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COUR DE CASSATION.

Les ordonnances du juge d'instruction sont-elles susceptibles d'être attaquées par le ministère public? (Rés. aff.) C. d'inst. crim., art. 559. (1)

Le recours du ministère public contre les ordonnances du juge d'in

struction doit-il être porté devant la cour royale, et non devant la chambre du conseil du tribunal de première instance? (Rés. aff.) C. d'inst. crim., art. 127. (2)

Les ministres du culte sont-ils des agents du gouvernement? (Rés. nég.) Constitut. de l'an 8, art. 75. (3)

Est-il besoin de l'autorisation préalable du conseil d'état pour pouvoir poursuivre un ministre du culte, à raison des faits qualifiés crime ou délit par la loi pénale? (Rés. nég.) Loi du 18 germ. an 10, art. 6, 7 et 8. (4)

LE MINISTÈRE public, C. CHAILLOU.

Du 23 décembre 1831, ARRÊT de la cour de cassation, chambre criminelle, M. de Bastard président, M. Chantereyne rapporteur, par lequel:

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LA COUR,-Sur les conclusions de M. de Gartempe, avocat-général, Sur le 1er moyen du demandeur,-Attendu que, si le juge d'instruction peut, en vertu de l'art. 61 du . d'inst. c., délivrer des mandats d'amener, même des mandats de dépôt, sans qu'ils soient précédés des conclusions du procureur du roi, dans tous les cas celui-ci a toujours le droit de se pourvoir contre l'ordonnance du juge d'instruction; Altendu que le juge d'instruction fait nécessairement partie de la chambre du conseil qui, aux termes de l'art. 127 du code, est saisie de la connaissance des affaires instruites par ce même juge d'instruction; qu'il serait contre tous les principes que le juge d'instruction pût statuer lui-même dans la chambre du conseil sur la validité du refus qu'il aurait fait au ministère public d'obtempérer à une de ses réquisitions; que ce n'est donc que par appel que fle ministère public peut se pourvoir contre une ordonnance du juge d'instruction, et que cet appel doit être porté devant la chambre d'accusation; - Que c'est d'après ces principes que l'art. 539 du C. d'inst. crim. dispose que les décisions du juge d'instruction relatives à sa compétence

(1 et 2) Jugé dans le même sens par arrêt du 1 août 1822 (t. 1o de 1823, p. 559), et par autre arrêt du 10 av. 1829, rendu dans l'affaire du sieur Bonnet.

(3 et 4) Arrêt conforme du 23 juin 1831 (t. 3o de 1831, p. 301). Il existe encore dans le même sens d'autres arrêts, en date des 9 sept., 3 et 25 nov. 1831, rendus dans les affaires des sieurs Aragon, Gobard et Rougerie, fondés sur les mêmes motifs que ceux dont nous avons rapporté les textes, cn sorte que la jurisprudence de la cour suprême paraît définitivement fixée sur les deux questions.

ne peuvent être attaquées que par la voie de l'appel devant la cour royale; —Qu'ainsi la cour royale de Poitiers, en jugeant que le procureur du roi devait faire statuer la chambre du conseil sur son opposition à l'ordonnance du juge d'instruction, à raison du refus de ce magistrat de décerner le mandat de comparution requis contre l'abbé Chaillou, desservant de la commune de S.-Florent-des-Bois, et en décidant que la chambre du conseil du tribunal de Bourbon-Vendée était seule compétente pour décider s'il serait ou non sursis à toutes poursuites ultérieures jusqu'à la décision du conseil d'état, a méconnu les règles de sa propre compétence et fait une fausse application des art. 1272 et 235 du C. d'inst. crim.;-Sur le deuxième moyen du demandeur; — Attendu que de l'application des art. 6, 7 et 8 de la loi du 18 germ. an 10, faite à des plaintes portées par des particuliers contre des actes ou entreprises offrant dans l'exercice du culte le caractère d'abus attribué par cette loi à la connaissance du conseil d'état, il ne résulte pas que l'action publique ne puisse être directement et immédiatement exercée contre des ecclésiastiques pour des faits qui présentent le caractère plus grave des délit prévus et punis par les lois; -Attendu en fait que l'abbé Chaillou est prévenu d'avoir, dans l'exercice de ses fonctions, censuré les actes du gouvernement, délit prévu par l'art, 201 du C. pén.; Attendu que les dispositions de la loi de germinal an 10 ne peuvent mettre obstacle à ce que le ministère public, chargé par l'art. 23 du G. d'inst. crim. de la recherche et de la poursuite de tous les délits dont la répression intéresse l'ordre social, ne remplisse des fonctions pour lesquelles aucune loi ne l'oblige d'attendre, en pareil cas, l'autorisation du conseil d'état, et que cependant la cour royale de Poitiers a, par l'arrêt déféré à la censure de la cour, jugé qu'il n'y a lieu, quant à présent, de donner suite à la procédure commencée, et sursis à cet égard jusque après la décision du conseil d'état; :- – En quoi ladite cour royale a violé les règles de sa compétence, et fait une fausse application des art. 6, 7 et 8 de la loi du 18 germ, an 10; Par ces motifs, CASSE. >>

