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Paris, le 24 Septembre, 1806.

Lettre de S. M. l'empereur et roi, à S. A. E. le prince-
primat.

Mon frère, les formes de nos communications, en notre qualité de protecteur, avec les souverains réunis en congrès à Francfort n'étant pas encore déterminées, nous avons pensé qu'il n'en était aucune qui fût plus convenable que d'adresser la présente à V. A. Em. afin qu'elle en fasse part aux deux colléges. En effet, quel organe pouvions-nous plus naturellement choisir, que celui d'un prince à la sagesse duquel a été confié le soin de préparer le premier statut fondamental? Nous aurions attendu que ce statut eût été arrêté par le congrès et nous eût été donné en communication, s'il ne devait pas contenir des dispositions qui nous regardent personnellement. Cela seul a dû nous porter à prendre nous-mêmes l'initiative pour soumettre nos sentimens et nos réflexions à la sagesse des princes confédérés. Lorsque nous avons accepté le titre de protecteur de la confédération du Rhin, nous n'avons eu en vue que d'établir en droit ce qui existait de fait depuis plusieurs siècles. En l'acceptant, nous avons contracté la double obligation de garantir le territoire de la confédération contre les troupes étrangères, et le territoire de chaque confédéré contre les entreprises des autres. Ces obligations, toutes conservatrices, plaisent à notre cœur; elles sont conformes à ces sentimens de bienveillance et d'amitié dont nous n'avons cessé, dans toutes les circonstances, de donner des preuves aux membres de la confédération. Mais là se bornent nos devoirs envers elle. Nous n'entendons en rien nous arroger la portion de souveraineté qu'exerçait l'empereur d'Allemagne comme suzerain. Le gouvernement des peuples que la providence nous a confiés, occupant tous nos inomens, nous ne saurions voir croître nos obligations sans en être alarmé. Comme nous ne voulons pas qu'on puisse nous attribuer le bien que les souverains font dans leurs états, nous ne voulons pas non plus qu'on nous impute les maux que la vicissitude des choses hu-' maines peut y introduire. Les affaires intérieures de chaque état ne nous regardent pas. Les princes de la confédération' du Rhin sont des souverains qui n'ont point de suzerain, Nous les avons reconnus comme tels. Les discussions qu'ils pourraient avoir avec leurs sujets ne peuvent donc être La diete est le tribunal portées à un tribunal étranger.

politique conservateur de la paix entre les différens souve rains qui composent la conféderation. Ayant reconnu tous les autres princes qui formaient le corps germanique, comme souverains indépendans, nous ne pouvons reCe ne connaître qui que ce soit comme leur suzerain. Bont point des rapports de suzeraineté qui nous lient à

la confédération du Rhin, mais des rapports de simple pro tection. Plus puissant que les princes confédérés, nous voulons user de la supériorité de notre puissance, non pour restrein dre leurs droits de souveraineté, mais pour leur en garantir la plénitude.

Sur ce, nous prions Dieu, mon frère, qu'il vous ait en så sainte et digne garde.

Donné en notre palais impérial de Saint-Cloud, le 11 Sep tembre, 1806.

(Signé)

NAPOLÉON.

Certifié conforme :

Le ministre des relations extérieure,

(Signé)

CH. MAUR. TALLEYRAND.

Paris, le 26 Septembre, 1806.

Lettre de S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, à S. M.

le roi de Bavière.

Monsieur mon frère,

Il y a plus d'un mois que la Prusse arme, et il est connu de tout le monde qu'elle arme contre la France et contre la confédération du Rhin. Nous cherchons les motifs sans pouvoir les pénétrer. Les lettres que S. M. prusienne nous écrit sont amicales; son ministre des affaires étrangères a notifié à notré envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire qu'elle reconnaissait la confédération du Rhiu, et qu'elle n'avait rien objecter contre les arrangemens faits dans le midi de l'Alles magne.

