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R. J'avais dit à Saint Régent de réunir des moyens à Paris, mais je ne lui avais pas dit de faire l'affaire du 3 Nivose.

D. Quels étaient les quatre hommes que vous vouliez introduire au palais des Tuileries?

R. Je n'y ai voulu introduire personne; le premier Consul était sur ses gardes, et mon intention n'a jamais été de faire assassiner le premier Consul dans le palais des Tuileries, en y introduisant quatre hommes.

D. Depu's quel tems êtes-vous à Paris?

R. Je crois qu'il y a environ cinq mois. Je n'ai passé que peu de tems à Paris, j'ai été me promener, mais je ne dirai pas où. D'ailleurs vous me tenez, il y a eu déjà assez de victimes, et je ne veux pas être cause qu'il y en ait davantage. Lecture faite de l'interrogatoire, l'interrogé a déclaré qu'il contenait vérité, qu'il y persistait, et a signé avec nous.

(Signé)

DUBOIS ET GEORGES CADOUDAL.

Le 19 Ventose, an 12, nous Jacques Alexis Thuriot, juge au tribunal criminel et spécial de la Seine, chargé par ordre du citoyen président, en date du 16 présent mois, d'instruire contre Georges, Pichegru, le général Moreau, et autres prévenus de conspiration contre la personne du premier Consul, et contre la sûreté interieure et exterieure de la république; assisté de Pierre Jean Baré, commis-greffier assermenté; étant en la chambre du dit tribunal, avons fait donner lecture au dit Georges Cadoudal, des deux interrogatoires par lui subis le jour d'hier à la préfecture de police, et l'avons interpellé de déclarer s'il persiste dans les réponses qu'il y a faites. A répondu. Oui, citoyen.

Lecture faite de ce que dessus, le dit Cadoudal a persisté dans sa réponse, et a signé avec nous et le greffier.

(Signé)

GEORGES CADOUDAL, DUBOIS.

Nc. XXII.

Interrogatoire de Georges Cadoudal, du 18 Ventose, an 12.

En la chambre du conseil du tribunal criminel et spécial du département de la Seine.

Ce jourdhui 18 Ventose, an 12, de la république française par devant nous Jacques Alexis Thuriot, juge au tribunal cri minel et spécial du département de la Seine, assisté d'André Etienne Fremin, commis-greffier assermenté, a éte conduit par un détachement de la force armée, commandé par le ci

toyen Jean Barnier, capitaine au 2nd régiment de la garde municipale de Paris, qui en a reçu ordre de la préfecture, un particulier prévenu d'être du nombre de ceux désignés comme étant dans la conspiration contre la personne du premier Consul et contre la sûreté intérieure de l'état; chargé par ordonnance du citoyen président, en date du 16 du présent mois, d'instruire sur la dite conspiration, avons interpellé de nous déclarer ses noms, âge, état et demeure.

A répondu, Georges Cadoudal, âge de 35 ans, sans de meure, sans état.

D. Depuis quel tems êtes-vous à Paris?

R. Depuis environ cinq mois, je n'y suis point resté que quinze jours en totalité.

D. Où avez-vous logé ?

R. Je ne veux pas le dire.

D. Pourquoi refusez-vous à le déclarer?

R. Parce que je ne veux pas augmenter le nombre des

victimes.

D. Quel est le motif qui vous a amené à Paris?

R. J'y suis venu daus l'intention d'attaquer le premier Consul.

D. Quels étaient vos moyens d'attaque?

R. L'attaque devait être de vive force.

D. Où comptiez-vous trouver cette force-là?

R. Dans toute la France.

D. Il y a donc dans toute la France une force organisée à votre disposition et à celle de vos complices?

R. Ce n'est pas ce qu'on doit entendre par la force dont j'ai parlé ci-dessus.

D. Que faut-il donc entendre par la force dont vous parlez?

R. Une réunion de force à Paris.

D. Où cette réunion existe-t-elle ?

R. Cette réunion n'est pas encore organisée; elle l'eût été aussitôt que l'attaque aurait été définitivement résolue,

D. Quel était donc votre projet et celui des conjurés?
R. De mettre un Bourbon à la place du premier Consul.
D. Quel était le Bourbon désigné?

