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PRÉSENTANT

LA JURISPRUDENCE

DE LA COUR DE CASSATION

ET

DES COURS D'APPEL DE PARIS
ET DES DÉPARTEMENS,

SUR L'APPLICATION DE TOUS LES CODES FRANÇAIS AUX QUESTIONS

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SOUS LA RÉDACTION EN CHEF

DE M. LEDRU-ROLLIN

DOCTEUR EN DROIT, AVÓCAT A LA COUR ROYALE DE PARIS,

PUBLIÉ

PAR M. F.-F. PATRIS, PROPRIÉTAIRE DU JOURNAL.

TOME IIIe de 1832 (Anc. col.. 94, — Nouv. éd., 54).

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AU BUREAU DU JOURNAL DU PALAIS,
RUE DE JÉRUSALEM, No 3 (QUAI DES ORFÈVRES), PRÈS LE PALAIS
DE JUSTICE ET LA PRÉFECTURE DE POLICE.

34944
J86

684646

On dépose deux exemplaires de cet Ouvrage à la Bibliothéque Royale, pour la conservation du droit de propriété.

IMPRIMERIE DE GUIRAUDET,

RUE SAINT-HONORÉ, no 315.

JOURNAL DU PALAIS.

COUR DE CASSATION.

Les art. 53 et 54 de la charte constitutionnelle de 1830, qui déclarent que nul ne peut être distrait de ses juges naturels, et qu'il ne pourra être créé de commissions et de tribunaux extraordinaires, à quelque titre et sous quelque denomination que ce puisse être, ont-ils interdit au pouvoir la faculté de traduire devant les conseils de guerre des individus non militaires ou non assimilés à des militaires, même en déclarant par ordonnance la mise en état de siége de la ville où ils sont accusés d'avoir commis un délit ou un crime? (Rés. aff.)

GEOFFROY, C. LE MINISTÈRE PUBLIC.

Une ordonnance royale contresignée de Montalivet, datée du 6 juin 1832, et insérée dans le Moniteur du 7, a mis Paris en état de siége.

Elle est motivée sur le besoin de réprimer les attroupements séditieux qui s'étaient montrés en armes dans la capitale, dans les journées des 5 et 6 juin, les attentats contre les propriétés publiques et privées, les assassinats des gardes nationaux, de la troupe de ligne, de la garde municipale et des agents de l'autorité publique; sur la nécessité de protéger par des mesures promptes et énergiques la sûreté publique contre le retour de semblables attentats.

La cour royale, convoquée extraordinairement, par ordre du premier président, pour statuer par voie d'évocation ou autrement sur les faits politiques des journées des 5 et 6 juin, rendit, le 7 juin, toutes les chambres réunies, l'arrêt sui

vant :

. LA COUR, Qui le procureur-général en ses réquisitions, statuant sur la proposition faite par l'un de ses membres d'évoquer linstruction relative aux actes criminels commis dans les journées des 5 et 6 de ce mois; — Considérant que, par ordonnance en date d'hier, la ville de Paris a été mise en état de siége; qu'aux termes de l'art. 101 du décret du 24 déc. 1811, rendu en exécution des lois des 8 juil. 1791 et 10 fruct. an 5, l'effet de la mise en état de siége est de faire passer au commandant militaire l'autorité dont les magistrats étaient revêtus pour le maintien de l'ordre et de la police; - Considérant que les faits qui ont motivé la mise en étage de siége de la ville de' Paris doivent être soumis à cette règle, quoique ces faits soient antérieurs à la mise en état de siége;

DECLARE qu'il n'y a lieu d'évoquer. »

Tome IIIe de 1832.

Feuille 1.

L'ordonnance et l'arrêt de la cour, abstraction de la perturbation sociale causée par les déplorables journées des 5 et 6 juin, soulevèrent la question de constitutionnalité de l'ordonnance, et celle non moins grave de la compétence des conseils de guerre pour des faits accomplis avant l'insertion au Moniteur et au Bulletin des Lois de l'ordonnance de mise en état de siége.