Les armemens de la Prusse sont-ils le résultat d'une co alition avec la Russe, ou seulement des intrigues des différent partis qui existent à Berlin, et de l'irréflexion du cabinet? Ont-ils pour objet de forcer la Hesse, la Saxe et les villes an séatiques à contracter des liens que ces deux dernières puissances paraissent ne pas vouloir former? La Prusse voudraitelle nous obliger nous-mêmes à nous départir de la déclaration que nous avons faite, que les villes anséatiques ne pourront entrer dans aucune confédération particulière; déclaration fondée sur l'intérêt du commerce de la France et du unidi dé l'Allemagne, et sur ce que l'Angleterre nous a fait counaître que tout changement dans la situation présente des villes anséatiques serait un obstacle de plus à la paix générale? Nous avons aussi déclaré que les princes de l'empire germanique qui n'étaient point compris dans la confédération du Rhin, devaient être maîtres de ne consulter que leurs intérêts et leurs convenances; qu'ils devaient se regarder comme parfaitement libres; que nous ne ferions rien pour qu'ils entrassent dans la confédération du Rhin, mais que nous ne souffrirons point que qui que ce fût les forçât de faire ce qui serait contraire leur volonté, à leur politique, aux intérêts de leurs peoples

Cette déclaration si juste aurait-elle blessé le cabinet de Berlin, et voudrait-il nous obliger à la rétracter? Eatre tous ces motifs,' quel peut être le véritable? Nous ne saurions le deviner, et l'avenir seul pourra révéler le secret d'une conduite aussi étrange qu'elle était inattendue. Nous avons été un mois sans y faire attention. Notre impassibilité n'a fait qu'enhardir tous les brouillons qui veulent précipiter la cour de Berlin dans la lutte la plus inconsidérée.

Toutefois les armemens de la Prusse ont amené le cas prévu par l'un des articles du traité du 12 Juillet, et nous croyons nécessaire que tous les souverains qui composent la confédéra tion du Rhin, arment pour défendre ses intérêts, pour garantir son territoire et en maintenir l'inviolabilité. Au lieu de 200,000, hommes que la France est obligée de fournir, elle en fournira 300,000, et nous venons d'ordonner que les troupes nécessaires pour compléter ce nombre, soient transportées en poste sur le Bas-Rhin, les troupes de votre majesté, étant toujours restées sur le pied de guerre, nous invitons votre majesté à ordonner qu'elles soient mises, sans délai, en état de marcher avec tous leurs équipages de campagne et de concourir à la défense, de la cause commune, dont le succès, nous osons le croire, répondra à sa justice, si toutefois, contre nos désirs, et même contre nos espérances la Prusse, nous met dans la nécessité de repousser la force par la force.

Sur ce, nous prions Dieu, mon frère, qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.

(Signé)

NAPOLÉON.

. Donné à Saint-Cloud, le 21 Septembre, 1806.

Pour copie conforme:

Le ministre des relations extérieures,

(Signé)

CH. MAUR. TALLEYRAND,
Prince de Bénévent.

N. B. Une lettre semblable a été écrite à S. M. le roi de Wurtemberg, et d'autres dans le même sens ont été adressées à S. A. I. le grand-duc de Berg, à S. A. R. le grand-duc de Bade, à S, A. R. le grand-duc de Hesse-Darmstadt, à S. A. Em. le prince-primat, et au collége des princes de la confédération du Rhin.

Paris, le 14 Octobre, 1806.

Aujourd'hui, à midi, en exécution des ordres de S. M. l'em, pereur et roi, S. A. S. Mgr. le prince archi-chancelier de l'empire s'est rendu au sénat.

Le prince a été reçu avec le cérémonial accoutumé; et après. avoir pris séance, il a dit:

Messieurs,

"La lettre que S. M. l'empereur et roi écrit au sénat, et les communications que je viens de faire de sa part, ont pour obs

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jet de vous instruire d'une résolution devenue nécessaire par la conduite du gouvernement prussien

"On se demande quelles sont les causes d'une ruptur difficile à prévoir, d'après la bonne intelligence qui, depuis plusieurs années, a régué entre la France et la Prusse, et surtout, d'après les rapports d'intérêts communs aux deux nations.

"La solution de cette question se trouve dans les rapports faits à S. M. par son ministre des relations extérieures, et dans plusieurs notes échangées par les ministres des deux puis

sances.

"La lecture que vous allez entendre de ces pièces vous coavaincra, Messieurs, que S. M. n'a rien négligé pour la conser vation de la paix, et qu'elle en a eu long-tems l'espérance, Vous reconnaîtrez aussi que la dignité de sa couronne et les obligations qu'imposent à S. M. la protection et la garantie qu'elle accorde aux états confédérés du Rhin, ont dû la déterminer à repousser la force par la force.

