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guera, à jour et heures fixes, avec une quantité convenue de soldats et d'armes.

Avant, je mettrai dans les places fortes des officiers sûrs et pensant comme moi,

Dès que je serai de l'autre côté du Rhin, je proclame le Roi, j'arbore le drapeau blanc; le corps de Condé et l'armée de l'empereur s'unissent à nous; aussitôt je repasse le Rhin et je rentre en France.

Les places fortes seront livrées et gardées au nom du Roi par les troupes impériales.

Réuni à l'armée de Condé je marche sur-le-champ en avant; tous mes moyens se déveloperont alors de toutes parts, nous marchons sur Paris, et nous irons en quatorze jours.

La nécessité de faire part aux Autrichiens et de se concerter avec eux, déplaît.

On revient aux premières propositions,
Heureusement on ne s'accorde pas.

On se forme facilement l'idée de la conduite que Pichegru doit néanmoins tenir.

Bientôt un armistice facilite les moyens de renouer la correspondance entre lui, ses affidés, le ci-devant Prince de Condé et le commissaire anglais, Wickham.

Le bureau en est fixé à Offembourg.

Un des agens principaux de ce bureau est arrêté à Strasbourg comme espion. Pichegru s'empresse de le faire relá

cher.

De nouvelles propositions lui sont faites. Il rejette celle de livrer Strasbourg; il fait dire au ci-devant Prince de Condé qu'il aime autant que lui le Prétendant, et persiste à demander qu'on lui laisse diriger son armée vers son but.

Une lettre numérotée seize, atteste ces faits.

Tout semblait en effet se préparer, et Wickham en était si convaincu qu'il ne dormait plus, tant il était occupé de l'espé rance du succès.

Il fallait des fonds, on en annonça.

Wickham, qui avait d'abord parlé de cinq cent mille livres, fit dire au ci-devant Prince de Condé, qu'on était résolu d'em ployer jusqu'à douze millions.

Les lettres numérotées soixante-un et soixante-cinq le pore tent.

Un incident survient.

Pichegru est dénoncé au Directoire.

Il veat se rendre à Paris pour s'expliquer, et profiter de cette circonstance pour connaître l'esprit des Sections. Des fonds de Wickham lui sont offerts; il accepte 900 Louis, en

montant en voiture.

La lettre numérotée 162 en dépose.

Arrivé à Paris, sans lui en dire les motifs, on lui offre l'Ambassade de Suède; mais il demande un congé d'un mois, et vient à l'armée du Rhin.

عام

Il a une conférence avec un affidé dont parle la lettre instructive numérotée 186.

Elle est du 16 Floréal, an 4.

L'adresse est à une tierce personne; mais elle est réelle ment pour le ci-devant Prince de Condé, pour Klinglin et Wickham. Réjouissez-vous, dit-il; enfin Pichegru nous est rendu, plus aimable et surtout plus savant que jamais. J'ai pris le parti de lui faire remettre hier adroitement une lettre par mon gendarme; un oui m'a indiqué le rendez-vous pour ce matin, et j'ai eu la vive satisfaction de l'embrasser. Notre conférence a été de trois heures: on a beaucoup à dire quand on aime; et quoique nos affaires de Paris ne soient pas au point où Pichegru et nous tous l'eussions désiré pour les intérêts du Prétendant, vous n'en admirerez pas moins les vastes et sages calculs de Pichegru qui, maintenant, m'a amplement communiqué son plan, et qui a décidément fixé les opérations à entamer.

J'ai obtenu de Pichegru, vu la haute conséquence de la chose et l'extréme responsabilité qui pèse sur mes écrits la promesse de rédiger allégoriquement la substance de ce qu'il m'a dit. Peut-être aussi aurai je un tout petit mot de sa main, ce que je souhaite bien, en attendant je vais rendre compte de ce que Pichegru m'a dit.

