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III.'

incapable de nous juftifier devant Dieu quand elle eft jointe à des crimes. Qu'il eft clair, par tout ce que dit S. Paul en divers lieux des deux C L A s.' états de l'homme fous la loi & fous la grace, qu'on ne peut être dans No. VI. ce dernier, ni par conféquent en état de falut, qu'on ne foit au moins exempt des péchés dont ce même Apôtre dit, que ceux qui les font ne pofféderont point le Royaume de Dieu.

Qu'il eft clair que les gémiffements de celui que l'Apôtre nous repréfente comme fe plaignant, qu'il ne fait pas le bien qu'il vent, mais le mal qu'il ne veut pas, ou ne regardent pas les régénérés, ou s'ils les regardent, qu'ils ne fe doivent entendre que des mouvements de la concupifcence auxquels ils réfiftent, & non des actions criminelles qu'ils commettroient quoiqu'avec peine & avec remords.

Qu'il eft clair que quand le Prophete dit, que fi le jufte fe détourne de fa justice en fe laiffant aller à l'iniquité, Dieu ne fe fouviendra plus de fa justice paffée, & qu'il périra dans fon péché, il nous a fait entendre qu'il peut arriver qu'un vrai jufte déchoie de l'état de la juftification, & qu'il périffe éternellement.

Qu'il eft clair que la femence de la parole de Dieu peut prendre racine dans une ame, ce qui ne peut être que par la vraie foi, & y croître même jusques à un certain point, & enfuite être étouffée par les foins & les inquiétudes de ce fiecle, & par les plaifirs de la vie; en forte qu'elle ne parvienne point jusques à la maturité, & ne porte point le fruit de la vie éternelle.

Qu'il eft clair qu'il y en a qui tombent dans l'apoftafie & ne s'en relerent point, qui avoient été illuminés, qui avoient goûté le don du ciel, qui avoient été rendus participants du S. Efprit, qui avoient goûté la bonne parole de Dieu, & les grandeurs du fiecle à venir, & qui avoient été sanctifiés par le fang de l'Alliance; & qu'il feroit contre toute forte de raifon d'appliquer tout cela à des gens qui n'auroient jamais été ni juftifiés ni régénérés.

Qu'il eft clair qu'il y en a, qui, après s'être tirés des corruptions du monde par la connoiffance de Jefus Chrift notre Seigneur & notre Sauveur, fe laiffent vaincre en s'y engageant de nouveau, & dont le dernier état eft pire que le premier, parce qu'il leur eût été meilleur de n'avoir point connu la voie de la juftice, que de retourner en arriere après l'avoir connue.

Qu'il eft clair, que, de ceux qui font régénérés par le Baptême qu'ils reçoivent dans l'enfance, il y en a une infinité qui n'en confervent point la grace, & qui n'auront point de part au falut.

Qu'il eft clair, que dans tous les lieux où l'Ecriture parle de la per

III.

N°. VI.

Tévérance chrétienne, l'idée qu'elle en donne ne peut convenir à ceux CLA S. qui commettent des crimes; ce qui pouvant arriver à de vrais fideles il s'enfuit que la perfévérance n'est point jointe inféparablement à la foi. Qu'il eft clair, que la crainte de la damnation n'eft point contraire à la foi des vrais fideles, puifque Jefus Chrift les y exhorte, en leur recommandant de ne pas craindre ceux qui ne peuvent que tuer le corps, mais celui qui peut perdre le corps & l'ame en les précipitant dans l'enfer. Voilà une partie des chofes que l'on fera voir être clairement contenues dans l'Ecriture. Et l'on prétend y prouver auffi, d'autre part, qu'on ne les enfeigne point dans la communion des Calviniftes, & que s'ils n'ont pu retrancher des livres Saints les paffages qui les contiennent, ils • ne les y ont laiffés qu'en les corrompant par des glofes abfurdes, extravagantes, impies, & que tout homme de bon fens & de bonne foi reconnoîtra fans peine ne fe pouvoir ajuster avec le texte.

Je ne parle encore que du deffein que l'on a. Les Prétendus-Réformés font en droit de fuppofer que ce ne font peut-être que de vains projets, qui demeureront fans effet. Mais il me fuffit ici d'avoir montré, qu'au cas qu'on le puiffe faire, tous ceux de cette communion qui en feront convaincus, feront obligés d'en conclure, felon M. Claude, qu'elle n'est point la véritable Eglife, parce qu'elle n'a point les deux caracteres par lefquels il veut qu'on la puiffe reconnoître : L'un, d'enfeigner toutes les chofes clairement contenues dans la parole de Dieu : L'autre, de n'enfeigner rien qui foit contraire à ces chofes, & qui en corrompe l'efficace ou la force. Car, à l'égard des vérités clairement fignifiées par les paroles de l'Ecriture, on fe promet de montrer, que, bien loin de les enfeigner, cette Eglife Prétendue enfeigne tout le contraire: & pour les textes de l'Ecriture qu'elle ne fe peut empêcher de recevoir, on fe fait fort de montrer auffi qu'elle les altere par des interprétations qui en corrompent l'efficace & la force. Et ainfi, quelque opinion qu'ils aient de ce livre avant que de l'avoir vu, il faut qu'ils avouent qu'il leur eft important de l'examiner, puisqu'il leur donnera moyen de juger, felon leurs principes mêmes, s'ils font ou non dans la véritable Eglife: ce qui eft la chofe du monde dont ceux qui aiment véritablement leur falut doivent prendre plus de peine de s'afsurer.