"Aucun souverain n'est moins que l'empereur dans le cas de redouter la guerre; aucun ne sera, dans tous les tems, plos disposé à arrêter l'effusion du sang par le rétablissement de la paix.

"Dans la guerre qui commence, comme dans celles qui ont été si glorieusement terminées, S. M. a pour elle le témoignage de sa conscience et la justice de sa cause: elle compte sur l'amour de ses peuples et sur le courage de ses armées: elle place aussi une confiance entière dans votre zèle si souvent éprouvé pour son service et pour le bien de l'état, qui en est inséparable."

S. A. S. a remis ensuite:

1o. Une lettre de S. M. l'empereur et roi, à MM. les prési dens et membres du sénat;

2o. Deux rapports adressés à S. M. l'empereur et roi par le prince de Bénévent, ministre des relations extérieures;

3. Six notes diplomatiques: desquelles pièces la tenent suit:

Lettre de S. M. l'empereur et roi. "Sénateurs,

"Nous avons quitté notre capitale, pour nous rendre au milieu de notre armée d'Allemagne, dès l'instant que nous avons su avec certitude qu'elle était menacée sur les flancs par des mouvemens inopinés. A peine arrivé sur les frontières de nos états, nous avons eu lieu de reconnaître combien notre présence y était nécessaire, et de nous applaudir des mesures defensives que nous avions prises avant de quitter le centre de notre empire. Déjà les armées prussiennes, portées au grand complet de guerre, s'étaient ébranlées de toutes parts; elles avaient dépassé leurs frontières; la Saxe était envahie; et le age prince qui la gouverne était forcé d'agir contre sa volonté,

contre l'intérêt de ses peuples. Les armées prussiennes étaient arrivées devant les cantonnemens des nos troupes. Des provocations de toute espèce, et même des voies de fait, avaient sigualé l'esprit de la haine qui animait nos ennemis, et la modération de nos soldats, qui, tranquilles à l'aspect de tous ces mouvemens, étonnés seulement de ne recevoir aucun ordre, se reposaient dans la double confiance que donnent le courage et le bon droit. Notre premier devoir a été de passer le Rhin nous-mêmes, de former nos camps et de faire entendre le cri de guerre. Ila retenti aux cœurs de tous nos guerriers. Des marches combinées et rapides les ont portés, en un coup-d'œil, au lieu que nous leur avions indiqué. Tous nos camps sont formés; nous allons marcher contre les armées prussiennes et repousser la force par la force. Toute fois, nous devons le dire, notre cœur est péniblement affecté de cette prépondérance constante qu'obtient eu Europe le génie du mal, occupé sans cesse à traverser les desseins que nous formous pour la tranquillité de l'Europe, le repos et le bonheur de la génération présente; assiégeant tous les cabi nets par tous les genres de séductions, et égarant ceux qu'il n'a pu corrompre, les avenglant sur leurs véritables intérêts, et les lançant au milieu des partis, sans autre guide que les passions qu'il a su leur inspirer. Le cabinet de Berlin luimême n'a point choisi avec délibération le parti qu'il prend; il y a été jeté avec art et avec une malicieuse adresse. Le roi s'est trouvé tout-à-coup à cent lieues de sa capitale, aux frontières de la confédération du Rhin, au milieu de son armée et vis-à-vis des troupes françaises dispersées dans leurs cantonnemens, et qui croyaient dévoir compter sur les liens qui unissaient les deux états, et sur les protestations prodiguées en toutes circonstances par la cour de Berlin. Dans une guerre aussi juste, où nous ne prenons les armes que pour nous défendre, que nous n'avons provoquée par aucun acte, par aucune prétention, et dont il nous serait impossible d'assiguer la véritable cause, nous comptous entièrement sur l'appui des lois et sur celui de nos peuples, que les circonstances appelent à nous donner de nouvelles preuves de leur amour, de leur dévouement et de leur courage. De notre côté, aucun sacrifice personnel ne nous sera pénible, aucun danger ne nous arrêtera, toutes les fois qu'il s'agira d'assurer les droits, l'honneur et la prospérité de nos peuples.

"Donné en notre quartier impérial de Bamberg, le 7 Octobre, 1806."

(Signe)

NAPOLÉON.

Par l'empereur,

(Signé)

Le ministre S ecrétaire-d'état,

H. B. MARET,

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