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craindre de n'avoir pas rempli entièrement mon but, je profite de la connaissance personnelle que j'ai eu le bonheur de faire de vous, Monsieur, pour vous faire amicalement deux observations seules, et pour vous prier de les communiquer aussi à MM. vos camarades.

1o. Ce n'est pas à la sommation d'une puissance ennemie de notre auguste maître, et moins encore à la demande des Monténégrins, avec lesquels je ne suis pas méme entré en pourparler, mais bien à la sommation réitérée d'un commandant russe que j'ai pris le parti de retirer les troupes de S. M. de cette province, et par conséquent, ce n'est qu'à la volonté expresse d'une cour alliée et amie de la nôtre, et contré laquelle les ordres supérieurs sont bien précis, de ne pas se permettre d'autres moyens que ceux des déclarations et des protestations, et jamais des moyens de défense armée.

2o. Je ne suis pas venu avec le commandant russe à aucune capitulation que je n'aurais jamais conclue sans le consentement du militaire, mais bien je me suis borné à lui faire les protestations et déclarations nécessaires pour mettre notre cour à couvert de tous griefs de la part des Français, et pour assurer les égards dûs en toute circonstance au pavillon et aux troupes de S. M.

D'après ces observations bien simples vous verrez vousmêmes, Monsieur, que le parti que j'ai pris, est une mesure tout-à-fait politique et la seule que les circonstances permettaient, et pas une mesure aucunement militaire; ce qui doit tranquilliser vous-même et vos braves camarades sur toute suite que vous en pourriez craindre, moins avantageuse à votre renommée, d'ailleurs trop bien assurée et à l'armée et dans le public, pour être entamée par uue demarche tout-à-fait étrangère au militaire.

Par mon empressement à entrer avec vous et pour vous avec tous les officiers, dans de pareils détails, vous jugerez tout le prix que je mets à votre estime et à votre bienveillance, et deux lignes de réponse que vous pourriez m'adresser à Raguse, recommandée au consul impérial, me feront beaucoup de plaisir.

Je suis, avec une considération parfaite,

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Copie de la lettre écrite par M. le marquis de Ghisilieri à M. le général Molitor, gouvernenr de la Dalmatie et de l'Albanie.

Monsieur le général,

Zacostaz, le 9 Mars, 1806. Les mêmes motifs de prudence qui m'avaient engagé à précéder les troupes destinées à occuper les bouches du Cattaro,

sous les ordres de votre excellence, m'ont mis dans la nécessité 'd'en faire retirer les troupes de mon anguste maître, pas tant pour épargner de nouveaux dangers à une garnison courageuse qui ne demandait que de se battre, que pour préserver du pillage et de sa ruine totale une province qui est déjà une propriété de S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie.

La fureur avec laquelle les Monténégrins, levés en masse par leur métropoliste, menaçaient la province, et l'enthou siasme que partageaient avec eux parmi les habitans des bouches, les sectaires du rit grec, qui forment les trois quarts de la population, alarmaient depuis quelque tems le gouverne ment, quand une escadre russe, qui jeta l'ancre à Porte-Rose, le 27 au soir du mois passé, vint encore paralyser le peu de moyens qu'on pouvait mettre en œuvre pour déjouer les projets des Monténégrins. Les journées des 28 Février, du ler. et 2 Mars, furent employées à faire inonder la province par quelques milliers de Monténégrins renforcés par les habitaus de Zuppa, Commnoi et Petrocicchio; et quand cette horde était déjà en mesure pour attaquer les places gardées par les troupes autrichiennes, le commandant de l'escadre russe somma, le 3 Mars, le gouverneur de Catarro de céder toutes les places, ou bien de se déclarer l'ennemi de S. M. l'empereur de toutes les Russies, et il me réitéra le lendemain la même sommation dans le terme péremptoire d'un quart-d'heure, toojours d'après le principe que les bouches du Cattaro étaient déjà territoire français, dès le jour que le délai de deux mois fixé à leur occupation par les troupes françaises, était expiré. Dans un moment si pressant, persuadé comme je l'étais que la valeur de la garnison n'aurait pas suffi contre le nombre des Monténégrius infinitement supérieur, ni contre le feu que l'escadre aurait fait sur les places, et persuadé également que la dévastation de la province aurait été la suite immédiate de mon refus, j'ai cru devoir céder à la force des circonstances et ne pas en venir aux moyens de violence, après avoir épuisé inutilement ceux de la persuasion et des protestations et par une telle conduite, j'ai sauvé à mon auguste maître, de braves troupes, et conservé pour le vôtre, M. le général, les bouches du Cattaro dans un état florissant.

