Page images
PDF
EPUB

de l'expérience, les Autrichiens oublient Marengo. Le vainqueur voulait conserver la paix, les vaincus redemandent la guerre. Eh bien! la guerre ne tardera pas à leur apprendre qu'une politique artificieuse ne peut tromper votre vigilance, qu'on ne brave pas en vain vos armées, qu'on expose ses propres états en attaquant ceux de nos alliés, que toute proposi tion contre l'honneur est une offense pour nous, et qu'un grand peuple ne reçoit jamais la loi de ses ennemis.

Mais en partant pour exiger une juste et éclatante satisfaction Votre Majesté a voulu prendre toutes les mesures propres à maintenir dans l'intérieur de l'empire l'ordre et la paix; la guerre ne doit troubler que le sein des pays qui osent la recommencer contre nous. Vous avez voulu que l'armée sédentaire reprit les armes au moment où l'armée active portait les siennes loin de nos frontières; et vous nous avez chargés de présenter au sénat un projet de sénatus-consulte dont l'objet est de réorganiser la garde nationale.

Je vais, d'après les ordres de Votre Majesté, expliquer au sénat les dispositions de ce projet, et lui en développer les motifs.

Sénateurs,

Vous venez de l'entendre, on menacé la France, on envahit les états de ses alliés, l'indignation que vous éprouvez sera le sentiment de tous les citoyens de l'empire. Cette attaque injuste autant que téméraire va réveiller avec une nouvelle force, dans les cœurs des Français, ce dévouement au Prince qui dans tous les tems enfanta tant de prodiges. L'ennemi a déjà senti ce que produisent sur nous les mots sacrés d'honneur Set de patrie; bientôt nos efforts lui prouveront plus que jamais quelle est leur puissance.

Mais si le génie qui nous gouverne vole à la victoire à la tête de nos armées et poursuit loin de nos frontières un ennemi qu'il a déjà tant de fois forcé à la retraite; sa sagesse qui veille à notre tranquillité intérieure, a cru devoir vous proposer la mesure la plus propre à garantir cette tranquillité et à prévenir tous les projets hostiles que l'éloignement d'une partie de nos troupes pourrait faire naître, S. M. a pensé qu'il était convenable et nécessaire de réorganiser la garde nationale.

Cette institution, dont le nom seul réveille tant de glorieux souvenirs est encore autorisée par nos lois; elle n'est pas en activité mais elle existe; les décrets des 7 Janvier et 16 Mars 1790, des 14 Octobre et 3 Août 1791 et du 28 Prairial, an 3, n'ont pas été révoqués. L'empereur lui-même a de nouveau sanctionné cette institution, il a convoqué à son couronnement les députés de toutes les gardes nationales de l'empire, il a reçu leur serment dans le champ de Mars, il leur a solenellement donné ces mêmes drapeaux qu'à sa voix ils doivent déployer aujourd'hui. Qu'ils s'arment donc, que la banière imposante garnisse au besoin nos frontières, défende nos côtes, garde nos

[ocr errors]

nos places fortes, que cette armée intérieure déconcerte tout espoir hostile, que cette force en repos apprenne à l'ennemi que la guerre n'existera que sur son sol, et qu'il tenterait vaineneut de la porter sur notre territoire.

Il est d'autres devoirs aussi sacrés qu'ils ont à remplir; tandis que leurs amis, leurs frères, leurs enfans sous les drapeaux de l'armée active portent au loin notre gloire, il faut que notre armée sédentaire, occupée de notre repos, veille au maintien de l'ordre et des lois, assure le respect dû à la religion et aux autorités publiques, garantisse les propriétés, protége la paix des champs, l'industrie des atteliers, la sûreté des routes, et maintienne cette prospérité qui excite à la fois et l'étounement et l'envie de nos rivaux; mais, sénateurs, pour recueillir tous Les avantages qu'on doit attendre de cette institution salutaire, il est indispensable qu'elle reçoive une organisation nouvelle et plus parfaite; les lois qui l'ont précédemment réglée, doivent subir aujourd'hui des changemeus dont l'expérience a démontré la nécessité.