R. Charles Xavier Stanislas, ci-devant Monsieur, reconnu par nous pour être Louis XVIII.

D. Quel rôle deviez-vous jouer lors de l'attaque.

R. Celui qu'on des ci-devant Princes français, qui devait se trouver à Paris, m'aurait assigné.

D. Le plan a donc été conçu et devait être exécuté d'accord avec les ci-devant Princes français.

R. Oui, citoyen juge.

D. Vous avez conféré avec les ci-devant Princes en Angle

terre?

R. Qui, citoyen.

D. Qui devait fournir les fonds et les armes?

R. J'avais depuis long-tems les fonds à disposition; je n'avais pas encore les armes.

D. Pichegru, n'était-il point dans cette conspiration?
R. Je n'en ai point connaissance.

D. Moreau n'y était-il pas !

R Je ne l'ai jamais vu ni connu.

D. Avez-vous eu des relations avec Pichegru ?.

R. Je l'ai vu deux ou trois fois à Londres sans parler du projet que je viens de vous révéler.

D. N'avez-vous pas voyagé avec lui en France, et ne l'ayezvous pas vu à Paris?

R. Non, citoyen, je n'ai pas voyagé avec lui, et je ne l'ai point vu à Paris.

D. En quel lieu avez-vous été arrêté aujourd'hui à Paris? R. Je ne sais à quel endroit; je sais seulement qu'on a dit que c'était près de l'Odéon.

D. Que s'est-il passé au moment de votre arrestation ?

R. J'étais dans un cabriolet lorsqu'on se présenta pour m'arrêter. J'étais muui de deux pistolets chargés. J'ai tiré deur coups. Après avoir tiré le premier sur un homme qui s'était jeté à la bride de mon cheval, j'ai sauté par terre ; un autre homme ayant couru après moi, j'ai tiré le second coup; on a prétendu que j'avais tué un homme, je l'ignore.

D. Quel motif a pu vous déterminer à tirer un coup de pistolet sur un homme?

R. La nécessité de repousser la force par la force,

D. N'est-ce pas parce que vous étiez convaincu qu'il était impossible que vos projets criminels ne fussent découverts et pour vous soustraire aux recherches de la justice?

R. J'ai tiré sans réflexion.

D. Que sont devenus les pistolets que vous aviez sur vous?
R. Je l'ignore; je crois qu'ils sont tombés.

D. Pourquoi étiez-vous muni de ces deux pistolets?
R. Ponr ma défense personnelle.

D. Représentation à lui faite d'un poignard à manche d'ébène, garni en argent, dont la lame est à quatre quarts, creux, bronzé, et doré, ayant une gaine en argent, et inter pellé de déclarer s'il reconnaît le dit poignard?

R. Oui, citoyen, j'en étais porteur au moment de mon

arrestation.

D. Ce poignard n'a-t-il point été fabriqué en Angleterre? R. Oui, citoyen.

D. N'est-ce pas le controle anglais qu'on y voit?

R. Je n'en sais rien; je puis assurer que je ne l'ai point fait controler en France.

D. Tous les chefs de la conspiration ne sont-ils pas porteurs de pareils poignards?

R. Je ne connais d'autres chefs que moi,

D. N'avez-vous point pour domestique Louis Picot?
R. Je n'ai pas de domestique.

D. Les hommes à la soide des chefs de la conspiration ontils de pareils poignards?

R. Je ne connais point d'hommes à la solde des pretendus conspirateurs?

D. Au lieu d'attaquer de vive force, n'était-ce point avec un poignard de cette nature que, secondé par des conjurés, vous vous proposiez d'assassiner le Premier Consul.

R. Je devais l'attaquer avec des armes pareilles à celles de son escorte et de sa garde.

D. Des uniformes n'étaient-ils pas commandés pour enrégimenter ceux qui étaient dans la conspiration, et devaient sonner le tocsin de la guerre civile en France?

R. Je n'ai commandé aucune uniforme; si d'autres en ont commandé, cela ne me regarde pas ; je vous observe, que la preuve que je ne voulais pas engager la guerre civile, c'est que je venais pour exécuter le plan à Paris, lorsqu'il m'était possible d'armer les citoyens contre les citoyens dans d'autres parties de la France.