Je me flatte, d'après cela, que le parti que j'ai pris ne déméritera pas l'approbation de S. M. mon auguste maître, et n'excitera pas non plus la moindre plainte de la part du gouvernement français; ce qui sera pour moi la récompense la plus douce des peines de toute espèce que j'ai souffertes et des dangers que même j'ai conrus dans ces derniers jours.

J'ai l'honneur, etc, (Signé) GHISILIBRI

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No. IV.

Note à M. le marquis de Ghisilieri.

Le soussigné, commissaire-général de S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, a eu l'honneur de recevoir de M. le marquis de Ghisilieri, commissaire-général de S. M. l'empereur d'Allemagne et d'Autriche, la réponse à sa note du 21 Mars, par laquelle il annonce au soussigné qu'il a expédié cette note à sa cour, et qu'il s'en réfère d'ailleurs à la répouse donnée à M. le général Molitor, sur les mêmes griefs.

Le soussigné s'est empressé de demander à M. le général Molitor, la réponse dont parle M. le marquis de Ghisilieri; elle est du 9 Mars, 1806, et datée de Zacostaz.

Dans cette répouse, M. le marquis de Ghisilieri fait connaître que la garnison de Cattaro ne demandait qu'à se battre; le soussigné en est d'autant plus persuadé, qu'il sait positivement que des protestations ont été faites par des officiers du régiment du Thurn contre la remise de ces places aux Russes, que des officiers ont été mis aux arrêts pour ces protestations, et que généralement tous les officiers et soldats de ce régiment témoignent de l'indignation d'avoir remis les places des bouches du Cattaro a un petit nombre de Russes, qui n'eussent pas fait la moindre résistance contre le régiment de Thurn composé de 1,500 hommes.

Cependant, malgré ces protestations, les places des bouches du Cattaro ont été cédées aux Russes, d'après l'ordre de M. le marquis de Ghisilieri.

Le soussigné a l'honneur de prier M. le marquis de Ghisilieri, de lui faire connaître s'il a agi dans cette circonstance d'après lui-même, ou en vertu d'ordres supérieurs; car il est essentiel qu'il fasse part à sa cour des raisons pour lesquelles le commandant autrichien et M. le marquis de Ghisilieri, ont laissé paisiblement entrer et séjourner dans les ports des bouches du Cattaro, l'escadre armée d'une puissance ennemie de celle à laquelle ils devaient remettre les places, et dont ils n'ont pas prévenu les généraux.

Il est important aussi que le soussigné donne connaissance à sa cour, des motifs pour lesquels les bouches du Cattaro ont été cédées aux Russes, au lieu de l'être aux troupes de S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, conformément au traité de Presbourg. La raison que donne M. le marquis de Ghisilieri, dans sa lettre au général Molitor du 9 Mars, ne peut être admise. Il y dit que c'était pour conserver à S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, les bouches du Cattaro dans un état florissant, qu'il les a remises aux Russes et Monténégrins.

Cependant deux jours seulement après la remise de ces places, les Monténégrius ont saccagé et pillé des maisons; et ces mêmes habitans, que M. le marquis de Ghisilieri dépeint

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comme d'accord avec les Monténégrius, se sont armés et ont marché contre eux, et en ont même tué plusieurs.

Ces mêmes habitaus tendent les bras aux Français, et se plaignent vivement qu'on les ait livrés à leurs plus cruels eu

nemis.

Le soussigné attend avec impatience une réponse de M. Je . marquis de Ghisilieri, et persiste dans les demandes qu'il lui a faites par sa note du 21 Mars. Il croit à M. le marquis de Ghisilieri les pouvoirs nécessaires pour y déférer, puisqu'il a eu celui de commander à la garnison de Cattaro, malgre ses protestations, de remettre aux Russes toutes les places des bouches du Cattaro.

Il a l'honneur de lui donner l'assurance de sa haute considération,

Zara, le 25 Mars, 1806.

Paris, 22 Avril, 1806.

