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Le lendemain du jour où partit le courier porteur de cette réponse, on apprit que des chansons outrageantes pour la France avaient été chantées sur le théâtre de Berlin; qu'aussitôt après le départ de M. de Knobelsdorff les armemens avaient redoublés, et quoique les hommes demeurés de sangfroid eussent rougi de ces fausses alarmes, le parti de la guerre, Souflant la discorde de tous côtés, avait si bien exalté toutes les têtes que le roi se trouvait dans l'impuissance de résister

au torrent.

On commença dès lors à comprendre à Paris, que le parti de la paix ayant lui-même été alarmé par des assurances mensongères et des apparances trompeuses, avait perdu tous ses avantages, tandis qus le parti de la guerre, mettant à profit l'erreur dans laquelle ses adversaires s'étaient laissé entrainer, avait ajouté provocation à provocation et accumulé insulte sur insulte, et que les choses étaient arrivées à un tel point, qu'on ne pourrait sortir de cette situation que par la guerre.

L'empereur vit alors que telle était la force des circonstances, qu'il ne pouvait éviter de prendre les armes contre son allié. Il ordonna des préparatifs.

Tout marchait à Berlin avec une grande rapidité; les troupes prussiennes entrèrent en Saxe, arrivèrent sur les frontières de la confédération, et insultèrent les avant-postes.

Le 24 Septembre, la garde impériale partit de Paris pour Bamberg, où elle est arrivée le 6 Octobre. Les ordres furent expédiés pour l'armée, et tout se mit en mouvement.

Ce fut le 25 Septembre que l'empereur quitta Paris; le 28, il était à Mayence, le 2 Octobre, à Wurtzbourg, et lé 6 à Bamberg.

Le même jour, deux coups de carabine furent tirés par les hussards prussiens sur un officier de l'état-major français. Les deux armées pouvaient se considérer comme en présence.

Le 7, S. M. l'empereur reçut un courier de Mayence, dépêché par le prince de Bénévent, qui était porteur de deux dépêches importantes: l'une était une lettre du roi de Prusse, d'une vingtaine de pages, qui n'était réellement qu'un mauvais pamphlet contre la France, dans le genre de ceux que le cabinet anglais fait faire par ses écrivains à 500 liv. st. par an. L'empereur n'en acheva point la lecture, et dit aux personnes qui l'entouraient: "Je plains mon frère le roi de Prusse; il n'entend pas le Français, il n'a pas sûrement lu cette rapsodie." A cette lettre était jointe la célèbre note de M. Knobelsdorff. "Maréchal," dit l'empereur au maréchal Berthier," on nous donne un rendez-vous d'honneur pour le 8; jamais un Français n'y a manqué; mais comme on dit qu'il y a une belle reine, qui veut être témoin des combats, soyons courtois, et marchons, sans nous coucher, pour la Saxe." L'empereur avait raison de parler ainsi, car la reine de Prusse est à l'armée, habillée Ттттт

en amazone, portant l'uniforme de son régiment de dragons ; écrivant vingt lettres par jour pour exciter de toutes parts l'in cendie. Il semble voir Armide dans son égarément, mettant le feu à son propre palais; après elle, te prince Louis de Prusse, jeune prince, plein de bravoure et de conrage, excité par le parti, croit trouver une grande renommée dans les vicissitudes de la guerre. A l'exemple de ces deux grands personnages, toute la cour crie à la guerre ; mais quand ta guerre se sefa présentée avec toutes ses horreurs, tout le monde s'e-cusera d'avoir été coupable, et d'avoir attiré la foudre sur les provinces paisibles du nord; alors, par une suite naturelle des inconséquences des gens de cour, on verra les auteurs de la guerre, non-seulement la trouver insensée, s'excuser de l'a voir provoquée, et dire qu'ils la voulaient, mais dans un autre tems; mais même en faire retomber le blâme sur le roi, honnête homme, qu'ils ont rendu la dupe de leurs intrigues et de leurs artifices.

Paris, le 13 Novembre,

Le maréchal Mortier, commandant le se. corps de la grande armée, s'est mis en marche le 30 Octobre, sur Cassel. Hy est arrivé le 31.

Voici la note que le chargé d'affaires de France a présentée au prince, vingt-quatre heures auparavant.

NOTE du 29 Octobre, 1806.