Cependant il est des circonstances qui peuvent exiger des mesures sûres et rapides; partout on doit être prêt à montrer la France armée de la force de son chef et de la force de ses citoyeus; mais si cette force doit être toujours prète, c'est à la sagesse à en faire un prudent emploi; sou développement doit être proportionnel avec les besoins, réglé sur les facultés, les occupations des citoyens, sur les moyens différens que présentent les différentes localités; cette force armée doit enfin offrir toute la garantie que les propriétés exigent des hommes appelés à les défendre, et vous jugerez sans doute que dans le moment actuel il est convenable et nécessaire de donner à l'empereur le droit de faire à l'organisation de la garde nationale, par un réglement, les changemens que dans une cir constance moins pressante on aurait pu attendre de la loi, il est également important que les officiers de la garde nationale soient nommés par l'empereur; toute force doit émaner du pouvoir suprême, tout doit étre en harmonie dans nos institutions, et une même et unique direction doit être donnée à tout ce qui commande des citoyens armés; d'ailleurs n'est-ce pas au modèle et au juge des braves à les choisir, et à leur chef à les nommer, il est juste aussi en imposant des devoirs aux citoyens, ou plutôt eu les leur rappelant, de leur annoncer d'a vance leur destination et les conditions sous lesquelles ils se ront tenus de faire le service auquel l'empereur les appelera; il faut qu'ils sacheut qu'ils seront employés au maintien de l'ordre dans l'intérieur, à la défense des frontières et des côtes, et que les places fortes sont spécialement confiées à leur hotneur et à leur bravoure. Quel français attaché à l'ordre par son éducation, ses propriétes son industrie, pourrait ne pas sentir la justice d'une loi que dictent ses intérêts les plus chers! Ils doivent en même tems être assurés que, lorsqu'ils

auront été requis pour un service militaire, il leur sera compté comme tel, leur en donuera les avantages et les droits, et qu'en défendant leurs propres foyers contre l'ennemi, ils partageront la gloire et les récompenses des guerriers qui, de conquêtes en conquêtes, ont porté notre nom aux extrémités de l'Europe, de l'Afrique et de l'Asie.

Sénateurs, telles sont les dispositions du projet de sénatusconsulte que S. M. nous a ordonné de vous présenter et dont je viens de vous développer les motifs; en l'adoptant, vous donnerez un nouveau lustre, une utilité plus solide à cette garde, nationale qui, dans sa naissance, malgré les défauts de son organisation, fit évancuir l'espérance d'une coalition redoutable, et cette garde d'élite imposante au-dehors, rassurante au-dedans, sagement distribuée, jamais prodiguée, inac tive dans les momens, dans les lieux où les circonstances ne la rendraient pas nécessaire, mais toujours organisée,, toujours prête au premier besoin et au premier péril, réunirá tous les avantages de la force dirigée par la sagesse; dans d'autres tems la France lui dut son salut, aujourd'hui elle lui devra son repos. Napoléon, par la grâce de Dieu et les constitutions de la république, empereur des Français,

Décrète ce qui suit.

Projet de sénatus-consulte.

Extrait des registres du sénat conservateur du...¡ Le sénat-conservateur, réuni au nombre de membres pres l'article 90 de l'acte des constitutions du 22 Frimaire

crit

an 8.

par

Vu le projet de sénatus-consulte, rédigé en la forme, pres crite par l'art. 57 du sénatus-consulte organique de l'an 10; après avoir entendu les orateurs du conseil d'état et le rapport de sa commission spéciale, nommée dans la séance du...

L'adoption ayant été délibérée au nombre de voix prescrit par l'art. 56 du sénatus-consulte organique du 16 Thermidor,

an 10.

Décrète ce qui suit.

Art. 1. Les gardes nationales seront réorganisées par les dé crets impériaux, rendus en la forme prescrite pour les réglemens d'administration publique.

S. M. l'empereur nommera les officiers.

2. S. M. l'empereur déterminera l'époque où la nouvelle organisation sera effectuée dans chacun des départemens, arrondissemens et cantons de l'empire qui seront alors désignés.

3. Les gardes nationales seront employées au maintien de l'ordre dans l'intérieur, et à la défense des frontières et des

côtes;

FF FF

Les places fortes sont spécialement confiées à leur honne

et à leur bravotve.

4. Quand les gardes nationales auront été requises pour un service militaire, il leur sera compté comme tel et leur en assurera les avantages et les droits.

5. Le présent sénatus-consulte sera transmis par un message à S. M. I.

"Le projet de sénatus-consulte ci-dessus, discuté en con"seil privé, conformément à l'art. 57'de l'acte des constità❝tions de l'empire du 16 Thermidor, au 10, sera présenté au "sénat le lundi 1er. Vendemiaire an 14, par MM. Ségur et "Regnault (de Saint Jean-d'Angely) conseillers d'état." Au palais de Saint Cloud, le 4é jour complémentaire, an 13. NAPOLÉON.