AL. LAURISTON.

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Ides finances en l'an 13.

Les finances de l'empire reposent sur deux bases immuables comme la nature; la fertilité de son territoire, et l'étendue de sa population.

Ce n'était que dans un pays qui réunit ce double élément de force, que pouvaient s'opérer les prodiges dont le génie de votre majesté vient d'étonner l'Europe, sans que la machine politique en reçût la moindre secousse, ni que la marche des affaires en éprouvât le moindre dérangement.

Il a fallu improviser les moyens d'une guerre tout-à-fait iuprévue; transporter, avec une rapidité saus exemple, de nombreux bataillous, de l'une des extrémités de l'empire, aux champs éloignées, où des triomphes vraiment fabuleux atten daient leur courage; gagner ainsi l'ennemi de vitesse, pour déconcerter tous ses projets et rasseoir l'empire sur des fondemens désormais inébranlables.

La postérité aura peine à le croire; trente jours ont suffi et aux préparatifs et à l'exécution de cette vaste entreprise. Ce pendant l'administration intérieure s'est si peu ressentie de ces circonstances extraordinaires, qui ont offert tant de diffi 'cultés à vaincre, que la France aurait semblé n'être que le témoin de cette lutte dans laquelle il s'agissait de ses plas chers intérêts, si elle avait pu se séparer un moment des in quiétudes que les hasards de la guerre lui inspiraient pour sou auguste chef. L'ordre s'est maintenu partout: la conscrip tion s'est faite avec facilité : les revenus de l'état se sont perçus avec la même régularité qu'au sein de la paix; et, à son retour, votre majesté a pu reprendre l'exécation des vues qu'elle

ayait antérieurement préparées pour l'amélioration de notre régime financier, comme si elle n'avait pas été, un seul instant, distraite de cet objet de ses méditations.

Dès les premiers momens où votre majesté put jeter sur nos finances ce coup-d'œil qui ne la trompe jamais, elle reconnut que la contribution sur les terres était trop pesante, soit à raison de sa quotité, soit par le vice de sa répartition, et que l'esprit de système, si souvent dangereux dans la science financière comme dans les sciences physiques et morales, avait jeté l'administration dans des écarts auxquels il appartenait à l'expérience seule de porter remède.

Dès lors votre majesté arrêta, d'une part, la confection d'un cadastre général, désiré depuis trois siècles en France, et dout il étoit réservé à votre majesté de réaliser enfin le vœu si longtemps négligé de l'autre, le plan, constamment suivi depuis, de préparer des reductions successives sur les contributions directes, en perfectionnant les droits qui existaient déjà sur les consommations, et en recréant, avec les modifications nécessaires pour en écarter les vexations et les abus d'anciennes perceptions éprouvées par le tems, et qui s'accommodaient à la position particulière de la France, sous le rapport de ses productions territoriales ou industrielles. Ainsi, depuis l'an 9, le principal de la' contribution foncière a été diminué d'année en année, de 15 à 16 millions; celui de la contribution personnelle l'a été de 10 millions, et la régie des droits réunis à été créée pour assurer au trésor public le remplacement nécessaire.

Par le même principe, la contribution mobiliaire a été convertie, dans plusieurs villes, en droits aux entrées, et l'on a mis par là un terme à la surcharge qui résultait, particulièrement pour la classe indigente, des poursuites exercées contre elle pour le recouvrement de taxes qui, après avoir occasionné des frais considérables, sans aucun profit pour le trésor public, tombaient le plus souvent en non-valeurs.

Par le même principe encore, on a multiplié les octrois des villes et communes, pour assurer le paiement de leurs dépenses et l'entretien de leurs hôpitaux, et elles trouvent, dans une perception presque insensible pour leurs citoyens, les ressources qu'elles n'auraient obtenues qu'avec beaucoup de peine et de murmures, d'une contribution directe sur les personnes ou sur les propriétés.

Ce plan recevra cette année de nouveaux développemens. La législation sur les droits réunis éprouvera quelques améliorations qui influeront favorablement sur les produits de cette administration..

Une nouvelle branche de revenu sortira d'une perception qui était indiquée depuis long-temps par l'opinion, parce qu'elle porte sur une denrée qui, étant d'une trés-faible valeur et d'une consommation très-étendue, a toujours paru la

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