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COUR DE CASSATION.

pronon

Lorsqu'un juge declare spontanément qu'une cause légitime l'oblige à s'abstenir, est-il nécessaire de rendre un jugement ou un arrêt, ou de dresser un procès-verbal pour constater les motifs d'absten tion et leur admission par la cour ou le tribunal qui doit cer sur la contestation ? (Rés. nég.). Suffit-il d'en faire mention dans l'arrêt ou jugement définitif, et de motiver ainsi la présence des magistrats appelés pour compléter la cour ou le tribunal qui a statué? (Rés. aff.) C. de proc. civ., art. 380.

Un juge peut-il s'abstenir pour des motifs qui ne seraient pas des causes valables de récusation? (Rés. aff.) C. de proc. civ., art. 378 et 580.

Les dépositions écrites recueillies dans l'instruction d'un procès crimi

nel sont-elles un élément› nécessaire d'un procès civil introduit

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sur les mêmes faits après le jugement de la poursuite criminelle? (Rés. aff.) (1)

LE PROCUREUR-GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'Appel de LIMOGES, C. Me THÉVENOT.

M. Thévenot, notaire, avait été traduit, sous une accusation le faux commis dans l'exercice de ses fonctions, devant la cour d'assises de la Haute-Vienne; mais sur la déclaration négative du jury il avait été acquitté. Le procureur du roi près e tribunal de Limoges poursuivit quelque temps après M. Thévenot pour le faire destituer de ses fonctions. Un juşement du 23 août 1831 prononça la destitution de Thévenot. Sur l'appel, plusieurs conseillers de la chambre où l'affaire tait pendante s'abstinrent sous divers motifs, les uns àvaient Concouru à l'arrêt de renvoi de M. Thévenot devant la cour l'assises, les autres avaient siégé à la cour d'assises même.

Aucun arrêt ne fut rendu à cet égard; seulement mention le ces abstentions fut faite lors de l'arrêt définitif, et deux nembres d'une autre chambre furent appelés pour compléter e nombre dés conseillers nécessaires pour rendre arrêt sur a destitution de M. Thévenot.-La chambre ainsi composée, be ministère public, pour justifier les inculpations dirigées conre l'appelant, voulut argumenter des témoignages reçus par e juge d'instruction lors de la poursuite criminelle en faux rincipal. Sur l'opposition de M. Thévenot, la cour de Linoges rendit, le 11 janv. 1832, un arrêt par lequel elle décida ue les dépositions ne seraient pas lues ; et le même jour un econd arrêt, vidant le fond, réforma le jugement de preaière instance et condamna le notaire à la peine de dix anées de suspension.

M. le procureur-général près la cour royale de Limoges 'est pourvu en cassation contre cet arrêt.

Premier moyen.- Violation de l'art. 380 et de l'art. 378 lu C. de proc. civ.

D'après l'art. 380, tout juge qui sait cause de récusation en

(1) Voy. au Journal, ț. 1o, p. 327, l'arrêt de la cour de cassation du 2 mes. an 7 et les observations qui l'accompagnent.,

La cour de Rennes a même décidé, le 12 juil. 1811, anc. col., t. 36, 202; nouv, édit., t. 12, p. 563, que les tribunaux civils ne pouvaient rendre pour base de leurs décisions les preuves acquises au criminel.

sa personne est tenu de le déclarer à la chambre, qui décidera s'il doit s'abstenir.

Une décision judiciaire doit donc intervenir sur l'abstention d'un juge, pour en peser les motifs, lorsque le ministère pablic a été entendu, lorsque la chambre saisie a été complétée par des magistrats appelés d'une autre chambre, enfin avant la discussion du fond de la cause, pour que les parties puissent connaître les magistrats appelés à terminer leurs contestations, et les écarter, si elles le jugent convenable, par la récusation. La mention faite dans l'arrêt définitif ne constate pas l'accomplissement de toutes ces formalités, et leur absence a mis les parties dans l'impossibilité d'user du droit de récusation, puisque ce droit doit être exercé avant le commencement de la plaidoirie, par acte déposé au greffe, et qu'elles ne connaissaient ni l'abstention ni le remplacement avant les plaidoiries.

