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porté la mal-adresse jusqu'à à ce point. Soixante millions tournois sont d'ailleurs bien peu de chose pour les frais d'une troisième coalition qui deviendrait plus funeste que les deux premières aux princes qui y prendraient part et qui finirait par ruiner leurs finances et leur avenir.

Toutes ces considérations conduisent à rechercher un autre emploi des fonds extraordinaires et secrets, que le parlement a accordé sans examen. On ne peut douter qu'ils ne soient destinés à solder une partie des volontaires: ne voulant pas plus les payer d'une manière uniforme, que les solder tous, et cherchant à effacer par l'accord de l'argent les dissonances de dispositions et d'opinions qui résultent de l'état violent dans lequel se trouve l'Angleterre, on s'est réservé toute facilité à cet égard, en déguisant cette dépense sous la dénomination commode de fonds extraordinaires pour dépenses se

crètes.

Mais 60 millions tournois ne suffiront pas à des besoins aussi réels et aussi étendus? Ce hill ouvre un nouveau gouffre qui achevera d'engloutir les finances de l'Angleterre. On commence par 60 millions, on finira par trois où quatre cents. Dans un pays où les fortunes sont aussi inégalement réparties, dans un pays manufacturier comme l'Angleterre, lorsque par la conduite irréfléchie du cabinet, un grand nombre d'hom mes vivant du travail de leurs mains sont enlevés à leur industrie, que la plupart des manufactures chomment, il faut nécessairement solder les ouvriers sans travail, et cette nuée de nouveaux soldats destinés à garder les côtes. Le mal s'étend à mesure que la prospérité publique s'altère, et personne ne niera que l'activité de ces nombreuses manufactures ne soit en Angleterre l'un des élémens nécessaires de la pros périté publique.

Et s'il est probable que le commerce extérieur qui seul anjoud'hui sontient l'Angleterre, éprouvera par les événemens de la guerre des échecs considérables, il faut avouer que la situation de ce pays ne peut qu'empirer sans cesse.

Ce n'est pas avec des discours véhémens tenus au sein du par◄ lement, ce n'est pas avec un grand nombre de folliculaires soldés et de libellistes à gages, ce n'est pas avec quelques entreprises honteuses et criminelles, telles que celles de Drake et de George, que l'on conserve a une nation le commerce du monde," et cette industrie qui imposait des tributs à l'Europe. L'histoire des peuples et des siècles démontre que la prospérité des états ne se maintient que par la sagesse, par la modération, et par des entreprises telles que la vertu ne les puisse désavouer.

5 Août 1804.

Paris le 16 Thermidor.

Copie de la lettre écrite par M. le grand-chancelier de la légion d'honneur, à son éminence M. le Cardinal Légat.

Monsieur le cardinal Légat,

Votre éminence a reçu de S. M. I. dans le temple des Invalides, le jour de la prestation du serment des membres de la légion d'honneur, la grande étoile de la légion.

J'ai l'honneur de transmettre à votre éminence la lettre qui constate sa nomination.

Vous êtes le premier étranger, M. le cardinal, à qui S. M. I. ait donné la décoration de l'aigle de la légion d'honneur.

Cette distinction était dûe au digne représentant du souverain pontife, au prélat illustre, à l'homme d'état habile, au ministre conciliateur que la France chérit et que l'Europe estime. J'éprouve une satisfaction très-vive, M. le cardinal légat, à vous exprimer ces sentimens au nom de S. M. 1.; et à prier votre éminence d'agréer le témoignage particulier de ma trèshaute considération.

(Signé) Le grand chancelier de la légion d'honneur, LACÉPÈDE.

14 Août, 1804.

ALLEMAGNE.

Ratisbonne, le 6 Août, (18 Thermidor.)

Le 18 mai 1801 (28 Floréal an 9), S. M. le roi de Suède, en sa qualité de duc de Poméranie a fait communiquer aux trois collègues de l'empire, par son ministre à la diète, M. le baron de Bildt, une note, dans laquelle il invite ses co-états à témoiguer leur reconnaissance envers S. A. S. l'archiduc Charles qui a sauvé deux fois l'Allemagne méridionale de l'invasion de l'ennemi, pour l'érection, à Ratisbonne, d'une statue colossale, représentant ce prince, et à laquelle tous les états de l'empire contribueraient.

Déclaration du roi de Suède, présentée le 26 Janvier 1804 à la diète générale de l'empire, relativement au maintien des droits et de l'existence politique de la noblesse immédiate de l'empire.

