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du message de S. M. l'empereur, et des pièces qui y sont jointes; arrêté que le tout sera inséré au procès verbal, imprimé au nombre de six exemplaires, et distribué à ses membres."

Le tribuuat arrête aussi que le discours prononcé par M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angely, l'un des orateurs du gouvernement, et la réponse du président seront également imprimés au nombre de six exemplaires.

Il nomme pour lui faire un rapport sur cette communication, une commission composée de M. Fabre (de l'Aude) président du tribunat, de MM. Mouricaut et Kock, secrétaires, de M. Faure, président de la section de législation, de M. Girardia, président de la section de l'intérieur, de M. Arnoud, président de la section des finances, et des tribus, MM. Gallois, Freville, Pietat et Dacier.

Cette commission fera son rapport dans trois jours en séance publique.

La séance est levée.

8 Février, 1805.

Sénat Conservateur.

Rapport fait au sénat dans sa séance du 18 Pluviose, au 13, par le sénateur François (de Neufchâteau) président du sénat, rapporteur d'une commission spéciale nommée dans la séance du 15 du même mois.

Messieurs,

"Dans votre séance extraordinaire du 15 de ce mois, S. M. l'empereur vous a fait présenter, par son ministre des relations extérieures, un rapport d'un haut intérêt. Vous l'avez écouté avec l'attention profonde qu'exgigeait du sénat une communication si importante et si auguste. Une commission de cing membres nommés au scrutin a été chargée de présenter au sénat un projet d'adresse, pour exprimer à S. M. impériale les sentimens de gratitude, de respect et d'amour qu'a redoublés dans le sénat ce nouveau témoignage de sa confiance. C'est sur ce grand objet que je viens vous entretenir, au nom de la commission dont j'ai l'honneur d'être l'organe.

"Le résultat de l'examen ne pouvait pas être douteux; personne en France n'a pu lire sans une émotion profonde, fa lettre que S. M. l'empereur a addressée, le 12 Nivose dernier, au roi de la Grande Bretagne.

"La politique tortueuse marche dans les ténèbres. Elle a obligé l'empereur de révéler au monde un secret qui honore tout à la fois son caractère et son gouvernement.

"Peut-être en éludant des offres si loyales, le cabinet de Londres ne s'est-il pas douté de l'avantage immense qu'il allait nous donner sur lui. Du moins, S. M. impériale a prouvé qu'elle ne craint pas la lumière; et commie elle n'est point

capable de combattre dans l'ombré, elle est digne en effet de négocier au grand jour.

"Une première idée nous est venue à ce sujet. Si c'eût été le roi de la Grande Bretagne qui eût provoqué l'empereur, afin de recourir aux voies de la négociation, peut-être sa démarche eût-elle été sujette à être mal-interprétée, car il a été l'agresseur: le public trop souvent complice de la mauvaise honte, accuse de faiblesse celui qui revient sur ses pas. Cependant d'autres circonstances pouvaient faire prévoir un autre résultat. On avait dit qu'on ne pouvait traiter en sûreté avec la République. A raisonner ainsi, on pouvait donc sans crainte se rapprocher de nous, quand nous vivons nous-mêmes avec plus de sécurité, sous un pouvoir héréditaire. On pou vait être sûr que S. M. impériale se serait empressée d'écou ter des principes de modération, et qu'elle n'aurait eu d'autre regrets à cet égard que d'avoir été prévenue. Surtout elle n'eût pas voulu que l'on fit, en son nom, à une lettre franche et si bien motivée, une réponse vague, équivoque, évasive. A l'offre d'un traité direct, elle n'eût jamais répliqué par un appel à des puissances qui doivent y être étrangères. Mais nous n'avons point à partir de cette supposition. La pensée de la paix n'a pu éclore dans l'esprit des conseils du roi d'Angleterre. Quand ils en auraient eu l'idée, ils n'auraient pas cru inspirer assez de confiance pour paraître de bonne foi. Infracteurs du traité d'Amiens, ils n'auraient pas osé en preposer un autre. Voilà ce qui relève encore le prix de cette lettre à jamais mémorable écrite par Sa Majesté, c'est qu'il est impossible aux esprits les plus prévenus de ne la croire pas

sincère.