La cour royale a de plus méconnu les dispositions de l'art. 378 du C. de proc. civ., en admettant les motifs d'abstention présentés. Parmi les conseillers qui ont déclaré s'abstenir les uns avaient siégé à la chambre des mises en accusation, les autres à la cour d'assises, lors de la poursuite criminelle dirigée contre M. Thévenot; mais il ne résultait pas de là qu'il eussent connu du différent, ainsi que l'entend la loi, qui vent parler de l'affaire à juger, et non des incidents qui peuvent avoir avec elle plus ou moins de rapport. Ainsi l'action disci plinaire soumise à la cour d'appel de Limoges ne reposait pas sur les mêmes faits, ne s'appuyait pas sur les mêmes principes que la prévention de faux.

Deuxième moyen.- La cour d'appel de Limoges a violé le droit de la défense en empêchant la lecture que le ministère public se disposait à faire des dépositions recueillies dans l'instruction criminelle. Le droit de discussion ne peut être res treint dans le cas d'abus. D'ailleurs la loi du 25 ventôse que an ne limite pas le mode de preuve des faits qui donnent matière à l'action disciplinaire. Dans tous les cas, si ces dépo sitions ne constituaient pas une preuve complète, elles pouvaient au moins servir de renseignements.

M. Tripier, conseiller rapporteur, a discuté le premier moyen en ces termes :

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Existe-t-il une telle identité entre la récusation et l'abstention, que cette dernière mesure ne puisse être employée que dans le cas où la pré

ière serait autorisée par la loi? toutes les règles établies par la première Divent-elles s'appliquer à la deuxième? Si la récusation avait été propoe contre les cinq magistrats qui avaient rendu l'arrêt de mise en accution, ou qui avaient assisté aux débats des assises, on peut croire qu'elle rait échoué; la circonstance prévue par l'art. 378 du C. de proc., pour validité de cette mesure, n'existait pas..... Mais, de ce qu'il p'y auit pas eu lieu à la récusation, doit-on conclure que l'abstention a été égalé et constitue une violation de la loi ? Les magistrats sont obligés s'abstenir dans tous les cas où ils pourraient être récusés; mais n'ontle droit de s'abstenir que dans ces cas? Ne sont-ils pas juges des faits circonstances qui motivent leur retraite, lorsqu'ils ont un scrupule itime qui leur fait craindre de ne pas remplir leurs fonctions avec te l'impartialité qu'elles exigent, lorsqu'ils redoutent l'effet des imessions qu'ils ont reçues à une époque antérieure au jugement d'une ntestation portée devant eux? Sont-ils obligés de violenter leur conence, et de rester juges malgré leurs honorables scrupules?

S'ils s'abstiennent avec l'approbation de leurs collègues, doit-il être ligé soit un arrêt, soit un procès-verbal pour constater les motifs de te abstention? La légitimité de ces motifs peut-elle être soumise à préciation et à la censure d'une autorité supérieure? ou suffit-il d'éacer le fait dans le jugement ou l'arrêt définitif, afin de motiver la sence des magistrats appelés pour compléter le tribunal ou la cour i prononce?»

Du 2 juin 1832, ARRÊT de la cour de cassation, chambre requêtes, M. Zangiacomi président, M. le conseiller Trir rapporteur, par lequel :

a LA COUR,

Sur les conclusions de M. Laplagne-Barris, avocatéral; — Considérant, sur le premier moyen, qu'il existe une difféice essentielle entre la récusation autorisée par l'art. 378 du C. de c. civ. et l'abstention volontaire d'un juge: que les formes et les aditions prescrites à l'égard de la première ne sont pas ordonnées ar la deuxième; que, dans le premier cas, il s'agit d'un incident élevé as le but d'enlever à un juge la connaissance d'un procès dont il est si par la loi, que c'est là une procédure qui donne lieu à un véritable ¡ement: que, dans le deuxième cas, il ne s'agit que d'un acte de disline intérieure qui doit émaner de la compagnie à laquelle ce juge partient; qu'il n'existe ni procès ni débat lorsque le fonctionnaire à la juridiction est confiée reconnaît et déclare spontanément qu'une se légitime l'oblige à s'abstenir; qu'aucune disposition de la loi n'exige tun jugement ou arrêt, soit un procès-verbal pour constater les mod'abstention et leur admission par le tribunal ou la cour qui doit procer sur la contestation; qu'il suffit d'en faire mention dans le jugent ou l'arrêt définitif, et de motiver ainsi la présence des magistrats ont été appelés pour compléter le tribunal ou la cour qui a statué;sidérant que, si tout juge qui sait cause de récusation en sa personne tenu, aux termes de l'art. 380 du C. de proc., de le déclarer à la chain- qui décide s'il doit s'abstenir, cette disposition n'est pas limitative, et clut pas les motifs d'abstention qui ne seraient pas des causes valables écusation; que la loi s'en remet à la conscience du magistrat et aux ières de la chambre dont il est membre, pour apprécier les motifs le déterminent à s'abstenir;-Considérant, en fait, que l'arrêt attaqué state les motifs d'abstention des magistrats qui n'ont pas connu de

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