Le soussigné a reçu l'ordre de S. M. le roi de Suède, comme duc de Pomeranie antérieure, son très-gracieux roi et maître, de déclarer;

“Que S. M. le roi, toujours animé de la plus vive sollicitude pour le bien-être de l'empire germanique, n'a pu voir avec indifférence et en silence les entreprises inconstitutionnelles par lesquelles plusieurs princes d'empire ont, en dernier

lieu porté atteinte aux anciens droits d'une partie de la noblesse immédiate et à son existence politique, qui lui est assurée par la constitution et la dernière loi de l'empire; elle s'est au contraire crue obligée de représenter à la diète de l'empire, qu'il est de la plus haute importance d'arrêter et de prévenir, pour l'avenir, de pareils désordres et démarches arbitraires. Le roi suppose, en conséquence, que ses co-états se réuniront à la résolution qu'il a prise, de prier sa majesté impériale, qu'en vertu de son autorité et de ses droits, comme chef suprême de l'empire, elle veuille bien employer les moyens que la Providence a mis entre ses mains, afin de maintenir intacte la constitution germanique, et de redresser les entreprises dirigées contr'elle. Quant aux abus prétextés par lesdits princes de l'empire, qui peurent s'être introduits dans le cours de plusieurs siècles, S. M. le roi est persuadé que l'empereur et l'empire, lorsqu'ils en seront priés par les états d'empire inté ressés, les feront examiner scrupulensement avec la plus sévère justice et les feront mettre dans leur véritable jour, afin que justice soit faite à un chacun, et qu'à l'avenir il ne soit plus donné lieu à de pareilles dissentions, qui peuvent avoir les suites les plus dangereuses.

"S. M. est également convaincue que la délibération qui pourra être ouverte sur cet objet entre l'empereur et l'empire, aura lieu avec l'harmonie et la bonne intelligence réciproques, si nécessaires au bien général, et qu'en conséquence la médiation des puissances étrangères, dans une affaire qui regarde exclusivement les rapports intérieurs de l'empire, sera déclinée, puisque cette médiation serait contraire à l'indépendance et à la dignité de l'empire, et pourrait faire naître l'idée que l'empereur et l'empire sont deux puissances différentes, tandis qu'en effet ils ne forment qu'une, et la même puissance; qu'ils sont unis par les plus saints et inviolables devoirs, et n'ont conséquemment besoin d'autre médiateur que de la constitution et des lois de l'empire.

"S. M. le roi juge donc nécessaire de fixer de nouveau l'attention de l'empire, sur les suites des prises de possession militaires illégales, et de rappeler ce qu'elle a déjà fait connaitre à ce sujet, comme une preuve que S. M. en désapprouvant ces entreprises contraires aux lois, a prévu en même tems les effets préjudiciables de pareils exemples.

"S. M. le roi invite en conséquence ses co-états de faire cesser ces voies de fait, et de considérer que leur propre sûreté, leur indépendancé particulière et celle de l'empire en général en dipendent; puisqu'un état d'empire n'est puissant que sons l'égide de la constitution et des lois, et qu'il ne peut jamais le devenir par des empiétemens violens; car dès qu'il s'en permettra, sa puissance et sa considération reposeront sur des bases chancelantes; le puissant croirait alors avoir toujours droit contre le moins puissant; et l'empire, réduit par les

divisions intestines à un état de dissolution, deviendrait à la fin la proie et le partage des puissances étrangères.

"Pour prévenir à tems de pareils événemens funestes et calamiteux, il est absolument nécessaire que tous les états et membres de l'empire s'efforcent de resserrer les liens de l'union et de la confiance réciproque, et qu'ils s'abstiennent surtout de toute entreprise arbitraire contre la constitution de l'empire, qui est l'objet de leur sûreté commune.”

Note dictée à Ratisbonne, le 14 Mai, 1804.

(24 Floréal, an 12.)

"Sa Majesté le roi de Suède ayant été informée du contenu de la déclaration que sa majesté impériale, l'empereur de toutes les Russies, a fait parvenir à la connaissance de la diète de l'empire, en date du 7 dernier, se croit aussi obligé de 'déclarer que, s'il est question de garans de la constitution germanique, il peut se compter comme roi de Suède, et à juste titre, d'être un des plus anciens, étant garant de la paix de Westphalie; mais que cependant sa majesté n'a pas cru nécessaire d'énoncer ses sentimens, comme garant de la cons titution, dans l'affaire en question, croyant toujours que le chef de l'empire ferait connaître sa manière de penser et d'agir à la diète.

