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Le deuxième motif de l'arrêt attaqué est fondé sur ce que l'ancienne jurisprudence dont il argumente recevait, dans l'espèce, une application particulière, parce qu'il existait un mineur contre lequel avait été obtenu le jugement du 17 prair. an 6. La première erreur que nous avons signalée a entraîné la cour dans une erreur non moins grave. Dans l'ancien droit comme dans le nouveau, on ne rencontré aucune disposition qui, pour faire courir les délais de l'opposition, et, à plus forte raison, pour les prolonger pendant trente ans, ait exigé que la sentence fût signifiée au mineur lui-même ou au mineur devenu majeur. L'art. 3 précité de l'ordonnance de 1667 ne distingue pas ; l'art. 5, même titre, de l'ordonnance, parle, il est vrai, de la signification des sentences à faire aux mineurs depuis leur majorité; mais c'est ici que la cour a fait une confusion de principes: l'art, 5 se retrouve tout en tier dans l'art. 484 du C. de proc. civ., relatif à la requête civile. La confusion commisé par la cour de Lyon est d'autant plus évidente, que la circonstance que le jugement a été rendu par défaut est précisément un moyen de requête civile pour le mineur, parce qu'alors il est supposé n'avoir pas été défendu, aux termes de l'art. 35 de l'ordonnance. C'est ce qu'observe, en effet, Jousse, sur cet article, en s'appuyant sur le procès-verbal de l'ordonnance, qui d'ailleurs est conforme à la loi unique, § ult., ff., De officio prætoris.

Sur le deuxième moyen. La violation de l'art. 3 de l'ordonnance de 1667 et la fausse application des art. 5 et 55 de la même ordonnance étant démontrées, la violation de l'art.

34 de la loi du 27 mars 1791 ne l'est pas moins. Cet article est

ainsi conçu : « Jusqu'à ce que l'assemblée nationale ait statué sur la simplification de la procédure, les avoués suivront exactement celle qui est établie par l'ordonnance de 1667 et par les règlements postérieurs.

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La demoiselle Chambeyron, défenderesse au pourvoi, répondait La jurisprudence du parlement de Paris, qui était suivie dans les provinces du Lyonnais et du Forez, déclarait recevable pendant trente ans, sous l'ordonnance de 1667, l'opposition aux sentences rendues par défaut. On oppose à ce point de doctrine des arrêts contraires de la cour de cassation. Ces arrêts sont inapplicables à l'espèce; ils ont été rendus à l'égard de jugements en dernier ressort, non susceptibles d'appel; ils ont été rendus contre des parties majeures.

Le procès-verbal de l'ordonnance de 1667 fait foi que, d'après le vœu des rédacteurs, l'opposition n'était admise, aux termes de l'art. 3, tit. 35, qu'à l'égard des jugements et arrêts en dernier ressort, et que la voie de l'appel était la seule ouverte contre les sentences en premier ressort. Cependant P'usage de l'opposition contre les sentences par défaut ne tarda point à s'introduire. Le délai de cette opposition n'était pas de #huitaine seulement, il durait pendant tont le délai que la partie condamnée avait pour interjeter appel. Quel était le délai de l'appel à l'égard des mineurs? L'art. 12, tit. 27, de l'ordonnance, déclare que la sommation faite à celui qui a été condamné par défaut, trois ans après la signification faite, ne lui donne qu'un délai de six mois. Mais l'art. 16 porte que

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«La fin de non recevoir n'a pas lieu contre les mineurs pendant le temps de leur minorité et jusqu'à ce qu'ils aient 25 ans accomplis, après lesquels les délais commenceront à courir. A défaut de sommation, les sentences n'auront force de chose jugée qu'après dix ans, à compter de leur signification.

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Cette signification, dit Jousse, doit être faite au vrai domicile de la partie. Ainsi donc, pour que le délai de l'appel, fixé à dix ans, pût courir contre le mineur, il fallait que la signification lui en fût faite à son vrai domicile, c'est-à-dire après sa majorité. Ainsi la signification faite au domicile des tuteurs ne faisait pas courir le délai; ainsi, d'après l'ordonnance, les mineurs Chambeyron, dans l'espèce, avaient le droit d'interjeter appel de la sentence du 17 prair. an 6, ils étaient dans le délai, et par cela même l'opposition était recevable. La raison de la conversion de l'appel en opposition se tirait de ce qu'il était inutile de jeter les parties dans les frais d'un appel, lorsque justice pouvait leur être rendue à moins de frais..

La cour de Lyon n'a donc point jugé contre la jurisprudence de la cour suprême en décidant que l'opposition pouvait être reçue contre un jugement susceptible d'appel, tant que l'appel était recevable. Elle a respecté l'ordonnance et la loi de 1791.

