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qu'ils ne parlent pas feulement de la foi en général, mais en particulier de III. la foi de ceux qui commettent les crimes que les Remontrants avoient C LA §. foutenu ne pouvoir fubfifter avec la foi. Or le Miniftre dont nous exa- No. VI. minons les Réponses, prétend, que c'eft feulement quand la foi eft languiffante, ou qu'elle fouffre quelque fyncope, qu'il peut arriver que les fideles commettent des péchés énormes. Il eft donc certain, felon les Calvinistes, que la vraie foi, lors même qu'elle eft languiffante & en fyncope, n'est jamais fans les bonnes œuvres, & fans les fruits de la charité de la régénération; parce qu'autrement ce ne feroit plus que la foi morte dont parle S. Jacques, qui n'eft qu'un vain. fantôme de foi; & on ne pourroit pas dire que l'efprit de la régénération fut dans ces fideles, parce que, dans ceux mêmes que le péché pouffe dans ces chutes, cet efprit n'eft jamais fans efficace, & fans leur faire produire des fruits de régénération. Or cela ne peut être que ces fideles, dont la foi eft en fyncope, ne foient affurés d'être juftifiés en Jefus Chrift, comme il eft aifé de le prouver par une autre maxime de leur Théologie, qui fe trouve dans leur Catéchisme, au Dimanche 20; où ils déclarent, d'une part, qu'il n'y a de bonnes œuvres faites par la grace, & agréables à Dieu, que celles qui font faites en foi; & où ils enfeignent, de l'autre, qu'afin que de bonnes oeuvres foient faites en foi, il faut que la perfonne foit affurée en fa confcience, que Dieu ne les examinera pas à la rigueur, mais, en couvrant les imperfec-, tions & macules par la pureté de Jefus Chrift, les tiendra comme parfaites: ce qu'il eft bien certain que Dieu ne fait, felon les Calviniftes, qu'au regard des juftifiés, qui font revêtus de la juftice de Jefus Chrift. Et par conféquent, nul ne peut, felon eux, agir en foi, ni faire aucune oeuvre agréable à Dieu, qu'il ne foit affuré en fa confcience, que Dieu le regarde comme étant juftifié & revêtu de Jefus Chrift.

Cette doctrine de leur Catéchifme eft prife de Calvin, qui enfeigne la même chose dans le livre quatrieme de fon Inftitution, chap. 13. nomb. 20. Nos bonnes œuvres, dit-il, ne font autrement bonnes, finon en tant qu'elles plaifent à Dieu, & ont ce témoignage de la confcience de l'homme, que = Dieu les accepte: car cette conclufion demeure toujours, que ce qui fe fait fans foi eft péché. En quoi S. Paul entend, que tout ce qui s'entreprend avec confcience douteuse, est vicieux, d'autant que la feule foi eft la racine de toutes nos bonnes œuvres; LA FOI, DIS-JE, PAR LAQUELLE NOUS SOMMES CERTAINS QU'ELLES SONT AGRÉABLES A DIEU. Or il eft indubitable, felon Calvin & tous fes Difciples, qu'il n'y a que les bonnes œuvres des régéné és que Dieu accepte & qui lui foient agréables; parce qu'il n'y a que les bonnes œuvres des régénérés dont il couvre les imperfections & les taches par la pureté de Jefus Chrift, comme il eft dit dans leur Catéchisme. Ecrits contre les Proteftants. Tome XIII.

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III. Et ainfi nul ne peut être certain que fes œuvres foient agréables à Dieu; CLA S. qu'il ne foit certain qu'il eft juftifié & revêtu de Jefus Chrift, & que c'est en Jefus Chrift que Dieu le confidere lui & fes oeuvres.

N. VI.

•Cameron

in Matth.

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Cameron explique de la même forte cette parole de l'Apôtre, Quidquid XVII. 14. non eft ex fide peccatum eft. LA FOI, dit-il, doit précéder tout ce qu'il y a de bien en nous d'où vient que l'Apôtre dit, que tout ce qui fe fait fans la foi eft péché; c'est-à-dire, qu'il faut que je fache que ce que je fais eft agréable à Dieu par fa miféricorde; ce que la foi feule peut faire, PARCE QU'EELLE NOUS APPREND QUE DIEU USE ENVERS NOUS DE MISERICORDE ET NON DE JUSTICE. Or je ne puis favoir, felon les Prétendus Réformés, que ce que je fais eft agréable à Dieu, que je ne fache que je fuis moi-même agréable à Dieu en qualité de régénéré; parce que, felon eux, toutes les actions généralement des non régénérés lui font défagréables, n'y ayant que les régénérés, envers qui il ufe de miféricorde & non de juftice. Je ne puis donc faire aucune bonne oeuvre que je ne fois affuré, de certitude de foi, que je fuis régénéré.

Les Auteurs des notes de la nouvelle Bible françoife prennent dans le même fens la parole de l'Apôtre, que tout ce qui n'est point de la foi eft péché: C'est-à-dire, difent-ils, tout ce qui eft fait fans que nous foyons en tiérement perfuadés que l'œuvre que nous faisons eft agréable à Dieu par Jefus Chrift: d'où ils concluent; qu'il y a toujours du péché en ce que font les infideles & les non régénérés.

