus de cent lieues, non-seulement sans avoir été entamée, mais après avoir pris à l'ennemi dix-huit pièces de canon, deux drapeaux, et près de sept mille prisonniers.

Je fais passer au directoire ces détails très-succincts, pour faire cesser l'inquiétude publique. Mais je devrais des détails plus circonstanciés pour rendre compte à la brave armée que j'ai l'honneur de commander des nombreux combats qu'elle a livrés, de la patience, du courage calme qu'elle a toujours déployés dans les circonstances les plus difficiles, et de la stoïcité avec laquelle les soldats ont supporté le manque de vivres dans les pays affreux que nous venons de traverser. Tous les corps se sont distingués, tous les officiers ont fait preuve de courage et de talens; plusieurs ont fait des actions héroïques qu'il sera de mon devoir de faire connaître,

les, campé à une lieue, fit aucune disposition pour troubler le passage qui s'exécuta avec le, AN 5. plus grand ordre, couvert par les généraux Abbatucci et la Brissière (1).

CHAPITRE XVI.

Descente en Irlande.

J'AI

'AI parlé d'un traité d'alliance conclu entre les gouvernemens de France et d'Espagne. Le séjour que faisait, dans le port de Cadix, une nombreuse escadre française, sous les ordres de l'amiral Richery, annonçait que l'objet de cette convention était de tenter quelque expédition dont la réussite déterminât les Anglais à faire la paix. On sut bientôt qu'un embargo avait été mis sur tous les navires britanniques qui se trouvaient dans les ports d'Espagne. Le roi rendit compte des motifs de sa conduite par un manifeste adressé à ses conseils, et répandu dans les cours de l'Europe (2).

(1) L'armée ramenait avec elle sept mille prisonniers, et plus de quarante pièces de canons prises à l'ennemi. (2) Un des principaux motifs qui me détermina à faire la paix avec la république française, aussitôt que son

Cet événement avait déterminé la cour de 1796. Londres à dépêcher à Paris le lord Malmes

gouvernement eût commencé à prendre une forme régulière et stable, fut la manière dont l'Angleterre en usait à mon égard depuis le commencement de là guerre, et la juste défiance que devait m'inspirer, pour l'avenir, l'expérience de sa mauvaise foi. Elle s'était manifestée en 1793 dans les entreprises que l'amiral Hood s'était permises contre mes intérêts, à l'époque de l'occupation de Toulon, et dans son affectation de cacher à Dom Juan de Langara l'expédition qu'il projetait contre l'île de Corse.

Cette même mauvaise foi se montrait dans le mystère que le cabinet de Saint-James faisait à mes ministres de ses négociations avec diverses puissances, et particuliérement dans le traité conclu le 19 novembre 1794, avec les Etats-Unis de l'Amérique, sans égard à mes droits qui lui étaient bien connus. Je la remarquai de nouveau dans sa répugnance à prendre les mesures que je lui proposais pour terminer la guerre, ou à me donner des secours pour la continuer. Mais je fus sur-tout révolté par l'injustice avec laquelle le gouvernement britannique s'appropria la riche cargaison du vaisseau espagnol le Sant-Iago, d'abord pris par les Français, ensuite repris par l'escadre anglaise, et qui devait m'être rendu suivant les conventions faites entre mon secrétaire d'état et le lord Saint-Helen, ambassadeur de sa majesté Britannique.

Je ne le fus pas moins par la capture des munitions de guerre qui arrivaient sur des vaisseaux Hollandais, pour l'approvisionnement de mes escadres, et des difficultés multipliées pour en éloigner la restitution. Enfin, il ne m'a plus été permis de douter des mauvaises intentions du ministère de Londres, en apprenant les fré

bury, sous prétexte de faire des ouvertures de paix ; mais en effet pour prendre une con- An 5.

quentes apparitions des vaisseaux anglais sur les côtes du Pérou et du Chily, pour y faire la contrebande, et en reconnaître les forces militaires, sous prétexte d'une pêche à la baleine, à laquelle les navires se disaient autorisés par la convention de Nootha-Sund. Tels furent les procédés du ministère anglais pour cimenter les liens d'amitié et de confiance formés par nos conventions du 25 mai 1793.

Depuis que j'ai fait la paix avec la république française, non-seulement l'intention de l'Angleterre d'atta quer mes possessions d'Amérique perce de toute part, mais j'ai reçu des insultes directes qui me persuadent que ce ministère voudrait me plonger de nouveau dans la guerre continentale.

Ses généraux, dans l'île de Saint - Domingue, ont déployé la force pour empêcher la réunion de la partie espagnole au territoire français; ses marins ont formé des compagnies de commerce sur les bords du Missouri, dans l'Amérique septentrionale, avec le dessein de pénétrer, par ces contrées, jusque dans la mer du Sud. Enfin, par la conquête que les Anglais viennent de faire, dans l'Amérique méridionale, de la colonie de Demerary, appartenant aux Hollandais, ils se mettent en mesure de s'emparer des positions les plus importantes.

Pourrais-je douter des projets hostiles de l'Angleterre, quand je considère les violences que se sont permises ses frégates, en enlevant des matelots qui venaient de Gênes à Barcelonne, sur des vaisseaux espagnols, pour completter mes armées; les pirateries des corsaires anglo-corses envers le commerce espagnol, jusques sur les côtes de Catalogne, et la détention de plusieurs navires espagnols envoyés dans les ports d'Angleterre sur les

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