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En même tems, le général Dewins publiait une proclamation dans laquelle il déclarait AN 4. que, par suite du traité conclu entre la France et l'Espagne, tous les bâtimens chargés de grains, de comestibles et de munitions de guerre, seraient arrêtés par les Impériaux, et considérés comme de bonne prise.

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L'envoyé d'Espagne auprès de la république de Gênes, fit remettre une note dans laquelle il démandait au ministre impérial si le général Dewins insistait sur le projet d'intercepter tout chargement parti de Gênes pour l'Espagne, bien qu'il fût muni de papiers et de témoignages dans la forme ordinaire, pour prouver sa destination; et dans le cas où son intention serait différente, quels documens, formalités et légalisations seraient nécessaires pour faire cesser toute espèce de doute aux yeux du général Dewins, et lui donner l'assurance que le chargement était de fait pour l'Espagne, et non pour autre pays. Il insistait encore pour savoir si l'ordre notifié par le général Dewins s'entendait seulement par rapport aux bâtimens génois ou à ceux qui portaient pavillon espagnol, et si cet ordre s'entendait seulement pour ceux qui faisaient voile pour le compte et aux risques des Génois, ou s'il s'étendait à ceux qui naviguaient pour le compte des Espagnols.

Le général Dewins répondit que ces pro

hibitions regardaient les vivres et les munitions 1795. de guerre, attendu que les vivres voiturés le long des côtes de France étaient exposés, par suite de leur rareté dans ce pays, à être arrêtés de vive force, et que la mauvaise foi des négocians ôtait toute créance aux lettres, papiers ou documens auxquels on pouvait s'en rapporter. Il ajouta qu'il regardait du même œil les bâtimens de toutes les nations qui n'étaient pas alliées avec l'Empereur, et que le ministre britannique Drake avait positivement. assuré que l'Espagne n'avait aucun besoin de vivres.

Au milieu de cette guerre de plume, la famine commençait à se faire sentir dans l'armée d'Italie. Il fut tenu, le 5 brumaire, dans Albenga, un grand conseil de guerre, dans lequel les généraux résolurent d'attaquer les impériaux dans toute leur ligne, et de les chasser du territoire génois. Les maladies avaient emporté beaucoup de monde aux Autrichiens depuis qu'ils avaient pénétré sur les bords de la Méditerranée. Les dispositions de l'attaque furent faites sur-le-champ. Elle fut précédée de plusieurs combats partiels, dans l'un desquels, livré le 26 brumaire, les généraux de division Augereau et Chastel chasserent les Autrichiens de la position de Campo di Pietri, et leur firent cinq cents prisonniers. Le deux frimaire, l'armée autrichienne fut at

taquée dans la vallée de Loano. La bataille dura depuis six heures du matin jusqu'à cinq AN 4. heures du soir, que les Autrichiens firent leur retraite sur Garesio, après avoir perdu huit mille hommes tués ou faits prisonniers. Les Autrichiens furent attaqués de nouveau le lendemain à la pointe du jour; rompus de nouveau, ils fuyaient du côté de Savone, Dans sa détresse, Dewins fit sommer le sénat de Gênes de lui remettre la forteresse de Savone; et, le sénat de Gênes ayant refusé de livrer cette place, les Autrichiens se virent forcés de repasser le col de la Bochetta, pour se retirer du côté d'Acqui. Les Français s'emparèrent de la Pietra, de Loano, de Finale, de Vado et des magasins immenses rassemblés par les Autrichiens dans Savone.

Cette victoire aurait ouvert aux Français les barrières de l'Apennin, si les excès auxquels se livrèrent les vainqueurs au sein de leurs triomphes, n'avaient arrêté les opérations militaires. Le désordre devint si excessif, que le général Schérer fut obligé de faire publier, le 30 frimaire, dans tous les cantonnemens occupés par son armée, la proclamation suivante: «Soldats, vous avez vaincu les ennemis ; j'aurai soin de faire connaître à la France entière les belles actions qui vous ont distingués. Mais, après avoir triomphé pour la liberté, plusieurs d'entre vous se sont dés

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1795.

honorés par des vols, par des incendies, par une conduite brutale envers les femmes; votre aveugle fureur s'est portée à des excès affreux, jusque dans le pays des Génois, qui ont constamment refusé de se coaliser avec vos ennemis.

>>>Je vous avertis, pour la dernière fois de mettre fin à des procédés qui flétrissent la réputation de l'armée d'Italie. Vous connaissez les lois qui punissent de mort les excès auxquels vous vous livrez. Vous seriez sans excuse même dans les limites d'un pays conquis, puisque vous n'avez pris les armes que pour exterminer les tyrans armés contre votre patrie, et non contre les malheureux et pacifiques. colons.

» Je vous préviens que je punirai ces crimes selon toute la rigueur des lois. Je sais que, parmi vos chefs, il y a des hommes assez vils pour protéger une semblable inconduite, mais leur punition effraiera ceux qui voudraient les imiter. Je rends responsables les commandans des compagnies, les chefs des bataillons, les généraux des brigades et des divisions, de toutes les malversations qui auront lieu dans la suite. La moindre négligence à cet égard sera punie exemplairement. >>

L'expérience a prouvé constamment qu'une armée sans discipline non seulement est un fléau redoutable pour les pays qu'elle par

court, mais que ses succès les plus brillans ne sauraient avoir de suites durables. L'em- AN 4. pereur envoya, pendant l'hiver, vingt-cinq mille hommes qui se fortifièrent sur les revers des Apennins. La cour de Turin fit passer un renfort de six mille hommes au général Colli qui commandait les Sardes. La rigueur de la saison s'opposait à toute entreprise ultérieure de la part des armées ennemies, séparées par des masses énormes, couvertes de plusieurs pieds de neige.

Le roi de Sardaigne, dont les Etats étaient sur le point d'être envahis, avait demandé au gouvernement britannique de porter le subside qu'on lui donnaît, à quatre cent mille livres sterlings, au lieu de deux cent mille. Le refus éprouvé par lui, engageait la cour piémontaise de saisir avec empressement la première occasion qui se présenterait de faire la paix avec la France. La guerre avait toujours été désapprouvée par une partie des membres du conseil de Turin, et sur - tout par le prince de Piémont. Il semblait apercevoir l'abyme profond dans lequel la mauvaise politique de son père le poussait.

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