Concluons donc que c'eft fans 'raifon que ce Miniftre nous a voulu faire croire, que, dans la Théologie des Calviniftes, la foi juftifiante, qu'ils difent demeurer en ceux qui commettent des péchés énormes, ne leur donne point l'affurance du falut: car je foutiens qu'il n'y a guere de démon tration de Géometrie qui foit plus convainquante que cet argument, qui n'enferme rien qui ne foit conftant parmi les Docteurs de cette fecte.

On ne fait point de bonne oeuvre qui foit telle devant Dieu, que quand on agit par foi, felon cette parole de S. Paul: quod non eft ex fide peccatum eft: & on n'agit par foi, felon le fens qu'ils donnent à cette même parole de l'Apôtre, que quand on eft entiérement perfuadé, que l'oeuvre que nous faifons eft agréable à Dieu par Jefus Christ.

Or je ne puis être entiérement perfuadé que l'œuvre que je fais est agréable à Dieu par Jefus Chrift, que je ne fois certain que je fuis juftifié, régénéré, enté en Jefus Chrift, & rendu participant de fon Efprit vivi fiant; parce que je fais que toutes les œuvres des non régénérés font défagréables à Dieu, & qu'il n'accepte que celles de fes enfants, qu'il s'eft adopté en fon Fils.

On ne peut donc faire aucune bonne œuvre, dans la Théologie des

Calviniftes, qu'on ne foit affuré qu'on eft justifié & enfant de Dieu: ce IIL qui enferme un droit infaillible à fon Royaume. CLAS. Et par conféquent, afin qu'il pût être vrai, que le fidele n'eft point N°. VI. . affuré de fa Juftification & de fon falut, lorsque sa foi est en état de syncope, il faudroit que, pendant tout ce temps-là, qui dure quelquefois, des années entieres, comme il a paru en David & en Salomon, la foi justifiante, que l'on suppose demeurer dans ce fidele, ne produifit aucun fruit de charité & de régénération. Or les Calviniftes foutiennent que cela ne peut être; parce que la foi, fans oeuvres, n'est qu'une foi morte, & auffi différente de la foi qui juftifie, qu'un corps mort d'un corps animé : d'où ils concluent, que, quoique les vrais fideles fe trouvent quelquefois, engagés en de grands crimes, ils ne font jamais entiérement deftitués des fruits de la charité & des bonnes œuvres.

C'est donc en vain que ce Miniftre a recours à de prétendues fyncopes de la foi, pour s'exempter de reconnoître, que ceux qui ont été une fois vraiment fideles, ne fauroient manquer d'avoir toute leur vie une entiere affurance de leur Juftification & de leur falut, lors même qu'ils commettent des crimes énormes, & qu'ils y demeurent des temps notables; puifqu'ils ne fauroient conferver la foi juftifiante, & l'efprit de régénération, comme ils prétendent qu'ils les confervent, nonobftant ces crimes, s'ils étoient entiérement deftitués des fruits de la charité; & qu'ils ne fauroient produire aucun de ces fruits fans agir par foi, ni felon eux, agir par foi, fans être aflurés que ce qu'ils font est agréable à Dieu par Jesus Christ; ni avoir cette afsurance, fans avoir celle qu'ils font revêtus de la justice de Jefus Chrift, & que c'eft en cette confidération que Dieu accepte leurs œuvres, & en couvre toutes les taches.

CHAPITRE VIIL

Que la réponse que le Miniftre a faite au cinquieme article n'est qu'un perpétuel déguisement. Qu'il détourne aux hommes en général ce qu'on n'a dit que des fideles, & qu'il fe fait honneur de quelques paffages de l'Ecriture, qui, dans la vérité, ruinent les erreurs qu'on leur a reprochées ; mais qui, dans leur Théologie, s'accordent fort bien avec ces erreurs au regard de ceux qui ont la vraie foi.

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Ous avons vu jufques ici, qu'encore que le Miniftre ait eu quelque honte d'avouer nettement & abfolument les quatre premiers articles qui lui avoient été propofés, la maniere néanmoins dont il y répond, découvre Ooooo

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III.

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affez, que, dans le fond, il eft obligé d'en demeurer d'accord, & qu'il CLAS. n'a nullement dégagé la parole que l'Avocat avoit donnée d'en apporter N. VI le défaveu. Mais, pour le cinquiemé, il en a ufé d'une autre forte: car il a tellement reconnu, que tous ceux qui ont quelque fentiment du Chriftianifine ne pourroient s'empêcher d'avoir de l'horreur de la doctrine qu'il contient, qu'il a cru, que le plus court, pour prévenir ce mauvais effet, étoit de nier hardiment que ce foit là leur opinion, & d'accufer de calomnie ceux qui la leur attribuent, C'eft donc ce qu'il faut examiner. Ils ont raifon de regarder ce qui leur eft imputé dans cet article, comme digne de l'exécration de tous ceux qui font profeffion de la Religion Chrétienne. Mais la queftion eft de favoir de quel côté eft la calomnie, où de celui de l'Auteur de l'article qui accufe les Calvinistes d'enseigner ce qu'il contient, ou de celui du Miniftre qui le nie.

