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III,

Synode de

françois,

II. Vol. p.

302.

Dordrecht, difent de l'impénitence finale, laquelle feule ils foutiennent CLA S. pouvoir rompre l'union que nous avons avec Jefus Chrift, fait assez voir N°. VI. qu'ils l'entendent de l'impénitence pofitive, qui enferme un endurcissement Actes du dans le péché. Quand les vrais fideles, difent-ils, fuccombent fous le faix Dordrecht des tentations, ou bien qu'ils font féduits par Satan & par la chair, ce n'eft mis en pas à dire cependant qu'ils déchéent totalement de Chrift, de l'Esprit, & de la foi, ou qu'ils perdent tous ces dons. D'autant qu'encore que le péché foit fi énorme que vous voudrez, fi ne rompt-il pas cependant tout aussi-tôt le lien ni l'union que nous avons avec Chrift. Ce que l'impénitence finale seule, fe délecter & s'endurcir du profond de fon cœur, fe glorifier au mal, & pécher contre le S. Efprit feroient, fi ces chofes pouvoient tomber & avoir lieu en ceux qui font fideles. Il y auroit de la contradiction à dire, comme ils font, que la feule impénitence finale pourroit rompre l'union que nous avons avec Jefus Chrift, fi ce qu'ils ajoutent de l'endurciffement, & le reste, étoit autre chofe que l'explication de ce qu'ils entendent par l'impénitence finale. De forte que fi un homme jufte, comme étoit David, fe laiffoit emporter à commettre un adultere par la violence de la tentation, & venoit à mourir un moment après, ces Théologiens de Geneve feroient obligés de foutenir, que cette impénitence n'étant que négative, & n'enfermant point ce qu'ils appellent, fe délecter & s'endurcir du profond de fon cœur, se glorifier au mal, & pécher contre le S. Efprit, elle n'auroit point rompu l'union qu'il avoit avec Jefus Chrift; & ainfi on ne devroit point douter, felon les Calvinistes, du falut de cette perfonne.

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Peut-être que ces conféquences de leur doctrine donneront de l'horreur à quelques-uns d'eux. Ce qui eft certain eft, qu'ils ne fauroient douter qu'elle ne foit telle que nous venons de l'expofer, & que le feul paffage de Rivet, qui la rapporte, fait voir qu'ils n'eftiment point qu'un péché foit un péché régnant, ni par conféquent incompatible avec la foi, que quand il est joint à l'impénitence finale, de quelque maniere qu'il y foit joint. Or il faut être tout-à-fait aveugle pour ne pas voir combien le diable trouve d'avantage dans cette doctrine, pour porter ceux qui en font perfuadés à s'abandonner aux crimes auxquels leurs paffions les engagent, dans la confiance qu'ils auront, que ce ne feront point des péchés régnants, qui foient incompatibles avec la foi qui les rend juftes, & enfants de Dieu. Car, s'imaginant qu'ils favent certainement qu'ils font fideles, ils favent auffi, comme dit Chamier, avec la même certitude, qu'ils font incapables de commettre des péchés régnants, & ils ne pourront être détrompés qu'après leur mort de cette folle imagination, parce que, felon eux, on n'est point affuré qu'un péché eft régnant, que quand on ett mort fans avoir donné aucun figne d'une véritable converfion à Dieu.

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Autre preuve tirée de l'état où font ceux qui fe font excommunier pour leurs crimes, qui fait voir encore, que, felon les Calviniftes, il n'y a point de pésbé incompatible avec la vraie foi que celui qui eft accompagné de l'impénitence finale.

IL,

y a encore une autre preuve plus forte que toutes celles du chapitre précédent, pour confirmer ce que l'on y a montré, que le feul péché incompatible avec la foi, felon les Calvinistes, eft celui dont on ne fe repent jamais pendant toute fa vie. Cette preuve eft prise de l'excommunication, & elle fut opposée en ces termes par les Remontrants dans la Conférence de la Haye de l'an 161,

(a) Ceux qui peuvent tomber dans un fi miférable état, en fe laiffant empoisonner par des erreurs contre la faine doctrine, & fe fouillant par des crimes, y persévérant, qu'ils donnent un jufte fujet aux Ministres de les cbaffer de l'Eglife Chrétienne, & à Dieu de les exclure du Royaume de Jefus Chrift, peuvent décheoir de la grace.

Voyons donc ce que les Contreremontrants ; c'est-à-dire les plus habiles Théologiens Calviniftes qui fuffent alors dans toute l'Europe, répondirent à cet argument après l'avoir fidellement rapporté.

