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et les autres, comme les Perses, par un respect superstitieux des lois, se mettent dans un tel esclavage sous ceux qui devraient faire régner les lois, que ceux-ci règuent eux-mêmes, et qu'il n'y a plus d'autre loi réelle que leur volonté absolue. Ainsi les uns et les autres s'éloignent du bat, qui est une liberté moderée par la seule autorité des lois, dont ceux qui gouvernent ne devraient être que les simples défenseurs. Celui qui gouverne doit être le plus obéissant à la loi, sa personne, détachée de la loi, n'est rien, et elle n'est consacrée qu'autant qu'il est lui-même, saus intérêt et sans passion la loi vivante donnée pour le bien des hommes. En lisant ce morceau si digne de l'Archevêque de Cambrai et de celui qu'il fait parler, on croit lire le préambule du Sénatus-' consulte du 28 Floréal. Ces lignes remarquables forment, en quelque sorte, la préface et l'extrait du contrat synallagmatique, établi dans les clauses du grand acte, où l'on a stipulé les engagemens réciproques, et les droits respectifs entre' le People et l'Empereur.

Plus on étudiera les dispositions de ce contrat auguste," pesées pendant deux mois avec une maturité et un calme si imposans, plus on se convaincra que le Sénat conservateur a tâché de répondre, non par esprit de corps, mais par esprit national, et à sa mission, et à la confiance que vous lui avez témoignée. Plus on y trouvera surtout l'empreinte de votre génie. Le Sénat, fidèle à son titre, a voulu conserver toutes nos institutions en les fortifiant. Vous avez partagé ses vues; non content de les accueillir, vous avez provoque toutes les idées libérales. Ceux qui ont pu être témoins de ces discussions profondes, par lesquelles on préparait un acte de cette importance, se sont félicités d'admirer plus près et votre amour pour la Patrie, et votre respect pour le peuple. Ah! sans doute, avec un grand homme tel que notre auguste Empereur, nous n'aurions pas besoin de prendre tant de précautions pour garantir nos droits dont il est pénétré. Nous n'aurions eu qu'à nous livrer, qu'à nous confier à lui-même. Nous aurions pu nous dire que votre Majesté, poursuivie à toute' heure par un génie inexorable, par le soin de sa propre gloire, se délassant par le travail, n'ayant qu'un but et qu'un objet, n'existe en quelque sorte que pour la noble ambition de rendre' les Français heureux. Oui, votre Majesté est vraiment cette loi vivante et donnée pour le bien des hommes, dont parle Fénélou. Mais qu'il est consolant pour nous d'avoir vu sa sollicitude, pour les chances de l'avenir, aller en quelque sorte au-devant de nos craintes! Que nous sommes encouragés par les mesures qu'elle a prises pour perpétuer son esprit dans tous les rejetons de la famille impériale, et pour assurer parmi eux la survivance des lumières qui les rendra plus dignes' de la transmission du sceptre et de l'autorité! Que nous sommes heureux de pouvoir annoncer à nos conncitoyens, que

si l'expérience ou le besoin du peuple indiquent par la suite, qu'il manque quelque chose au Sénatus-consulte médité avec tant de soin, votre Majesté, informée des désirs du peuple français, s'empressera d'y déférer; que vous n'avez en vue que la félicité publique, l'encouragement des vertus, le triomphe des bonnes mœurs, les progrès de l'agriculture, la splendeur du commerce, l'éclat des arts et des sciences, l'essor de tous, les grands talens, la propagation de toutes les lumières; enfin, par-dessus tout, l'honneur du nom français, et que, si vous suivez toujours vos propres inspirations, chaque moment de votre règne resserrera de plus en plus les liens du contrat qui vient d'intervenir de l'empereur au peuple, et les oblige l'un et l'autre.

