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cour de Paris, sur la plaidoirie de Lépidor (1), établit une jurisprudence conforme aux véritables intérêts des beaux-arts et du commerce, dont le principal aliment est la liberté. ›

Pour M. Vittoz on disait: Bertren a usurpé la propriété de Vittoz, ou de M. Picot, aux droits duquel est Vittoz. En effet, il reconnaît que sa pendule est une copie servile du tableau de M. Picot, Or, an peintre seul appartient le droit de vendre son tableau, et ce droit ne peut être compromis par la jouissance individuelle qu'il consent à donner à chaque spectateur de son tableau. En effet, l'expression de sa pensée donne naissance à deux droits distincts: le premier, purement voluptuaire, est abandonné à l'instruction de tous, mais n'autorise pas ceux qui admirent un tableau exposé en public à en tirer partie par la reproduction; le second, qui est un droit utile, est réservé au propriétaire seul. Or le graveur traduit, suivant les règles de son art, la pensée du peintre avec le burin par des tailles sur le cuivre, comme le sculpteur, dont l'art a tant d'analogie avec celui du bronzier, la traduit en modelant l'argile, ou avec le ciseau sur la pierre. Le graveur, le lithographe..le sculpteur, n'ont à vaincre que des difficultés de copie, et non pas à créer la pensée originale, qui est seule l'œuvre du genie, Le peintre peut sans doute avoir emprunté l'idée de son onyṛage à la poésie ou à l'histoire ; mais la composition est à lui, et dans la peinture la composition est tout. Girodet, empruntant à Châteaubriand le sujet de la mort d'Atala, n'a point puisé dans le poème la place occupée par chaque personnage, leur attitude leur expression particulière. Quand le graveur demanda au peintre la permission de confectionner la gravure, celui-ci ne put point lui dire : Ouvrez Chateaubriand, vous y trouverez mon tableau tout entier. Ce qui constitue essentiellement l'œuvre du peintre, c'est la forme qui rend palpable la pensée de la composition : cette forme, cette disposition du sujet, le peintre peut la vendre au sculpteur, au bronzier, comme au graveur.

Ce droit du peintre, fondé sur l'invention, l'est encore sur l'utilité que retire de son œuvre le sculpteur aussi bien que le graveur. En effet, le sculpteur, avant de modeler son argile, est obligé de fixer sa pensée par une esquisse jetée sur le papier; le tableau est pour lui un dessin fait d'avance qui lui

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(1) Voy. les Annales du barreau français, où ev plaidoyer, modèle de genre, se trouve rapporté.

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évite ce travail d'imagination qui devrait coordonner son sujet. C'est ainsi par exemple que les travaux de sculpture du gouvernement sont confiés pour la composition à des peintres, et exécutés ensuite par les sculpteurs. De même les bronziers achètent des dessins qu'ils font ensuite reproduire en bronze. Indépendamment de la pensée, le dessin est donc utile au scalpteur d'où il suit que le créateur ou le dessinateur ont le droit de vendre ce que le bronzier a l'intérêt d'acheter.

L'art, dont Bertren s'est à tort constitué le défenseur, n'estil pas plus intéressé à ce qu'un bel ouvrage ne soit pas défiguré, à ce qu'il ne soit confié qu'à un habile bronzier, que le peintre pourra surveiller?

Le commerce, que Bertren a prétendu également favoriser, 'exige-t-il pas que le bronzier qui a exécuté un sujet heureux puissé jouir seul de son travail? faut-il laisser des imitatears serviles, qui ne courent pas les chances des variations du goût public, partager avec le bronzier inventeur, et souvent recueillir seuls les fruits d'un travail qui n'est pas le leur?

En droit, les art. 1 et 7 de la loi du 19 juil. 1793, 425 et 424 du C. pén., embrassent toutes les productions du génie et des arts ce qui comprend évidemment la sculpture. Or, dans la sculpture, la différence de matière importe fort peu: ce serait donc une distinction erronée que celle qu'on voudrait établir entre un bronzier et un sculpteur proprement dit. Là où celui-ci aurait commis une contrefaçon, celui-là ne pourrait pas se prétendre innocent du même délit. Ainsi, la loi, l'intérêt du commerce et des arts, et la raison, se réunissent pour protéger les jugements attaqués.

M. Tardif, substitut du procureur-général, a 'adopté le tème développé par l'appelant.

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Comme tous les beaux-arts, la peinture, a-t-il dit, est le produit de l'imitation; celui qui la cultive 'ne s'occupe pas à imaginer ce qui peut être, mais il cherche ce qui est, C'est l'exemple qui l'instruit. Le génie est comme la terre, qui ne produit rien qu'elle n'en ait reçu la semence. Proscrire l'imitation, ce serait proscrire les beaux-arts.