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"Le soussigné, chargé d'affaires de S. M. l'empereur des Français et roi d'Italie, est chargé de déclarer à S. A. S. ✯ prince de Hesse-Cassel, maréchal au service de Prusse, que S. M. l'empereur a une parfaite connaissance de l'adhésion à la coalition de la Prusse de la part de la cour de Cassel ;”

"Que c'est en conséquence de cette adhésion que tes sémestriers ont été appelés, des chevaux distribués à la cavalerie, la place de Hanau, approvisionnée et abondamment pourvue de garnison;

"Que c'est en vain que S. M. a fait connaître à M. de Masbourg, ministre du prince de Hesse-Cassel à Paris, que tout armement de la part du prince de Hesse-Cassel serait regardé comme un hostilité; que pour toute réponse, la cour de Cassel a ordonné à M. de Malsbourg de demander des passeports à Paris et de retouruer à Cassel;

Que depuis, les troupes, prussiennes sont entrées à Cassel; qu'elles y ont été accuellies avec enthousiasme par le prince héréditaire, général au service de Prusse, qui a mênte traversé la ville à leur tête :

"Que ces troupes ont traversé tous les états de Hesse-Cas sel pour attaquer l'armée française à Francfort:

Qu'immédiatement après, le plan de campagne de l'a mée française étant venu à se développer, les généraux prus siens ont senti la nécessité de rappeler tous leurs détachemens pour se concentrer à Weimar, afin de livrer bataille ;

“Que c'est donc par l'effet des circonstances militaires, et non de la neutralité de la Hesse, que les troupes prussiennes ont rétrogadé sur leurs lieux de rassemblemens;

"Que pendant tout le tems que le sort des armées a été incertain, la cour de Hesse-Cassel a continué ses armemens comme un acte d'hostilité ;

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"Que les armées prussiennes ayant été battues, et rejetées au-delà de l'Oder, il serait aussi imprudent qu'insensé de la part du général de l'armée française de laisser se former cette armée hessoise qui serait prête à tomber sur les derrières de Parmée française si elle éprouvait un échec ;

"Que le soussigné a donc reçu l'ordre exprès de déclarer que la sûreté de l'armée française exige que la place de Hanau et tout le pays de Hesse-Cassel soient occupés; que les armes, capons, arsenaux soient remis à l'armée françaie, et que tous les moyens soient pris pour assurer les derrières de Parmée contre l'inimitié constante qu'a montrée à l'égard de la France, la maison de Hesse-Cassel.

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"Il reste au prince de Hesse-Cassel & voir dans la situation des choses, s'il veut repousser la force par la force, et rendre son pays le théâtre des désastres de la guerre. Toutefois cela étant incompatible avec une saine politique, le soussigne a reçu órdre de demander ses passeports et de se retirer de

suite.”

(Signé)

SAINT-GENEST. Voici ensuite la proclamation qu'a faite le maréchal Mors

tiér.

PROCLAMATION

Du 31 Octobre.

Edouard Mortier, maréchal de l'empire, etc.
Habitans de Hesse,

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Je viens prendre possession de votre pays. C'est le seul moyen de vous éviter les horreurs de la guerre. Vous avez été témoins de la violation de votre territoire par les ' troupes prussiennes. Vous avez été scandalisés de l'accueil que leur a fait le prince héréditaire. D'ailleurs, votre souverain et son fils, ayant des grades au service de Prusse, sont tenus à l'obéissance aux ordres du commandant en chef de ' l'armée prussienne. La qualité de souverain est inconpatible avec celle d'officier au service d'une puissance, et de la dépendance des tribunaux étrangers.

Votre religion, vos lois, vos mœurs, vos priviléges seront respectés, la discipline sera maintenue; de votre côté, soyez Ттттт 2

(Signe)

tranquilles. Ayez confiancé au grand souverain dont dépend votre sort: vous n'y pourrez éprouver que de l'amélioration. E. MORTIER. Le prince de Hesse-Cassel, maréchal au service de Prusse, et son fils, général au service de la même puissance, se sont retirés: le prince de Hesse-Cassel, pour réponse à la note qui lui fut remise, demanda de marcher à la tête de ses troupes avec l'armée française contre nos ennemis; le maréchal Mor tier répondit qu'il n'avait pas d'instructions sur cette proposi tion; que ce prince ayant armé après la déclaration qui avait été faite à Paris à M. de Malsbourg, son ministre, que le mon dre armement serait considéré comme un acte d'hostilité, son territoire n'avait pas été seulement violé par les Prussiens, mais qu'ils y avaient été accueillis avec pompe par le prince héré ditaire; que depuis, ils avaient évacué Cassel par suite de combinaisons militaires, et que ce ne fut qu'à la nouvelle de la ba taille de Jena que les armemens discontinuèrent à Cassel; qu'à la vérité, le prince héréditaire avait eu le grand bonheur de marcher à la tête des troupes prussiennes et d'insulter les Fran çais par toutes sortes de provocations.