Mais, Sire, en ce grand jour, nos yeux cherchent en vain auprès de votre Majesté Impériale, celui de vos augustes. frères, appelé le premier, dans la chartre nationale, au titre de l'hérédité. En lui les membres du Sénat chérissent un collègue aimable et vertueux; en lai plusieurs peuples révèrent un négociateur intègre. Le Sénat aurait désiré de le voir ici à sa tête, comme grand Electeur, et de le saluer sous le titre qui lui est dû, et qu'il rendra si glorieux, de Son Altesse Impériale le Prince Joseph Bonaparte. Mais vous avez voulu qu'il ait de nouveaux droits à l'amour de la nation. Vous l'avez envoyé à l'armée sur les côtes. Cette main respectée qui a sigue trois fois la paix à Luneville, à Morfontaine, et enfin dans Amiens, a quitté tout-à-coup la plume pacifique pour l'épée vengeresse de l'infraction des traités. Sire, quels souvenirs et quel rapprochment! C'est le 6 germinal, au9, que votre illustre frère signait la paix d'Amiens, avec un cabinet perfide; c'est le 6 Germinal, an 12 que la preuve authentique des attentats ourdis contre votre existence par un agent diplo matique de ce gouvernement parjure, nous a déterminés à vous presser de mettre un terme aux trames des conspirateurs, aux Têves des ambitieux, et aux inquiétudes de tous les bons Français. Vous avez rempli nos désirs. Le Sénatus-eonsulte du 28 Floréal est un monument immortel dont nous devons peut-être remercier nos ennemis. Jamais la haine aveugle du ministère britannique ne fut si utile à la France. Il ne se doute pas du service éminent que nous ont rendu ses fureurs. En voulant vous assassiner, il s'est flétri lui-même aux yeux des nations; mais il a averti la nation française de ce qu'il lui restait à faire pour déconcerter à jamais les atroces combinaisons du Cabinet de Londres, et des Français qui s'avilissent au point d'être ses satellites. Oui, sous ce point de vue, le 6 Germinal est un jour qui devra être inscrit dans les fastes de notre histoire. Ce jour a raffermi la grande République sur d'immuables fondemens; ce jour, sans sortir de Paris, nous avons vaincu l'Angleterre.

Souffrez, Sire, que le Sénat s'applaudisse d'avoir saisi une

pensée qui était bien dans tous les cœurs, et qu'il n'a eu que Je bonheur de vous exprimer le premier. Le vœu national, le vœu universel était de vous nommer Empereur des Français, et de voir commencer en vous la dynastie des Bonapartes. Eile a commencé par cet acte que le Sénat en corps est venu vous offrir, et dont le serment solennel que ses membres vont Vous prêter, garantit de leur part la fidèle exécution. Par ces démarches éclatantes, le premier corps constitué donne à tous les Français l'exemple qui sera suivi des sentimens d'amour, d'obéissance et de respect par lesquels un grand peuple con#acre son attachement à la haute magistrature qu'il charge du maintien de son bonheur et de sa gloire. Nulle autre nation n'est plus portée à vénérer et à chérir son chef, quand elle est couvaincue, comme elle a le bonheur de l'être en ce momont, que le dépositaire de son pouvoir suprême, ne peut être animé que du même esprit qu'elle, et ne peut jamais séparer ses propres intérêts, des intérêts de la Patrie.

Un inconvénient des grandes dignités, c'est d'entraîner de longs discours. Ici heureusement les phrases sont plus qu'inutiles. En parlant à notre empereur, nous avons le bonheur de nous adresser à un homme qui connaît, aussi bien que nous, ses devoirs et nos droits. Son esprit nous entend, son génie Dous devine et són eœur nous répond. Unis, en un si haut degré, l'esprit, le génie, et le cœur sont faits pour gouverner le monde. En imprimant à Bonaparte ce cachet naturel de sa supériorité, le ciel l'a formé pour le trône. Il n'a pas beBoin de leçons; il est au-dessus des éloges: ne le fatiguons pas - par des harangues superßues. Si nous croyons pouvoir offrir un aliment à sa pensée, exprimons-le en peu de paroles.

Sire, trois mots mystérieux furent gravés jadis en caractères d'or au front du temple de Delphes: la liberté, les lois, la paix. Ces trois mots sont un abrégé des devoirs principaux des hommes qui gouvernent, et des premiers besoins, par con-séquent des premiers droits des hommes qui sont gouvernés. La liberté, les lois, la paix voilà l'esprit et la substance de tous les traités politiques. Voilà ce que demande particulièrement la nation Française destinée à faire valoir les richesses d'un sol fertile et d'un climat heureux, mais qui ne peut les voir fleurir qu'autant qu'elle conserve ces trois premières bases du bonheur social.

Voilà, Sire, ce qu'elle sait que vous voulez lui assurer. Vous n'acceptez l'Empire, que pour sauver la liberté; vous ne consentez à régner, que pour faire régner les lois; vous pe 'fites jamais la guerre. que pour avoir la paix; toujours prêt à poser les armes, sitôt que l'honneur le permet. Les prodiges de votre vie en présentent plus d'un exemple; vous vous êtés deux fois arrêté devant Vienne. Maître d'un territoire im- mense, vous décidâtes les Français à évacuer leurs conquêtes, par le seul amour de la paix. Même au milieu de vos trophées,

les amis de l'humanité remarquaient avec intérêt que vous donniez, dans le récit de vos propres victoires, un soupir aux .malheurs du monde. Si vous fûtes grand dans la guerre, vous avez bien senti que vous seriez plus grand encore et plus illustre dans la paix. La liberté, les lois, la paix, ces trois mots de l'oracle semblent avoir été réunis exprès pour composer votre devise et celle de vos successeurs. Si les ennemis de la France veulent nous arracher cette devise inestimable, ils éprouveront à jamais ce que peut notre nation quand elle - est bien conduite, et que d'accord avec ses chefs, elle ne combat seulement que pour montrer au monde son amour pour la liberté, son respect pour ses lois, son désir de la paix.