Les plus grands artistes, parvenus à l'apogée de leur talent, n'ont pas dédaigné de consulter, d'imiter même les chefs-d'œuvres qu'ils admiraient. Le Poussin préférait à l'imitation de la nature celle des antiques, pour lesquels il avait un goût prononcé, au point de laisser reconnaître dans ses tableaux les statues qui lui avaient servi de modèles. » Mais, dira-t-on. avec les premiers juges, l'artiste créateur d'une idée » en est propriétaire exclusif, de telle manière qu'on ne peut la reproduire qu'après avoir obtenu son consentement. »

On oublie, en faisant cette objection, les dispositions de la loi de

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1793; elle a dit sur quoi reposait le droit de propriété qu'elle reconnait à un auteur ce n'est pas sur la pensée, sur la composition, mais sur l'ouvrage reproduit, imprimé ou gravé, sur l'édition de la gravure; c'est cette gravure, et non l'idée, le sujet, qu'il est interdit de reproduire sans le consentement du peintre; le droit de la société commence où finit le sien. Et qu'on ne dise pas qu'on le dépouille du droit de propriété le plus personnel, le plus intime, le plus sacré, en donnant à chacun la faculté de se saisir de sa pensée et de la reproduire.

La propriété exclusive d'une idée est en effet considérablement modifiée par la publicité qui lui est donnée. Sa nature, sa destination, la volonté même de l'auteur lorsqu'il la publie, repoussent la pensée d'un droit exclusif; elle tombe dans le domaine commun des lumières; plus elle offre d'utilité, d'agréments, plus on est empressé à s'en saisir, et plus le droit particulier de celui qui l'a conçue est restreint; jamais il ne pourra la reprendre, elle s'éloigne de plus en plus de lui. Nescit vox missa reverti........, semel emissum volat irrevocabile verbum. (Horace.)

» Qu'il nous soit permis, Messieurs, d'arrêter notre pensée et la vôtre sur quelques considérations qui se pressent autour de la question de droit que vous avez à juger, de vous parler des progrès et de la prospérité croissante de l'industrie des bronzes, dus sans doute à la sécurité dont elle a joui jusqu'à ce jour, à cette confiance partagée par tous les artistes bronziers, qu'en empruntant à la gravure le sujet de leurs modèles, ils ne blessaient aucun intérêt privé.

Décider, comme les premiers juges, qu'ils ont commis autant de contrefaçons qu'ils ont fait d'emprunts de ce genre, ce serait imprimer un sceau de réprobation sur un grand nombre de beaux ouvrages exécutés avec une entière bonne foi, ouvrir une carrière féconde en procès, porter un coup funeste à l'industrie des bronzes, à la sculpture en ivoire, à la peinture en porcelaine. Non seulement elles seraient pour l'avenir placées vis-à-vis de la peinture dans un état de dépendance, elles deviendraient ses tributaires; mais l'existence d'une foule de produits serait menacé par les poursuites que les peintres ou leurs héritiers s'empresseraient d'exercer; destruction de ces ouvrages, amendes considérables contre les fabricants et les débitants, concurrence éteinte, essor et progrès arrêtés: inquiétude répandue dans plusieurs branches commerciales; voilà le triste avenir que préparerait au commerce des bronzes le système des premiers juges.

Du 14 décembre 1831, ARRÊT de la cour royale de Paris, chambre des appels de police correctionnelle, M. de Haussy président, M. Taillandier, conseiller, rapporteur, MM. Patorni et Bethmont avocats, par lequel:

.LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté par Bertren du jugement rendu par le tribunal de police correctionnelle du département de la Seine, le 5 août 1831;

Considérant, en droit, que la loi du 19 juil. 1793, qui régit les con trefaçons, a limité la propriété des auteurs, compositeurs, peintres et dessinateurs, ou de leurs cessionnaires, au droit exclusif de vendre, faire vendre et distribuer leurs ouvrages ou les gravures qu'ils en auraient fait faire;-Que ce droit ne peut être étendu à la reproduction desdits ouvrages au moyen d'un art essentiellement distinct dans ses procédés comne dans ses résultats; qu'aiusi l'imitation d'un tableau ou d'une gra

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vure, en tout ou en partie, par l'art de la sculpture, de moulure on de la ciselure, ne constitue pas le délit de contrefaçon; que ce délit, dans le sens et suivant l'esprit de la loi pénale, indépendamment de l'imitation plus ou moins complète, doit être considéré sous le point de vue de la possibilité d'une concurrence commerciale pouvant causer un préjudice à l'auteur de l'ouvrage qui a été l'objet de l'imitation; que cette concurrence ne saurait exister entre des ouvrages de peinture ou de gravure et des ouvrages de sculpture ou de moulure;