Nous répondons, (b) difent-ils, à la majeure, qu'elle n'est pas vraie ; parce que ceux qui n'ont jamais été véritablement en grace, ayant toujours été bypocrites, peuvent étre chaffés de l'Eglife, & exclus du Royaume de Dieu. Mais cette réponse eft impertinente: car ce n'eft pas de quoi il est question. Il ne s'agit pas des hypocrites, mais il s'agit de, favoir ce qui arriveroit aux fideles qui font véritablement en grace, fi, fe fouillant par des péchés énormes, & y perfévérant, ils avoient obligé l'Eglife de les excommunier; il s'agit de savoir si ce ne feroit pas une marque qu'ils feroient déchus de la grace. Mais il paroît affez, par cette réponfe même, quoiqu'indirecte & peu à propos, qu'ils ne veulent pas avouer, que cette perfévérance dans des péchés énormes, qui attirent l'excommunication, foit une marque en ceux qui ont été vraiment fideles, qu'ils ne font point en grace, mais feulement

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(b) Contra Remonftrantes, p. 399- Refpondemus ad majorem, illam non effe veram. Nam poffunt ex Ecclefia, & regno Chrif ti excludi, qui nutquam vera in gratia, fed femper fuerant hypocritæ.

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III. CLAS.

N°. VI.

III. en ceux qui ont toujours été hypocrites. Et ce qu'ils répondent à la miCLA S. neure le fait bien voir: car s'ils avoient cru que cette perfévérance dans des NO. VI. péchés énormes, qui fait que l'Eglife eft obligée d'en venir jusques à l'ex

communication, feroit décheoir un fidele de l'état de grace; comme ils font perfuadés qu'un fidele n'en fauroit jamais décheoir, ils auroient dit auffi-tôt, que cette hypothese eft impoffible, & qu'il ne fauroit arriver qu'un vrai fidele s'oublie tellement foi-même, que, fe fouillant par des crimes, & y persévérant, il oblige les Miniftres de le chaffer de l'Eglife; c'està-dire, qu'ils auroient nié absolument la mineure des Remontrants, qui étoit: Atqui fideles poffunt eò prolabi ut se flagitiis contaminantes & in iis perfeverantes, à Ministris ex Ecclefia christiana excludantur. Et au contraire, -ils l'accordent expretlément en ces termes.

(c) En fecond lieu, nous répondons à la mineure, & nous avouons, qu'il - fe peut faire que les vrais fideles fe laiffent aller à de tels péchés, que l'Eglife, fuivant l'ordre de Jefus Chrift, foit contrainte de leur déclarer, qu'elle ne les peut plus fouffrir dans fa communion extérieure, & qu'ils n'auront point de part au Royaume de Jefus Chrift, s'ils ne se repentent. Et c'est le remede qu'elle emploie pour les faire venir à réfipifcence. Voilà déja qui eft net. Les vrais fideles peuvent tomber dans de fi grands péchés, & y perfévérer avec tant d'opiniâtreté, que l'Eglife, agiffant felon les regles de Jefus Chrift, foit obligée de les chaffer de fon fein. Or jamais les vrais fideles ne peuvent décheoir de l'état de grace, ni ceffer d'être juftès & enfants de Dieu, & d'avoir en eux le S, Efprit. Et, par conféquent, ils peuvent non feulement commettre les plus grands crimes, mais y perfévérer avec une opiniâtreté qui mérite qu'on les retranche de l'Eglife, fans décheoir de l'état de grace, & fans ceffer, pour un feul moment, d'être les enfants de Dieu, les membres vivants de Jefus Chrift, & les Temples du S. Efprit. C'est ce que nous apprendra encore la fuite de leur réponse.

JIL

(d) C'eft pourquoi, difent-ils, il y a une remarque à faire ici, qui est, que ceux qu'on excommunie font ou de vrais fideles, ou des hypocrites ; ce que Dieu feul connoît mais Eglife, qui ne fonde pas les cœurs, ne le peut favoir avec certitude: de forte que ne jugeant que par ce qui lui paroit au debors,

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elle ne prend pas ces excommuniés pour des fideles qui foient déchus de la III. vraie foi, mais pour des hypocrites, qui fe font cachés fous le nom de Chré- CLAS. tiens, jusques à ce qu'elle en puisse juger certainement par l'événement.

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Cette Eglife Calvinienne n'eft pas fort exacte dans fes jugements; les fondant fur une divifion fort imparfaite, où l'un des deux membres eft inpoffible, felon fes maximes, & où il en manque un troifieme, qui eft trèspoffible, felon fa Théologie. Car pourquoi lui plaît-il de fuppofer que ces excommuniés ne fe puiffent confidérer qu'en deux manieres; ou comme des fideles qui feroient déchus de la vraie foi, ou comme des hypocrites qui ne l'auroient jamais eue? Et comment ne s'avife-t-elle pas qu'on les peut encore confidérer d'une troifieme forte; favoir, comme des fideles, qui, nonobftant les crimes qui les auroient fait excommunier, ne feroient déchus ni de la vraie foi, ni de l'état de grace, puifque c'eft ce qu'elle juge poffible; au lieu qu'il lui paroît impoffible, que de vrais fideles, dans quelques péchés qu'ils tombent, déchéent jamais de la vraie foi?

C'eft auffi ce que ces Miniftres de Hollande nous découvrent bientôt, en nous expliquant de quelle maniere leur Eglife peut juger avec certitude par l'événement, fi ceux qu'elle excommunie pour des péchés fcandaleux, dans lesquels ils perféverent, font de vrais fideles, ou des hypocrites:

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No. VI.