"D'ailleurs tout en est remarquable. Il n'en est pas jusqu'à la date qui n'ait dû faire naltre une réflexion frappante. C'était le 2 Janvier que S. M. I. préférait au droit du plus fort, la puissance de la raison et les tempéramens d'une mutuelle équité, pour régler la transaction entre l'Angleterre et la France. C'etait donc au milieu des hommages touchans de la nouvelle année; c'était bien peu de jours après les fêtes solennelles du sacre et du couronnement de S. M.; c'était après qu'au Champ de Mars, avait défilé sous ses yeux cette armée formidable qui lui répond de la victoire: c'était alors, Messieurs, que son humanité sublime a conçu cette grande idée en faveur de deux peuples, dont l'un s'est reposé aur elle du soin de son bonheur, et dont l'autre, quoiqu'ennemi, ne peut être insensible à la démarche spontanée qu'elle, faisait pour son repos, Quelle conception vraiment royale et magoanime d'oublier toutes ses injures, de fouler à ses pieds tant de justes ressentimens, et d'immoler tout amour-propre afin de consacrer, par une paix universelle, l'époque fortunée de son avénement au trône impérial! Quel beau présent à faire à l'univers entier, que ce noble projet de réconcilier deux peu

́ples dont les querelles le tourmentent, et pour qui toutefois, comme le dit si bien S. M. elle-même, l'univers doit être assez grand! S. M. a bien lu dans le cœur des Français. Nous ne saurious douter que sa démarche ne réveille une estime cachée dans le cœur des Anglais, Oui, malgré les antipathies qu'on vent rendre nationales, les individus qui composent la famille du genre humain ont les mêmes affections. Le même sentiment jugera cette lettre à Paris, à Madrid, à Londres; et partout où seront des hommes susceptibles de s'attendrir sur les malheurs de leurs semblables, on doit ap précier la résolution d'un prince qui a voala mettre sa gloire à faire cesser ces malheurs, ces saccagemens, ces pillages, ees incendies, ces catastrophes, ce vaste enchaînement d'atrocités et de désastres, suites inévitables du fléau de la guerre.

"On a vu des héros sensibles gémir sur leurs propres trophées; mais tout en pleurant leur succès, il n'en continuaient pas moins leur sanglante carrière. Napoléon est le premier qu'une pitié profonde pour les malheurs publics ait engagé à s'arrêter sur le chemin de la victoire. Qu'il est digne, Messieurs, de commander aux hommes, celui qui porte un cœur humain! Celui qui sent si vivement que de tous les fléaux qui peuvent désoler ce globe, la guerre est le fléau que les peuples redoutent et détestent le plus! Comment leurs conducteurs peuvent-ils l'oublier? Quand le ciel commande la paix, quand les nations la désirent, par quelle impiété envers Dieu et les hommes peut-on vouloir la guerre? La paix est le devoir des rois, puisqu'elle est le besoin du monde.

"Que dis-je, Messieurs, cette paix est bien plus nécessaire encore aux bords de la Tamise qu'à tout le reste de l'Europe. La nation anglaise, si active et si éclairée, qui soumet tout à ses calculs, ne sait-elle donc plus calculer ses vrais intérêts? Si elle veut compter pour le présent et l'avenir, que peut donc Jui valoir la prolongation du fléau de la guerre? Que peutelle gagner à ces calamités qui menacent de l'engloutir, qui n'ont de chances que contre elle, qui peuvent l'entraîner vers sa destruction, tandis qu'elles ne peuvent effleurer la solidité de notre immense territoire? Jamais la France ne s'est vue dans une situation plus tranquille et plus redoutable. Jamais elle n'eut moins à craindre des hasards de la guerre. Et lors que c'est la France qui pourtant propose la paix, on se demande avec surprise quelle est donc la raison puissante qui porte l'Angleterre à ne pas l'accepter d'abord ?

"Une chose est à observer; c'est que dans la réponse à la lettre de l'empereur, le cabinet de Londres n'allègue rien qui ait rapport à la uation britannique. La guerre n'a pour les Anglais aucun motif qui leur soit propre. A en croire le lord Mulgrave, leur objet est de maintenir la liberté du Continent. Eh! qui donc les en a chargés? Si cette liberté pouvait être en péril, comment serait-elle affranchie en se mettant sous la

́tutelle d'un gouvernement insulaire? L'indépendance de la terre serait-elle bien protégée par ceux qui veulent établir la servitude de la mer? N'est-ce pas insulter l'Europe de lui donner pour champions ceux qui ont fait pleuvoir leurs bombes sur la ville de Copenhague? ceux qui en pleine paix ont précipité dans la mer quatre navires espagnols? ceux qui ont fait servir le sacré caractère des ministres publics à stipendier des brigands et à payer des assassins? Voilà donc quels vengeurs s'arment pour assurer l'indépendance de l'Eu rope qui n'est réellement menacée que par eux. L'Europe serait bien à plaindie, si son indépendance ne pouvait se réfugier qu'au sein des îles britanniques. Le gouvernement de ces îles serait bien généreux d'exposer ce pays à sa ruine entière pour un objet qui, après tout, ne le regarde pas. Aucun peuple du Continent ne saurait être assez aveugle pour se faire jamais illusion à cet égard; mais les Anglais euxmêmes seraient-ils fascinés au point de se persuader que leur gouvernement doit s'élancer ainsi hors de sa sphère naturelle, pour impliquer leur ile et sacrifier ses ressources dans des connexions qui lui sont étrangères ?