III.

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CHAPITRE V.

Qu'on n'a deffein de combattre que les dogmes dans la morale des Calvinistes: Qu'on peut néanmoins leur faire confidérer, que, fi leur Prétendue-Réformation étoit telle qu'ils fe la figurent, les mœurs de ceux qui l'ont embraffée auroient eu plus de rapport à la fainteté des premiers Chrétiens.

Quan

Uand j'ai entrepris de faire voir le renversement qu'a fait la Morale des Calviniftes dans celle de Jefus Chrift, je n'ai eu en pensée que d'examiner leurs dogmes, & non pas de cenfurer leur conduite & leurs actions. Je fais trop qu'il eft injufte de s'en prendre à la morale d'une religion de ce que plufieurs y vivent mal, lorfque leurs déréglements ne font ni autorisés, ni favorifés par les principes de cette norale, & qu'on n'y trouve point de maxinies qui donnent lieu à la pente naturelle qu'ont les hommes de fatisfaire leurs paffions déréglées, & de s'y porter avec plus de licence & moins de crainte. C'est donc ce qu'il faut confidérer avec équité, en n'imputant à une fecte que ce qu'elle tient véritablement, & ne la chargeant point des défordres des particuliers lorfqu'elle n'y a point de part.

Je ne change point de pensée, & je déclare toujours, que ce n'eft que fur les dogmes que je fonde le reproche que je leur fais d'avoir corrompu, d'une maniere très-pernicieufe, la morale de l'Evangile. Mais cela n'empêche pas que je ne croie devoir faire ici une autre forte de réflexion fur le changement que leur Prétendue Réformation auroit cu apporter dans les moeurs des Chrétiens, fi elle avoit été l'ouvrage du S. Efprit, & fur l'éclat de fainteté qui auroit dû luire dans ces nouveaux citoyens de Jerufalem, que Dieu auroit délivrés d'une maniere fi admirable de la captivité de Babylone; afin qu'ils jugent eux-mêmes, par le peu de rapport qu'il y a entre cette idée & leur pratique, qu'ils pourroient bien fe tromper dans l'opinion avantageufe qu'ils ont conçue de l'établissement de leur fecte, en la regardant comme un véritable renouvellement de l'Eglife.

Et en effet il faut avouer qu'on n'en peut rien penfer de médiocre, foit en bien foit en mal. Si c'est un mal; c'cft un mal horrible & qui doit être en abomination à tous ceux qui aiment Jefus Chrift & fon Eglife, que cette Prétendue Réformation a comme déchirée en pieces, par un schifme qu'on ne fauroit trop déplorer. Si c'eft un bien, c'eft un bien rare, mer

CLA &
N. VL

III. veilleux, extraordinaire, & pour lequel on ne fauroit rendre à Dieu. CLAS. d'affez grandes actions de graces.

N°. VI.

Daillé, de

l'ufage des

Peres. pag.

439.

Comme nous avons une infinité de raifons qui nous font croire que c'est un mal, nous n'y pouvons penfer, fans, d'une part, nous confondre devant Dieu pour avoir attiré, par nos péchés, un fi horrible châtiment, & fans détefter, de l'autre, la malice de l'ennemi du genre humain qui a trouvé moyen de rendre vains les defirs ardents d'un grand nombre de gens de bien, qui foupiroient depuis long temps après une Réformation véritable, qui, fans rien innover dans la foi, pût rétablir l'ordre fi faint de l'ancienne difcipline, en fubftituant à la place une Réformation fausse & facrilege, fondée fur le fchifme & fur l'héréfie, qui, par les divifions qu'elle a caufées, a tellement affoibli les forces de la Chrétienté, qu'elle fe trouve dans l'impuiffance d'arrêter les progrès de l'ennemi commun u nom Chrétien.

Mais il faut au contraire que ceux qui croient que ç'a été un bien, se le repréfentent fous l'idée du monde la plus avantageufe; qu'ils regardent le changement qui eft arrivé dans la Religion depuis Luther, comme une œuvre admirable de la fageffe & de la bonté de Dieu, & qu'ils ne mettent guere au deffous des Apôtres ceux qui en ont été les Auteurs.