Car fi ces excommuniés, difent-ils, (e) perféverent dans leur impénitence &y meurent, il est certain & manifeste, qu'ils n'ont jamais été vraiment fideles, mais feulement des hypocrites. ( Il leur plaît de fuppofer que cela eft certain, quoique ce fût le point même que leurs adverfaires leur contef toient.) Mais fi, étant excommuniés ils reviennent à eux & fe corrigent, l'Eglife les regarde comme ayant été fideles, mais infirmes, dans le temps méme qu'ils péchoient, & qu'on les excommunioit; car c'eft de quoi il s'agit, Avant que de paffer plus outre, il eft néceffaire de bien faire connoître ce qu'ils entendent par une vraie foi, mais infirme; de peur qu'on ne s'imagine qu'ils vouluffent marquer par-là, ce que les Catholiques appellent une foi informe, qui ne met point en état de grace, & n'empêche point qu'on ne foit en état de péché & de damnation. Mais on fe tromperoit fort fi on avoit cette penfée: car ils tiennent pour très-assuré, comme nous avons déja vu dans un autre endroit, que, pourvu que la foi foit vraie quelque petite & infirme qu'elle foit, elle affure la poffeffion de Dieu, l'habitation du S. Efprit, & le falut éternel à celui qui l'a. La foi, même Scharp. de infirme, dit Scharpius, s'approprie Jefus Chrift tout entier avec ses bienfaits Controv.

(e) Si enim excommunicati in impenitentia permanent & moriuntur, certum eft & liquet, eos nunquam verè fuiffe fideles, fed

dumtaxat hypocritas. Si verò cum fint excom-
municati refipifcunt, habentur pro veris fed
infirmis fidelibus.

Juftif.

III. fes graces, & ce qui est infirme en nous eft accompli & parfait en Jefus CLAS. Chrift. Et ainsi, pourvu que j'aie la moindre étincelle de la vraie foi, je puis N°. VI. être certain & affuré de mon falut, parce que les dons de Dieu font fans repentance. Et on a rapporté ci-dessus divers endroits de Calvin, qui difent la même chofe encore plus fortement, Suppofant donc, qu'un homme ayant mené une vie louable parmi eux jufques à l'âge de vingt ans, & participé fouvent à leur Cene, fe foit depuis laiffé aller à l'amour illégitime d'une femme mariée, avec tant de scandale & une fi forte attache, qu'ils aient été contraints de l'excommunier, quand il feroit demeuré dix ou douze ans dans cet état, fi un peu avant que de mourir il envoie querir un Ministre pour lui témoigner qu'il a regret de fes péchés, & qu'il croit fermement qu'ils lui font remis par la foi qu'il a en Jefus Christ, ce Miniftre & fon Eglife jugeront par l'événement, que cet homme, pendant même ces dix ou douze années de perfévérance dans l'adultere, n'a pas laiffé d'être un vrai fidele, quoiqu'infirme ; ce qui n'aura pas empêché qu'il n'ait toujours. eu en lui le S. Esprit, qu'il n'ait toujours été le Temple de Dieu & un membre vivant de Jefus Chrift, la moindre étincelle de la vraie foi fuffifant pour tout cela, lors même qu'elle eft accompagnée des plus infames défordres.

Mais écoutons la fuite de la réponse de ces Contreremontrants. Après avoir dit, que, quand les excommuniés fe reconnoiffent, l'Eglife juge alors qu'ils ont toujours été de vrais fideles quoiqu'informes, ils ajoutent. (ƒ) Et comme on ne peut favoir avec certitude qui font ceux qui fe reconnoîtront lorfqu'on les excommunie, on ne les exclut pas abfolument du Royaume de Jefus Christ; mais feulement fous cette condition, s'ils ne fe reconnoissent ; nifi refipifcant: & afin qu'ils apprennent à avouer leurs péchés & à en rougir, & que par-là ils foient portés à fe reconnoître, ils font retranchés de la Communion extérieure de l'Eglife, tant qu'ils perféverent dans leurs péchés, & jufques à ce qu'ils aient donné à l'Eglife des preuves de leur converfion, Que s'ils ne le font jamais, & qu'ils continuent à être impénitents, & meurent dans cet état, c'eft une marque certaine qu'ils n'ont jamais été vraiment fideles. On ne peut rien defirer de plus formel, ni qui faffe mieux connoître jufques

(f) Et cum illud certò non poffit fciri, quando excommunicantur; propterea non excluduntur abfolutè ex regno Chrifti, fed hac conditione tantum, nifi refipifcant. Et ut peccata fua rectè difcant agnofcere, & de his erubefcere, & fic ad veram pœnitentiam reducantur, arcentur ab externa Eccle

fiæ communione, quamdiu in illis peccatis pergunt, & donec converfionem fuam Ecclefiæ probent. Quod fi nunquam faciunt, fed pergunt effe impoenitentes, & moriuntur ita, hoc ipfum eft certum argumentum eas nur quam fuiffe verè fideles.

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