Enfin, la cassation de l'arrêt attaqué serait sans intérêt pour les héritiers Chambeyron, car la demoiselle Chambeyron a, contre la sentence, la double voie de l'appel et de la requête civile. (Voy. Jousse, art. 35 de l'ordonnance.)

Du 19 juin 1852, ARRÊT de la chambre civile, M. Portalis, premier président, M. Chardel rapporteur, MM. Rogron et Guény avocats, par lequel:

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LA COUR, — Sur les conclusions de M. Voysin de Gartempe, avocat-général; et après délibéré en chambre du conseil; Vu l'art. 5, tit. 35, de l'ordonnance de 1667, et 36 de la loi du 26 mars 1791;— Attendu qu'aux termes de l'ordonnance de 1667, l'opposition n'était admise que contre les jugements rendus par défaut en dernier ressort, et devait être formée dans la huitaine de la signification à personne ou a domicile; Que, si la jurisprudence avait étendu cette disposition aux jugements par défaut qui n'étaient pas rendus en dernier ressort, néanmoins, l'usage, conforme à la loi en ce point, n'autorisait l'opposition que durant la, huitaine de la signification, et voulait, après l'expiration de ce délai, qu'aucune opposition ne fût reçue, si elle n'était précédée d'un acte d'appel, qui seul pouvait être ensuite converti en opposition: - Que la loi du 27 mars 1791, qui a ordonné que les dis positions de l'ordonnance de 1667 seraient exactement exécutées, s'oppose à ce qu'on étende au-delà de ce terme les délais de l'opposition pour les jugements qui n'étaient point rendus en dernier ressort; Que, dans l'espèce, il s'agit d'une opposition à un jugement qui n'a pas été rendu en dernier ressort par défaut; — Que l'opposition n'a pas été formée dans la huitaine de la signification; Que, le délai de huitaine expiré, il n'a pas été formé d'appel, que dès lors l'appel n'a pas été converti en opposition: qu'en cet état de choses, la cour royale de Lyon en décidant que cette opposition était valable, a expressément violé les lois précitées; — Casse. » A. M.

COUR DE CASSATION. Une partie peut-elle, par voie d'action principale et nouvelle neutraliser l'exécution d'un bordereau de collocation décerné par suite d'une inscription hypothécaire qui avait été prise en vertu d'une obligation notariée, en excipant contre cette exécution d'une contrelettre sur laquelle elle avait gardé le silence lors des contestations élevées sur l'état de collocations réglé par jugement, confirmé par arrêt passé en force de chose jugée? (Rés. nég.)

CHARMETTON, C. GERMAIN.

Le sieur Germain père exerçait le commerce de vins, et s'était mis, en raison de son négoce, en relations avec le sieur ·Charmetton, au profit duquel il souscrivait divers billets à ordre pour livraison de vins, ou même des billets de crédit.—En 1820, il existait en circulation pour 30,000 fr. de ces billets. Le sieur Charmetton les avait négociés au sieur Desarbres; il était de plus porteur d'un billet de 13,000 fr. En cet état de choses, il exigea des garanties. La dame Germain souscrivit à son profit un engagement solidaire avec son mari pour le billet de 13,000 fr., et une obligation hypothécaire pour garantie du paiement des 30,000 fr. de billets en circulation. Le même jour il écrivit la déclaration suivante :

Je soussigné, Charles-François Charmetton, déclare, en faveur de

M. Germain, qu'au moyen de l'obligation de 30,000 fr. qu'il a consentie, conjointement et solidairement avec son épouse, en ma faveur, ce-, jourd'hui, je m'engage à lui rapporter comme solus et acquittés, à leurs échéances respectives, jusqu'à concurrence de la même somme de 30,000 fr." d'effets par lui souscrits à mon profit, et que j'ai négociés à M. Desarbres, lors duquel rapport la présente déclaration me sera rendue. Lyon, le 2 mai 1820.

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J'approuve.

Signe CHARMETTON. »