D. N'avez-vous pas depuis peu voyagé dans la Bretagne ? R. Non, citoyen.

D: Combien avez-vous fait, depuis deux ans, de voyages en Angleterre, et d'Angleterre en France?

R. J'ai été une fois en Angleterre, et suis revenu en France? D. N'étiez-vous pas en Angleterre à la tête d'un corps armé et payé par le trésor Anglais ?

R. Non, citoyen, plusieurs officiers que je commandais dans l'Ouest sont passés en Angleterre ; mais ils n'y étaient point employés, je ne l'etais point davantage.

Représentation à lui faite d'un sabre dont la lame est un damas de Turquie, la monture et le foureau en argent massif, le ceinturon en maroquin vert brodé en argent, avec plaque et agraffe en argent, et à lui demandé s'il le reconnait?

R. Non, citoyen.

A lui observé qu'il ne dit pas la vérité, et que c'est lui qui a commandé, payé et emporté le dit sabre de chez un fourque nisseur à Paris?

A persisté à répondre que non.

Lecture à lui faite du présent interrogatoire et de ses réponses, a dit icelles contenir verité, y a persisté et a signé avec ous et le commis-greffier susnommé, qui est demeuré chargé des dits poignard et sabre pour en faire le dépôt au greffe du dit tribunal. (signé en cet endroit de la minute)

GEORGES CADOUDAL, THURIOT, FREMIN, LEGROS, ET
QUDARD,

No. XXIII.

Interrogatoire de Couchery, du 8 Germinal, an 12.

Par devant le conseiller d'état spécialement chargé de l'iastruction et de la suite de toutes les affaires relatives à la tranquillité et à la sûreté intérieures de la république, a été amené un individu, arrêté comme prévenu d'intelligence avec les eanemis de l'état, à l'interrogatoire duquel il a été procédé ainsi qu'il suit:

D. Quels sont vos noms, prénoms, age, profession, lieu de naissance et demeure?

R. Je m'appelle Victor Couchery; je suis né à Besançon; âgé de 32 ans ; je demeurais rue Vieille Saint Marc, No. 14. D. Depuis quel tems avez-vous quitté ce domicile?

R Depuis le 25 Pluviose.

D ́ Quel en a été le motit?

R. J'étais employé chez le général Moncey, j'en fus renvoyé comme prévenu de correspondance avec le général Pichegru, et ayant appris qu'on était instruit de la présence du général Pichegru à Paris, j'ai craint d'être inquiété.

D. Où avez-vous demeuré depuis le vingt-cinq Pluviose? R. En divers endroits: je n'étais que depuis hier dans celui où j'ai été arrêté, rue de Babylone, No. 698, c'est ma belle-sœur qui m'a reçu.

D. Quelles relations avez-vous eues avec Pichegru lorsqu'il était à l'étranger, et depuis son retour à Paris?

R. Lorsque Pichegru était à Londres, je n'ai eu avec lui aucune correspondance directe; j'écrivais seulement de tems en tems à mon frère. A l'époque du retour de Pichegru à Paris, j'en fus instruit par le général Lajolais, que j'avais connu précédemment.

D. Lajolais en se rendant à Londres, vous a-t il fait part du but de son voyage au mois d'Août dernier?

R. Je n'ai pas su que Lajolais se rendit à Londres, au mois d'Août dernier, j'ai cru qu'il se rendait dans son pays, et il m'avait dit avoir obtenu une place de président d'un directoire d'hôpital militaire. Il me dit, eu m'annonçant le retour de Pichegru, qu'il venait ici pour voir ses amis, changer son sort, et particulièrement achever son raccommodement avec le général Moreau.

D. Où avez-vous vu Pichegru?

R. Je l'ai vu une fois en fiacre rue de Grenelle, Saint Honoré; il était sept à huit heures du soir; une seconde fois dans une maison, uue du Carême-prenant, au faubourg du Temple; une troisième fois à Chaillot. A cette dernière époque, j'ens connaissance, tant par les papiers publics que par diverses personnes dans la société, qu'un homme traduit devant une commission militaire, Querelle, avait fait des révélations des

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