"Les sentiments du roi sont, an reste déjà trop connus et trop souvent énoncés à la diète sur les affaires d'Allemagne, pour que sa majesté puisse croire qu'il est nécessaire de les répéter dans cette occasion."

On vient de lire les étranges déclarations que le roi de Suède a adressées à la diète de Ratisbonne. Rien ne serait plus frappant que l'inconséquence de ces démarches de la part du souverain de la Suède, si le ridicule dont elles sont empreintes ne frappait encore davantage. Quoi ! lorsque la Pologne a été partagée sous vos yeux, lorsque l'empire Ottoman affabili n'existe qu'autant que les puissances limitrophes de vos états le permettent; lorsque la France, en fermant ses ports aux bâtimens de votre nation, peut nuire si essentiellement à votre commerce; sans être provoqué, sans y être porté par aucun motif, vous vous plaisez à insulter chaque jour la France!

Lorsque Gustave maîtrisait la guerre de trente ans, c'était avec l'assistance de la France, et avec cette force de génie et de volonté inhérente à toutes les déniarches d'un grand-homme; la Pologne était alors respectable, la Turquie existait dans toute sa vigueur, et la Russie n'avait encore aucune existence en Europe.

Mais de quel droit et dans quelles vues excitez-vous le corps germanique contre la France? lorsque l'Allemagne se trouvait engagée dans une guerre désastreuse par les instigations de la

Suède, vous avez été le premier à faire votre paix, et vous avez envoyé des ambassadeurs résider à Paris. Durant toutes ces crises, le corps germanique n'a point entendu parler de vous; mais à peine la paix a-t-elle été conclue, que vous vous étes empressé de lui donner sigue d'existence, et vous avez demandé qu'une statue fût élevée au 'prince Charles.

Ce prince a acquis de la gloire, et l'estime que lui a accordé l'Allemagne, la France est la première à la lui porter. Est-ce donc avec vos troupes qu'il l'a acquise? Si vous êtes membre de l'empire, pourquoi n'avez-vous pas secouru l'empire avec vos armées? Si vous êtes un des garans du traité de Westphalie, pourquoi avez-vous fait votre paix avant que l'empire'd'Allemagne eût fait la sienne?

Comment se fait-il que vous soyez seul à ne pas sentir à quel point vos démarches à Ratisbonne sont importunes pour le corps germanique même? Pendant que vous vendez vos villes, vous allez débattre des intérêts fantastiques en Allemaghe; pendant que vous recevez l'hospitalité à Bade, vous outragez votre beau-père: il n'est pas une époque de votre séjour à Carlsruhe qui n'ait été marquée par un juste motif de plainte pour ce prince. Enfin, pendant que vous êtes chez votre beau-frère, l'électeur de Bavière, vous signez et datez de Mu rich une note contraire à ses intérêts; et alors ce prince était affaibli par la guerre; il était environné d'armées; il était au moment d'être envahi; il aurait eu besoin de votre assistance, si votre bras eût pu être de quelque secours; et c'est sa ville capitale que vous choisissez pour écrire contre lui!

Vous étes jeune encore; mais lorsque vous aurez atteint l'âge de la maturité, si vous lisez les notes que vous improvisez en courant la poste, vous vous repentirez assurément de n'avoir pas suivi les conseils dé ves ministres expérimentés et fidèles; vous ferez alors ce que vous auriez dù faire toujours; vous n'aurez en vue que le bonheur de vos sujets, que le bien. de votre patrie; ce qu'elle a fait pour vous et pour vos ancêtres exige que vous ne sacrifiez pas ses intérêts à de vaines et fans tasques passions. Vous ne tenterez que ce que vous pourrez, et vous ne pousserez pas le corps germanique à la guerre, ne pouvant rien faire pour le succè, de la guerre, de cette guerre dans laquelle votre beau-père et votre beau-frère feraient probablement cause commune avec la France.

Et alors si l'intérêt de la Baltique vous conduit à vous réu nir au Danemarck, vous sentirez que cet intérêt est véritable ment le vôtre, qu'il est lié à la sûreté de vos états, à la dignité de votre couronne, et à la gloire de votre nation. Vous aurez pris vos précautions de manière que vos côtes ne seront pas dégarnies, et que des flottes ne passeront pas impunément à demi-portée de canon de vos rivages pour aller bombarder Copenhagen. Ce n'est point par de tels trophées que vos an cêtres ont acquis de la gloire et mérité de belles pages dans

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