» Considérant, en fait, qu'il est constant que, dès l'année 1829, Bertren, fabricant bronzier à Paris, avait fait modeler en cire, d'après la gravure d'un tableau peint par Picot, un groupe de figure représentant Raphael et la Fornarina; que Bertren a fait ensuite exécuter en bronze ce groupe pour servir de modèle de pendule; qu'il y a joint des ornements accessoires qu'il a fait composer, et qu'il a aussi exécutés en bronze;-Considérant qu'à la même époque, Vittoz, fabricant de bronzes à Paris, avait déjà, depuis quelques mois, fait exécuter en bronze un modèle de pendule d'après la même gravure du tableau de Picot, le sujet de Raphaël et la Fornarina; qu'il en avait même livré plusieurs au commerce, sans avoir demandé le consentement ou l'agrément de Picot; Considérant que ce n'est qu'ultérieurement, et dans la vue d'empêcher la concurrence de la part des fabricants de bronzes, que Vitloz a traité avec Picot, et a obtenu de ce peintre l'autorisation d'exécuter en bronze le sujet du tableau représentant Raphael et la Fornarina; que Picot a en même temps autorisé le sieur Vittoz à poursuivre comme coutrefacteurs ceux qui exécuteraient en bronze le même sujet; Considérant qu'il est de principe que nul ne peut céder plus de droits qu'il n'en a lui-même, et que le droit de propriété d'un tableau ou d'un groupe ne s'étend pas jusqu'à celui d'empêcher l'imitation ou la reproduction de la composition par les procédés d'un autre art essentiellement distinct, tel que la sculpture; Considérant qu'il est constant au procès que Bertren, pour exécuter en bronze le groupe dont il s'agit, n'a pas employé le procédé du contre-moulage, réprouvé dans le commerce des fabricants de bronzes; que dès lors c'est par une fausse application des lois de la matière que Bertren a été condamné comme contrefacteur par le jugement dont est appel:

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» Par ces motifs, A MIs et MET l'appellation et le jugement dont est appel au néant; émendant, décharge Bertren des condamnations contre lui prononcées par icelui; au principal, statuant par jugement nouveau, RENVOIE Bertren de l'action en contrefaçon intentée contre lui; en conséquence fait mainlevée de la saisie pratiquée à la requête de Vittoz sur les modèles de pendule appartenants à Bertren; ordonne que lesdits bronzes déposés au greffe seront remis à ce dernier, en donnant par lui bonne et valable décharge au greffier dépositaire;

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»Statuant sur les conclusions de Bertren à fin de dommages-intérêts, Considérant que, par suite de la saisie pratiquée à la requête de Vittoz des modèles en bronze appartenants à Bertren, ce dernier a éprouvé dans son commerce un préjudice à la réparation duquel il'a droit;

» Condamne Vittoz et par corps à payer à Bertren, à titre de dommages-intérêts, la somme de 600 fr., à laquelle la cour arbitre d'office le préjudice causé à Bertren;

Condamne Vittoz en tous les frais de première instance et d'appel

J. A. L.

COUR D'APPEL DE COLMAR.

L'exercice de la profession d'artiste vétérinaire sans diplôme constitue-t-il un délit ou une contravention? (Rés. nég.).

RUST, C. LE MINISTÈRE PUBlic,

Un jugement du tribunal de police correctionnelle d'Altkirch, par application des lois du 21 germ. án 11 et du 29 pluv. an 13, avait condamné le sieur Rust à 100 fr. d'amende comme coupable d'avoir exercé l'art vétérinaire sans diplôme et sans autorisation dans la commune de Reiningen. Il interjeta appel de la sentence, sur le motif que les dispositions lé– gislatives dont on lui fit l'application ne se référaient qu'à l'administration des secours pharmaceutiques dans ses rapports avec l'art de guérir les individus de l'espèce humaine.

Du 11 juillet 1832, arrêt de la cour d'appel de Colmar, M. Baillet avocat, par lequel:

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« LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Paillart, avo. #cat-général; Attendu que les faits imputés à l'appelant ne sont pas prévus par les lois pénales; MET ce dont est appel au néant; tuant au principal, renvoie l'appelant des poursuites dirigées contre lui.

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COUR D'APPEL DE PARIS.

- Sta

Les entrepreneurs des messageries peuvent-ils, en cas de perte d'un ballot dont la valeur réelle n'a pas été déclarée au moment de l'expédition, se soustraire au paiement de la totalité de sa valeur, dûment justifiée, en offrant l'indemnité de 150 fr., déterminée· par la toi du 24 juillet 1793, ou toute autre indemnité? (Rés. nég.)

MORIZE, C. LES MESSAGERIES ROYALES.

Un ballotin est remis au bureau des messageries royales, sans autre indication que celle de sa destination, avec l'inscription schalls. Confié au conducteur Cibiel, ce ballottin a été perdu dans le trajet de Paris à Soissons.

L'expéditeur, le sieur Morize, fait assigner les messageries devant le tribunal de commerce de la Seine en paiement d'une somme de 5,608 fr., prix justifié par factures des schalls expédiés. Il en signalait l'origine : les schalls étaient des cachemires des Indes.

Les messageries offrent pour toute indemnité une somme

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