A

En 1821, les immeubles du sieur Germain sont vendus par expropriation. Son épouse en devient adjudicataire pour une, partie et moyennant 50,000 fr.- Un ordre s'ouvre sur le prix devant le tribunal civil de Villefranche. Le sieur Charmetton est colloqué provisoirement, comme subrogé aux droits de la dame Germain, pour le montant de son billet de 13,000 fr. et pour l'obligation notarié de 30,000 fr. Diverses contestations s'étaient élevées sur le règlement provisoire de l'ordre. A l'égard du sieur Charmetton, elles s'étaient notamment exercées sur la collocation du billet de 13,000 fr.; il ne fut rien dit sur l'obligation de 30,000 fr. Ces contestations furent jugées par le tribunal de Villefranche, dont la sentence fut confirmée par arrêt de la cour de Lyon, du 31 mai 1827. En exécution de l'arrêt, un bordereau de collocation avait été délivré au sieur = Charmetton sur le prix dû par la dame Germain, tant pour le billet de 13,000 fr. que pour l'obligation de 30,000 fr. Les 13,000 fr. furent payés. Quant au bordereau de collocation, décerné pour le paiement de l'obligation notariée de 30,000 fr., la dame Germain, autorisée par son mari, prétendit que la cause de ce titre n'était qu'une garantie de l'obligation, éventuelle pour le sieur Charmetton, de rembourser les billets négociés au sieur Desarbres; de sorte que, s'il en était créancier, il était aussi débiteur d'une somme égale, à défaut par lui d'opérer la remise des billets. En remettant les billets, rien ne s'opposait à ce qu'elle lui payât les 30,000 fr. En refusant de les lui remettre, il devenait passible d'une condamnation au paiement d'une somme égale, d'où résultait une compensation qui entraînait l'extinction de l'acte notarié. Aussi, lorsqu'il se présenta pour réclamer le paiement des 30,000 fr., la dame Germain lui demanda l'exécution de son obligation personnelle. Il s'y refusa, et, dès lors, une nouvelle instance s'engagea entre les parties. Le sieur Charmetton prétendit que tout avait été jugé par le règlement d'ordre. Le tribunal de Villefranche accueillit son système; mais la cour de Lyon infirma la sentence en ces termes, par arrêt du 31 mars 1 1830 :

Attendu que l'art. 1351 du code dispose que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement; qu'il faut que la chose demandée soit la même, et que la demande soit fondée sur la même cause; Attendu que, dans les instances qui ont eu lieu entre les parties au tribunal de Villefranche et devant la cour, relativement à l'ordre et distribution du prix provena de la vente des biens de Germain, Charmetton a bien réclamé le paiement de 30,000 fr., montant de l'obligation du 2 mai 1820; que la validité de cette obligation n'a point été contestée, et que, sur ce point, il ne s'est élevé aucune difficulté; mais qu'il n'a pas alors été question de la contrelettre du même jour, qui n'a point été opposée, dont personne n'a excipé, et qui n'a alors été ni représentée ni connue; Attendu que ce n'est que dans l'instance actuelle que les appelants ont produit pour la première fois cette contre-lettre, et en ont demandé l'exécution; qu'ainsi cette demande nouvelle n'a pas fait l'objet des jugements rendus dans l'ordre dont on a parlé; que la chose demandée aujourd'hui n'est pas la même que celle qui s'agitait dans ces instances, et qu'enfin cette dernière demande n'est pas fondée sur la même cause ni sur le même acte que la première;

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» Au fond, -Attendu qu'il résulte évidemment de la contre-lettre signée par Charmetton le 2 mai 1820, représentée par les appelants, que la somme de 30,000 fr., qui a motivé l'obligation du même jour, n'a pas été réellement prêtée et comptée alors par Charmnetton; mais que cette obligation avait seulement pour objet de garantir et d'assurer le paiement de différents billets souscrits par Germain à Fordre de Charmetton jusqu'à concurrence de ladite somme de 30,000 fr.; - Attendu qu'il est stipulé dans cet acte que Charmetton s'engage à reporter à Germain lesdits billets acquittés à leurs échances respectives, et que ce n'est que lors de ce rapport que la contre-lettre sera rendue à Charmetton; "Attendu que l'art. 1175 du code porte • que toute condition doit être accomplie de la manière que les parties ont » vraisemblablement voulu et entendu qu'elle le fût » ; — Attendu qu'on ne peut donner d'autres motifs et d'autre sens aux conditions insérées dans la contre-lettre du 2 mai 1820, sinon que l'obligation du même jour n'avait, ainsi qu'on l'a dit, d'autre objet que la garantie des billets, et qu'il les rapporterait à Germain; - Attendu que les actes librement consentis doivent être exécutés, et qu'en conséquence l'obligation dudit jour 2 mai 1820 ne peut produire aucun effet qu'au moment où Charmetton justifiera qu'il á payé les billets mentionnés dans cette contre-lettre, et qu'il les rapportera à Germain; Attendu que Charmetton ne rapporte pas ces billets, ne justifie point qu'il les ait payés, et que ce n'est pas par des présomptions qu'on peut établir ce rapport et le paiement; - Sur la question de savoir si les billets avaient été payés, déclare en fait qu'ils ne sont pas rapportés et qu'il n'est pas justifié de leur paiement;

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Par ces motis, la cour met l'appellation et ce dont est appel à néant; émendant, décharge, dans l'état, les appelants du paiement du bordereau qui a été délivré à l'intimé, en sous-ordre de la collocation faite au profit de la dame Germain, et ce jusqu'à concurrence de la somme de 30,000 fr., montant de l'obligation du 2 mai 1820, ainsi que des intérêts de ladite somme; ordonne que toutes inscriptions hypothécaires prises en vertu de ladite obligation par Charmelton seront ra diées, au vu d'une copie du présent arrêt, par le conservateur des hy、 pothèques..

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