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fortune à des propositions qui, conseillées par la crainte et présentées par la faiblesse, n'auraient promis que l'humiliation pour résultat.

Heureusement, Messieurs sous ce rapport encore de nos relations extérieures sur le continent, deux ans ont amené de rassurantes, et honorables améliorations.

L'occupation du Hanovre était nécessaire, indispensable.
L'Empereur le voulut, l'ordonna, l'exécuta.

Hle fit pour punir la perfidie d'une rupture sans déclara tion; il le fit pour s'assurer d'un moyen de compensation dans une guerre où la prudence pouvait craindre des désavantages dont sa sagesse nous a préservés; il le fit pour mettre des entraves aux relations inercantiles de ces dominateurs des mers, qui font le commerce par la guerre, et la guerre par le com

merce.

Mais cette occupation, qui, pour la première fois, portait, fixait nos armées aux extrémités du Nord, pouvait alarmer les puissances les plus attachées à notre cause par leur position, les plus unies à notre fortune par leurs intérêts, les plus fidèles à notre alliance par inclination.

Des dificultés se sout effectivement élevées, mais la sagesse, la modération, la confiance dans la foi du cabinet des Thuilleries, son éloignement de toute idée révolutionnaire et d'é orga nisatrice, ont écarté bientôt tous les nuages, et jamais nous n'avons été avec la Prusse dans des rapports mieux établis, dans une correspondance plus d'accord, dans une amitié plus intime.

D'un autre côté, si les changemens qui ont été faits dans le gouvernement français, étaient appelés par l'expérience, indiqués par tous les bons esprits, désirés par les amis éclairés de la patrie, voulus par la nation entière, on ne pouvait songer à les opérer par la création d'une monarchie royale; et le titre impérial pouvait faire craindre de la part de l'empereur d'Au triche, du mécontentement, de la froideur. Le mécontente-ment pouvait s'argrir, la froideur pouvait dégénérer en ressentiment, à l'aide des intrigues de nos ennemis.

De là l'incertitude sur la durée d'une paix récente encore imparfaitement assise; de là la crainte de voir rallumer une guerre désolante, affigeante même pour le vainqueur.

Loin que nos institutions nouvelles aient produit de si funestes effets, l'empereur d'Allemagne et d'Autriche a vu, comme il le devait voir, dans l'établissement de la monarchie en faveur d'une dynastie nouvelle, une garantie donnée à sa couronne, un motif de resserrer son alliance.

C'est dans l'organisation de notre empire, que le sage François II, trouve un gage nouveau de sécurité et de paix, une raison pour écarter ses armées de nos frontières, ou de celles de nos alliés, et pour ne pas tenir ses tronpes sur le pied de la guerre. Enfin, de tous les nuages que la jalousie ou la haine,

la crainte ou l'espoir ont élevés, il n'est résulté que des expli. cations heureuses, des assurances solides, de la durée de la paix, du maintien de l'harmonie entre les deux empereurs.

La Bavière, La Saxe, Hesse-Cassel, Bade, Wurtemberg, l'électeur de Ratisbonne, tous les petits princes régnans en Allemagne, l'ordre équestre ont donné à S. M. des preuves multipliées d'intérêt, d'attachement et d'estime.

Les Drake, les Spencer Smith, les Taylor, ont été chassés quand on a su que leur caractère diplomatique honteusement profané par eux, servait à masquer les plus viles, les plus odieuses menées, et que le but de leurs intrigues était la guerre; la guerre dont la génération actuelle, lasse de combats et avide de repos, ne veut plus courir les dangers, dont elle redoute les malheurs, dont elle abhorre les artisans.

Ayant la Prusse et d'Autriche pour allies, où donc, Messieurs, chercherons-nous tes élémens d'une coalition continentale ?

Est-ce en Suède? Le jeune prince qui règne sur cet état, doué d'une chaleur de tête, d'une exaltation d'imagination, préseas funestes pour les rois, quand la raison ne leur commande pas, n'a pas su mûrir ses desseins par la prudence, a négligé d'appeler à ses conseils les sages dont la Suède abonde, et d'éclairer son inexpérience par les lumières de ses vieux

ministres.

Aussi ce monarque a-t-il manqué aux égards dûs à la France, et dans l'effervescence de ses résolutions n'a-t-il gardé aucune mesure avec eile; mais en même tems son imprudente_hardiesse n'a pas usé de plus de ménagemens envers l'Autriche, et il a prouvé par l'inconséquence de ses emportemens que ses démarches étaient sans calcul, ses projets sans maturité, ses volontés sans réflexion, ses passions sans gaide.