Dès le 10 juin, la Gazette des Tribunaux publia une consultation délibérée sur ces questions par Me Ledru-Rollin (1), du barreau de Paris. Cette initiative une fois donnée, la presse de l'opposition recueillit bientôt après l'opinion de plusieurs notabilités de l'ordre des avocats à la cour de cassation, et les adhésions de quelques barreaux du royaume. Toutes ces consultations multipliaient l'argument contre la constitutionnalité de l'ordonnance, contre sa rétroactivité, contre la compétence des conseils de guerre.

Les conseils de guerre étaient saisis; les défenseurs qui se succédèrent à leur barre excipèrent vainement de l'incompétence de la juridiction militaire. Acte leur fut donné de l'exception d'incompétence, sauf à y faire droit en statuant au fond; mais il est à remarquer que cette réponse à l'exception d'incompétence ne pouvait point en formuler la solution. D'après la loi du 15 brum. an 5, qui dermine la procédure à suivre devant les conseils de guerre, ces conseils doivent juger sans désemparer; les jages militaires sont tout à la fois juges et jurés; ils n'ont qu'une question à résoudre (art. 30 de la loi citée): N..., accusé, est-il coupable? Ainsi, soumis par la loi de leur institution à la double obligation de juger sans désemparer et de résoudre une question complexe, la question de compétence ne pouvait point être décidée d'une manière explicite par les conseils de guerre; une déclaration de non-culpabilité la laissait dans le vague et sans solution; et, d'un autre côté, après l'avoir discutée, les défenseurs, ne pouvant point reculer devant la discussion du fond sans mettre en péril le sort des accusés, se reposaient sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire que les juges militaires pouvaient emprunter à la loi nouvelle, et qui permet au jury d'interroger le débat pour y découvrir des circonstances atténuantes.

(1) Voir, pour les adhésions, la Gazette des tribunaux du 10 juin

Cependant des condamnations capitales furent prononcées. Entre autres accusés, Michel-Auguste Geoffroy, dessinateur à Paris, fut, par décision du 2o conseil de guerre de Paris; du 18 juin, déclaré coupable, à la majorité de six voix contre une, d'attentat dont le but était de renverser le gouvernement et d'exciter la guerre civile. Il fut en conséquence condamné à mort, en exécution des art. 87, 89 et 91 du C. pén. et de la loi du 18 germ. an 7.

Geoffroy se pourvut immédiatement devant le conseil de révision et devant la cour de cassation.

Le 21 juin, ARRÊT de la cour de cassation, sur les conclusions conformes de M. Nicod, avocat-général, ainsi concu : Vu la loi du 27 vent. an 8, portant que tout individu non militaire qui est traduit devant un conseil de guerre a le droit de se pourvoir en cassation pour cause d'incompétence;

• LA COUR,

» ORDONNE qu'à la diligence du procureur-général en la cour il sera fait apport au greffe des pièces à l'appui du pourvoi, pour être ensuite, sur le vu de ces pièces, statué ce qu'il appartiendra.

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En conséquence de cet arrêt, les pièces du procès furent déposées au greffe, et la cour fut saisie.

M. le conseiller-rapporteur, présentant le résumé des questions sur lesquelles la cour devait faire porter sa délibération, fit observer qu'elle avait à examiner si la question de la légalité de la mise en état de siége pouvait être appréciée par elle; si cette mise en état de siége n'était point une haute mesure du gouvernement, sur laquelle la séparation du pouvoir politique et du pouvoir judiciaire lui interdisait de porter son examen, et enfin si cet examen ne devait pas se concentrer exclusivement sur le point de savoir si, l'état de siége existant, les conseils de guerre sont compétents.

Nous devons à nos lecteurs l'analyse complète, quoique substantielle, de la discussion qui a préparé le mémorable arrêt que nous allons rapporter.

Me Odilon-Barrot a divisé les moyens du pourvoi en trois propositions :

1o La mise en état de siége de Paris par une simple ordonnance, quand il n'y a pas eu investissement, quand les communications n'ont pas été interrompues, est un acte illégal, qui est reputé ne point exister.

2o Dans l'hypothèse où l'état de siége pourrait être consi

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