A son arrivée à Paris, le Directoire lui écrit, comptant, tirer de lui une réponse à publier, pour montrer qu'il avait sa confiauce. Pichegru, au bout de huit jours seulement, répondit d'une si singulière manière, que cet écrit ne fut pas ostensible; le Directoire en fut piqué, et montra son déplaisir à Pichegra, qui, loin de s'intimider prit un ton qui lui- en imposa. En général, tous les gouvernans le craignent, parce qu'il a tout Paris bons ou mauvais pour partisans. Pichegru pendant son séjour, s'est appliqué à connaître à fond, l'esprit public: il y est parvenu; mais il avoue qu'il ne s'attendait pas à le trouver si erroné. Généralement tout ce qui n'est pas jacobin demande le gouvernement d'un seul. Les grosses têtes meine et le Directoire en voient le besoin et le désirent; mais on est bien divisé sur le choix à faire: la très-grande pluralité (ce qui étonne Pichegru) est pour d'Orléans; Carnot du di rectoire même, en est le plus zélé partisan. La mère d'Orleans qui est à Paris, et que Pichegru a refusé de voir, a l'air de s'y refuser disant que son fils serait assassiné le lendemain de sa promotion; enfin, les gens sensés que Pichegru a vus en grand nombre, conviennent tous, qu'il y aurait une guerre civile interminable si d'Orléans ou le Grand Bourgeois (le Prétendau) étaient d'abord installés: elle ajoute aussi, qu'il est plus qu'évident pour elle, que le sang coulerait plus fort que jamais, si ce dernier (le Prétendant) rentrait sans palliatifs et avec l'intention prononcée de se remettre comme il était Pichegru assure qu'il faut au Prétendant la plus haute philosophie pour ne pas heurter les opinions d'un siècle

erroné et perverti; que ce n'est que par le tems que tout peut se rectifier; qu'il faut surtout assurer et pénétrer tout le monde d'un gardon général, sauf à sévir, s'il le faut, quand on sera une fois solidement établi : toutes ces considérations qui ne sont pas aussi favorables que Pichegru s'y attendoit lui ont fait décidément rejeter son plan, qui, à son avis, et à celui des plus zélés pour le grand Bourgeois (le Prétendant) auquel il l'a communiqué, ne peut être que le seul qui'puisse donner tout l'avantage qu'il y a à espérer pour le grand Bour geois (le Prétendant) et déjouer les d'Orléans, qui font nécessairement couler un argent plus immense dans toutes les veines de la grande Cité; argent qui, dit Pichegru, ne peut être fourni que par un étranger et qu'on devrait tâcher sous main de rendre nul.

Voici donc ce que Pichegru juge à propos de faire d'abord les Autrichiens doivent rompre aussitôt la trêve: attendre les dix jours et pas une minute de plus; fondre dessus l'ennemi avec une impétuosité aveugle, et telle qu'elle produise aussitôt des succès marquans: ne pas cesser de poursuivre, mettre le Prétendant et les siens dans des positions telles que si même il était forcé d'agir, les nôtres voient évidemment qu'ils cherchent à ménager leurs compatriotes: cela est nécessaire, et battre, si possible sur tous les points; le résultat de cela sera, sur de solides raisons de probabilité qu'a Pichegru, qu'il sera rappelé à la tête de son armée pour arrêter les progrès de l'ennemi. Alors, Pichegra demandera une trêve, et les Autrichiens l'accorderont, en déclarant qu'ils sont intentionnés de ne traiter qu'avec Pichegru seul. De cette combi❤ naison, dit Pichegru, il résultera un coup de théâtre imprévu, mais qui me paraît, d'après l'assurance avec laquelle Pichegra me l'a dit, calculé avec étendue chez une partie majeure des gouvernans et du Directoire même. Ce coup de théâtre sera qu'on appellera Pichegru à la dictature; alors il est évident que toute concurrence de parti cesse. Les d'Orléans seront joués, et Pichegru, environné d'une confiance illimitée, fondée sur l'estime qu'on a de lui, proclamera l'ultimatum de la volonté..

Il nous est aisé de concevoir que les intérêts du Prétendant seront en très-bonnes mains, et Pichegru, sans doute bien fondé, croit le plan immanquable, et comme on le voit, tout dépend maintenant des Autrichiens.

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Pichegru rejette comme absolument nuisibles aux grands intérêts, toutes tentatives partielles qui attireroient des forces énormes et terrassantes, qui n'entraîneraient que des torrens de sang, et une scission indéfinie.

Voilà ce que m'a dit Pichegru dans le premier entretien, il m'en a promis un second dans peu. Ce sera alors sans doute ou allégorie qui amplifiera ce que j'ai dit. Pichegru ne restera pas long-tems chez nous. Ilira chez lui pour voir ce

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qui s'y passe. Je lui ai promis de lui donner les noms de ceux du Jura auxquels il peut sûrement s'adresser. Je le puis, mais pour être plus sûr de mon fait, il sera prudent que le Bour geois (le Prétendant) m'en trausmette aussi au plutôt. Je tácherai que Pichegru me donne de ses nouvelles de là; à cet effet je lui proposerai le chiffre en musique, et il enverra ses nouvelles par un agent particulier.

Pichegru se plaint d'indiscrétion. Le Directoire lui dit que le nommé Bassal, qui était à Bale, l'avait dénoncé pour être en intelligence avec Condé, et qu'il en avait les pièces probantes en main.

A Chalons, on lui a tenn d'autres propos. Pichegru ne se loue pas de la discrétion des émigrés; il trouve aussi que notre manière d'écrire en blanc est très-mauvaise, étant très-connue: il m'a conseillé le chiffre.