Les fuppofitions qu'ils font, justifient qu'ils n'en peuvent juger autrement. Car ils tiennent tous, comme l'affure Daillé, que cette pure, fimple &faine doctrine, prêchée par les Apôtres anciennement, & par eux-mêmes, confignée és livres du Nouveau Teftament, s'eft altérée peu à peu: Que le temps y a mêlé toujours quelque impureté, tantôt une opinion juive ou payenne, tantôt une obfervation curieufe, quelquefois un fervice fuperftitieux: Que l'un batiffant du chaume fur le fondement, l'autre du foin, un tiers du bois, peu à peu ce corps s'est trouvé tout autre qu'il n'étoit jadis; & qu'au lieu d'un palais d'or & d'argent, ce n'a plus été qu'un édifice mélé de pierre, &de plaftre, & de bois, & de boue, & d'autres chétives étoffes. C'est, ajoute Daillé, ce que tous les Réformés difent étre arrivé au Chriftianifme, &ils y rapportent ce qu'écrit S. Paul en cet illuftre paffage de la feconde Epitre aux Theffaloniciens, d'une révolte fignalée, dont les commencements fe braffoient dès-lors fourdement pour n'éclater que long temps après. C'est-àdire, que le regne de l'Antechrift, qui devoit remplir l'Eglife de toutes fortes de fuperftitions & d'idolâtries (car c'eft ce qu'ils entendent par cette révolte fignalée dont parle S. Paul) commençoit déja à fe former fourdement dans le fein de l'Eglife, dès le temps même des Apôtres.

Ils expliquent plus particuliérement cette corruption, qu'ils prétendent s'être gliffée peu à peu dans la doctrine de l'Eglife en tous les endroits du monde, & le débordement des fuperftitions & des erreurs qu'ils s'ima

ginent avoir inondé toute la terre. C'eft ce que fait Daillé par les paroles III. fuivantes du même livre. Selon cette hypothese commune, ce me femble, à C L A S tous les Proteftants, il faut de néceffité que la doctrine de l'Eglife ait, dès le N°. VL fecond fiecle, reçu quelque altération par le mélange de quelque matiere étrangere en fa créance & en fa police; qu'au troisieme fiecle, quelque impureté s'y foit pareillement attachée, & au quatrieme & cinquieme & és fuivants, la Religion déchéant de fa pureté & fimplicité originelle, & accueillant toujours quelque nouvelle ordure, jusqu'à ce que finalement elle foit parvenue au dernier degré de corruption, où ils difent l'avoir trouvée, & par l'adreffe des Ecritures l'avoir remife au même point où elle étoit au commencement.

Peut-on rien concevoir de plus grand & de plus divin? Purger la doctrine de l'Eglife des ordures de tous les fiecles; en féparer les erreurs & les fuperftitions qui l'auroient tellement défigurée & corrompue, qu'au lieu de la vie on n'y auroit pu trouver qu'un poifon mortel; rendre aux hommes le tréfor du falut, qui leur auroit été enlevé, comme dit Calvin, & rétablir l'Evangile après de fi longues & de fi épaiffes ténebres, dans la premiere pureté où il étoit du temps des Apôtres; feroit-ce quelque chofe de beaucoup moindre que ce qui s'eft fait dans le premier établis fement de l'Eglife?

Il est vrai auffi qu'ils en ont une opinion fi avantageufe, qu'ils trouvent qu'on leur fait grand tort de leur comparer aucun des Peres pour ce qui eft de la connoiffance des vérités évangéliques, quelque proches qu'ils aient été du temps des Apôtres. Ils ne pourroient, à ce qu'ils prétendent, déférer à l'autorité des plus anciens fans ruiner leurs hypothefes, & s'enga ger dans une visible contradiction. Car il s'enfuivroit, difent-ils, de deux Daillé chofes Pune: ou que cette corruption de croyance & de police, que nous préfuppofons dans l'Eglife, n'eft pas ce fecret qui opéroit dès le temps de S. Paul; ou que notre réformation n'est pas la pure & fimple doctrine des Apôtres : partis qui font contradictoires à ces deux opinions qui font communément reques au milieu de nous,

Ce font donc deux chofes qui paffent entre eux pour deux principes incontestables: L'une, que leur réformation eft la pure & fimple doctrine des Apôtres: L'autre, que leur Eglife eft plus exempte de corruption dans la croyance & dans la police, qu'elle n'étoit au temps où S. Paul dit, que le myftere d'iniquité opéroit déja.

Et il y a encore une chofe qui releve ce qu'ils ont fait au deffus de ce qu'ont fait les Apôtres, qui eft, que leur ouvrage doit être plus ferme & plus ftable que celui de ces prémiers Prédicateurs de la foi de Jefus Christ. Car, au lieu qu'ils veulent que bientôt après qu'ils eurent établi l'Eglise, les ténebres s'y répandirent, & obfcurcirent de telle forte la doctrine évanEcrits contre les Proteftants. Tome XIII.

D

ibid. pag.

442.

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