(Signé)

Par l'empereur.

Le ministre secrétaire-d'état.

(Signé)

H. B. MARET.

Discours de S. M. l'Empereus et Roi

Sénateurs,

"Dans les circonstances présentes de l'Europe j'éprouve le "besoin de me trouver au milieu de vous, et de vous faire con"naître mes sentimens.

"Je vais quitter ma capitale pour me mettre à la tête de "l'armée, porter un prompt secours à mes alliés, et défendre "les intérêts les plus chers de mes peuples.

"Les vœux des éternels ennemis du Continent sont ac"complis; la guerre a commencé au milieu de l'Allemagne. "L'Autriche et la Russie se sont réunies à l'Angleterre, et "notre génération est entraînée de nouveau dans toutes les ca

lamités de la guerre. Il y a peurde jours, j'espérais encore que "la paix ne serait point troublée ; 'les menaces et les outrages "m'avaient trouvé impassible, mais l'armée autrichienne's "passé l'Inn, Munich est envahie, l'électeur de Bavière est "chassé de sa capitale ; toutes mes espérances se sont évanouies "C'est dans cet instant que s'est dévoilée la méchanceté des ❝ennemis du Continent. Ils craignaient encore la manifesta❝tion de mon profond amour pour la paix; ils craignaient "que l'Autriche, à l'aspect du gouffre qu'ils avaient creuse "sous ses pas, ne revînt à des sentimens de justice et de m "dération; ils l'ont précipitée dans la guerre. Je gémis du sang qu'il va en coûter à l'Europe; mais le nom français en "obtiendra un nouveau lustre.

[ocr errors]

"Sénateurs, quand à votre væu, à la voix du peuple fran"çais tout entier, j'ai placé sur ma tête la couronne impe "riale, j'ai reçu de vous, de tous les citoyens, l'engagement "de la maintenir pure et sans tache. Mon peuple m'a doare "dans toutes les circonstances des preuves de sa coufiance es

་་ de son amour. Il volera sous les drapeaux de son empereur "et de son armée, qui dans peu de jours auront dépassé les " frontières.

"Magistrats, soldats, citoyens, tous veulent maintenir la "patrie hors d'influence de l'Angleterre qui, si elle prévalait, "ne nous accorderait qu'une paix environnée d'ignominie et "de honte, et dont les principales conditions seraient l'incen"die de nos flottes, le comblement de nos ports, et l'anéan◄ "tissement de notre industrie.

[ocr errors]

66

"Toutes les promesses que j'ai faites au peuple Français, je, les ai tenues. Le peuple Français, à son tour, n'a pris aucun engagement avec moi qu'il n'ait surpassé. Dans cette "circonstance si importante pour sa gloire et la mienne il con"tinuera à mériter ce nom de grand peuple dont je le saluai au milieu des champs de bataille.

86

Français, votre empereur fera son devoir, mes soldats fe ".rout le leur; vous ferez le vôtre."

Extrait des registres du sénat conservateur du 1er. Vendemiaire

an 14.

Le sénat-conservateur.

Délibérant, en séance ordinaire, sur les communications importantes qu'il vient de recevoir dans la séance impériale.

Pénétré, comme tous les Français de la plus vive indigna tion, à la nouvelle inopinée de l'envahissement de l'électorat de Bavière par les troupes autrichiennes.

Considérant, que plus la nation Française a dû être sensible aux nombreux sacrifices que fait depuis long-tems la patience magnanime de S. M. l'Empereur et Roi pour maintenir la paix que lui devait le Continent, et plus elle doit déployer sa valeur et son énergie, lorsqu'elle est forcée à la guerre,

Décrète ce qui suit;

Art. 1er. Attendu que d'après le départ de S. M. l'empereur et roi pour se mettre à la tête de ses armées, le sénat ne peut se rendre en corps auprès de S. M. afin de lui porter son veeu pour le succès de ses armes, le sénat charge son président et ses secrétaires de se transporter à St. Cloud à l'issue de sa séance et d'exprimer à S. M. I. et R. le dévouement profond et unanime du sénat et du peuple; leur attachement à sa gloire, à sa personne et à sa famille; leur confiance dans son génie, enfin la résolution où sont tous les Français de venger sous ses ordres l'outrage que leur fait une aggression aussi inattendue.

2. Le sénat se rassemblera extraordinairement, sur la convocation de son président, pour entendre, sur les mesures proposées par le gouvernement, le rapport de la commission spéciale qui vient d'être nommée au scrutin.

« PreviousContinue »