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sang va couler plus que jamais. Cette sixième 1797. campagne s'annoncé par des présages sinistres. Quelle qu'en soit l'issue, nous tuerons de part et d'autre plusieurs milliers d'hommes, et il faudra bien qu'on finisse par qu'on finisse par s'entendre, puisque tout a un terme, même les passions haîneuses.

>> Le directoire de la république française avait fait connaître à sa majesté l'empereur le desir de mettre fin à la guerre qui désole les deux peuples. L'intention de la cour de Londres s'y est opposée. N'y a-t-il donc aucun espoir de nous rapprocher; et faut-il que, pour l'intérêt ou les passions d'un peuple étranger aux maux de la guerre, nous conținuions à nous entr'égorger? Vous qui, par votre naissance, approchez si près du trône, et qui êtes au-dessus de toutes les petites passions qui animent souvent les ministres et les gouvernemens, êtes-vous décidé à mériter le titre de bienfaiteur de l'humanité et de sauveur de l'Allemagne ?

» Ne croyez pas que j'entende par-là qu'il ne vous soit pas possible de la sauver par la force des armes ; mais dans la supposition que les chances de la guerre vous deviennent favorables, l'Allemagne n'en sera pas moins ravagée. Quant à moi, si l'ouverture que j'ai l'honneur de vous faire, peut sauver la vie à un seul homme, je m'énorgueillirai davan

tage de la couronne civique méritée par cette action, que de la triste gloire qui peut me Ax 5. revenir des succès militaires. >>

L'archiduc répondit en ces termes : « Assurément tout en faisant la guerre et en écoutant la voix de l'honneur et du devoir, je desire ainsi que vous la paix pour le bonheur de l'humanité. Comme, néanmoins, dans le poste qui m'est confié, il ne m'appartient pas de scruter ni de terminer la querelle des nations belligérantes, et que je ne suis muni de la part de sa majesté l'empereur d'aucun plein pouvoir pour traiter de la paix, vous trouverez naturel, M. le général, que je n'entre là-dessus avec vous dans aucune négociation, et que j'attende des ordres supérieurs sur un objet d'une aussi haute importance et qui n'est pas de mon ressort. Quelles que soient au reste les chances de la guerre, je vous prie de vous persuader de mon estime et d'une considération distinguée.

La tournure de la lettre de l'archidue laissait voir à Bonaparte que ce prince, malgré sa détresse, voulait encore tenter le sort des armes. L'armée française se mit en marche le 12 germinal. La division de Massena, qui formait l'avant-garde, prit sa route vers le nord en côtoyant la petite rivière de Gurg.

L'armée de l'archiduc campait sur les gorges les plus élevées des Alpes - Noriques, entre

Neumarck et Judembourg. Ses postes avancés 1797⚫ occupaient une excellente position auprès de Freisack. Massena l'attaque et l'enfonce à la baïonnette. Les Français poursuivaient avec tant d'acharnement ce corps autrichien, que, pour le soutenir, l'archiduc fut obligé de faire marcher huit bataillons de grenadiers qui avaient pris le fort de Kell, et qui formaient alors la principale force de l'armée impériale. Mais ce renfort ne retarda que de peu de jours la défaite de la division qu'il venait protéger. L'infanterie légère de Bonaparte, ayant gravi sur toutes les pointes des rochers à la droite et à la gauche des Autrichiens, les pressaient par leurs flancs, tandis que les grenadiers, formés en colonnes serrées, attaquaient de front les retranchemens impériaux sur la route de Clagenfurt à Judembourg. Les Autrichiens défendirent cependant leur position. jusqu'à la nuit; ils profitèrent des ténèbres pour s'éloigner.

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Les Français entrèrent dans Neumarck le 16, et le lendemain, descendant sur les bords du Muer, ils occupèrent la ville de Judembourg et tous les postes des environs.

La division autrichienne du comte de Laudohn, qui s'était retirée du côté d'Inspruck, marchant à grandes journées sur la rive droite de l'Inn jusqu'à Rattemberg, et ensuite sur la rive droite de la rivière de Salzack jusqu'à

Capran, avait passé l'Ens entre les villages de Radiltalts et de Schiaming. Elle descendait AN 5. vers le Muer pour se réunir avec l'armée de l'archiduc. Son avant-garde, commandée par le général Spork, s'approchait de Muckrau. La promptitude avec laquelle les Français occupèrent, au bord du Muer, le poste important de Scheiling, avait rendu cette jonction impraticable; elle ne pouvait plus avoir lieu qu'au-delà des chaînes de montagnes qui couvrent Vienne du côté de Marienzell.

CHAPITRE X.

Situation embarrassante de Bonaparte au milieu des Alpes.

Les Français, Maîtres des bords du Muer,

depuis Muckran jusqu'à Léoben, étaient parvenus à trente lieues de Vienne. Il ne restait à l'archiduc Charles d'autre point de défense que les montagnes qui avoisinent la capitale de l'Autriche du côté du sud.

Le général français, ayant devant lui une armée découragée, et sur le point d'arriver auprès de Vienne où des succès très-probables pouvaient renverser le trône de cette maison d'Autriche, dont la puissance pesa si long

tems sur l'Europe, n'était cependant pas sans 1797 inquiétude. D'un côté, la marche rapide de ses troupes au travers des gorges et des précipes où ne se trouvait aucune route tracée l'avait forcé de laisser en arrière une partie de ses munitions de guerre; de l'autre, les habitans des provinces conquises, séduits par les gouvernemens de Vienne et de Venise menaçaient de s'emparer de tous les défilés qui l'environnaient sur ses derrières et de rendre ses subsistances très-difficiles.

Son armée, constamment victorieuse, avait cependant beaucoup souffert dans sa marche moins encore par le feu des ennemis que par les difficultés des chemins, dans une saison rigoureuse, et par la quantité des garnisons qu'il fallait entretenir. Elle montrait le même courage, la même énergie; mais sa force était notablement diminuée, tandis que les Impériaux se fortifiaient à mesure qu'ils se concentraient avec le cœur des possessions autrichiennes. D'ailleurs, Bonaparte savait que sénat de Venise, persuadé que les Français seraient écrasés dans les gorges depuis Léoben jusqu'aux confins septentrionaux de la Haute Styrie, engageait secrétement les habitans de ses provinces de terre ferme à se porter en force dans les Alpes pour couper toute retraite aux Français vers l'Italie, tandis que des corps nombreux de paysans attaqueraient les faibles

le

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