: Présentez au grand Bourgeois (le Prétendant) les sentimens de zèle et de dévouement qui vous sont connus.

La troupe file vers Bas-Rhin; la 25me demi-brigade, venant de Huningue, passa par ici.

Que pas un mot de ceci ne transpire des Cabinets émigré et Autrichien.

Je n'écris pas directement au premier (Condé) à cause du chiffre que je mets sous le blanc, &c.

Nous remarquons que la force majeure des nôtres sera à Sambre et Meuse, mais attaquez partout ; le Général Moreau, que Pichegru dit n'être pas tout-à-fait de son genre, est allé hier à Trèves pour se concerter avec Jourdan, que Pichegru dit être fort douteux. Le bruit court que nous avons levé la trêve; je le voudrais. J'ai oublié de dire que Pichegru m'a assuré qu'il n'a pas encore accepté l'Ambassade, &c. Piche gru trouve que la mort de Charette et nos succès en Italie font du mal et enflent nos drôles.

# Cette lettre arrivée dans la nuit du 3 au 4 Floréal est à l'instaut copiée et envoyée à Wickham et au Prétendant, qui était au camp du ci-devant Prince de Condé.

Le commandement avait été confié à Moreau, cependant, au nom du Prétendant, on presse de nouveau Pichegru de livrer Strasbourg.

Sau réponse, qu'on trouve dans la 197 ème lettre, est que l'influence qu'il a sur les meneurs et sur le Directoire n'est pas de nature à pouvoir oser les porter à abandonner Stras bourg au Prétendant, qu'une ouverture de ce genre lui ôterait évidemment et saus succès la confiance qu'on a en lui, et dout, d'après le plan qu'il a transmis, il ne peut se servir efficace. ment que lorsqu'il aura le pouvoir en main.

Que Strasbourg n'est qu'un faible accessoire au résultat qu'il médite; que d'ailleurs si les Autrichiens poussent vigoureusement et coupent l'armée de manière que Strasbourg reste isolé, il pourra être emporté par la présence seule du Préten.

dant et par une suite naturelle des opérations, vu que cette place est dépourvue de tout.

Qu'à mesure que les succès des Autrichiens seront marquans, il est probable que les individas portés pour le Prétendant, et disséminés maintenant dans Strasbourg, se lieront et forme ront un noyau, dont on usera de toutes ses forces pour remplir les vœux du Prétendant, &c.

Comme la présence de Pichegru à Strasbourg pouvait fortifier les soupçons et nuire aux opérations qu'il avait conseillées, il passe dans le Jura, avec l'intention de tout y disposer pour que Strasbourg en soit au besoin secondé.

Il témoigne le désir de recevoir des fonds. Sur-le-champ on s'adresse à Wickham pour qu'ils soient faits d'une manière ou d'une autre. La 222ème lettre s'explique nettement sur ce point.

Le ter. Prairial, les généraux Autrichiens, en exécution de son plan, font déclarer la cessation de l'armistice.

Il se rend à Besançon pour mieux observer les événemens, Tous ses efforts et tout l'or répandu par Wickham ne purent empêcher l'armée du Rhin d'être triomphante `jusqu'au commencement de l'an 5.

Il avait renoncé à l'Ambassade, Au moment de la retraité de l'armée sur le Rhin, il se trouvait encore à portée pour trahir..

Toute la correspondance l'établit.

La pièce numérotée 272, annonce que Wickham' a fait passer une lettre et de l'argent à Pichegru.

Que Pichegru, qui doit aller à Paris, est pleinement cavé pour les grands coups.

Pichegru désespérant de recouvrer le commandement de l'armée du Rhin, avait formé le projet de tâcher de s'ášárer un autre pouvoir à Paris.

C'est dans cette intention qu'il s'est fait nommer 'membre du corps législatif.

On sait quel rôle il y a joué, combien il fut fidèle à la cause. du Prétendant,

On connait ceux qui étaient arrivés avec les mêmes dispo sitions. Personné n'ignore combien ils ont trompé d'hommes vertueux, et combien as eussent fait de victimes si leurs projets eussent été entièrement exécutés.

La journée du 18 Fructidor sauva la France; mais malheureusement elle fit verser bien des larmes à l'innocence: et les actes qui la suivirent ne furent pas assez réfléchis,

Plus de quatre mois avant cette journée, Moreau avait dans ses mains les preuves de la trahison de Pichegru, et il avait gardé le silence.

Il l'avait gardé, lorsqu'il voyait l'influence dangereuse que Pichegru exerçait sur le corps législatif.

Instruit par le télégraphe, dans la matinée du 18, des

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