Il paiera cette frénésie par la perte de ses états. Il n'y a pas en Allemagne une maison qui ait été plus coustamment ennemie de la France. Depuis bien des années elle vendait le sang de ses sujets à l'Angleterre pour nous faire la guerre dans les deux mondes, et c'est à ce trafic de ses troupes que le prince doit les trésors qu'il a amassés, dont une partie est, dit-on, enfermée à Magdebourg, et une autre a été transportée à l'étranger. Cette avarice sordide a entraîné la catastrophe de sa maison, dont l'existence sur, nos frontières est incompatible avec la sûreté de la France. Il est tems enfin, qu'on ne se fasse plus un jeu d'inquiéter quarante millions d'habitans, et de porter chez eux le trouble et le désordre. Les Anglais pourront encore corrompre quelques souverains avec de l'or; mais la perte des trônes de ceux qui le recevront, sera la suite infaillible de la corruption. Les alliés de la France prospére ront et s'aggrandiront, ses ennemis seront confondus et dé trônés.

Les peuples de Hesse-Cassel seront plus heureux. Déchargés de ces immenses corvées militaires, ils pourront se livrer paisiblement à la culture de leurs champs; déchargés d'une partie des impôts, ils seront aussi gouvernés par des principes généreux et libéraux, principes qui dirigent l'admi nistration de la France et de ses alliés. Si les Français eussent été battus, on aurait envahi et distribué nos provin ces; il est juste que la guerre ait aussi des chances sérieuses pour les souverains qui la font, afin qu'ils réfléchissent plus mûrement dans leurs conseils avant de la commencer. Dans ce terrible jeu, les choses doivent être égales. L'empereur ordonné que les forteresses de Hanau et de Marbourg soient

détruites, tous les magazins et arsenaux transportés à Mayence, toutes les tronpes désarmées, et les armes de Hesse-Cassel enlevées de toutes parts.

La suite prouvera que ce n'est point une ambition insatiable ni la soif des conquêtes qui a porté le cabinet des Thuilleries à prendre ce parti, mais bien la nécessité de terminer enfin cette lutte, et de faire succéder une longue paix à cette guerre insensée, provoquée par les misérables intrigues et les basses manœuvres d'agens tels que les lords Paget et Morpeth.

Cassel, le 17 Novembre, 1806.

La plupart des troupes françaises qui étaient ici, sont parties successivement depuis trois jours; il n'est resté que quelques bataillons de grenadiers pour former la garnison. S. Exc. le maréchal Mortier est aussi parti hier, avec son état-major. On dit que la plus grande partie du corps sous ses ordres a une autre destination que l'occupation de notre pays.

Le général Lagrange, gouverneur-général de la Hesse, publié, le 4, une proclamation ainsi conçue:

"Habitans de la Hesse,

"Vous connaissez maintenant les causes auxquelles vous pouvez attribuer les événemens qui se sont passés. Les circonstances, j'ose le croire, n'entraîneront point après elles les malheurs qui sont presque inévitables au milieu de tels changemens. La guerre et ses désastres ne ravageront pas vos campagnes. Restez tranquilles, continuez vos travaux et vos spé culations de commerce; abandonnez-vous à votre industrie et à votre activité, et soyez sans crainte pour vos lois, vos usages, votre religion, vos personnes et vos propriétés. Tout sera protégé. Nommé gouverneur-général de la Hesse par S. M. l'empereur des Français et roi d'Italie, je ferai tout ce qui dépendra de moi, pour maintenir l'ordre, et faire prospérer le pays. Tel est le but que je me suis proposé. Heureux, si je puis l'atteindre. Votre devoir, habitans de la Hesse, est l'obéissance aux ordres et aux dispositions du gouvernement, et l'exécution ponctuelle et absolue de tout ce qu'il vous prescrira. C'est tout ce que j'exige de vous pour atteindre un but, qui doit nous être commun, et dont votre bonheur et votre tranquillité sont inséparables."

Le gouvernear-général arrête ce qui suit:

Art. Ter. La perception de tous les revenus de l'eléction de Hesse, et l'administration de la justice auront lieu, à l'avenir, au nom de S. M. l'empereur et roi.

2. Tout le pays sera désarmé. Ceux qui, après l'ordre donné pour le désarmement, conserveront encore des armes, se mettront dans le cas d'être fusillés. Sont toutefois exceptés de cette mesure, tous les officiers à qui il est permis de conserver leurs armes, ainsi que les personnes qui ont le droit de porter l'épée.

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