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V. ARTICLE PROPOSÉ AU MINISTRE.

Que, quoiqu'ils commettent de ces crimes, (on parle des fideles) ils ne laiffent pas, dans le temps inême qu'ils les commettent, d'être enfants de Dicu, & d'être affurés de leur falut, d'une certitude de foi; & qu'ils doivent regarder comme des tentations tout ce qui les por teroit à en douter.

in.

RÉPONSE DU MINISTRE A CET ARTICLE.

5. Ils mettent tous au rang des calomnies, dont on les charge à tort, ce qu'on leur impute d'enseigner, que ceux qui commettent des crimes énor mes ne laiffent pas, dans le temps qu'ils les commettent, d'être enfants de Dieu, & affurés de leur falut, d'une certitude de foi.

EXAMEN DE CETTE RÉPONSE.

S'il fuffifoit de nier avec hardieffe les chofes les plus conftantes pour les rendre' douteufes, la confiance que témoigne ce Miniftre, en foutepant que lui & tous fes Confreres mettent au rang des calomnies, dont on les charge à tort, ce qu'on a fait voir évidemment être le fentiment commun & indubitable de toute fa fecte, feroit capable de renverfer tout ce qu'on a établi jufques ici, ou au moins de laiffer le monde en doute, s'ils enfeignent véritablement ce qu'on leur a imputé.

Mais on ne détruit pas, par une fimple négation & un vain reproche de calomnie, cent preuves incontestables. L'horreur que l'on tâche de don

III.

ner aux Calvinistes de leurs niéchantes maximes, pour leur rendre fufpecte toute leur prétendue Réformation, peut bien porter leurs Miniftres à les CLA S défavouer en apparence par la confufion qu'ils en ont. Mais fi cet air fier N°. VL & affuré, dont on accompagne ces défaveux fimulés, peut tromper les efprits foibles, il ne fauroit que caufer de l'indignation aux perfonnes intelligentes, qui doivent être fi perfuadés, par tout ce qu'on a dit jufques ici, qu'une des principales maximes du Calvinifme eft; Que ceux d'entre les fideles qui commettent des crimes énormes, ne laissent pas, dans le temps même qu'ils les commettent, d'être enfants de Dieu, & affurés de leur falut d'une certitude de foi, qu'il eft impoffible qu'ils regardent autrement, que comme une fauffeté manifefte ce que ce Miniftre ofe dire; que tous les Calviniftes mettent le reproche qu'on leur en fait au rang des calomnies dont on les charge à tort.

Il n'y a rien au contraire de plus évidemment calomnieux, que cette accufation de calomnie, qu'ils font fur ce fujet à leurs adverfaires. Car ce qu'on leur reproche comme une doctrine abominable contient deux points. L'un; que les fideles qui commettent des crimes énormes ne laiffent pas d'être enfants de Dieu dans le temps même qu'ils les commettent. L'autre ; qu'ils. ne laissent pas auffi d'être affurés de leur falut d'une certitude de foi.

point de

doctrine art. 4.5. &

Or, pour le premier point, comment les Calviniftes pourroient-ils dire fincérement, qu'ils le mettent tous au rang des calomnies dont on les charge contre la vérité, eux qui en ont toujours fait un point capital de leur Réformation, & qui l'ont établi par une décifion expreffe dans le Synode de Dordrecht, dont tous les Miniftres de France ont embraffé la doctrine, Synode de & juré folemnellement de la foutenir? Car n'eft-ce pas enfeigner que les Dordrecht fur le 5. fideles qui commettent des crimes énormes, ne laiffent pas d'être enfants de Dieu dans le temps même qu'ils les commettent, que de décider, d'une part; comme a fait ce Synode général des Prétendus Réformés, que les vrais fideles, peuvent être emportés en des péchés grands & atroces; in peccata etiam gravia & atrocia abripi poffunt, & que, par ces péchés énormes ils offenfent Dieu griévement: talibus enormibus peccatis graviter Deum offendunt, & de foutenir, de l'autre, que Dieu ne fouffre jamais qu'ils perdent, par ces chutes, la grace d'adoption & Pétat de la régénération: Neo eos Deus eò ufque prolabi finit, ut gratiâ adoptionis, ac Juftificationis Atatu excidant: car fi, dans le temps qu'ils commettent des péchés énormes, ils ceffoient d'être enfants de Dieu, ils feroient donc privés, pendant ce temps-là, de la grace de l'adoption, & de l'état de la Juftification; ce que ce Synode prétend n'arriver jamais?

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Et pour le fecond point: Qu'ils ne laiffent pas auffi d'être affurés de leur Salut, d'une certitude de foi, pendant qu'ils font engagés en des passions

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