"Le cabinet de Londres avait besoin de ce fantôme pour compliquer une querelle dans laquelle il est aggresseur. Il lui faut un prétexte pour appeler à son secours des puissances intervenantes. Mais le traité d'Amiens n'a pu être conclu qu'entre la France et l'Angleterre, Les bases du traité d'Amiens sont les seuls fondemens de la transaction à faire entre les deux états. Ce serait vouloir tout confondre d'appeler à l'arrangement de ces difficultés des princes qui n'y ont aucune espèce d'intérêt. Ces princes n'étant pas en guerre avec la France, n'ont pas besoin, sans doute, pour s'entendre avec elle, de choisir pour leur interprète une partie belligérante, surtout quand celle-ci persiste à repousser toute idée d'ac commodement pour son propre compte. Avant d'être arbitre pour d'autres, il convient de régler soi-même ses propres dif férends. Ce n'est pas à l'Europe que nous avons à faire: l'Europe ne veut pas la guerre, et nous ne voulons que la paix,

"Ah! loin de défendre l'Europe, la résolution du cabinet de Londres est une attaque à tous les peuples de toutes les parties du monde. Qui fait la guerre sans sujet, qui persiste à la guerre quand il a pu faire la paix, nuit à toutes les nations, même à celles qui ne sont pas les objets directs de ses armes. La guerre trouble leur commerce, détruit leur subsistances, empêche leur bonheur, inquiète leur sûreté. L'auteur d'une pareille guerre est l'ennemi du genre humain. Il donne à tous les peuples le droit de le maudire, et celui de se réunir, soit pour le réprimer, soit pour lui arracher la puissance dont il abuse.

Mais ce n'est point d'ici que peut jamais partir ce vœu féroce d'une guerre d'extermination, ce vou d'anéantir un

peuple, ce vœu que l'on nous a trop souvent adressé de l'au tre côté de la Manche. Nous pouvions y répondre par la conclusion des opinions de Caton dans le sénat de Rome. Mais la ruine de Carthage n'est point l'objet que se propose notre grand empereur. Sa gloire est de fouder et non pas de dé

traire.

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Quoique l'armée française brûlât du désir de punir les violateurs de la paix, elle suspendait son courroux à la voix souveraine de S. M. I.

"Cinq cent mille hommes sous les armes, accoutumés à vaincre quand Napoléon les dirige, attendaient impatiemment le moment du départ, et le signal de la vengeance. Mais après avoir long-tems contenu leur indignation, après avoir tout épuisé pour arrêter encore le gouvernement britannique aux bords du précipice où son aveuglement jette sa nation, si S. M. impériale est réduite à donner ce signal si terrible, malheur à ceux qui n'auront pas voulu entendre ses conseils pacifiques! Que le sang qui sera versé. retombe sur leurs têtes! qu'ils répondent à leur pays d'en avoir causé la ruine! que la voix de l'Europe entière dépose hautement contre eux! que leur mémoire soit livrée aux imprécations de la postérité ! Enfin, que le juge suprême des peuples et des rois leur fasse expier les trépas de tant de valeureux guerriers, les alarmes de tant de mères, le désespoir et les souffrances de tant d'inno centés victimes, que la lettre de l'empereur avait pour objet de sauver !

“Mais que l'empereur soit béni! qu'il soit l'objet de nos hommages et de notre reconnaissance; qu'il soit récompensé par l'amour du peuple français! on admire en lui le héros; on vénère comme on le doit le grand législateur; mais c'est le pacificateur qui doit être adoré. Déjà, plus d'une fois, il a mérité par le fait ce titre, le premier de tous. Il obtient encore aujourd'hui par une intention dont la persévérance est un trait de sou caractère, et dont, quelle que soit l'issue de cette guerre, l'humanité lui tiendra compte. Nos armes étaient légitimes; maintenant elles sont pieuses. Notre cause était juste, doré navant elle est sacrée. L'opinion du monde entier ne peut plus être corrompue. Quiconque aura lu cette lettre au roi de la Grande-Bretagne, fera des vœux pour les succès du grand prince qui l'a écrite. Il suffira d'être homme pour être un de ses partisans. Qu'on juge à plus forte raison de ce surcroît d'enthousiasme qui va précipiter au milieu des ba tailles, et sur toutes les mers, le vol rapide de nos aigles, et enflammer encore cette ardeur martiale de nos invincibles soldats!

"Dans plusieurs grandes circonstances, le sénat, le peuple et l'armée ont déjà réuni leurs vœux pour S. M. I. Sans doute, elle doit compter sur eux plus que jamais. C'est la voix de la France qui s'élève, et qui assure à l'empereur, pour la vie et

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