Il avait même médité un traité de subsides avec l'Angleterre. Il avait demandé au cabinet de Saint-James 48 millions en échange de 20 mille so'dats; mais les ministres anglais, trafiquant des hommes en Europe comme des marchandises en Asie, évaluant les Suédois comme des Cipayes, ne voulaient donner que 16 millions, et le traité ne s'est pas conclu.

La Prosse d'ailleurs, intervenue dans la négociation, l'a arrêtée, en déclarant que sa conclusion serait le signal de son entrée dans la Pomeranie.

Et quand la sage prudence du cabinet de Berlin n'eût pas défendu le roi de Suède de ses propres erreurs, le sang des Suédois n'est pas de celui qui se marchande et se vende à l'intrigue ou à la tyrannie.

Si la France formait une prétention contraire aux intérêts, à l'honneur de la Suède, Stokholm verrait les descendans des soldats de Gustave s'armer pour la patrie; mais aussi elle les verrait irrités de voir leur sang mis à l'enchère, échangé contre les guinées auglaises, prouver par leur indignation que les guerriers suédois, dont les pères composèrent les armées de Инн 2

Charles XII., ne sont pas faits pour descendre à tant d'abjection et de bassesse.

Où donc chercher le centre, les élémens de cette coalition? Serait-ce dans la Russie? Mais le roi d'Angleterre lui-même. annonce qu'aucune liaison existe avec cette puissance. Il parle de correspondance, et une correspondance entamée n'est pas une alliance conclue.

D'ailleurs la Russie est une grande puissance sans doute, mais cette puissance ne peut rien contre l'empire français. Je vais plus loin. Si les Woronsoff, les Marcoff, peuvent concevoir la pensée de vendre l'influence, la force de la Russie au cabinet anglais, Alexandre a de plus sages conseillers, et forme de plus prudentes résolutions.

Il n'a pas oublié comment les Russes ont été, dans la der nière guerre, traites par l'Angleterre leur alliée, et comment se sout terminées en Suisse et en Hollande, les expeditions faites par de grands généraux et de braves soldats, mais avec des plans inexécutables et sous l'iufluence d'une étoile funeste.

Enfin la froideur entre les cabinets des Thuilleries et de SaintPetersbourg n'est point uue inimitié.

Ils n'ont réciproquement aucun sujet réel de brouillerie, et ce qui depuis trois mois s'est passé entre les deux gouverne inens fait assez connaître que dans cette conjoncture, encore l'Angleterre aura conçu de vains projets, spéculé sur de fausses espérances, si elle a cru convertir sa correspondance en coalition.

Woronzoff peut avoir conçu un tel espoir. Mais qui ne sait que Woronzoff est moins russe qu'anglais; qu'établi en Angleterre, il a la volonté de s'y fixer; et qu'ennemi et dés approbateur de Paul 1er., il l'est egalement de la Grande Catherine.

Le cabinet de Saint-Petersbourg connaît les vrais intérêts de son pays; il aura présent à la pensée l'iusultante audace de Nelson, voulant dicter des lois dans le golfe de Finlande. Il ne pourra se dissimuler que l'attentat qui a été commis dans la Méditerranée, par les Anglais, contres, les frégates espagnoles, contre un régiment presque sans armes, contre des femmes et des enfans sans défense, menace aussi sur toutes les mers les vaisseaux et les sujets du Czar..

Il ne pourra se dissimuler que cet attentat provient du même esprit, des mêmes principes qui firent attaquer le Danemark dans sa capitale, qui peut faire attaquer les escadres russes dans la Mediterannée ou dans la Baltique; esprit de vertige et de fureur qui dominant dans le cabinet anglais, le porte à mépriser toutes les puissance du Continent, à'n'en méniger aucune, et à se regarder comme hors de l'état social, hors de la grande famille civilisée du monde..

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i n'existe done: aucune coalition menaçante ou possible;

mais ce qui garantit le plus sûrement l'empire français de toute crainte, c'est que s'il eût pu s'en former une, l'empereur l'eût attaquée, battue, dissoute, et après la victoire, il eût encore. proposé la paix; il eût encore écrit an roi d'Angleterre cette lettre où il appelle l'humanité au secours de la raison et de l'intérêt du peuple anglais.

Redisons-le donc, Messieurs, un seul sentiment et le plus honorable de tous, a pu porter l'empereur à la démarche glo rieuse qu'il a faite envers l'Angleterre,

Ce sentiment est le même qui, dans une autre situation dicta à S. M. la dépêche qu'elle écrivit avant de passer la Saave et la Drave.

Il est le même qui inspira cette autre lettre au roi d'Angle terre quelques mois avant la bataille de Marengo.

Il est le même encore qui, après le gain de la battaille, fit offrir la paix à l'Autriche par le vainqueur.