Sire, les Romains souhaitaient à chaque nouvel Empereur, d'être plus fortuné qu'Auguste et plus vertueux que Trajan. Nous n'avons pas besoin de chercher dans l'histoire des rapprochemens dont aucun ne saurait vous flatter. Nulle antre époque ne ressemble à l'époque de Bonaparte. Nous ne counaissons qu'un souhait qui soit digue de vous, Sire, soyez long-tems vous-même. Vous n'aurez point eu de modèle, et vous en servirez toujours. Oui, Sire, vous en servirez, et c'est ici le grand objet que nous nous sommes proposé en décrétant l'hérédité.

Dans un avenir reculé, quand les enfans de nos enfans viendront, dans le même appareil, reconnaître comme empereur celui de vos petits-enfans ou de vos arrières-neveux qui devra recevoir leur serment de fidélité; pour lui peindre les sentimens, les yœux et les besoins du peuple, pour lui tracer tous ses devoirs, on n'aura qu'un mot à lui dire: “vous vous appelez Bonaparte; vous êtes l'homme de la France. Prince, -souvenez-vous du grand Napoléon."

Pardonnez, Sire, ah! pardonnez l'émotion involontaire qui accompagne ces paroles; elles sont sorties de mon cœur ; l'attendrissement qui s'y mêle en a troublé l'expression; mais votre Majesté n'en sera pas blessée. Ah! si la politique des princes ordinaires ne permet pas d'être sensible, celui qui fut un très-grand homme avant d'ètre prince, celui-là, j'en suis sûr, ne me saura pas mauvais gré de m'être laissé émouvoir pour tout ce qu'il y a de plus touchant parmi les hommes généreux; l'idée de la Patrie et celle du bonheur de la pos térité.

TRIBUNAL CRIMINEL ET SPÉCIAL DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE.

Actes d'Accusation de Georges, Pichegru, Moreau et autres, prévenus de conspiration contre la personne du Premier

Consul, et contre la sûreté intérieure et extérieure de la République.

Le commissaire du Gouvernement, Accusateur public près le Tribunal criminel et spécial du département de la Seine: Après avoir examiné toutes les pièces du procès instruit par le Citoyen Thuriot, l'un des juges du tribunal criminel du Département de la Seine, nommé par ordonance du Président du dit tribunal, en date du 16 Ventôse dernier;

Contre Georges Cadoudal, âgé de 35 ans, s'étant dit d'abord natif de Brech, et ensuite de Vannes, département du Morbihan, sans état, sans domicile en France, logé, lors de son arrestation à Paris, rue et montagne Sainte Geneviève, No. 32.

Athanase Hyacinthe Bouvet de Lozier, âgé de 35 ans, natif de Paris, propriétaire, demeurant à Cergy, département de Seine et Oise, et à Paris, rue Saint Sauveur, No. 36.

François Louis Rusillion, âgé de 52 ans, natif d'Yverdon, canton de Léman, ex-militaire demeurant à Yverdon, et logé, lors de son arrestation, à Paris, rue du Murier Saint Victor, No. 12.

Etienne François Rochelle, âgé de 36 ans, natif de Paris, sans état et sans domicile en France, lors de arrestation, logé à Paris, rue du Murier Saint Victor, No. 12.

Armand François Heraclius Polignac, âgé de 31 ans établi en Russie, natif de Paris, sans domicile en France, logé, lors de son arrestation, à Paris, rue Saint Denis, No. 29.

Jules Armand Aguste Polignac, âgé de 23 ans et demi, saps domicile en France, et logé, lors de son arrestation, à Paris, rue des quatre Fils, No. 2.

Abraham Charles Augustiu d'Ilozier, âgé de 28 ans et demi, sans état, domicilié à Paris, vieille rue du Temple No. 738, et logé lors de son arrestation, rue Saint Martin, No. 60. Charles François de Rivière, âge de 39 ans, natif de la Ferté, département du Cher, se disant Colonel au service de Portugal, sans domicile en France, logé lors de son arresta❤ tion, à Paris, rue des quatre Fils, No. 8.

Louis Ducorps, âgé de 46 ans, natif de Saint Piat, canton de Maintenon, département d'Eure et Loir, se disant homme de confiance, demeurant à Aumale, département de la Seine inférieure.

Louis Léridant, âgé de 26 ans, natif de Vannes, départe ment du Morbihan, ex-commis negociant, demeurant à Paris, cul de sac de la Corderie, No. 41. division de la Butte des Moulins,

Louis Picot, âgé de 28 ans, natif de Josselin, département du Morbihan, se disant postillon sans domicile en France, logé, lors de son arrestation, à Paris, rue du Puits l'Hermite, No. 8.

Victor Couchery, âgé de 32 ans, natif de Besançon, dé

D

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