Entin, c'est le même sentiment qui, à la paix de Lunéville a décidé sa majesté à sacrifier d'immenses conquêtes, et plus de 20 millions d'habitans soumis par les armes françaises.

C'est l'amour de l'ordre social, l'amour de la patrie, le saint amour de l'humanité, si souvent professé dans de vains discours, si rarement mis en action, et qui toujours respecté par l'empereur, toujours pris pour guide dans ses démarches, a été le gage et la consolation de ses succès. Vous allez, Messieurs, en retrouver les touchantes et augustes expressions dans la lettre que je vais vous lire.

(L'orateur donne lecture de la lettre de S. M. l'empereur au roi d'Angleterre, et de la réponse du ministre anglais. Voyez l'art. sénat.

Comparerai-je à présent, Messieurs, les deux monumens dont l'histoire s'est déjà emparée ?

Vous ferai-je remarquer dans l'écrit français, la franchise, l'élévation, la force: dans l'écrit anglais, la ruse, la duplicité, la faiblesse ?

Ici, tout est précis et noble, tout est empreint de dignité et de grandeur: la guerre est menaçante mais généreuse; la guerre est menaçante mais subordonnée à ce rare courage qui fait sacrifier l'attrait des conquêtes, l'éclat de la victoire, les allusions même de la gloire, aux cris de l'humanité, aux larmes de cent mille familles nationales ou étrangères qui demandent la paix aux cieux et à leurs monarques,

Là, tout est hésitation et incertitude: on répond par des suppositions à des réalités; on oppose un avenir équivoque à un présent hors de doute; on oppose à une ouverture franche la possibilité d'une coalition qui, existat-elle, n'épouvanterait ni la nation ni sou empereur, qui, subsistante ou vaincue, ne ferait ni croître ni restreindre leurs prétentions, n'ajouterait ni ne retrancherait aux conditions de la paix écrites dans le traité d'Amiens.

Si, dans la communication qu'elle semble annoncer, l'Angleterre parle un langage plus digne de l'onverture qu'elle a reçue, la paix peut renaître.

Mais si cette occasion unique, qui semble offerte par le maître de tous les empires, de rétablir la paix de l'univers, est manquée par l'Angleterre, l'Europe entière reconnaîtra que le cabinet de Londres seul à voulu, qu'il veut, qu'il voudra seul la guerre.

Et si la réponse par laquelle le roi d'Angleterre, en l'an 8, repoussa les nobles ouvertures de paix faites par S. M., est déjà jugée; si, pour la conduite des Anglais à cette époque, la génération actuelle est déjà la posterité; si une des parties des grandes prospérités de la France et de la crise où est l'Angleterre, résultent du refus fait d'entrer alors en négociation, J'ai lieu de penser, Messieurs, qu'une cause pareille produira de semblables effets; qu'un nouveau refus, non moins coupa ble que le premier, nous préparera de nouveaux avantages, et que la postérité qui, dans cette seconde circonstance, jugera le ministère anglais, prononcera entre l'empereur de France et le roi de la Grande Bretagne, n'est pas loin de nous.

D'un autre côté, un si digne, un si honorable usage du pou voir dont le peuple ainvesti Napoléon 1er, excitera dans l'empire un sentiment unanime de reconnaissance et d'amour. Cette fois au moins nous aurons des grâces à rendre à ce cabinet britannique, qui, par la publicité équivoque, donnée à la plus franche des communications, a nécessité cette explication solennelle, cet épanchement sans réserve de l'empereur envers son peuple. Nous féliciterons la France d'avoir acquis la preuve, qu'en donnant le trône à Napoléon, les citoyens se sont donné un père jaloux de leur bonheur, économe des trésors de l'étas, et avare du sang de leurs enfans.

M. le président répond en ces termes :

Messieurs les orateurs du gouvernement, le tribunat partage depuis long-tems, les sentimens d'indignation que doit inspirer à l'Europe la cupidité insatiable du gouvernement anglais, qui sans oser l'avouer d'une manière formelle, cherche à mettre au nombre de ses prérogatives, l'empire absolu et exclusif des mers, et le droit de s'emparer du commerce et de l'industrie de tous les peuples. On ne doit pas dès lors être étonné qu'il élude toute espèce d'ouverture de paix, qu'il accumule les abstacles, que les propositions les plus modérées lui paraissent inadmissibles, et que sa politique soit incertaine et vacillante.

Le gouvernement doit être bien convaincu que le tribunat concourra de tous ses efforts et de toute son influence, au maintien de la gloire du trône et de l'honneur national offensé.

Sur la proposition d'un grand nombre de membres, le tribunat donne acte à Messieurs les orateurs du gouvernement, de la présentation de la lecture et du dépôt sur le bureau

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